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et de les servir également dans les occasions où ils auront besoin de son ministère. Nous marquerons ci-après les précautions à prendre pour l'administration des Sacremens et la visite des malades.

A l'égard des prêtres séculiers et réguliers qui sont dans les lieux infectés de peste, sans être chargés des fonctions pastorales, ils ne laissent pas d'être obligés, sous peine de violer mortellement le précepte de la charité; de demeurer dans les lieux infectés, pour aider les pasteurs, et donner aux peuples tous les secours qui dépendent d'eux, sur-tout s'il n'y a pas assez de prêtres pour donner aux malades cette assistance, suivant cette parole de l'apôtre saint Jean (1. Joan. 3. 16.). In hoc cognovimus charitatem Dei, quoniam ille animam suam pro nobis posuit, et nos debemus pro fratribus animas ponere. S'il y a une occasion où le précepte d'exposer sa vie pour ses frères, oblige, c'est sans difficulté celle de la peste: temps où le ministère des prêtres est si nécessaire, et où l'on en manque pour l'ordinaire.

Quelques péchés qu'une personne ait pu commettre, le martyre, souffert pour Jésus-Christ, les efface; parce que le martyre est la preuve de la charité la plus parfaite : qui perdiderit animam suam propter me et Evangelium, inveniet eam. Qui me confessus fuerit coram hominibus, confitebor et ego eum coram Patre meo qui in cœlis est, dit Jésus-Christ (Marc. 8. 35. Matth. 10. v. 39. 32. ). Quis non pati exoptet, ut totam Dei gratiam redimat et omnem veniam ab eo compensatione sui sanguinis expediat : omnia enim huic operi delicta donantur ( Tertull. Apologet. ). Ceux qui s'exposent à la mort pour le service des pestiférés, reçoivent aussi par la même raison la rémission de leurs péchés, parce qu'ils font en cela un acte de la charité la plus parfaite, suivant ces paroles de Jésus-Christ : Majorem hác dilectionem nemo habet, ut animam suam ponat quis pro amicis suis (Joan. 15. 13.).

Mais il faut, pour mériter par le martyre et par l'as

sistance des pestiférés la rémission de ses péchés et la vie éternelle, s'exposer à la mort par un véritable principe de charité: car, si on le fait par un autre motif, comme par vanité, par intérêt, par ostentation, et pour s'attirer l'estime des hommes, en ce cas, l'assistance des pestiférés, et même le martyre, ne sont d'aucun mérite pour le salut, suivant cette parole de saint Paul: Si tradidero corpus meum, ita ut ardeam, charitatem autem non habuero, nihil mihi prodest (1. Cor. 13. 3.).

Il faut donc que ceux qui s'exposent pour les pestiferés, aient grand soin de purifier leur intention, et qu'ils agissent par le seul motif de plaire à Dieu et de satisfaire à leur devoir. Ils doivent adorer la justice de Dieu irrité contre les crimes; lui demander pardon pour leurs propres péchés, et pour ceux du peuple; en souffrant à lui par de fréquentes oraisons et élévations de cœur, comme des victimes d'expiation. C'est ce que doivent faire sur-tout les pasteurs, à l'exemple de saint Charles, qui est un grand modèle sur cet article.

Ce saint évêque a lui-même, réglé dans son cinquième concile provincial, tout ce qui est à faire en temps de peste, ayant remarqué par expérience que dans ce temps funeste, la frayeur saisit tellement tous les esprits, que personne n'est en état de penser à ce qu'il faut faire alors pour le bien public et pour celui des particuliers.

La même raison nous oblige à mettre ici un extrait des choses les plus importantes que saint Charles a jugées à propos de régler dans ce concile provincial; afin que, si ce diocèse venoit à avoir le malheur d'être frappé de ce fléau terrible, chacun puisse, en lisant cet extrait, savoir ce qu'il a à faire.

Il y a des choses qui doivent être faites par l'évêque. d'autres par le curé ou par le clergé séculier et régulier, d'autres par les magistrats, d'autres d'autres par le peuple.

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DES Devoirs de l'Evêque pendant la peste.

L'EVEQUE étant le père commun de tous doit veiller à tout, et avoir une inspection générale sur tout ce qui est du bien public.

Saint Charles dit qu'aux approches de la peste, il doit faire faire des processions publiques dans tout son diocèse, et que ces processions doivent être faites d'une manière lugubre, qu'il doit en même temps ordonner des jeûnes et des aumônes extraordinaires, pour fléchir la colère de Dieu. Il faut porter dans ces processions, les principales reliques qui sont dans chaque église.

L'évêque doit aussi ordonner par-tout, les prières de quarante heures, avec exposition du saint-Sacrement. Il doit exhorter tous ses diocésains à s'approcher saintement des Sacremens de Pénitence et d'Eucharistie; travailler sérieusement à réformer les abus qui se sont introduits dans son diocèse, et commencer par sa maison, s'il s'y en est introduit quelques-uns; régler tellement tous ses domestiques, qu'ils soient un modèle de sainteté pour tout le diocèse.

