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dans une telle donation, la tradition de de droit, l'irrévocabilité requise pour la va lidité des donations entre-vifs, fe trouvent remplies. Quant à la traditon de fait, la tranfmiffion de la poffeffion au donataire, elle s'y trouve auffi fuffifarument par la claufe de réferve d'ufufruit, de conftitur & de précaire....>>.

» Au contraire, la donatrice a-t-elle entendu ne donner à fon fils, que quinze mille livres à prendre dans fa fucceffion telle qu'elle fe trouveroit lors de fon décès; en forte que ne s'y trouvant rien qui fût libre, & qui n'eût été épuisé par avance par des dettes, ou par d'autres engagemens contractés de fon vivant & depuis la donation, cette donation fe trouve caduque dans fon effet, & inutile? En un mot, la donatrice a-t-elle donné de maniere qu'elle demeurât libre jufqu'à fon décès d'épuifer fes biens & de les fouftraire à l'effet de la donation? En ce cas, il ne paroît pas douteux, que cette donation ne loit radicalement nulle: elle peche contre l'irrévocabilité effentielle aux donations entre-vifs. Cette irrévocabilité parmi nous ne doit pas être fimplement en apparence; il faut qu'elle foit réelle & effective. C'eft donner & retenir, fuivant la Coutume de Paris, lorfque le donateur fe réserve la liberté de difpofer de la chofe donnée.....c'eft fe réserver la liberté de difpofer de la chofe donnée, que de conferver a libre difpofition de tous les biens univer fellement deftinés à la fournir, pendant qu'elle ne peut être exigée qu'après la mort, & fur la fucceffion du donateur; ainfi la donation n'eft point réellement irrévocable, & il n'y a point de véritable tradition de droit. Dès-lors la tradition de fait par la voie feinte de rétention d'ufufruit, de conf titut & de précaire, de deffaififfement des biens, jufqu'à concurrence de la fomme donnée & autres femblables claufes, tout cela n'eft qu'un pur ftile, qui ne peut donmer à la donation l'effentiel qu'elle n'a pas ».

» C'eft relativement à ces deux vues oppofées, qu'il faut confidérer les termes dont il s'agit, pour connoître à laquelle des deux elle doit fe rapporter. La veuve Morand y donne à fon fils préfent & accepsant, par donation entre-vifs, pure & fim

ple & irrévocable & en la meilleure forme que donation puiffe valoir; (jufques là la donation, l'acceptation, fe trouvent exprimées dans les termes les plus forts & les plus précis). Que donne ainfi la donatrice? la fomme de quinze mille livres à prendre après fon décès, fur les premiers deniers qui proviendront, des biens & effets de fa fucceffior, meubles & immeubles. C'eftici la clause principale de la donation. A s'en tenir à cette claufe, c'eft fur les biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, & fur les premiers deniers qui en proviendront, que la fomme de quinze mille livres eft à prendre; ce n'eft pas fur les biens actuels que la donatrice poffede, ou fur quelqu'un d'eux en particulier; ce n'eft pas non plus fur l'univerfalité de fes biens, tant ceux qu'elle poffede actuellement, que ceux qu'elle pourra acquérir dans la fuite, c'est expreffément & précisément fur les biens & effets de fa fucceffion, fur ce qui fe trouvera dans fa fucceffion fur fa fucceffion enfin : car toutes ces différentes fortes d'expreffions font fynonimes, & indiquent évidemment ce qui fe trouvera dans la fucceffion de la donatrice. Ainfi, à fe renfermer dans ces termes, elle demeure libre d'aliéner tous fes biens de fon vivant, fans que la donation y puiffe faire d'obftacle. Ainfi, jufques-là, il paroît bien difficile de trouver dans la donation le caradere d'irrévocabilité néceffaire, pour qu'elle puiffe valoir; mais il refte encore à confidérer ce qui fuit ».

» En même temps que fa donatrice fait la donation à prendre fur les premiers deniers qui proviendront des biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, elle ajoute, qu'elle lès a dès-à-préfent chargés, affectés, obligés & hypothéqués au paiement de la fomme de quinze mille livres; elle fait une affectation de biens; elle les oblige & les hypotheque dès-lors; mais quels biens? Ce font feulement ceux de fa fucceffion, meubles & immeubles, & non pas fes biens en général, ni aucun bien en particulier, fur les premiers deniers qui proviendront des biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, qu'elle a dès-d-préfent chargés, &c. Ces termes font indivifibles; il n'y a d'obligé, mi d'hypothéqué,.

