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Dieux! quelle main impie, en forgeant la première
D'un acier innocent une arme meurtrière,
Fit un art de la cruauté !

Son ame n'a jamais connu l'humanité;

Son cœur n'a de l'amour jamais senti les charmes.
Quelle aveugle fureur égarait donc ses sens?
Le barbare aux plaisirs préférer les alarmes ;
Aux attraits d'une amante, à ses tendres accens,
Dun féroce ennemi les discours menaçans!
Aux combats, cher Phylène, ah!. renonce de grace.
Mais enfin, pour ton cœur,
s'ils avaient des appas?
L'Amour a ses drapeaux, ses guerriers, ses soldats,
Ses diverses saisons, sa chaleur et sa glace.
L'amant a besoin d'art, de génie et d'audace.
L'Amour n'a-t-il donc pas ses piéges séducteurs,
Ses attaques et ses retraites,

Et ses assauts et ses défaites,

Ses triomphes sanglans, sa paix et ses fureurs ?
Mais ses fureurs sont passagères;
Mais sa paix réjouit nos cœurs;

Mais ses victoires toujours chères,

Plaisent également aux vaincus, aux vainqueurs.
Ses peines même... Ciel ! qu'entends-je ? la trompette
Fait retentir ses sons guerriers :

Pourquoi me fuir? ingrat, arrête!

Je ne veux point te ravir tes lauriers.
Un seul regard! cours ensuite à la gloire;

Mais, pour sauver les miens, ah ! conserve tes jours,
Et sur l'aile de la Victoire,
Revole fidèle aux Amours;

Sur-tout, sensible aux maux de celle qui t'adore,
N'importe les lieux où tu sois,

Cher amant, redis quelquefois :

Mon Yrène,vit-elle encore?

Auguste DE LABOUÏSSE.

LA RENCONTRE EN ENFER,

CONTE.

UN Financier de haute classe,

Après avoir long-temps fait du mal et du bruit,
Franchit enfin le redoutable espace

Qui sépare le jour de l'éternelle nuit.

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A son décès, Satan le happe,
Sur son livre il étoit inscrit.
En descendant sous l'infernale trappe,
Le premier objet qui le frappe

Est un cocher dont il avait fait cas....

Eh! c'est toi, mon pauvre Thomas....

Quoi! c'est vous, mon cher maître, en ce tripot du diable;
Quel crime avez-vous donc commis?

Vous étiez si bon, si traitable....

....

Hélas! c'est mon coquin de fils

Qui de mon malheur est la cause;

Je vais, en peu de mots, te raconter la chose.
Je l'aimais, j'en voulais faire un très-grand seigneur ;
Les plus pénibles sacrifices,

Je les faisais à son bonheur.

Je réussis enfin, à force d'injustices;
Je volai, je pillai m'en voilà bien puni.
Mais à ton tour, mon pauvre ami,
Raconte-moi donc ton affaire;

Loyal et franc je t'ai connu jadis ;

Pourquoi te trouves-tu dans ce lieu de misère?... .... C'est pour avoir, monsieur, fait ce coquin de fils. Par F. DEVENET.

ENIGM E.

LORSQUE la nature sommeille

On voit paraître mes beautés ;

Aux champs que le jour a quittés,
Je suis la petite merveille.

Ya

Mon éclat n'est point emprunté :
Sur la terre, je suis un astre
Qui ne prédit aucun désastre.
De me saisir on est tenté.
Ma lumière croît, diminue;
Souvent, quand on veut m'approcher,
Je sais me cacher à la vue,

Et l'on ne sait où me chercher.

LOGO GRIPH E.

FILLE de la nature et quelquefois de l'art,
Je suis ou simple ou composée ;

M'insinuer partout est pour moi chose aisée.
Je suis pâle souvent, mais souvent j'ai du fard.
On me prend, on me donne, et, par mon caractère,
Je suis légère, forte, ou douce, ou bien amère;
Suivant tes goûts, lecteur, choisis :
J'échauffe quelquefois, souvent je rafraîchis.
En détail il est temps de me faire connaître.

