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minùs raptor ipse, ac omnes illi consilium, auxilium et favorem, præbentes, sint ipso jure excommunicati.

Ainsi, quoique le ravisseur puisse épouser, sans dispense de l'Eglise, celle qu'il a ravie, après l'avoir remise dans un lieu de sûreté, pour elle, et en liberté, si elle consent alors au mariage, il n'en demeure pas moins lié de l'excommunication que le rapt lui a fait encourir, et dont il est obligé de se faire absoudre, avant que de recevoir le Sacrement de Mariage. II auroit même encouru l'excommunication, si, après l'avoir enlevée du lieu où elle étoit, il l'avoit renvoyée, étant encore en chemin, avant que de l'avoir conduite dans le lieu où il avoit résolu d'abord de la retenir.

Le rapt de séduction se fait, lorsqu'on engage une jeune personne, par artifice, par caresses, par présens, à sortir de la maison paternelle, ou de celle dans laquelle elle est placée par autorité, pour se mettre sous la puissance du ravisseur.

Le rapt de séduction convient avec le rapt de violence, en ce que, dans l'un et dans l'autre, il y a un véritable enlèvement, et que cet enlèvement se fait d'une manière injurieuse à ceux sous la puissance desquels est la personne enlevée. Mais il en diffère, 1. en ce que toute personne peut être l'objet du rapt de violence, au lieu que le rapt de séduction ne regarde que les mineurs de vingt-cinq ans: on ne regarde plus les majeurs comme capables d'être séduits. Il y a cependant des auteurs qui disent que, si la séduction avoit commencé dès le temps de la minorité, et qu'il y eût eu opposition de la part des parens, l'action de rapt pourroit être intentée, même après la majorité. 2. En ce que, dans le rapt de violence, la personne enlevée ne consent pas à son enlèvement, au lieu qu'elle y consent dans le rapt de séduction. 3. En ce que le rapt de séduction n'a lieu qu'à l'égard d'une personne qui a d'ailleurs une bonne réputation: car, si c'étoit

une personne qui fùt déjà diffamée, ou par quelque crime public, ou par une prostitution publique, son enlèvement seroit regardé comme le fruit, non de la séduction, mais du libertinage; à moins qu'elle n'ait réparé, par une pénitence convenable et sincère, ses premiers égalemens.

Il faut, pour le rapt de séduction, un enlèvement de la personne ravie; ou que, s'il n'y a pas un enlèvement apparent et concerté, elle se retire de la maison paternelle par le consentement du ravisseur, pour se livrer et rester d'elle-même en sa puissance car, si le ravisseur la recèle et la retient, elle n'est plus en état de faire librement le choix d'un époux.

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Il faut que la séduction se fasse à l'insu des parens: car, selon les principes des canonistes, le rapt de séduction s'appelle une espèce de larcin qu'ou fait aux parens: il n'y en a donc point, s'ils y consentent ou le conseillent.

Il n'est pas nécessaire, pour le rapt de séduction, que la personne séduite ait été violée; mais, quand le séducteur en a abusé, après l'avoir sollicitée et subornée à l'insu de ses parens, il n'y a plus à douter alors qu'il n'y ait véritablement rapt de séduction.

Les théologiens disputent entr'eux, sur la nature du rapt de séduction. Il y en a qui soutiennent que ce n'est pas un empêchement dirimant; soit parce que le concile de Trente paroît n'avoir voulu parler que du rapt de violence; soit parce que ce rapt ne contraint point la liberté de la personne enlevée pour le mariage, puisqu'elle consent de plein gré à l'enlèvement; et que, s'il y a quelque violence ou injure, elle n'est faite qu'aux parens de la personne enlevée: or, ajoutent ces théologiens, le concile de Trente a défini que le mariage ne laisse pas que d'être valide, quoique les pères et mères n'y aient pas consenti; d'où il s'ensuit, qu'il n'y a rien, dans le rapt de séduction, qui annulle le mariage.

On tient cependant plus communément, en France, le sentiment contraire, qui est aussi celui de saint Thomas (2. 2. q. 154. a. 6.), et on y regarde le rapt de séduction comme un véritable empêchement dirimant. 1. Parce qu'il est faux que la séduction ne nuise point à la liberté des mariages. Elle y est ordinairement bien plus contraire que la violence: celle-ci alièue le coeur; celle-là l'enchante, et le fascine; on ne raisonne plus alors, on n'est pas même capable de raisonner, tant on est aveuglé. Jusqu'à quel point n'a pas dû être changé l'esprit d'une jeune personne, à qui on fait oublier le devoir, la pudeur et les bienséances les plus communes, lorsqu'on l'a portée à sortir de sa famille, et à se mettre entre les mains d'un homme qui ne peut être séducteur sans être injuste et corrompu?