2

§ XIII.
vient de précéder ».

que les biens de fa fucceffion; elle n'oblige
donc réellement que fa fucceffion : elle
l'oblige dès-lors; mais ce n'eft toujours
que fa fucceffion qu'elle oblige. Par confé-
quent fa donation n'a d'objet réel que ce
qui fe trouvera dans fa fucceffion, fans
qu'elle foit obligée d'y rien laiffer, & que
rien l'empêche d'épuifer cette fucceffion
pendant fa vie, foit par des aliénations,
des aliénations,
foit par d'autres libéralités indépendantes
de l'état où elle laiffera fa fucceffion »..
» Vient enfuite la clause de réserve d'ufu-
fruit en ces termes : pour par ledit M. Mo-
Tand, fes hoirs & ayans caufe en jouir,
(c'eft-à-dire, de la fomme de quinze mille
livres), faire & difpofer en toute propriété
comme de chofe leur appartenante dudit jour
du décès de ladite demoifelle veuve Mo-
rand, jufqu'auquel elle fe réserve l'ufufruit
& jouiffance d'icelle, qu'elle reconnoit tenir
dudit fieur fon fils à titre de conflitut & pré-
caire. Ce n'eft toujours que de la fomme
à prendre fur les biens de fa fucceffion
qu'il s'agit ; c'est à cet objet auquel fe réduit
la donation, & que fe réduit auffi la claufe
de réserve d'ufufruit, de conftitut & de
précaire; cette claufe de ftyle ne fupplée
point à l'irrévocabilité qui manque à la
fubftance même de la donation ».

» Vient enfin la derniere claufe qui porte: & dès-à-préfent elle s'eft deffaifie en fa faveur de tous fesdits biens, jufqu'à concurrence de ladite fomme de quinze mille livres ci-dessus donnée, voulant qu'il en foit Saifi & mis en poffeffion par qui il appartiendra, conflituant à cet effet pour fon procureur, le porteur des préfentes. Cette claufe, qui a un rapport vifible aux coutumes de nantiffement & de faifine, porte d'autant plus le caractere d'un pur ftyle employé au hafard, qu'il y a moins d'apparence que la veuve Morand, donatrice, eût ou dût avoir dans la fuite aucuns biens dans de femblables coutumes. Mais enfin prenons la telle qu'elle eft. Elle porte dévêtiffement & abdication; mais defdits biens, ce font les propres termes de la claufe, & par conféquent fealement des biens de la fucceffion future de la donatrice, puifque ce font les feuls dont il a été parlé jufqu'alors, & auxquels fe rapporte uniquement tout ce qui

"Ainfi, en confidérant l'une après l'au tre, toutes les parties de la difpofition en les réuniflant toutes enfemble, de quelque maniere qu'on les prenne, elles fe réduifent à l'objet unique d'une fomme de quinze mille livres, à prendre uniquement fur les biens qui fe trouveront dans la fucceffion de la donatrice; fur cette fucceffion, telle qu'elle pourra fe trouver: & confé par quent la donation, telle qu'elle eft conçue, laiffe à la donatrice la libre difpofition de tous fes biens pendant fa vie. Mais s'il eft ainfi, elle péché contre l'irrévocabilité effentielle aux donations entre-vifs; elle tombe dans le cas porté par l'article 274 de la coutume de Paris; c'eft donner & retenir, quand le donateur s'eft réfervé la jouiffance de difpofer librement de la chofe par lui donnée. Une donation de quinze mille livres à prendre fur les biens, ne peut, dans nos maximes, être confidérée comme donation entre-vifs, qu'en la confidérant comme une donation des biens, jusqu'à concurrence de quinze mille livres : donc, quand le donateur s'eft réfervé la liberté de difpofer de tous fes biens fans exception pens dant fa vie, c'eft réellement s'être réfervé la liberté de difpofer de la chofe donnée; ce que la coutume défend fi expreffément ».

