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(Samedi 2 juin 1821.)

(No. 711.)

Notice sur Mine. Marie-Clotilde de France, reine de Sardaigne.

Marie-Clotilde de France, reine de Sardaigne, a jeté dans ces derniers temps un grand éclat par la sainteté de sa vie. Il avoit déjà paru un Eloge historique assez succinct de cette princesse, et nous en avons parlé, en 1814 (tome II, no. 34); mais depuis un prélat romain, M. Louis Bottiglia, a publié la Vie de la vénérable servante de Dieu, Marie - Clotilde, Rome, 1816, in-4°. de 348 pages. Ce volume, qui nous a été communiqué, est très-peu connu en France, et il seroit à désirer que quelqu'un entreprit de le traduire, ou du moins de l'abréger. On liroit sans doute avec intérêt parmi nous la vie d'une si pieuse princesse, fille et sœur de nos rois, qui eut aussi sa part des malheurs de sa famille, et qui les soutint avec une héroïque résignation. Ne semble-t-il pas que ce soit par une vue spéciale de la Providence que tant de vertus se soient trouvées réunies à la fois dans une même famille, et que trois enfans d'un même père, Louis XVI, Mme. Clotilde et Mme. Elisabeth, aient donné, à la même époque, de si grands exemples au monde? En attendant donc que l'on publie en France une vie aussi édifiante que celle de Mme. Clotilde, nous croyons qu'on en verra ici avec plaisir un extrait, qui, quelque court qu'il soit, nous paroît fait pour intéresser des chrétiens et des Francois; ils ne sauroient être indifférens au tableau des vertus d'une princesse née parmi nous, sœur de nos princes, et tour à tour si humble sur le trône, et si courageuse dans l'adversité.

Tome XXVIII. L'Ami de la Relig. et du Rors G

Marie-Clotilde-Adélaïde-Xavière de France naquit à Versailles, le 23 septembre 1759; son père étoit le pieux Dauphin, fils de Louis XV, et sa mère MarieJosephe, princesse de Saxe. Elle les perdit de bonne heure; mais elle trouva dans les soins de Mme. Louise de Rohan-Guémené, comtesse de Marsan, gouvernante des enfans de France, une mère tendre, une amie sûre et un guide sage. La jeune princesse ne reçut que des leçons et des exemples de vertu, et ses propres dispositions y répondirent parfaitement. Sa douceur, sa modestie, son éloignement pour la vanité et pour tout ce qui avoit l'apparence du mal, la préparèrent à recevoir dignement les sacremens. Elle fit sa première communion, le 17 avril 1770, et continua d'être dirigée par les conseils de la comtesse de Marsan, pour laquelle elle conserva beaucoup de confiance et d'atta

chement.

En 1775, et de son consentement, le roi son frère arrêta son mariage avec Charles-Emmanuel, prince de Piémont; le mariage fut célébré, à Versailles, par procureur, le 17 août 1775. La jeune princesse se sépara non sans peine de sa famille et de ses amis; elle trouva la cour de Piémont réunie à Chambéri pour la recevoir, et se concilia tous les suffrages par ses manières prévenantes et affectueuses. Le mariage fut ratifié, le 6 septembre, avec les cérémonies accoutumées; et dans les fêtes qui eurent lieu à cette occasion, Mme. Clotilde montra cette extrême modestie par laquelle elle s'étoit déjà fait connoître à la cour de France. Dès le commencement de son mariage, elle se traça un plan de vie dans lequel ses exercices de piété, les soins domestiques, les travaux qui conviennent à son sexe, et ses devoirs envers la famille royale, occupoient tour à tour leur place. Outre la messe où elle assistoit en public avec la famille royale, elle en entendoit une, tous les matins, dans son ora

toire particulier, peu après son lever. De pieuses lectures, la récitation de l'office divin, quelquefois l'office de la sainte Vierge ou celui des morts, une partie du Rosaire, des élévations fréquentes vers Dieu, rem. plissoient ses momens quand elle étoit seule. Mais elle ne négligeoit point pour cela ses devoirs envers son époux, veilloit sur sa maison, maintenoit la concorde et la paix parmi les personnes qui lui étoient attachées, et les portoit à la vertu par de douces insinuations et par de touchans exemples.

