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petits-neveux de l'archevêque de Tours sont trop équitables pour concevoir quelque indignation contre un auteur qui n'écrit que ce qui est notoire sur un prélat mort il y a soixante-dix ans. La famille. Colberɩ n'a pas été déshonorée par les écarts d'un prélat de ce nom, mort évêque de Montpellier, en 1738, et celle de Ségur ne s'est point crue flétrie par les foiblesses d'un autre évêque livré au même parti, et mort il y a soixante-dix ans. Ainsi M. G. aura vraisemblablement tâché en vain d'exciter le ressentiment d'une famille respectable; il n'aura montré que son humeur.

Mais la suite de sa note est tout-à-fait curieuse et le critique, en prétendant me redresser, tombe lui-même dans une erreur assez grossière. I suppose que le cardinal de Brienne, archevêque de Sens, se ligua, en 1749, avec quelques évêques pour perdre M. de Rastignac, qui venoit de publier son Instruction pastorale sur la pénitence. Une petite difficulté se présente, c'est que M. de Brienne n'a été cardinal el archevêque de Sens qu'environ quarante ans après; c'est qu'en 1749, et lors de l'affaire dont il est question, M. de Brienne n'avoit que 22 ans, n'étoit par conséquent point évêque, et ne prit, ni ne put prendre, aucune part à ce qu'on fit relativement à l'Instruction pastorale de M. de Rastignac. Ce qui a trompé

le censeur, c'est que dans l'article de mes Mémoires il est parlé de l'archevêque de Sens comme ayant sollicité M. de Rastignac de se rétracter. Mais cet archevêque de Sens étoit M. Languet, prélat fort différent de M. de Brienne, et qui ne fut même pas le prédécesseur immédiat de celui-ci, car entre eux il y eut le cardinal de Luynes, qui occupa le siége

de Sens pendant trente-cinq ans. L'érudition de M. G. se trouve ici un peu en défaut, et on a lieu d'être surpris de rencontrer un tel anachronisme dans un écrivain qui se félicite d'avoir appartenu à l'ancien clergé, et qui se vante d'en avoir conservé les traditions. Quand on sait, à point nommé, le nombre de jours que saint Pierre a siégé à Rome, on devroit tâcher de ne pas faire une erreur de quarante ans sur un épiscopat récent; et quand on régente si durement les autres, il seroit bon de ne pas leur donner prise sur soi par une si énorme bévue.

La liste des martyrs cités dans le IV. volume de Guillon renferme encore quelques erreurs qu'il doit être bien aise qu'on lui signale. Ainsi il indique comme prêtre M. Nézel, massacré aux Carmes, le 2 septembre 1792. M. Nézel, encore alors très-jeune, n'étoit que sous-diacre, et demeuroit dans la nouvelle communauté des clercs formée par MM. de SaintSulpice. Une autre victime du même jour, JeanBaptiste Texier, n'étoit point non plus prêtre, comme M. G. le croit, mais chantre laïque à Saint-Sulpice. M. Ponthus, compris dans le massacre, et dont M. G. n'a pu indiquer la patrie, ni les fonctions, étoit du diocèse de Coutances, et de la communauté des prêtres de la paroisse Saint-Sulpice. Nous n'attachons pas une extrême importance à ces méprises de l'auteur; cependant nous croyons qu'un écrivain exact s'empresseroit, en pareille occasion de convenir de son erreur. Mais M. G. nous a prouvé qu'il n'aime point à profiter des avis qu'il reçoit. Nous avons vu qu'il s'étoit obstiné à ne point avertir qu'il s'étoit trompé sur MM. de Car et de Bruneval, mis précipitamment par lui au rang des martyrs, et qui

ont survécu long-temps à la terreur. Puisque nous lui avions indiqué cette erreur, et que nous l'avions même prévenu, dans notre no. 696, que sa liste des prêtres condamnés à Poitiers étoit encore fautive sur d'autres points, il devoit se procurer des renseigne mens plus précis. Il étoit assez simple d'écrire à Poitiers pour en demander, et un historien fidèle et curieux de dire la vérité n'y eût pas manqué. M. G. ne s'est pas donné cette peine, et il laisse subsister dans --son IV. volume les méprises de ses trois premiers. Ce qu'il n'a pas fait, nous avons songé à le faire pour lui, et on a bien voulu nous communiquer des documens exacts sur le nombre des prêtres condamnés à mort à Poitiers. Nous allons en douner ici le résultat, et le lecteur jugera peut-être, comme nous, que M. G. auroit pu, avec un peu plus de soins s'épargner des méprises qui altèrent notablement la confiance en ses recherches.

M. G. compte trente-un prêtres en tout condamnés à mort à Poitiers, en 1795 et 1994. Nous en offrons ici le tableau, d'après lui (1). Ces prêtres

(1) Le 13 mars 1794 (23 ventôse an II), furent condamnés à mort, par le tribunal criminel de la Vienne, et exécutés, suivant M G. MM. Cherbonnier, curé de Mézeaux, et Jolivard, secrétaire de l'évêché.

