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baron Mounier et le ministre des affaires étrangères, ont été entendus successivement. Le projet a été adopté à la majorité de 83 voix contre 43.

Le 25, trois projets, déjà adoptés par l'autre chambre, sont présentés à l'assemblée; ils sont relatifs le premier, à l'augmentation du tribunal de première instance de la Scine; le second, à la construction du pont de Pensaguel, et le troisième, à l'ouverture du canal Saint-Martin. La chambre se reunira le 28 pour examiner ces divers projets, et entendre le rapport sur la loi de finances.

Notice sur M. de Broglie, évêque de Gand.

M. Maurice-Jean-Madeleine de Broglie, évêque de Gand, et prince du Saint-Empire romain, étoit né au château de Broglie, le 5 septembre 1766; il étoit fils du maréchal duc de Broglie, célèbre par ses talens militaires et par son dévouement à la cause royale, et mort à Munster, en 1804, à l'âge de 86 ans. M. le maréchal avoit cu un grand nombre d'enfans, dont plusieurs vivent encore, entr'autres M. le prince de Broglie, membre de la chambre des députés, et M. l'abbé Charles de Broglie, qui a passé la plus grande partie de la révolution en Angleterre, et qui y est resté. Le prince Maurice (1) se destina de bonne heure à l'état ecclésiastique, et entra au séminaire Saint-Sulpice. Il y suivoit le cours de ses études lorsque la révolution le força de quitter cette maison, et même la France. Il se retira en Allemagne, auprès du maréchal son père, passa ensuite en Prusse, et vécut quelques années à la cour de Berlin. Le roi de Prusse lui procura la prévôté du chapit de Posen, dans l'ancienne Pologne; M. l'abbé de Broglie eut pu même occuper un sige épiscopal. dans ce pays; mais il rentra en France, en 1803. Quelques démarches qu'il fit pour recouvrer des bois non vendus appartenant à sa famille, ayant porté son nom aux oreilles de Buonaparte, qui cherchoit alors à s'entourer de personnages. de distinction, l'abbé de Broglie fut nommé sur-le-champ, par lui, son aumônier, et ne put échapper à cette faveur quoiqu'il alléguât sa santé, qui véritablement étoit fort déli cate. En 1805, il fut nommé à l'évêché d'Acqui, en Piémont,

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(1) En 1759, l'empereur François Ier, avoit, par un diplome, créé le maréchal de Broglie prince de l'Empire, pour lui et ses descendans.

et sacré le 17 novembre de cette année. Deux ans après, il fut transféré à l'évêché de Gand.

Nous ne parlerons pas de quelques Mandemens publiés par le prélat pour des victoires ou d'autres événemens politiques; M. de Broglie prouva bientôt que, dans tout ce qui tenoit à

conscience et à l'honneur, il étoit incapable de mollir. Il ne tara pas à essuyer des reproches; dès le 10 août 1809, une Jettre du ministre des cultes annonçoit que Buonaparte étoit méconteni du peu d'attachement que l'évêque de Gand montroit pour sa personne; que l'esprit du clergé devenoit de plus en plus mauvais; que le prélat donnoit sa confiance à un grandvicaire peu propre à concilier les esprits au gouvernement : en conséquence, M. l'abb Le Surre avoit ordre de quitter Gand, et de se rendre à Paris. L'évêque y alla avec lui, et fit vainement des démarches pour qu'on ne le privât point de l'assistance d'un ami dont il estimoit les conseils; il ne put même savoir quels étoient les griefs que l'on reprochoit à son grand-vicaire.

il ne

En 1810, nommé membre de la Légion-d'Honneur, erut pas pouvoir, dans les circonstances où l'on étoit alors, prêter un serment qui sembloit renfermer l'approbation d'injustices, et d'usurpations manifestes, et il déduisit ses motifs. dans un Mémoire envoyé au ministre. Quelque temps après, Buonaparte, à son audience, apostropha l'évêque de Gand avec sa rudesse accoutumée; le prélat ne craignit point de blesser le plus irascible des hommes, et déclara que sa conscience s'opposoit à ce qu'on demandoit de lui. On sait quelle réponse grossière lui fit le despote (1). Dès-lors, M. de Broglie tomba dans une disgrâce complete.

