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où personne ne le connaît, excepté sa maîtresse, et où il ne connaît qui que ce soit; ce qui est en vérité fort extraordi naire. Il en résulte des quiproquos qui ne le sont pas moins! Verseuil est pris par lui pour l'oncle, ensuite l'oncle pour Verseuil. Ce petit imbroglio forme toute la trame de l'intrigue.

L'officier, comme de raison, se propose de tuer son rival. Celui-ci n'est point alarmé de la menace. Mais il ne veut pas se rendre malheureux lui-même en faisant le malheur de deux jeunes amans: il cède sans nulle peine Julie au militaire, qui se trouve être son cousin.

On a demandé les auteurs. Celui des paroles n'a pas voulu se faire connaître. Je crois qu'il a eu raison ; car, outre que les acclamations étaient assez faibles, son ouvrage est tout au moins médiocre. Grace à la finesse de mademoiselle Desbordes, à la brillante légéreté d'Elleviou, on a tout écouté avec patience; mais on ne peut pas dire avec plaisir.

La musique est de M. Spontini, qui l'a refaite, dit-on, presqu'entièrement. On l'a plus goûtée que les paroles. Il a été nommé avec le premier auteur, M. Lefay, acteur de l'Opéra de Lyon, et dont on a conservé un air ou deux.

THEATRE DE L'IMPERATRICE.
(Rue de Louvois. )

Les illustres Voyageurs, ou le Menuisier Livonien, comédie en trois actes et en prose, de M. Duval.

Le projet de mettre toute l'Histoire en drames n'est guère plus sensé que celui de la mettre en madrigaux. Si malheureusement on l'avait conçu dans le 17° siècle, nous n'aurions peut-être pas aujourd'hui une seule bonne pièce de théâtre. La facilité du succès en ce genre eût séduit tous les écrivains dramatiques. Il n'y a qu'à ouvrir un livre d'histoire; il est plus facile d'y tailler un drame, sur-tout en prose, que de faire une douzaine de vers passables. En huit jours on aurait composé

un joli drame de chacune des tragédies de Racine, qui lui coûtaient des années de travail, et un auteur laborieux aurait pu aisément en donner un millier ou deux dans le cours d'une vie ordinaire. J'avoue, pour le dire en passant, que je ne puis croire que des centaines de pièces composées à ce qu'on nous dit par un seul écrivain de l'antiquité, fussent autant de chefs-d'oeuvre: la plupart ne devaient être que des

ébauches.

On ne peut pas aussi appeler d'un autre nom celle que M. Duval vient de faire jouer à Louvois. Il aurait dû au moins la donner avant son Tyran Domestique, dont le genre et la composition sont d'un ordre bien supérieur. Il est pénible de voir le talent rétrograder.

Le menuisier, Charles Scawo 1ski, est, dit-on, un personnoge historique. C'était un frère de la fameuse Catherine, épouse de Pierre I". Il vivait dans une auberge de Livonie. L'auteur y fait trouver une Eudoxie qu'il suppose fille de Mazeppa, chef des Cosaques. Cette jeune personne partageait avec l'hôtesse les soins domestiques, et cachait son nom parce que son père ayant déserté le parti du czar, était devenu odieux à ce monarque. Ce Mazeppa fut réellement l'Hetman des Cosiques, et avait quitté les drapeaux de la Russie, lorsqu'il avait eu la fantaisie de devenir leur roi. Il avait quatre-vingt-quatre ans quan l elle lui prit. Ce rêve ambitieux pensa finir par la polence. Mazeppa y fut même attaché en effigie. L'ambition de ce Cosaque vient à l'appui d'une pensée de je ne sais quel philosophe, qui d'abord paraît presque extravagante, et qui au fond est très-vraie : « La plupart des hommes, dit i', ne semblent pas réellement » persuadés qu'ils doivent mourir. »

Le czar a découvert la retraite de son beau-frère; et en revenant de France, il passe par le village qu'il habitait. Il y trouve sa femme. Le jeune menuisier aimait Eudoxie, Il va sans le dire qu'il est payé de retour. Des seigneurs de la suite de Pierre s'étant perinis avec elle des manières un peu trop lestes, l'amoureux s'est fâché, a voulu se battre.

