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Chap. IX. « On crie au roi de s'éloigner. L'ennemi » l'arrête, et l'expose à nos coups, pag. 73. »

Atrocité aussi fabuleuse que les précédentes. Cortès fut très-fâché de la mort de Montezume qui lui servait d'otage, et d'otage utile à ses desseins.

Chap. X. « A mille Castillans la fortune de Cortès » avait joint plus de cent mille auxiliaires, pag. 76. »

Ce n'était pas la fortune, mais le despotisme des rois du Mexique. A l'arrivée de Cortès, une foule de nations opprimées, lassées du joug de ces tyrans, volèrent vers lui et lui offrirent leurs secours. Parmi eux étaient les Tlascalétes, républicains ardens, qui débattaient depuis longtemps leur liberté contre Montezume.

Méme chap. « Cortès résolut de nous livrer l'assaut, » pag. 78. »

Voyez la note précédente. Cette conquête fut exécutée par des tyrans contre d'autres tyrans. C'est l'ordinaire, mais cet ordinaire-là ne prête pas aux déclamations et aux figures de rhétorique. Voilà pourquoi Marmontel n'en veut point.

Méme chap. « Alors un délire stupide se saisissant » d'Orozimbo, sa langue parut se glacer... pag. 83. » Quelle ridicule description! Un homme, dans un pareil état, aurait des convulsions et non pas de la douleur. C'est le défaut de tout l'ouvrage d'être toujours sec et froidement déclamateur.

Méme chap. « Et moi, lui dit Guatimozin, suis-je sur » un lit de roses ? pag. 84. n

J'ai toujours douté et douterai toujours de ce mot si fameux dont on ne trouve de trace que dans un seul historien, d'ailleurs peu croyable.

Même chap. « Au milieu d'un hameau dont les toits >> embrasés fondent sur les femmes enceintes.... on voit » les Espagnols.... se réjouir et insulter aux victimes » de leur furie, pag. 87. »

Toutes ces horreurs sont ridicules par leur exagération.

L'imagination en délire peut inventer de pareilles peintures; mais il est extravagant de les appliquer aux Espagnols qui, quoique très-cruels et très-avides, n'en sont jamais venus aux épouvantables excès que l'auteur s'amuse à raconter. Du reste, rien ne me paraît plus sec, plus ampoulé que ce narré de la conquête du Mexique. Celui d'Antonio de Solis est infiniment plus attachant.

Chap. XI. « Au nom de Las-Casas, au nom de ce héros » de la religion et de l'humanité..

....

pag. 100, »

N'oublions pas que ce héros prétendu, si loué dans ce roman, est le premier qui ait imaginé et rédigé le plan du commerce des esclaves-nègres. Telle était l'espèce de son humanité. Quant à sa politique, la voici : il déclamait contre les conquérans du Pérou, en Espagne, pour obtenir le riche évêché de Chiapa où il se consola tout doucement des malheurs de l'Amérique.

Chap. XII. « Alors rompant l'hostie en trois, Fer»nand de Lucques s'en réserve une partie, et en donnant » une à chacun de ses associés interdits et tremblans:” » Ainsi, dit-il, soit partagée la dépouille des Indiens, » pag. 102.'»

C'est outrager le bon sens et la vraisemblance de prêter à qui que ce soit ces horribles sottises. Est modus in rebus.

ou

Méme chap. « Ce ne sont pas les creux des mines, » ces peuples sont enfermés vivans, que l'on doit re» douter pour eux, pag. 106. »

Il faut être fou pour mettre dans la bouche d'un hypoerite des extravagances pareilles. Il n'est pas possible que jamais personne ait tenu et tienne un pareil langage, qui est celui de la folie et non pas du fanatisme. C'est se battre contre des moulins à vent que de faire répondre des sentences à ce débordement d'atrocités insensées qui font rire plus qu'elles ne révoltent. Mais tel est l'esprit déclamateur: il affoiblit toujours à force d'exagérer.

Chap. XII. «... Vous servez un Dieu; mais ce Dieu, » c'est l'impitoyable avarice, pag. 109. »

Il y a long-temps que Montaigne et l'Auteur d'Alzire ont dit toute cette tirade avec moins de prétention et d'emphase, mais plus d'éloquence. Marmontel n'ajoute à ce qu'ils ont dit que les apostrophes, la fausse chaleur, etc,

Méme chap. « Voilà, je crois, ce que le zèle, d'accord » avec l'humanité, conseille à des héros chrétiens, » p. 12. »

Il y a plus de soixante vers blancs de huit syllabes dans ce paragraphe (1).