La princesse rendoit les soins les plus tendres à son mari dans ses maladies; elle vivoit dans la meilleure intelligence avec sa belle-mère, Marie-Antoinette-Ferdinande d'Espagne, princesse très-pieuse. Soumise au roi Victor, elle remplissoit avec exactitude toutes les bienséances de sa position. Comme elle n'avoit point d'enfans, les médecins lui prescrivirent un régime très-gênant, des remèdes désagréables qu'ils croyoient propres à faire cesser sa stérilité; elle sacrifia ses répugnances au désir de sa famille et de son époux, et observa exactement les ordonnances les plus pénibles. Au bout de quelques années de mariage, sa ferveur fit de plus grands progrès; elle recherchoit la solitude, visitoit les couvens de filles, et donnoit des soins à celles qui étoient malades. Elle alloit dans les églises assister aux sermons, aux catéchismes et aux autres exercices de religion. Elle approchoit plus souvent des sacremens. Son mari et elle vivoient dans les pratiques de la piété, et, ayant perdu toute espérance d'avoir des enfans, ils résolurent, d'un commun accord, de borner leur union aux douceurs d'une amitié et d'une confiance réciproques.

La princesse de Piémont auroit bien voulu se livrer aux œuvres de charité extérieures, ou à des austérités extraordinaires ; mais elle étoit retenue par les conve

nances de son rang, et ses confesseurs, l'abbé de Ros siglion et l'abbé Tempia, étoient occupés à arrêter son zèle à cet égard. Elle voulut cependant être d'une association de dames formée, à Turin, sous le nom de Dames de l'Humilité et de la Visitation. De cuisans. chagrins vinrent éprouver cette haute vertu. Les malheurs de sa famille furent pour elle une rude épreuve, Elle perdit successivement, d'une manière tragique ef trop connue, un frère, une sœur, une belle-sœur, un neveu ; elle vit le reste de sa famille errant et proscrit, et sa patrie bouleversée et livrée à l'esprit de vertige. Bientôt l'orage atteignit le Piémont même; Mme. Clotilde s'efforça de détourner la colère de Dieu par un redoublement de prières et par des exercices de pénitence; ce fut alors qu'elle obtint, ce qu'elle sollici toit depuis long-temps avec, ardeur, de renoncer aux parures, et de porter un vêtement de laine blanc, tel qu'il est d'usage à Turin pour les dames qui font une profession particulière de piété. Elle parut ainsi pour fa première fois à une procession publique, et cet exemple d'humilité fit une grande impression.

En 1796, le prince de Piémont succéda à son père, Victor-Amédée III, mort le 16 octobre, et Mme Clotilde devint reine. Cette dignité ne changea rien à ses habitudes. Elle prioit pour l'Etat ; elle veilloit sur les jours du roi, et parvint, par sa prudence, à écarter de sinistres complots. Elle répandit de plus grandes libéralités, et fit tous ses efforts pour que la religion fût respectée dans le royaume. Les deux ans qu'elle passa encore à Turin, depuis l'élévation de son mari furent des années d'inquiétudes et d'angoisses continuelles; la guerre, les menaces, les révoltes, les conspirations, les taxes, les violences, se succédoient dans le Piémont. La reine soutenoit le courage de son époux, et donnoit des conseils pleins de prudence. Elle puisoit au pied de la croix la force nécessaire dans les

temps difficiles, et on la rencontroit souvent, le matin, dans les églises de la capitale, prosternée devant le saint Sacrement, et priant avec ferveur.

A la fin de 1798, le directoire signifia inopinément à Charles IV l'ordre de quitter Turin et ses Etats de Terre-Ferme. La reine conserva seule son sang-froid dans cette conjoncture, et donna avec calme les ordres pour le départ. La famille royale quitta Turin, la nuit du 9 décembre 1798, par un temps affreux et un froid très-vif. La reine fut prise de la fièvre; ce qui ne l'empêcha point de continuer sa route. Elle passa trois semaines à Parme, et y visita les églises et les couvens. Elle en partit, le 11 janvier 1799, et se rendit à Modène par un froid rigoureux; elle eut peine à trouver un logement dans cette ville. Mais les embarras, la fatigue et les incommodités du voyage, n'altérèrent jamais son humeur, et elle étoit la pre mière à consoler et à encourager son époux. Quarante jours après son départ de Turin, elle arriva à Florence; elle auroit pu espérer d'y trouver quelque repos. Mais, si on excepte la consolation qu'eurent les deux époux de voir Pie VI, alors confiné dans la Chartreuse, et de conférer avec lui, ils furent abreuvés de nouvelles amertumes. Le roi tomba malade, et la reine, obligée de pourvoir à tout, eut à annoncer au prince la nécessité où ils étoient de passer en Sardaigne. De plus, ils furent abandonnés par quelques personnes de leur suite, qui retourne

rent à Turin.

Ils se rendirent à Livourne, où ils passèrent du 13 au 24 février; ils s'embarquèrent ce dernier jour pour la Sardaigne. La reine n'interrompit point ses exercices de piété pendant la traversée. Le 3 mars, elle arriva à Cagliari, où son premier soin fut d'aller rendre grâces à Dieu dans la cathédrale. Rien n'étoit préparé pour recevoir le roi, et le palais étoit dépourvu

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