Il faut qu'il assemble, dès le commencement, tout le clergé séculier et régulier de la ville épiscopale, pour les exhorter à redoubler leur ferveur, afin de servir d'exemple aux laïques, et pour leur donner les règles qu'ils ont à suivre en ces temps malheureux. Il doit faire en sorte que les couvens des religieuses fassent aussi des prières et des pénitences extraordinaires, et vivent dans la régularité la plus exacte. Ils doivent avoir soin d'exhorter ceux qui ont des procès et des inimitiés, à se réconcilier. Il doit faire cesser autant qu'il pourra, tous les jeux, tous les divertis semens, tous les festins, dans toute l'étendue de son diocèse. Il doit veiller, autant qu'il dépendra de lui, à ce que chacun restitue le bien d'autrui, et se pré

pare

pare sérieusement à paroître devant Dieu, s'il venoit à être attaqué par le mal. Il doit prendre, de concert avec les magistrats, toutes les précautions nécessaires pour la santé, et pour empêcher les désordres que les scélérats font souvent en ce temps-là dans les lieux affligés de ce fléau.

Il doit ramasser le plus de confesseurs qu'il pourra, pour le service des malades. Il est bon, s'il en a la facilité, de faire venir de Rome, des indulgences plénières pour tous ceux qui donneront aux malades des assistances, soit spirituelles, soit corporelles.

Il doit donuer tous ses pouvoirs, sans aucune réserve de cas et de censures, généralement à tous les confesseurs qui travailleront dans les lieux infectés de peste. Il doit augmenter dans ce temps-là, ses charités publiques et secrètes, et ne pas craindre de s'endetter pour cela, pourvu qu'en cas de mort il laisse de quoi satisfaire

ses créanciers.

Il doit avoir soin, de concert avec les magistrats, de prendre toutes les mesures nécessaires pour procurer aux lieux affligés, les secours de vivres suffisans pour le besoin public, pour avoir des lieux vastes et spacieux qui servent d'hôpitaux, garnis de lits pour les malades; ou, ce qui est encore mieux, pour faire faire des huttes de bois ou barraques en pleine campagne, afin d'y mettre les malades; pour avoir des lieux différens destinés à ceux qui sont actuellement attaqués, à ceux qui sont violemment suspects, à ceux qui sont légèrement suspects, à ceux qui sont convalescens. Ces lieux publics doivent être situés en un terroir élevé, sec, sain, bien exposé, autant que faire se peut, proche de quelque eau courante, et hors de la ville, ou du bourg, ou da village que la peste afflige; des prêtres doivent être placés à portée de pouvoir commodément secourir les malades qui y sont enfermés. Il doit veiller sur-tout à ce que les hommes et les femmes malades soient placés dans différens endroits.

Tome II.

E

L'évêque doit avoir soin de faire bénir dans des lieux écartés, un ou plusieurs cimetières assez grands pour la sépulture des morts, qui ne doivent jamais être enterrés pendant ce temps-là dans les églises, sous quelque prétexte que ce puisse être. Il doit engager les magistrats et autres personnes en place à ordonner qu'on jette de la chaux, autant que faire se pourra, sur les cadavres, à mesure qu'on les ensevelira.

Il doit faire en sorte qu'il y ait pour chaque prêtre, des ornemens, des vases sacrés, des saintes huiles et des livres nécessaires pour les fonctions sacrées. Il doit avoir un soin particulier des prêtres et des religieux, qui s'exposeront pour le service des malades.

Il doit prendre toutes les précautions possibles, pour empêcher que la contagion ne s'étende. Saint Charles dit qu'il ne faut pas mettre au nombre de ces précautions, celle de ne point faire de processions publiques. Nous avons cru devoir mettre ici les propres paroles de ce Saint.

Et quonium, dit-il, sanctarum processionum usus, afflictissimo quoque tempore, et in pestilentiâ præsertim, gravissimoque morbo, ab Ecclesiá Dei perpetuò adhibitus est, ideò episcopus, non solùm imminente, ut narratum est, sed ingravescente in dies peste, processiones et supplicationes solemnes toties instituet, atque adeò peraget, quoties opus esse viderit.

Saint Charles prouve l'usage ancien des processions en temps de peste, par l'exemple de saint Basile le grand, de saint Mamert, évêque de Vienne, du pape saint Grégoire le grand, de saint Eutychius, patriarche de Constantinople. L'histoire nous en fournit encore plusieurs autres; et nous avons entr'autres, en France, celui de la procession très-célèbre qui se fit à Paris, l'an 1129, du temps du roi Louis le Gros, par ordre de l'évêque Etienne, prélat de sainte vie, qui avoit jusqu'alors inutilement imploré le secours du ciel des jeûnes et par des prières publiques, contre la

par

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