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visible que le principal soin d'un pasteur, et auquel il est le plus obligé par le devoir de son ministère, doit être d'exciter les fidèles à aimer et à reconnoître la bonté

infinie que Dieu a pour nous; afin que, brûlant d'une sainte ardeur pour lui, ils aspirent incessamment à la possession de ce souverain bien, auquel on ne s'estime véritablement heureux d'être attaché, que quand on peut dire de tout son coeur avec le prophète: qu'aije donc à désirer dans le ciel, et que puis-je aimer sur la terre, si ce n'est vous, 6 mon Dieu? Voilà cette voie excellente que l'apôtre saint Paul a voulu nous enseigner, lorsqu'il nous a dit que tous les dons sont inutiles sans la charité, qui ne finira jamais. Ainsi, soit que l'on propose quelque chose à croire, à espérer ou à faire, il faut tellement recommander l'amour que l'on doit avoir pour Dieu, que chacun connoisse clairement que c'est l'amour qui rend notre culte parfait; et que, quoique la foi, l'espérance et les autres vertus aient leur récompense, elles ne pourront l'obtenir sans l'amour de Dieu. Un pasteur ne doit donc être occupé qu'à allumer dans le coeur de ses brebis ce feu sacré dont Jésus a voulu embraser toute la terre.

Du Catéchisme.

Nous avons dit, en parlant du prône, que toutes les instructions que l'on doit faire aux fidèles, seront inutiles et ne porteront point le fruit que l'Eglise en attend, s'ils n'y sont déjà préparés par de bons catéchismes. Voilà le fondement que saint Paul se glorifioit d'avoir posé comme un sage architecte, pour assurer l'édifice du salut des Corinthiens. C'est par le catéchisme qu'on apprend les premiers élémeus de la foi: et cette sorte d'instruction est un des plus importans services qu'on puisse rendre à l'Eglise; puisque c'est le fondement de la Religion, et la véritable semence de la parole de Dieu, sans laquelle on ne doit

espérer, dans le ministère évangélique, aucune récolte C'est par le catéchisme qu'on apprend de bonne heure aux enfans à connoître, à aimer et à servir Dieu les hommes sont ordinairement tels qu'on les forme dans la jeunesse. Le sage nous dit que, si l'on montre la bonne voie aux enfans dès l'âge le plus tendre, ils ne la quitteront pas dans leur vieillesse. Le Saint-Esprit nous fait sentir, dans un autre endroit, l'importance de tra vailler de bonne heure à connoître la Religion, en disant: mon fils, dès votre premier âge, aimez à étre instruit, et vous acquerrez une sagesse qui vous durera jusqu'à la vieillesse. C'est par le catéchisme que tant de pauvres gens de la campagne, tant d'artisans et d'autres personnes qui ne savent ni lire, ni écrire, apprennent les vérités dont la connoissance est nécessaire au salut.

L'ignorance de la doctrine chrétienne est une des principales sources de la corruption des mœurs. Rarement la dépravation du cœur est-elle si grande, que l'on résiste ouvertement à la lumière de la vérité et de la justice; mais on ne peut faire, que par hasard, le bien que l'on ne connoît pas. La dévotion ne peut jamais être que superficielle, quand elle n'est point fondée sur des principes solides, et sur une pleine conviction de l'excellence de la loi de Dieu.

Nous pouvons même dire, que le mépris de la Religion ne vient que d'ignorance: car, il est impossible de connoître la doctrine chrétienne telle qu'elle est, sans l'admirer et l'aimer. La plupart des libertins le sont sans connoissance de cause, par emportement, ou par préoccupation; et, si quelques-uns ont de l'étude, ce sera de la philosophie humaine, souvent par la lecture de quelque auteur extravagant qui combat toutes les maximes établies. Mais il n'y en a point qui ait examiné les preuves avant les objections, et qui se soit donné la patience de sonder les fondemens

de la Religion, et d'en considérer attentivement les

suites.

Rien n'est plus nécessaire, et cependant rien n'est plus rare, que la connoissance exacte de la Religion. Si l'on voit tant d'unpies et de libertins qui se glorifient dans leur impiété; s'il se trouve si peu de catholiques qui règlent leur conduite sur la loi de Dieu et sur les maximes de l'Evangile; si les illusions et les fausses dévotions sont si ordinaires dans le christianisme; en un mot, si tous les jours on prend le change en matière de Religion, et si l'on marche tranquillement dans une voie qui paroît droite à ceux qui la suivent, et qui cependant conduit à la mort, il ne faut point chercher d'autre source de tous ces malheurs, que la corruption du coeur entretenue par l'ignorance de la Religion. Ignorance plus générale que l'on ne pense. Ce ne sont point seulement les paysans, les ouvriers, les gens grossiers, sans esprit, sans éducation; ce sont gens du monde polis et éclairés d'ailleurs, souvent même les gens de lettres, que l'on trouve fort mal instruits des mystères et des règles de la morale. On voit des personnes dévotes, qui ont lu beaucoup de livres spirituels, et savent grand nombre de pratiques de piété, mais qui n'ont pas encore bien compris l'esseniel de la Religion.

les

Cette ignorance n'a rien qui doive surprendre, pour peu qu'on fasse réflexion sur ce qui se passe parmi nous. Si l'on voit beaucoup de ceux qui sont nés de parens catholiques, ne connoître de la Religion que l'écorce et l'extérieur, et porter au milieu du christianisme, un cœur paien où juif tout au plus, ce dérèglement vient presque toujours, ou du défaut d'instruction, ou de la manière dont on s'y est pris pour les instruire.