On l'a traité avec mépris ; il s'est emporté. Pierre s'amu:e à lui faire faire son procès par un bridoison de l'endroit. Mais bientôt Catherine reconnaît son frère, et le procès est fini. Il restait à conclure le mariage des amans. Le czør ayant goûté la petite Eudoxie, on croit que rien ne s'y op-. posera. Point du tout; dès qu'il apprend quel est son père,` il entre dans des convulsions de rage, et demande où il· est, avec l'air de vouloir, pour ainsi dire, le dévorer. Il est mort, répond en tremblant sa fille. Ce mot de situation, qui produit beaucoup d'effet, désarme à l'instant le monarque, et tout s'arrange.

Les drames sont presque tous intéressans; c'est souvent leur seul mérite. Celui-ci fait exception; et cela parce qu'il n'y a pour personne aucun danger, ni aucun obstacle au bonheur des anians; car la fureur inopinée du czar, qui ne dure qu'une seconde, ne peut causer aucune inquiétude. Le frère Charles, d'ailleurs, étant reconnu à la fin du second acte, on ne peut plus même concevoir quel intérêt peut se trouver dans le troisième : c'est cependant celui qui a paru en ffrir davantage; mais ce n'en était, à vrai dire, que l'apparence. C'était plutôt du bruit qu'un véritable intérê'.

Ce drame est excessivement vide. L'hôtesse de l'auberge n'y fait rien, non plus qu'un usurier juif qui paraît dans deux scènes, et toujours sans résultat, comme sans néces– sité. Catherine est inutile aussi, le czar étant par lui-même dans les meilleures dispositions à l'égard de son frère. Le bridoison est une très-mauvaise copie de celui de Beaumarchais. Ce dernier paraît peu. L'autre est toujours en scène, et il s'en faut beaucoup que sa bétise soit toujours amusante. En voici quelques échantillons: — « Un étranger; » ai-je dit, c'est quelqu'un qui voyage. La pro>>tection des lois doit protéger tout le monde. Les » moyens violens sont toujours extrêmes. » Quelquefois néanmoins sa cupidité est amusante. Il croit le czar, qu'il ne connaît pas encore, compromis dans l'affaire de Charles. «Vous êtes riche, lui dit-il, voyens comment vous vous

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» tirerez de là.» Un autre mot très-comique de ce juge . n'ayant pas été compris, a été sifflé. Il dit à l'accusé qui se justifie, et dont il n'attendait qu'une confession du délit : « Taisez-vous et répondez. » Mais ces traits sont rares, et ce juge à fait siffler une grande partie des deux premiers actes: Eudoxie n'a rien qui la distingue d'une foule d'autres filles ingénues. Mademoiselle Adeline a été excellente dans ce rôle. Clauzel a trop eu dans le sien les manières d'un jocrisse. Il y a cependant des scènes où il a fait grand plai sir. Le czar ne dit que des choses très-communes; par exemple, en parlant de son beau-frère, dont il fait un grand seigneur : « Je ne descends pas jusqu'à lui ; je l'élève » jusqu'à moi. » Quelquefois il en dit qui sont outrées. « J'aurais, s'écrie-t-il, donné une de mes provinces pour >> trouver ici un juge équitable et ferme. » On prétend que ce prince s'était écrié à la vue du tombeau de Richelieu : >> Que n'es-tu venu de mon temps et en Russie ! je t'eusse » donné la moitié de mon royaume, pour m'apprendre à » gouverner l'autre. » C'est beaucoup; mais donner une province pour avoir un bon juge dans un village, c'est se montrer follement libéral. Vigny, accoutumé à des rôles goguepards, avait peine à prendre les airs d'un souverain, et donnait de grandes envies de rire en faisant un personnage qui n'est pas risible. Il s'est néanmoins fâché trèssérieusement, et a eu alors une physionomie tragique.

