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dans le scepticisme, état contraire à sa nature, et destructif de son intelligence, pour cesser de croire il faut qu'il veuille l'impossible, et qu'il force son intelligence à lutter contre le sentiment nécessaire qui l'attache à la vie.

Aussi tout homme qui n'est pas fou, c'est-à-dire qui n'a pas péri en tant qu'être raisonnable, croit d'une manière invincible tous les principes généralement admis, toutes les vérités de sens commun. L'auteur de l'Essai constate ce fait sans essayer d'en rendre raison, et il établit comme principe nécessaire de toute certitude, et comme fondement de sa philosophie, cette foi générale, qui est le fondement mênie de la raison de l'homme et de la société. Il s'occupe ensuite d'assigner la règle qui dirige la raison dans ses jugemens.

La raison de chaque homme, prise à part, est sujette à errer, et nous avons vu qu'il est absurde de chercher dans une raison faillible une règle infaillible de vérité. Cette règle nécessaire ne peut exister que dans une raison supérieure. Or l'homme n'étant en rapport ici-bas qu'avec les autres hommes, la raison de ses semblables peut seule redresser sa raison. L'accord de notre raison individuelle avec la raison générale, telle est donc la seule règle qui puisse déterminer la certitude de nos jugemens.

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<< Ici encore, au lieu de se renfermer en soimême, et de se perdre dans des recherches sans fin, il suffit d'ouvrir les yeux pour reconnoître que, dans l'appréciation du vrai et du faux, tous les hommes se déterminent naturellement par le consentement commun..... Leur jugement, qui, selon la remarque de Nicole, est toujours foible et timide quand il se

voit tout seul, se ́rassure quand il est appuyé de celui d'autrui. Plus l'accord est général, plus la confiance ou la certitude est grande; et la certitude est aussi complète qu'elle puisse l'être, quand l'accord est universel. En effet, si la raison de tous les hommes, ou la raison humaine pouvoit se tromper, quand elle atteste qu'une chose est vraie, il n'y auroit plus de certitude possible, puisqu'évidemment les hommes ne peuvent parvenir à la certitude qu'à l'aide de la raison humaine. Le consentement commun, ou l'autorité, voilà donc la règle naturelle de nos jugemens, et la folie consiste à rejeter cette règle, en écoutant sa raison de préférence à la raison de tous. Ainsi le principe le plus général de la philosophie et de l'incrédulité est la définition rigoureuse de la fo lie; et voilà pourquoi le sens commun, qui ne se laisse jamais abuser par des sophismes, déclare fou quiconque oppose sa raison particulière à la raison générale ».

Jusqu'ici nous avons constaté des faits sans chercher à les expliquer. Nous avons reconnu la necessité de croire, et les premiers principes attestés par le consentement commun, et les conséquences que la raison générale déduit de ces principes; mais nous n'avons pas essayé d'établir l'infaillibilité de la raison générale, considérée, soit comme fondement de certitude, soit comme règle de vérité : nous ne le pouvions pas, parce qu'il étoit une vérité, principe nécessaire de toute certitude rationnelle que nons ne connoissions pas encore.

Pour arriver à cette vérité première, pour établir l'existence de Dieu, l'auteur de l'Essai ne suit pas la méthode des philosophes. Il montre que cette vérité

ayant été proclamée par tous les hommes, dans tous les siècles, se trouvant à la tête des croyances de tous les peuples, l'homme qui nie Dieu rejette la raison humaine dans ce qu'e'le a de plus général, ne peut plus rien affirmer raisonnablement; qu'il doit se condamner, s'il est conséquent, à un doute et à un silence éternel. Ainsi il faut que l'homme admette cette vérité, ou qu'il renonce à toute vérité; qu'il dise: Dieu existe, ou qu'il cesse d'être homme. Ñ'étoit-il pas digne de l'auteur souverain du monde moral, comme du monde physique, de se placer ainsi à la tête de toutes les vérités, comme à la tête de tous les êtres; de régner sur l'intelligence de l'homme qu'il a créé indépendamment de l'homme, et par la nécessité même de la nature qu'il lui a donnée, d'imprimer si profondément dans notre raison l'idée de son être, que nous ne pouvons l'effacer sans détruire notre raison même ?