Sa conduite au concile mit le comble au ressentiment de l'ennemi de l'Eglise. On sait qu'il étoit question dans cette assemblée de trouver un moyen d'instituer les évêques sans recourir au Pape. M. de Broglie étoit bien éloigné de se prê

(1) Cette scène a été racontée dans un ouvrage récent, par un écrivain qui n'a pas suivi tout-à-fait la même ligne que M. de Broglie. M. de Pradt, dans ses Quatre- Concordats, tome II, page 265, se moque des scrupules de son confrère, et de la réponse séminaristique qu'il fit à Buonaparte. Il est certain qu'un évêque qui oppose sa conscience à une démarche qu'on lui demande, doit paroitre bien ridicule à un courtisan qui s'est montré tour à tour flatteur d'un despote, et puis défenseur des doctrines révolutionnaires et des insurrections. On

ter à ce projet; nonmé membre de la commission chargée de répondre à un message de Buonaparte, il parla constam→ ment pour le maintien de la discipline de l'Eglise, et pour le rejet des innovations proposées. L'orage ne tarda pas à éclater. Le 12 juillet 1811, M. l'évêque de Gand fut arrêté, avec MM. les évêques de Tournai et de Troyes, et conduit au donjon de Vincennes, où on les mit au secret le plus rigoureux. Cette captivité dura quatre mois et demi, et fut d'autant plus pénible pour M. de Broglie, qu'il avoit toujours été d'une santé très-frêle. A la fin de novembre 1811, on lui demanda la démission de son siége, et il y ajouta même, diton, la promesse de ne plus se mêler de l'administration de son diocèse; après quoi on le fit partir pour Beaune, où il devoit rester en exil. Dans la suite on l'accusa d'avoir communiqué avec son clergé, et on le rélégua dans l'île SainteMarguerite, sur les côtes de la Provence.

Ce n'est pas ici le lieu de raconter toutes les vexations employées dans le diocèse de Gand. Peu de jours après l'arrestation de M. l'évêque, on avoit fait, à Gand, les recherches les plus sévères dans son palais; on avoit enlevé tous ses papiers, et arrêté son secrétaire. Depuis des grands-vicaires et des chanoines furent encore mis en prison, ou envoyés en exil, et on voulut forcer le chapitre à prendre en main l'administration du diocèse. Ces violences ont été exposées dans ce journal, tome VII, page 176. En 1813, un nouvel évêque fut nommé à Gand, et M. de Broglie fut sollicité de déclarer de nouveau qu'il renonçoit à l'administration de son diocèse ; ce qu'il fit par un acte date de Dijon, le 8 juillet, et dans lequel il ne révoqua cependant point les pouvoirs donnés à ses grands-vicaires, mais qui n'en servit pas moins de prétexte à de nouvelles vexations contre son clergé.

Les événemens de 1814 firent cesser cet état de choses. Des-lors le simulacre de démission arraché à M. de Broglie

-ne reprochera jamais à M. l'ancin archevêque de Malines une conscience trop scrupuleuse, et on ne cite de lui aucune réponse séminaristique. Nous remarquerons cependant dans cet endroit de son livre la manière dont il désigne M. l'évêque de Gand, que d'ailleurs il ne nomme point. Il l'appelle un prélai d'un grand nom, d'une piété éminente et d'un esprit très-aimable; éloge mérité sans doute, mais qui acquiert un nouveau prix sous la plume de celui qui pouvoit regarder la conduite de M. de Broglie comme la censure indirecte de la sienne.

parut, ce qu'il étoit en effet, l'ouvrage de la contrainte; et le prélat fut rappelé dans son diocèse par les vœux unanimes du peuple et du clergé. Le 24 mai, il reparut à Gand, et voulut expier ce qu'il regardoit comme une foiblesse, en exprimant hautement devant son chapitre le regret d'avoir signé l'acte du 8 juillet, et en se reprochant encore, dans un Mandement du 14 juin, d'avoir cédé un instant à l'orage. Ces traits de candeur et d'humilité du prélat l'honorerent encore aux yeux de son clergé, et M. de Broglie reçut partout dans son diocèse les témoignages les plus empressés de respect et d'attachement.