Le devoir le plus essentiel de l'état d'un curé, est donc l'instruction des enfans. Leur innocence lui est confiée, leur foi, et leur religion est un dépôt sacré

que Dieu a mis entre ses mains ; il les

y a associés par le Baptême; c'est à lui à la cultiver en eux, à l'affermir, à la faire croître par ses instructions; ils tiennent de lui le titre qui les a faits chrétiens; c'est à lui à leur apprendre à quoi les engage ce titre auguste, à cultiver ces jeunes plantes qu'il a plantées lui-même dans le champ de Jésus-Christ. Il doit avoir pour eux une tendresse de mère, puisque c'est lui qui les a enfantés à l'Eglise; c'est-là un des devoirs les plus essentiels et les plus consolans de son ministère, celui même dont un curé devroit être le plus jaloux.

Bien plus, il est certain que de la fidélité à le remplir, dépend le fruit à venir du ministère d'un curé, et de celui même de ses successeurs. Nous disons de son ministère: car un curé qui néglige d'instruire les enfans, et qui les laisse croître dans l'ignorance de nos mystères, et de ce que la Religion demande d'eux, leur ferme toutes les ressources qu'ils pourroient trouver un jour dans ses instructions. Ce sont des plantes qu'il a laissées sécher dès leur naissance; il aura beau les arroser, les cultiver dans la suite, le mal est sans remède, elles ne sont plus susceptibles d'aucun accroissement. Ce sont des enfans auxquels il a donné, par le Baptême, la naissance selon la foi; mais, les abandonnant aussitôt, ils deviennent comme ces enfans exposés, malheureux fruits de l'inhumanité de leurs parens; ils ignorent pour toujours leurs titres, leur origine, Jésus-Christ leur frère, dont ils sont cohéritiers, et l'Eglise leur mère qui les a enfantés dans son sein : l'abandonnement de leur vie répond toujours à l'ignorance de leur état. Or, comment un curé peut-il avoir ces enfans sans cesse sous les yeux, et ne pas se reprocher son insensibilité à l'égard de ces innocentes victimes, auxquelles, ce semble, il n'a donné le jour par le Sacrement de la régénération et la vie de la grâce, que pour la leur ravir, autant qu'il est en lui, et les étouffer, pour ainsi dire, dans le berceau, en

ne les nourrissant pas du lait de la doctrine sainte? On a horreur de la barbarie d'une mère qui, après avoir donné la vie à son enfant, l'expose et l'abandonne; mais n'est-ce pas là l'image naturelle de la dureté d'un pasteur, lequel après avoir donné la vie de la foi aux enfans, les expose, les abandonne et les livre à tous les malheurs de l'ignorance entière de la foi qu'ils ont reçue, mille fois plus funestes que ceux de l'indigence? Ils porteront devant Dieu le titre auguste et ineffaçable du christianisme, il est vrai; mais ce titre sera le titre terrible de la condamnation de ce pasteur négligent; il s'élèvera contre lui, et demandera vengeance de la profanation et de l'avilissement où il l'aura laissé, après en avoir embelli leur âme. Ce pasteur qui aura fait ainsi des chrétiens sans religion, sans connoissance de Jésus-Christ et de ses mystères, comment pourra-t-il réparer à leur égard le défaut de ces premiers soins? Que pourra-t-il élever dans un édifice où il n'aura jeté aucun autre fondement que de tristes ruines?

Mais ce qu'il y a encore de plus triste, c'est qu'un curé qui a négligé d'instruire les enfans de sa paroisse, prépare à ses successeurs le même scandale; en mourant, il laisse, au milieu de son peuple, une malédiction, une plaie, où leur zèle ne saurait jamais trouver de remède. Car, après un tel pasteur, quels fruits un saint prêtre peut-il faire dans une paroisse où il ne se trouvera aucune connoissance de la Religion, où il faudroit ramener aux premières instructions de l'enfance, des fidèles que leur âge ou leurs occupations en rendent désormais incapables? La honte toute seule de redevenir enfans, mettra toujours un obstacle invincible aux soins d'un pasteur fidèle, qui voudroit leur donner du lait, au lieu d'une nourriture solide. Ils nourront sans connoître Jésus-Christ qui les a rachetés, l'Eglise qui les a régénérés, l'Esprit saint qui les avoit sanctifiés, et, au milieu des lumières de l'Evangile, sor

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