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L'auteur (ou plutôt l'administration) était en force dans le parterre. Son parti, très-arrogant, l'a demandé, et on l'a nommé, malgré une assez nombreuse opposition. Par un étrange contraste on a cabalé aux Français contre son Tyran, qui est une pièce estimable, et à Louvois, pour son Menuisier, qui n'est pas digne de lui.

ANNONCES.

Géographie du premier age; par L. B. B. Lefortier, membre du jury d'instruction publique, et directeur d'une école secondaire, à Parts. Seconde édition, augmentée d'un dépouillement de la Mappe,

monde, d'un précis des productions de chaque département, d'un ta bleau des édifices de Paris, et d'un énoncé des statues du jardin des Tuileries. 96 pages d'impression. Prix: 75 c. broché, et i fr. par la poste; go c. relié.

A Paris, chez le Normant, imprimeur-libraire, rue des Prêtres Sint-Germain-l'Auxerrois, no. 42 ; Gosset, libraire, Palais du Tribunat, galeries de bois, no. 254; Nyon, place de la Monnaie. Les Révélations d'un Proscrit, poëme, avec cette épigraphe◄ «Qui peut trouver le calme où le pouvoir expire,

» Lorsqu'on est assemblé pour régler un empire » Dont le roi, plus d'un siècle, ordonna des destins >> De monarques puissans, et dangereux voisins? » (Epigraphe tirée de ce poëme.) In-8°. Prix: 30 cent., et 40 cent, par la poste.

A Paris, chez le Normant, rue des Prêtres S. Germ.-l'Aux., n. 42. Guide théorique et pratique d'un Actionnaire de la Loterie, rédigé d'après les principes de plusieurs géomètres, et les meilleurs auteurs qui ont traité cette partie; par J. F. Gardon. In-8°. Prix : 4 fr. 50 cent. franc de port, pour Paris et les départemens.

A Paris, chez l'Auteur, gérant le bureau 62 de la Loterie, rue du Four Saint-Germain, près la Croix-Rouge.

Morceaux choisis des meilleurs Poètes français, désignés par la commission d'instruction pulique, pour la classe des belles-lettres des lycées. Un vol. in-12. Prix: 1 fr. 50 c., et 2 fr. par la poste. A Paris, chez madame Stoupe, veuve Richard, fibraire, rue Hautefeuille.

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Vies et Œuvres des peintres les plus célèbres de toutes les écoles; recueil classique, contenant l'Œuvre complète des peintres du premier rang, et leurs portraits; les principales productions des artistes de deuxième et trois ème classes; un abrégé de la vie des peintres grecs, et un choix des plus belles peintures antiques; réduit et gravé my trait d'après les estarupes de la Bibliothèque impériale et des plus riches collections particulières; publié par C. P. Landon, peintre. Chaque volume, de format in-4., contient, outre le texte, 72 planehes. Le prix de chaque vol. cartouné, et de 25 fr. Idem ca vélin, 37 fr.50 c. Idem in-folio vélin, 50 fr. En ajoutant 1 fr. 50 c. par vol. in-4°.. et 3 fr. par vol. in fol., on les recevra francs de port.

A Paris, chez l'auteur, quai Bonaparte, no. 23.

Le volume que nous annonçons contient la première partie de l'ŒEnvre de Raphel; il fait suite à l'Euvre du Dominiquin. Deux vol. in4.,qui ont paru précédemment. L'éloge de ce bel ouvrage se'tro ve 1out entier dans la lettre de M. Joachim Lebreton, secrétaire perpétuel de la classe des beaux-arts de l'Ins itut impérial, adressée à Féditeur. Tek.

«J'ai l'honneur de vous remercier, monsieur, au nom de la classe >>. des beaux arts de l'Institut, des trois volumes des Vies des peintres, que vous m'avez adressés pour elle. L'estime qu'elle fait de votre » talent et de votre persone, lui a rendu très-agréable l'offrande de >> votre ouvrage : il sera déposé à la bibliothèque publique de l'Institut, » où tous ses membres pourront en prendre connaissance. Il m'est personnellement très-doux d'avoir à vous assurer des sentimens » distingués d'une réunion d'hommes aussi justes appréciateurs du mérite. La classe des beaux arts, pour témoigner d'une manière

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