Chap. XIII. «Barthélemi fut remené jusqu'au fleuve »des Lézards.. pag. 120. »

....

Cet épisode est intéressant, parce qu'il est simple, et écrit en général d'un style conforme aux choses. L'auteur est assez propre aux peintures douces.

Chap. XVII. «.... Ils prétendent imaginer un plus » grand mal que de vieillir, pag. 162. »

Toujours du bel esprit et des phrases académiques prononcées par des sauvages. Ce n'est pas une des moindres raisons de la fatigue de cette lecture faite de suite.

Chap. XVIII. « Ce désordre a je ne sais quoi de mer» veilleux qui agrandit l'ame et l'affermit en l'élevant, » pag. 174. »

C'est se moquer des gens que de faire tenir un pareil dis cours par un brigand à ses soldats. Il leur donne là une belle consolation. On dirait qu'ils sont dans cette île pour faire des observations.

Chap. XXXV, tom. 2. «... Pour expier le crime d'y » avoir fait germer l'or, p. 97. »,

Quelle futile déclamation! Comme si la nature était coupable de l'abus que l'on a fait de l'or!

(1) Le célèbre critique Clément a fait la même remarque, il y a déjà long-temps, L. D.

Chap. XXXVI. C'est là que frémissait Huascar, sous » une garde inexorable, p. 1o5.»>

Il est singulier que pas un mot des précédens chapitres n'apprenne qu'Huascar est instruit de la délivrance d'Ataliba. Cette inadvertance de l'auteur jette de l'embarras dans le récit.

« Il est mort!..

Même chap. Ton armée te l'ap»porte en pleurant. Il en fut l'amour et l'exemple, p. 108. » Ce dialogue est adroit, quoiqu'imité visiblement des 'Horaces de Corneille.

Méme chap. «J'ai bu la coupe du bonheur; j'en ai épui» sé les délices, p. 111. »

Ces vaines figures recherchées sont bien éloignées de l'expression de la douleur. L'auteur l'a bien saisie plus haut; ce qui prouve combien il a le goût peu sûr. Ce n'est pas dans ce style qu'Evandre pleure son fils dans l'Enéide.

Méme chap. « Alors tu retrouveras ton frère tel que tú le vois aujourd'hui, traitable, humain, sensible et juste, » p. 114. »

Le romancier s'est moqué des gens instruits en traçant ce caractère d'Ataliba, qui n'était qu'un brigand perfide et sanguinaire, assassin de son frère qu'il avait indignement trompé et dépouillé, en horreur aux Indiens, qui rendirent graces aux Espagnols de la mort de ce tyran. Est-il permis de faire ainsi, à son gré, un Titus d'un Caligula ?

Chap. XL. « Veux-tu voir mes entrailles se déchirer » d'horreur, et mon enfant épouvanté s'arracher des flancs » de sa mère? p. 139. ».

C'est de ces expressions gigantesques et emphatiquement impropres que se servaient Lucain, Brébeuf, et Corneille lorsqu'il était faible. Leur exemple aurait dû corriger un

académicien.

Chap. XLVII. « La mort est impassible; et au bord

1

» de la tombe est une digue où s'accumulent les restes des » maux de la vie, p. 228. »

Il faut renvoyer cet amphigouri du pathos le plus obscur au fatras énigmatique intitulé: Nuits d'Young.

SPECTACLES.

THEATRE FRANÇAIS.

Les Templiers.

Si quelqu'un conteste le mérite de cette tragédie, personne assurément ne saurait nier son succès : elle triomphe avec éclat et de l'influence de la saison et de celle de la critique. L'accès du théâtre est aussi obstrué à la onzième représentation qu'à la première, et il n'y a de cabale qu'à la porte; car une fois la toile levée, le recueillement est profond, et le sentiment de l'admiration unanime. Il n'y a pas de siffleurs qu'on soit obligé de mettre dehors, ni de victoire obtenue à coups de poing comme à la deuxième représentation de Madame de Sévigné, où l'improbation a été comprimée avec l'énergie et les manières des forts de la Halle.

Nous avons observé, à la gloire de l'auteur, qu'il a fait une belle tragédie avec peu de matière, ce qui est le comble de la difficulté; il faut ajouter sans amour, ce qui fut long-temps regardé comme impossible.

Il nous reste des observations nouvelles à faire sur les imitations, sur le style et sur quelques critiques, soit relatives, soit étrangères au style.

J'ai remarqué assez peu d'imitations ou de réminiscences je n'appelle pas de ce nom l'hémistiche que je vais souligner :

Je ferai devant lui parler la vérité.

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