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(No. CLXXXIX.) 27 PLUVIOSE an 13. (Samedi 16 Février 1805.)

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MERCURE

DE FRANCE.

LITTÉRATURE.

POÉSI E

ROMANCE NOUVELLE.

Ah! ego non aliter tristes evincere morbos
Optarem, quàm te sic quoque velle putem,
Je vois en vain le doux printemps
Venir égayer la nature,

Et rendre aux forêts leur verdure,
A l'air, ses légers habitans.

De plus en plus mon teint se décolore;
Je sens décroître ma vigueur,
Et de mes yeux s'augmenter la langueur
Avec le mal qui me dévore.

Excepté moi, chacun sourit
A l'aube-épine qui bourgeonne,
Où déjà Philomèle entonne

Un chant qui plus ne m'attendrit.
Hélas! des fleurs dont se pare la plaine,
Qu'importent l'éclat radieux

Et le parfum, à moi de qui les Dieux 'Ont ordonné la mort prochaine !

Bb

Le souffle embaumé du Zéphir,
Les jeux, les danses du village,
Des arbres le nouveau feuillage,
Ne me donnent aucun plaisir.
Bientôt sera mon urne couronnée

Des longs et flexibles rameaux
De ces cyprès qui, parmi les tombeaux,
Seuls verdissent toute l'année.

Mes yeux, en se fermant au jour,
Ne verseront pas une larme :

Que dis-je ? insensé !.... Le doux charme
De mes travaux, de mon séjour,
Ma jeune vigne et mon champ si fertile,
Comment ne pas les regretter?

Sans peine aussi pourrai-je te quitter,
A ma voix troupeau si docile ?

Et vous, qu'à moi depuis long-temps
Attache une amitié sincère,

Dont l'ame, aux vices étrangère,
Nourrit les plus purs sentimens,
De Mélibée, à son heure suprême,
Si vous recevez les adieux

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Ses longs soupirs et les pleurs de ses yeux
Vous apprendront comme il vous aime.

Du terme prochain de mes jours,
Fausse peut-être est l'apparence;
Ah! livrez-vous à l'espérance

De voir se prolonger leur cours;
Et, pour qu'aux Dieux j'en fasse la demande,

A ma prière, mes amis,
Assurez-moi que la belle Zulmis

Joindra ses vœux et son offrande.

J. G. L. DE SAINT-LÉGIER, ancien officier d'infanterie.

PLUVIOSE AN XIIL

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94519

L'EXCUSE.

TRADUCTION DU MÉTASTASE.

LAURE, pardonne-moi : je ne saurais comprendre
D'où naît ton injuste courroux.

Qu'ai-je dit, qu'ai-je fait?... Daigne au moins me l'apprendre!
J'ai dit que je t'aimais de l'amour le plus tendre';
Je t'ai donné tous les noms les plus doux."'
Est-ce un crime si noir, est-ce un crime capable
D'irriter à la fois une belle et les Dieux ?
S'il suffit de t'aimer pour devenir coupable,
On l'est, auprès de toi, dès que l'on a des yeux.
Est-il un homme, & trop charmante Laure!
Qui résistant à tes appas,
Te voie et ne t'adore,

Te parle, et ne soupire pas ?

Quand tu l'auras trouvé, gronde-moi bien encore !
Mais, parmi tant de gens dignes de ta rigueur,
Pourquoi, contre moi seul, pourquoi cette fureur ?
Cruelle ! est-ce ma faute, à moi, si tu sais plaire?
Dépouille une vaine fierté,..

Apaise-toi reprends, ah! reprends ta beauté !
Tu ne sais pas le tort que lui fait la colère.
Pour en juger, il suffit de te voir.:

Dans ce liquide et fidèle miroir.

Te trompé-je? est-il vrai? dis-moi si j'exagère?
Oh! combien ces emportemens,

Ce noir dépit et ce regard farouche,,

Cet air d'humeur qui change et tes yeux et ta bouche,
Font disparaître d'agrémens !

Si te répéter que l'on t'aime,

Si te nommer mon bien suprême,

Est un outrage affreux dont tu dois te venger ;

Eh bien! outrage-moi de même!

Bba

Je te permets de m'outrager.

'A tout souffrir de toi je suis prêt à souscrire. Mais quoi ce mot te fait sourire!

O souris enchanteur! ô souris ravissant !

Vois quel charme nouveau sur toi vient se répandre ! Si d'un souris l'attrait est si puissant,

Quel serait donc celui d'un regard tendre?
Daigne en faire l'essai, ne fût-ce qu'un moment,
Et dans cette onde encore consulter ton image;
Tu connaîtras bientôt l'effet du sentiment;

Et jamais, de ton front serein et sans nuage,
On ne verra l'éclat obscurci par l'orage.

KÉRIVALANT.

ANECDOTE.

UN de ces embarras dans Paris trop fréquens,
Un jour, fait de Damon arrêter la voiture;
Arrive dans la sienne, en cette conjoncture,

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Une harpye à cheveux blancs,

Et dont les traits hideux, vrai masque de furie,
Annonçaient la méchante humeur.

L'embarras cesse, et jaloux de l'honneur,
Son cocher veut passer; celui de Damon crie,
Jure, fouette, et les rivaux

A l'envi l'un de l'autre excitent leurs chevaux.
Exhalant sa fureur, notre vieille s'enroue,
Quand l'essieu de Damon vient accrocher sa roue.
D'un éclat que jamais il n'avait possédé,
La rage fait briller son front jaune et ridé;
Et ne pouvant souffrir un tel excès d'audace,
Sa main en vingt morceaux a fait voler la glace;
Damon baisse la sienne; on l'accable aussitôt
D'injures qu'il reçoit sans proférer un mot

Le torrent écoulé, Damon a la parole,

Et dit à cette vieille folle :

Il fallait plutôt vous montrer;

Et sur-le-champ, je vous assure

Que chevaux et cocher, maître, laquais, voiture, Votre aspect seul, madame, eût fait tout reculer.

ENIGM E.

BIEN que je sois de tous métaux,
Valant beaucoup, fort peu je vaux.
Ah! quel plaisir! je suis louée ;
Ah! quel chagrin ! je suis huée.
Je suis de drap, de toile, et puis
Je suis de bois; de tout je suis.
Je suis grande, et je suis petite;
Je suis bien, je suis mal écrite.

Je suis de toutes les couleurs;
Je suis de toutes les valeurs.
Quoique très-dure, on me chiffonne;
A volonté l'on me façonne.
On me déchire et l'on me rompt,
On me brûle ou bien l'on me fond.
Cher lecteur, ici je m'arrête,

Car à me nommer on s'apprête.

Par M. FINART, à Bayonne.

LOGO GRIPHE.

A tes yeux quelquefois vile avant que de naître,
Si je plais, à l'art seul je dois ce que je suis;
Quelque part où le goût me force de paraître,
J'ai toujours l'heureux don de charmer les ennuis.
Mon sein loge un captif que tu chéris peut-être :

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