Mais du moment que je connois Dieu, cette grande vérité réfléchit sur l'ensemble de mes connoissances une vive lumière, dans laquelle je vois la raison de tous les faits que j'étois forcé d'admettre sans pouvoir les expliquer. De même que j'ai trouvé le fondement de ma raison dans la raison sociale, je trouve le fondement nécessaire de la raison sociale dans la raison divine. En sortant des mains de la Divinité, le premier homme n'auroit pas existé comme être raisonnable, s'il n'avoit reçu de Dieu, et le langage, instrument nécessaire de la raison, et, avec le langage, tous les principes essentiels de la religion et de la morale qu'il devoit transmettre à sa postérité. Le miracle de la création m'amène à reconnoître le miracle d'une révélation primitive. Dès-lors ces vé

rités générales, fondement de la religiou et de la société, qui ont fait partie des traditions de tous les peuples, qui ont été nommées dans toutes les langues, proclamées par tous les hommes et dans tous les pays, m'imposent, par une autorité qui n'est plus seulement celle de la raison humaine, mais l'autorité de la raison divine, dont la raison humaine n'est qu'une émanation. Le sens commun des hommes n'est plus à mes yeux que ce que la raison des hommes a de commun avec la raison de Dieu même. Ces vérités ne sont pas seulement le lien qui unit les siècles et les peuples entr'eux, mais le lien qui unit la terre avec le ciel, l'homme à la Divinité. Les rejeter, c'est désobéir au pouvoir divin qui entretient l'harmonie dans la société des intelligences; refuser d'écouter la raison générale, c'est fermer l'oreille à la voix même de Dieu, qui me parle à travers les siècles.

C'est ainsi que, sans contradiction, sans cercle vicieux, l'auteur de l'Essai trouve dans des faits la solution des problêmes que tous les philosophes ont essayé de résoudre; qu'il donne un fondement et une règle à la raison de chaque homme, et qu'en montrant l'origine de la raison de tous les hommes, il l'établit sur la base immuable d'une certitude infinie. Nous tâcherons, dans un troisième et dernier article, de faire ressortir l'avantage de cette philosophie, en montrant les points principaux en quoi elle diffère de la philosophie de la raison individuelle. S.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le mercredi 27 juin, le souverain Pontife a

tenu, dans son palais du Quirinal, un consistoire secret, où il a proposé pour les églises suivantes; savoir à l'archevêché de Spolette, M. Marius Ancajani, transféré de l'evêché de Gubbio; à l'archevêché de Carthage avec la coadjutorerie de Tours, M. AugustinLouis de Montblanc, évêque élu de Saint-Diez; à l'archevêché d'Adana avec la coadjutorerie de Besançon, M. Paul-Ambroise Frère de Villefrancon, nommé précédemment à l'évêché de Châlons (à ces titres est joint, pour ces deux prélats, le droit de succéder aux siéges de Tours et de Besançon); à l'archevêché de Tiano, M. Joseph-Barthélemi Xerri, archidiacre de Malte; à l'évêché de Gubbio, M. Vincent Massi, grand-vicaire du diocèse; à l'évêché de Norcia, nouvellement érigé par S. S. dans l'Etat de l'Eglise, M. Gaëtan Bonanni, prêtre romain; à l'évêché de Castelamare, M. François Colangelo, de la congrégation de SaintPhilippe-Neri; à l'évêché d'Augsbourg, M. JosephMarie, baron de Fraunberg, chanoine de Ratisbonne, à l'évêché de Cusco au Pérou, M. Joseph-Callixte Orihuela, transféré de Calama; à l'évéché de Carre, M. Jean-Joseph Vaz-Pereira, nommé suffragant de Braga en Portugal; et à l'évêché de Médée, M. Joseph Saleez, chanoine de Zagrab, nommé auxiliaire de l'évêque de ce siége.

PARIS. M. le coadjuteur de Paris continue à donner la confirmation dans plusieurs paroisses de la capitale et de la banlieue; toutes les semaines le prélat va pour cet effet dans quelques-unes des églises de son diocèse. Lundi, il est allé à Saint-Denis; hier, à SaintNicolas du Chardonnet. De plus, d'autres prélats, qui se trouvent à Paris, ont aussi donné la confirmation dans différentes églises ou établissemens. Le 8, M. de Beaulieu, archevêque d'Arles, a officié dans la chapelle du collége Louis-le-Grand, et a administré le sacrement de confirmation à plusieurs élèves. Des pre

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