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conseiller ecclésiastique dans le duché de Nassau. Nous avons reçu des détails circonstanciés et authentiques sur cette affaire, qui a fait tant de bruit en Allemagne, et nous donnerons un extrait des pièces.

Le 15 janvier 1821, M. Koch se présenta chez M. Weil, curé à Wiesbade, et lui annonça, qu'avec la permission du gouvernement, il rentroit dans l'état civil; il chercha, par un long narré, à justifier sa démarche, et à persuader le curé de bénir son mariage. Celui-ci s'y étant persévéramment refusé, M. Koch demanda au moins que M. Weil renonçât à ses droits de pasteur, et l'autorisât à s'adresser ailleurs. M. Weil consentit à ne plus le regarder comme son paroissien; mais sans l'autoriser à faire bénir son mariage par un autre prêtre. M. Koch, rébuté de ce côté, s'adressa au ministre protestant de Weisbade, M. Schellenberg, qui bénit son mariage avec Suzette Reisert.

Le bruit de ce scandale parvint au vicariat de Ratisbonne, séant à Aschaffenbourg, lequel, après avoir pris les renseignemens convenables, porta, le i. février, une sentence qui suspendoit M. Koch de toutes les fonctions de ses ordres, et déclaroit que les deux époux s'étoient, par leur mariage, séparés de l'église catholique, et devoient être regardés comme tels. Cette sentence étoit signée de Chandelle, et Hiltmann, secrétaire. Le même jour, le vicariat adressa des remontrances au grand-duc de Nassau: : «Le mariage du sieur Koch, prêtre, conseiller intime pour la partie des églises et des écoles, y étoit-il dit, cause un scandale si grand et si général à tous les catholiques des Etats de V. A. et des Etats voisins, que nous manquerions à notre devoir si nous le lui laissions ignorer..... Votre volonté fut dans l'origine de confier à un catholique et à un prêtre la direction des affaires qui concernent les églises et les écoles catholiques; le conseiller Koch avoit depuis long-temps, par sa conduite et par l'expression scandaleuse de ses sentimens, perdu la confiance de tous les catholiques; mais à présent qu'il ne ménage plus rien, et qu'il insulte publiquement à son caractère et aux lois de l'Eglise, dans quelle extrême inquiétude doivent se trouver les catholiques, en voyant leurs intérêts les plus sacrés entre les mains d'un prêtre apostat! Comment l'église catholique pourroit-elle se flatter que l'inviolabilité de ses principes seroit protégée par un homme qui outrage ses lois, et se dé

clare son ennemi? Comment des catholiques pourroient-ils rester sans crainte sur la pureté de l'instruction religieuse, lorsque la direction du culte et des écoles dépend d'une personne qui rejette les lois et les dogmes de l'Eglise »? Ces remontrances étoient revêtues des mêmes signatures que la sentence ci-dessus.

La solidité de ces représentations étoit manifeste. Les fonctions confiées au sieur Koch eussent été entre ses mains une insulte et une oppression pour les catholiques, et ceux-ci avoient déjà assez à gémir du passé. Cependant le ministère du grand-duché parut d'abord vouloir prendre M. Koch sous sa protection, et il fit dire à M. Brand, doyen et curé à Weisskirchen, que, si le vicariat prenoit de nouvelles résolutions relativement à M. Koch, elles ne devoient être exécutées qu'après avoir obtenu le placet du souverain. C'est ce qui donna lieu à une déclaration du vicariat, en date du 22 février; elle portoit que la sentence du 1er février avoit eu pour but de prévenir les ecclésiastiques et les fidèles sur un grand scandale; que cette mesure, conforme aux canons, et intéressant purement la conscience, n'étoit nullement sujette à l'agrément du souverain; que d'ailleurs, les deux époux s'étant fait protestans, il n'étoit plus nécessaire d'avertir de ne les plus regarder comme catholiques. Cet acte étoit signé de Chandelle, et Menninger, secrétaire.

Le conseiller Koch fut de suite suspendu de ses fonctions, et sa place de référendaire fut donnée à un autre ecclésiastique. Cependant on le fit en même temps conseiller d'Etat; de sorte qu'il n'a rien perdu, sauf peut-être l'estime des gens de bien. Les feuilles libérales de l'Allemagne se sont empressées de saisir cette occasion de reproduire leurs plaisanteries et leurs diatribes contre l'église catholique. La Gazette du Necker a osé dire que presque tous les curés du duché de Nassau ont applaudi à la démarche du transfuge; calomnie qui a été relevée par le Catholique, à Mayence, mais non réparée par le journaliste. Une autre feuille, le journal allemand de Francfort, a donné à M. Koch le titre de grand canoniste, comme s'il s'étoit marié par respect pour les canons. Le savant Doller, mort il y a plus d'un an, a fait asser voir ce qu'il faut penser de la science canonique de M. Koch, dans l'écrit qu'il publia contre lui, en 1819, et auquel celuici n'a pas répondu.