Le 18 mars 1794 (28 ventôse an II), condamnés à mort, par le tribunal criminel de la Vienne, et exécutés le même jour, suivant M. G., MM. Bertault, prêtre; Bertrand, curé de Marconnay; Beynard, curé de la Couture; Blondet, curé d'Usson; Bonnet, religieux à Partenay; Brunet, ancien Jésuite; Dancel de Bruneval, grand-vicaire; de Car, chanoine; Chevalier, Chanoine de SaintPierre le Puellier; Doré, curé de Saint-Léger; Druet, curé de Marigny - Brisais; Dubois, chanoine à Poitiers; Dupont, prêtre à Farçay; Duvigneau, curé de Coussay; de la Faire des Prés, grandvicaire; Faulcon, chanoine de Notre-Dame de la Grande; Gautron Labatte, curé de Fontaine; Gonnet, aumônier de religieuses; La

furent tous, dit-il, jugés par le tribunal criminel de la Vienne, et exécutés de suite. La liste que nous avons reçue de Poitiers, et qui a été dressée sur les registres même du tribunal, est beaucoup moins considérable; elle ne nomme que dix prêtres condamnés à Poitiers, et en effet un grand-vicaire de ce diocèse, qui a passé tout le temps de la terreur caché à Poitiers, certifie qu'il n'y a eu que ce nombre de prêtres exécutés dans cette ville. Voici leurs noms et qualités, et la date de leur condamnation :

Le 3 janvier 1794 (14 nivôse an II), Pierre-Jean-Gabriel Rué, prêtre, vicaire de Saint-Germain de Bourgueil (Indre et Loire). M. G. l'appelle Pierre-Jean-Gaspard-Toussaint, et suppose qu'il fut condamné à Tours, le 28 décembre 1793; mais s'il eût été condamné par le tribunal criminel d'Indre et Loire, son nom ne se trouveroit pas apparemment sur les registres du tribunal criminel de la Vienne.

Le 14 janvier suivant (25 nivôse), Marc-Louis Richard, chanoine de Saint-Pierre de Poitiers. M. G. n'en parle pas. Le 9 février (21 pluviôse), Nicolas-Louis Pommier, cha noine du château de Thouars. M. G. n'en fait pas mention. Le 1 février, Augustin - Fortuné Le Clerc de Vezins, * prêtre, demeurant dans le district de Cholet (Maine et Loire). M. G. n'en parle pas.

baye, curé de Pouillé; Lauzon de la Poupardière, chanoine à Poitiers; Marconnay, curé; Martin, curé de Pouancé; Messais, curé de Sainte-Néomaye; Neveux, chanoine à Poitiers, Paris, curé de Saint-Martin du Clocher.

Le 12 avril, le furent également les deux frères Dechartre, tous deux vicaires.

Le 18 ayril, Nicolas Daudin, prêtre à Richelieu.

Enfin, le 11 août 1794, Philippe Tabar, chanoine de Loudun, fut aussi condamné à mort.

C'est donc en tout trente-un condamnés à mort, suivant M. G. Nous ne comptons pas dans ce nombre trois autres prêtres indiqués dans les articles ci-dessus comme ayant subi le même sort, mais qui ensuite ne se trouvent pas à leur place dans l'ordre alphabétique, ce sont MM. Lambert, Pronier et Quintard. Est-ce un oubli, ou bien M. G. auroit-il été averti de sa méprise à leur égard?

Le 12 avril (23 germinal), Jean et Ambroise Declartre, vicaires; le premier à Bray, près Richelieu, et le second à Claunay, près Loudun. Tous deux se trouvent portés dans le tableau de M. G.

Le 18 avril (29 germinal), Nicolas d'Audin, prêtre de la congrégation de Saint-Lazare. Cité dans l'ouvrage de M. G.

Le 1er août 1794 (14 thermidor), Joseph-Augustin Pousset, curé de Bournand; Guillaume-Jacques Ricordeau, vicaire du Martrai à Loudun, et Félix Tabart, chanoine à Loudun. M. G. ne nomme que ce dernier dans son martyro→ loge, et l'appelle Philippe Tabart (1).

Ainsi sur ces dix prêtres condamnés à mort à Poitiers, M. G. n'en nomme que cinq, et au total sur sa liste de trente-un prêtres martyrisés à Poitiers, il n'y en a que quatre qui l'aient été véritablement.

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y en a donc vingt-sept autres qui n'ont pas réellement souffert la mort en cette occasion, et il est fort remarquable entr'autres que, sur vingt-cinq prêtres que M. G. nomme comme ayant été condamnés à mort, le 18 mars 1794, il n'y en a pas un seul qui ait réellement subi ce jugement; il n'y eut donc pas ce jour-là, conime il le dit, une immense immolation de prêtres et de fidèles; ceux qu'il désigne ne furent condamnés qu'à la déportation. Mais plu

(1) La liste que nous avons reçue de Poitiers porte encore les noms de MM. Jean Verdon, Jean-Baptiste Senille et Jean-Baptiste Cuirblanc; mais le premier n'étoit pas prêtre, et avoit seulement étudié en théologie; il étoit alors précepteur des enfans de M. Boutheiller, du Retail, à Nouzillec; il fut condamné à mort à Poitiers, le 28 dé-' cembre 1793. M. Senille étoit prêtre, chanoine régulier de SainteGeneviève, et prieur de Rautou: né, en 1761, à Chabanois, au diocèse de Limoges, il fit profession à Celles, le 9 décembre 1792, et fut condamné à mort, le 27 avril 1794; il trouva le moyen de s'évader une heure avant l'exécution, et passa dans la Vendée. M. Cuirblanc fut condamné à mort, le 28 mars 1793; il est qualifié prêtre, demeu rant à Usson; il y a eu un intrus de ce nom; on ignore si c'est le

même.

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