Cependant les puissances avoient résolu de réunir les PaysBas à la Hollande, et de mettre toute cette contrée sous la domination d'un prince protestant. L'intérêt de ce dernier sembloit être de ménager une population très-catholique, et M. de Broglie, qui avoit connu le prince d'Orange à Berlin, pouvoit se flatter que cette ancienne liaison tourneroit à l'avantage de l'Eglise, et de son diocèse en particulier. Le nouveau roi promit d'abord en effet de favoriser les catholiques mais bientôt le projet de constitution donna des alarmes. M. de Broglie plaida sans relâche la cause des catholiques, d'abord dans une Adresse au roi, qui fut signée, le 28 juillet 1815, de tous les ordinaires de la Belgique (les évêques de Gand, de Namur et de Tournai, et les grands-vicaires de Malines et de Liége); puis dans son Instruction pastorale, du 2 août 1815 (en françois et en flamand), 43 pages in-8°.; et dans le Jugement doctrinal des évêques des Pays-Bas, sur le serment prescrit, 15 pages in-8°. Dans toutes ces pièces, le nom de M. de Broglie paroît à la tête de ceux de ses collègues.

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Le prélat ne voulut pas cependant décider seul dans cette affaire; il recourut au saint Siége, et fit passer à Rome les pièces ci-dessus, en priant le souverain Pontife de le guider dans ces circonstances difficiles. Telle est la marche qu'ont suivie les plus saints évêques dans les questions épineuses qui se sont présentées; c'est ainsi, en particulier, qu'en agirent constamment les évêques de France dans les causes les plus importantes, et, en dernier lieu, lors de la constitution civile du clergé, en 1790 et 1791. Pie VII ac2 cueillit la démarche des évêques des Pays-Bas; une congré gation de cardinaux fut nommée pour s'occuper des objets

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de leurs réclamations, et elle fut convaincue, après un examen qui dura cinq mois, de l'équité de leurs plaintes. Le 16 mai 1816, une note officielle fut adressée par le cardinalsecrétaire d'Etat au ministre du roi des Pays-Bas résidant à Rome. La nouvelle loi fondamentale, lui mandoit-il, contient des erreurs contraires aux principes de la religion catholique; la résistance des évêques ne pouvoit étre blûmée avec justice, et on ne pouvoit exiger des sermens contraires à la conscience.

Le 1. mai précédent, le Pape avoit adressé à M. l'évêque de Gand un bref, dans lequel il lui déclare, qu'après avoir mûrement examiné toutes les pièces relatives à cette affaire, il ne peut qu'approuver la marche qu'il a suivie, ainsi que ses collègues. Nous ne croyons pas, dit le vénérable Pontife, qu'il soit besoin de vous instruire, ainsi que les autres évêques et ordinaires de vos provinces, des devoirs que vous prescrivent les fonctions pastorales dans de telles circonstances; car nous voyons parfaitement avec quel zèle vous veillez aux intérêts de Dieu et de son Eglise.

Il est peut-être à propos de rappeler ces témoignages et ces faits aux personnes qui, n'ayant pas une connoissance exacte de ce qui s'est passé en Belgique, croient que la seule cause des traverses qu'a essuyées M. l'évêque de Gand est le refus de prières publiques demandées par le roi. Cette circonstance ne fut qu'un incident dans l'affaire, et M. de Broglie fut approuvé dans cette occasion par la plupart de ses collègues. Aussitôt que le Pape lui eût adressé son bref relatif aux prières, il s'empressa de les ordonner. Mais, quelques jours après, il crut encore devoir réclamer au sujet d'un nouveau réglement sur l'enseignement, et surtout sur l'énseignement de la théologie. Ses Représentations sur ce point sont datées du 22 mars 1817, et signées des ordinaires de la Belgique; nous en avons donné un extrait, no. 320, t. XIII de ce journal. Nous avons aussi offert, no. 469, t. XVIII, un précis des troubles excités dans le diocèse de Gand; on y trouvera un exposé des principales démarches de M. de Broglie.

Ce prélat étoit alors en butte aux poursuites les plus sévères. Traduit devant la cour d'assises de Bruxelles, il ne quitta son diocèse que lorsque le mandat d'amener fút décerné contre lui. Il se retira en France, d'où il protesta con

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