Dans les sept pieds qui composent mon être,
On trouvé trois pronoms, une disjunction,
Trois mots italiens, deux termes de musique,
L'expression qui plaît à l'acteur dramatique,
Un objet nécessaire à la construction,

Du cœur la qualité première ;

Et pour finir enfin par un trait de lumière,
La montagne de Dieu.

:

Lecteur, tu me tiens adieu.

CHARADE.

Par H. B..

MON premier de ce globe est un des élémens ;
Mon second d'un docteur rehausse les talens;
Pour mon tout les Païens faisaient fumer l'encens.

9

Le mot de l'Enigme du dernier N° est les dents. >

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Celui du Logogriphe est Poison, où l'on trouve oison, pis, pin.

Celui de la Charade est Sain-doux.

1

OEUVRES PHILOSOPHIQUES, HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES DE D'ALEMBERT, membre de toutes les Académies savantes de l'Europe (1). (II Extrait.);

AVANT

VANT d'analyser le Discours préliminaire de l'Encyclopédie, nous croyons nécessaire, pour mieux nous faire comprendre, de présenter quelques réflexions sur cette folle entreprise, et sur le siècle qui l'a vu naître.

Lorsque l'Académie française traça le premier plan de son Dictionnaire, elle crut devoir en écarter les mots de sciences et d'arts, afin de ne pas tomber dans des définitions qui seraient trop longues si elles expliquaient tout, et qui deviendraient inutiles si elles n'expliquaient pas assez. Chaque art, chaque science, chaque profession a un langage qui lui est propre; et quoique chacun de ces langages entre pour quelque chose dans l'ensemble de notre langue, on ne peut pas dire cependant que celui qui ignorerait une partie des termes consacrés par les savans, les théologiens, les hommes de loi, les artistes et les ouvriers, ne connaîtrait point la langue française. Dans la préface des Plaideurs, Racine parle du langage adopté au Palais, et convient qu'il n'a retenu d'un malheureux procès que quelques mots barbares propres à faire frissonner les hommes de goût. A coup sûr, Molière ne sentit le besoin de connaître les expres

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(1) Cet ouvrage annoncé par souscription, et tiré à un petit nombre d'exemplaires, aura 15 vol, grand in 8°. Les trois premiers volumes ont paru avec exactitude, chez Pelletier, à l'imprimerie de Boiste, rue Hautefeuille, no. 21; Arthus Bertrand, libraire, quai des Augustins; le Normant, rue des Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, et à Bordeaux, chez Melon et compagnie.

sions consacrées en médecine, que lorsqu'il voulut tourner les médecins en dérision; et il est probable que Bossuet, entrant dans une imprimerie, n'aurait pu donner à chaque partie mécanique de cet art le nom d'usage entre les ouvriers qui l'exercent. Dira-t-on que Bossuet, Racine et Molière ne connaissaient pas la langue française ? L'Académie agit donc sagement en écartant de son Dictionnaire ce qu'il n'est pas utile à tous de savoir pour écrire ou pour comprendre les ouvrages de raisonnement et d'imagination. D'ailleurs les hommes qui composaient alors ce corps illustre, sans croire au système moderne de perfectibilité, savaient fort bien que les sciences et les arts mécaniques peuvent toujours faire des progrès, et ils n'ignoraient pas que les progrès dans les sciences et dans les arts amènent souvent de grands changemens dans le langage adopté par les savans et les artistes. On peut consulter les ouvrages de chimie faits il y a un siècle, et les comparer à ceux qui donnent le ton maintenant; ou, si on le préfère, on peut lire l'ouvrage d'Economie politique fait hier, et le rapprocher de celui qui parait aujourd'hui, pour se convaincre que les expressions particulières à une science ne sont jamais assez généralement reçues, assez sûrement fixées, pour les admettre dans le dictionnaire de la langue d'une nation. Ces réflexions simples guidèrent l'Académie dans son travail; et le parti qu'elle prit d'éloigner les mots techniques fut si bien approuvé du public que l'on continua d'appeler pédans ceux qui transportaient dans la conversation, ou dans les ouvrages de raisonnement et d'imagination, les termes consacrés aux sciences, aux arts et aux métiers. En jugeant d'après ces principes, combien de pédans on compterait aujourd'hui, à commencer par les grands faiseurs de l'Encyclopédie, qui fondèrent leurs pré

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