2. Parce qu'on ne doit point distinguer, où la loi ne distingue pas: or, le concile de Trente n'ignoroit pas que le rapt de séduction est pour le moins aussi commun que celui de la violence; et cependant il n'a pas distingué l'un de l'autre dans son décret; il parle au contraire de la manière la plus générale. Il y a plus, toute distinction en ce point auroit beaucoup énervé le nouveau règlement du concile, et réduit son décret à très-peu de chose : car, avant ce décret, la violence, même séparée du rapt, étoit déjà un empêchement dirimant du mariage: ainsi, pour lui donner un sens digne de la sagesse et des lumières du concile, il faut étendre sa loi au rapt de séduction.

3. Quand même il seroit incertain si le concile de Trente a voulu mettre le rapt de séduction au nombre des empêchemens dirimans, on devroit le regarder comme tel dans ce royaume, où la coutume l'a au moins introduit. Car c'est un principe reçu, que la coutume d'un diocèse, et à plus forte raison celle d'un royaume, a la force d'introduire un empêchement de mariage, lors même qu'il n'y a aucune loi qui l'éta

blisse; pourvu que cette coutume n'ait rien de mauvais, et qu'elle ne soit contraire ni au droit divin, ni au droit naturel; qu'elle soit approuvée ou au moins tolérée par les supérieurs, et qu'elle soit affermie par une prescription légitime. Cette décision est appuyée par le pape Alexandre III. dans le chap. Super eo quod. de cognat. spirit. qui applique ce principe à un diocèse particulier. Or, dans l'Eglise de France, la coutume a établi le rapt de séduction parmi les empêchemens dirimans, et elle est d'accord en cela aux lois civiles du royaume. Elle n'a d'ailleurs rien de mauvais; elle est au contraire juste et sainte, puisqu'elle procure au Sacrement de Mariage, le respect qui lui est dû; qu'elle fait rendre aux pères et aux mères l'honneur qu'ils ont droit d'attendre de leurs enfans; et qu'elle épargne des repentirs amers et inutiles aux personnes séduites, dont la passion n'est pas plutôt calmée, qu'elles sont au désespoir d'avoir cédé si aisément à l'illusion et à la fureur qui les avoient rendues incapables de réflexion, et leur avoit ôté la raison avec la liberté.

L'empêchement qui naît du rapt de séduction, finit par la liberté de la personne enlevée et séduite. Si, lorsqu'elle est rendue à elle-même et à ses parens, elle consent dans les règles à épouser son ravisseur, elle peut le faire, suivant le concile de Trente; il faut cependant, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, que le ravisseur et la personne qui s'est laissée ravir, commencent par se faire absoudre de l'excommunication encourue par le crime.

Ce que nous avons dit du rapt de séduction, doit s'entendre de la femme qui a séduit un jeune homme, comme de l'homme qui a séduit une jeune fille.

DE la conduite que doit tenir un Curé ou un Confesseur, lorsqu'il découvre un empêchement.

LES

Es curés et les confesseurs doivent avoir une pleine connoissance des empêchemens de mariage; parce que c'est sur eux que se repose l'Eglise, pour la validité des mariages des fidèles. C'est aux curés à leur administrer ce Sacrement. Les confesseurs qui les écoutent dans le tribunal de la Pénitence, lorsqu'ils se disposent au mariage, doivent prendre garde que, par ignorance ou par malice, ils ne se marient contre les défenses de l'Eglise. Ils sont préposés les uns et les autres, pour instruire ceux dont la conduite leur est confiée, de tout ce qui pourroit rendre leurs mariages nuls. Si l'empêchement est public, le curé doit arrêter le ma→ riage. Si l'empêchement est ignoré du pénitent, le confesseur n'en est pas moins obligé de l'en avertir, s'il ne veut pas être complice du péché; quand même il auroit à craindre que le pénitent ne passât outre, sans vouloir profiter de son avis. Peut-être que le pénitent, qu'on suppose ne vouloir point profiter de ce qu'on lui dira, en fera un bon usage quand on lui aura exposé avec zèle et avec prudence le tort qu'il se feroit à lui-même et à ses enfans, s'il passoit outre. Mais, quand même ce pénitent refuseroit d'écouter ce qu'on lui diroit, et de s'y conformer, le confesseur, en l'avertissant, en retirera toujours au moins cet avantage, qu'il n'aura pas à répondre à Dieu de l'invalidité du mariage de son pénitent; et qu'il satisfera à son devoir, qui l'oblige, à l'égard de ceux qui viennent se confesser à lui, de les instruire des dispositions requises pour bien recevoir les Sacremens auxquels ils demandent de participer, et de leur faire connoître celles qui leur manquent. Si le confesseur croit qu'un pénitent a be

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