(Samedi 14 juillet 1821.)

(No. 723.)

Défense de l'Essai sur l'Indifférence en matière de religion; par M. l'abbé F. de la Mennais (1)."

SECOND ARTICLE.

Nous allons continuer de présenter l'analyse et l'exposition de la doctrine de M. de la Mennais.

Consentons un moment à n' n'être que ce que Dieu nous a fails, sans nous inquiéter de ce que les phi losophes voudroient faire de nous, et nous trouverons la solution du problême qui, depuis trois mille ans, fait le tourment de tous les philosophes. La question qui les divise, Dieu la résout lui-même en faveur de tout homme qui vient au monde. Ils cher chent le chemin de la vérité; ce chemin existe, ouvert aux simples coinme aux savans : tous y marchent conduits par les seules mains de la Providence.

Il y a un fond de vérités nécessaires à la conservation de l'homme et de l'ordre social, et qui sont ◄aussi comme un héritage inaliénable de la raison humaine. Ces vérités, communes à tons les esprits, sont ce qu'on appelle sens commun. Un homme qui ne croit pas sur ces principes universels comme le reste des hommes, n'est plus censé exister comme être rai. sounable; il est déclaré fou. Tout homme donc en qui la folie n'a pas détruit la raison, connoît avec certitude une foule de vérités, lien impérissable de

(1) 1 vol. in-8°.; prix, 5 fr. et 6 fr. 25 c. franc de port. A Paris, chez Méquignon fils aîné; et chez Adr. Le Clere, au bureau de ce journal.

Tome XXVIII. L'Ami de la Relig. et du Rox. T

la société des esprits. Mais qui pose dans l'homme ce fondement nécessaire de la raison humaine? est-ce la raison même de chaque homme? n'est-ce pas la société, instrument dont la Providence a voulu se servir dans la transmission de la vie morale comme de la vie physique?

Considérez l'enfant au moment de sa naissance. Quelque systême que vous adoptiez, que son ame ne soit encore que comme une table rase, ou qu'elle porte avec elle des principes innés de droiture, tou: jours est-il que, dépourvue des signes sans lesquels aucune vérité ne peut devenir sensible à l'esprit de l'homme, elle ne connoît rien encore, ne peut juger de rien. L'être physique existe seul; il faut que la parole éveille la vie de l'être moral. Or l'enfant, dénué de toute notion antérieure, ne peut pas juger les premières notions que le langage lui transmet. On lui nomme les vérités; il les croit, et la conviction de ce qui l'entoure est le seul fondement sur lequel puisse s'appuyer sa conviction. Le principe des premières croyances de l'homme est donc hors, de lui, et dans les croyances des autres hommes. C'est de la raison sociale qu'émane la raison qui vient l'éclairer; c'est comme un flambeau allumé à un autre flambeau.

Mais cherchons si la raison de l'homme n'est pas forcée de s'appuyer, comme celle de l'enfant, sur le fondement nécessaire de la raison sociale, et si le consentement commun n'est pas le principe de la certitude que les vérités premières ont à l'égard de tous les esprits. Vous avez entrepris d'obscurcir mes yeux l'évidence de quelqu'une de ces vérités généralement admises. Ebloui par vos sophismes, je

ne suis pas cependant ébranlé. Et pourquoi ? La vérité que vous contestez, vous dirai-je, tout le monde la croit; il faut être fou pour la nier. Je sais que ma conviction n'est que la conviction du reste des hommes. C'est assez pour me faire mépriser tous vos rai

sonnemens.

Sur quel autre motif puis-je appuyer ces vérités que l'on nomme axiomes, que j'énonce, et que je me crois dispensé de démontrer? Les axiomes par là même qu'ils servent de base au raisonnement, ne sont pas susceptibles d'être raisonnés. Mais pourquoi puis-je les supposer certains avant toute preuve ? est-ce à cause de l'évidence que ces vérités ont pour moi. Un sceptique vient, et m'assure qu'elles n'ont pas pour lui la même évidence. Que dirai-je au sceptique? que ma conviction doit déterminer sa convic tion! Non; mais je lui oppose la conviction de tout le genre humain Je lui dis: Cette vérité, qui n'est pas évidente pour vous, l'est pour tout le monde. Dès-lors il doit céder, ou j'ai le droit de le déclarer fou.

Ainsi donc c'est dans la raison de ses semblables que l'homme trouve le fondement de sa raison, un point d'appui qui la fixe, et qui la soutient contre ses propres incertitudes. L'homme social croit à une foule de vérités, sans raisonner, entraîné par la raison de tous les hommes qui croient comme lui. Sa raison, unie à la raison sociale, possède une certitude de fait plus forte que tous les sophismes, plus forte que lui-même. Comme il sent qu'il ne peut douter de quelqu'une des vérités qu'il tient de la raison sociale, sans ébranler le fondement sur lequel toutes reposent, sans se jeter, s'il est conséquent,

Ta

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