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Enfin, Egiste, de retour, ou d'un voyage de la campagne, arrive sur la scène, est saisi par Oreste, qui seul l'entraîne, sans défense, au coupe-gorge.

Cette tragédie offre des situations vraiment théâtrales, et je crois, avec Dacier, en remontant au siècle de Sophocle et aux spectateurs de son temps, que ce spectacle dut mériter de nombreux applaudissemens.

Cette pièce contient 1644 vers.

SPECTACLE S.

N. L.

THEATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE
(ci-devant Feydeau).

Fernand ou les Maures.

:

Le mélodrame a heureusement fait une tentative infructueuse pour s'avancer du Boulevard à l'Opéra -Comique : de là il n'y a qu'un pas à la rue de Louvois et au grand Opéra, qui touchent à la Comédie française. Quand le mélodrame eut achevé ces conquêtes, le petit vaudeville ne lui eût pas résisté, et il se fût trouvé en possession de la monarchie universelle les barbares eussent usurpé le domaine du génie, et, à la place des traits sublimes, passionnés, comiques, de Corneille, de Racine et de Molière, nous eussions eu la lanterne magique, des tremblemens de terre, le chaos, la création, la fin du monde ; et les décorateurs eussent été bien plus nécessaires que les poètes, 'dont on aurait même pu se passer, à la rigueur. Du moins les auteurs, délivrés de l'embarras du plan, n'auraient eu à s'occuper que de la dimension de leurs drames ; ils eussent réalisé le conte (si c'en est up) qu'on a fait de Lemierre, qui, ayant été trouvé un jour avec un air très-préoccupé sur la

scène française, et interrogé sur ce qu'il y faisait, répondit qu'il prenait la mesure d'une tragédie. On sait qu'il lui fallait beaucoup d'espace pour ses coups de théâtre.

Il n'est pas sûr néanmoins que la défaite des Maures retienne le mélodrame dans ses limites: les ouvriers en ce genre pourront aisément se flatter de faire moins mal. Ce ne sont pas les matériaux qui ont manqué à celui qui a maçonné cette nouvelle pièce ; il en avait assemblé suffisamment pour bâtir un ou même deux drames en 5 actes: cette abondance lui a été nujsible; il a tout entassé; rien n'est ordonné, ni développé.

Dom Gusman défend les Asturies contre les Maures. Il a trouvé autrefois un enfant abandonné, dont il a pris soin, qui est devenu un héros, et qui est l'amant de sa file. I} l'avait promise à Zamire; mais ce dernier a disparu dans une bataille; on le croit mort, et le père annonce qu'il va unir les deux jeunes amans.

Arrive un trouble-fête qui apprend à Fernand qu'il est fils d'un renégat nommé Pizarre, devenu l'auxiliaire et le général des Maures, et vaincu tout récemment par son fils même. Celui-ci plante là sa future, quoique très-empressée d'arriver à la conclusion de son mariage, et va trouver son père. Le premier objet qui s'offre à lui, est Ramire son rival, qu'on menait à la mort. Il sollicite généreusement sa grace et l'obtient. Un moment après il se donne une bataille on vient lui apprendre que son père, battu une seconde fois, est au moment de périr. « Nature, s'écrie-t-il, >> tu l'emportes!» et il court le sauver. Ensuite il le presse de rentrer dans le devoir. Pizarre, après quelques façons, se rend. Tandis qu'il va se jeter aux pieds du roi, son fils retourne vers don Gusman; mais pendant son absence, il avait été condamné à mort comme déserteur, et son futur beau-père avait présenté Ramire à sa fille, qui s'était

trouvée fort empêchée. Ramire, comme de raison, saure le jour à son libérateur, et lui cède en outre la belle Elvire.

Ce roman n'eût pas été sans intérêt, s'il avait été bien écrit et bien filé; mais l'auteur ne paraît pas avoir plus l'habitude d'écrire que l'entente du théâtre. On a cru d'abord vers blancs, tant il en avait semé ce n'était que de la prose,

que son opéra était en dans son dialogue : quelquefois incorrecte et trop souvent boursoufflée. Les acteurs se sont trouvés un peu dépaysés dans la haute région où on les avait placés. Chénard, qui s'acquitte si bien des rôles à manteaux, a fait rire avec sa cuirasse et ses grands airs: il jouait Pizarre. Madame Scio représentait Elvire. Si elle n'a pas mis une grande énergie dans son jeu, c'est qu'il n'y en avait guère dans son rôle. Cependant lorsqu'ayant achevé sa toilette de noce, et s'étant rendue au sallon pour aller à l'autel, on lui dit que l'amoureux est décampé, elle se trouve mal de la meilleure grace du monde. Gavaudən jouait le héros de la pièce. Il a fait de grands et d'inutiles efforts pour la soutenir : elle est tombée assez doucement, après avoir été écoutée avec patience et sans aucune interruption. La musique a été jugée encore plus mauvaise que le poëme elle était si peu en consonance avec les pa

roles, que dans une ariette où l'on disait :

Les Dieux ont placé le bonheur

Entre l'amour et l'innocence,

l'air était très-sévère, et l'acteur très-refrogné, quoiqu'il n'y eût là rien qui dût fâcher personne.

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Les Femmes colères.

Aux approches du Carnaval, ce vaudeville peut passer

pour une pièce de circonstance. Donné sous le titre modeste de Divertissement, il ne le remp'it pas mal; on y rit d'assez bon cœur presque d'un bout à l'autre. D'abord ce sont des traits ingénieux qui font seulement sourire; ensuite, un bavardage, une cacophonie, un charivari, qui excitent une gaieté plus vive et plus bruyante. Molière a donné l'exemple de mêler des farces à des comédies, niême à des comédies excellentes qui eussent très-bien pu s'en passer, et qu'on joue toujours dans la saison consacrée à la joie et aux plaisirs. Il est vrai que ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. La parade des Femmes colères n'est pas aussi burlesque que celle du Bourgeois gentilhomme, ou du Malade imaginaire, et n'excède pas ce qui est permis et usité dans les parodies.

Les Femmes colères en sont une véritable, dont l'objet est de railler doucement l'uniformité ou la grande conformité des pièces données à plusieurs théâtres sur un sujet, que le Vaudeville avait le premier traité dans Honorine, l'une de ses plus agréables bagatelles.

C'est ici une innovation. Jusqu'à présent on n'avait parodié

que des tragédies ou des opéras. Il semble que les fournisseurs du théâtre de la rue de Chartres, en s'attaquant aux auteurs comiques, tirent en quelque sorte sur leurs propres troupes. Il y a si peu de différence d'un opéracomique ou de la plupart des petites pièces à un vaudeville!

L'intrigue des Femmes colèrcs est, comme on s'y attend bien, fort peu de chose. Ce genre de mérite n'est pas celui qu'on exige d'une parodie; on y veut de l'esprit, et il y en a dans celle-ci. Arlequin, au noment d'épouser Colombine, témoigne son inquiétude à Cassandre, son futur beau père, sur l'humeur violente de sa fille. Si elle est dit-il, aussi emportée la veille de ses noces, que sera-ce le

lendemain? Cassandre trouve sa prévoyance excessive, et prétend que peu de mariages s'accompliraient

Si le mari savait la veille

Tout ce qu'il sait le lendemain.

Au reste, il lai enseigne un moyen de guérir sa femme « c'est de faire en une h ure plus de bruit qu'elle n'en

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-

- C'est difficile.

Cependant

» saurait faire en un jour. » depuis les Spartiates... Bah! bah! c'est renouvelé des » Grecs. >> Pierrot arrive, et raconte un vacarme effroyab e de Colombine. Elle a voulu lui donner un soufflet; il s'est baissé le coup a porté sur un Magot de la Chine trèsprécieux, qui s'est cassé. De rage, elle a tout brisé dans l'appartement, Cas andre désolé : « Pourquoi diable aussi t'es-tu baissé ? » Ce trait ne serait pas indigne de la bonne comédie...

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Le métier d'Arlequin est d'accorder des instrumens. Trois jeunes femmes aussi fougueuses que celle qu'il doit épouser, lai envoient à raccommoder leurs harpes qu'elles ont brisées dans un accès de fureur. S'impatien tant de ne pas les ravoir assez vite, elles viennent les chercher chez l'o vrier: là elles se querellent, se raccommodent, se brouillent de nouveau, et font an sabbat enragé. Elles racontent comment elles ont été corrigées de leur vivacité par leurs maris; on voit quel est leur amendement. Une d'elles, ou une quatrième, si je ne me trompe, se vante d'avoir corrigé le sien, en feigeant d'être plus violente que lui. Un galant interlocuteur, survenu au bruit, dit-« que les » femmes n'ont d'autre défaut que ceux qu'elles feignent >> d'avoir, »> La correctrice reprend : Après cela c'était » un calme, une tranquillité, je crois que je l'ai trop Le tapage recommençant entre ces dames Cassandre va chercher leurs maris. Ils se rangent d'un côté, les femmes de l'autre, comme pour une bat.ilt on dispute,

» corrigé.

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