Ces raifons déterminerent M. Gilbert à conclure à ce que la fentence fût infirmée, émendant, la donation fut déclarée nulle. Ainfi jugé au rôle de Paris, le mardi 21 mai 1737 Plaidoyeries, fol. 338-339, n° 6, coté 2595,

On trouve dans les Œuvres de Cochin tome 4, pag. 392, un mémoire imprimé dans cette caufe pour le fieur le Camus.

11. Le comte de Lutzelbourg avoit époufé la demoiselle de Borio. Par leur contrat de mariage en date du 13 avril 1741, la demoiselle le Clerc avoit » volontairement fait donation entre-vifs à la demoiselle future époufe, ce acceptant pour elle, tant par le fieur comte de Borio fon pere & tuteur, que par lefdits fieur & demoiselle futurs époux, de quarante mille livres à prendre auffitot le décès de ladite demoiselle le Clerc, foit en argent, foit en fonds, au choix defdits fieur & demoiselle

futurs époux, fur les biens qui fe trouveront dans la fucceffion de la demoiTelle le Clerc donatrice, produifant deux mille livres de revenu par an; defquelles quarante mille livres, ladite demoiselle le Clerc donatrice s'eft réfervé l'ufufruit & jouiffance fa vie durant, voulant que les quarante mille livres demeurent propre à ladite demoiselle future époufe, & aux fiens de fon côté & ligne; mais que fi ladite demoiselle future époufe décédoit fans enfans en poffeffion defdites quarante mille livres, ledit fieur comte de Borio, fon pere, la furvivant, fuccéde auxdites quarante mille livres à l'exclufion de tous

autres ».

La dame de Lutzelbourg eft décédée fans enfans, le 28 avril 1749.

La demoiselle le Clerc, donatrice, étant décédée au mois d'août 1757, le comte de Borio pere forma contre fes héritiers, la demande en paiement des quarante mille livres données par la défunte à fa fille.

Sentence contradictoire eft intervenue aux requêtes du Palais, le 11 mai 1758 qui déboute le comte de Borio de toutes fes demandes.

» Queftion de favoir quelle eft la nature de la donation des quarante mille livres, difoit, fur l'appel, M. Joly de Fleury, avocat-général. Elle eft qualifiée par les parties contractantes donation entrevifs: elle a été acceptée, formalité effentielle aux donations entre-vifs: elle porte une réserve d'ufufruit qui induit tradition: voilà des énonciations qui annoncent la donation entre-vifs ».

» Ces énonciations font-elles fuffifantes pour déterminer la nature de l'acte? On peut bien en induire que la donation eft la donation eft conçue par des expreffions entre - vifs ; vifs; mais de ce qu'une donation fera conçue par des expreffions entre-vifs, s'enfuivra t-il toujours, qu'elle doit être réputée donation entre-vifs"?

"......La forme extérieure de l'acte ne peut jamais l'emporter fur la nature de T'acte en lui-même ».

» Un donateur dira tant qu'il voudra, qu'il donne entre-vifs; il accumulera même tout ce qui peut annoncer qu'il donne en

tre-vifs, fi véritablement ce qu'il donne ne peut être regardé que comme donné à caufe de mort, la loi ne fera pas pour cela impuiffante ».

» Voyons ici ce qui eft donné: c'eft quarante mille livres, à prendre auffi-tôt le décès de la donatrice, foit en argent, foit en fonds, &c. fur les biens qui fe trou veront dans fa fucceffion. On a, de la part du comte de Borio, prétendu que c'étoit ici une démonftration, une époque du terme de paiement. Mais ce n'eft pas là le fens de la claufe; c'eft un don de fa fucceffion, jufqu'à concurrence de quarante mille livres ».

» Mal-à-propos celui qui a été le rédacteur de l'inftrument où elle étoit contenue, s'eft-il fervi des mots, donation entrevifs, acceptation, rétention d'ufufruit; tous ces termes n'étoient pas néceffaires, s'il eût connu les principes du droit pour opérer l'irrévocabilité & la validité de la donation..; & ils font impuiffans pour empêcher la caducité de la donation par le prédécès de la donataire ».

Par arrêt du 12 mars 1759, conforme aux conclufions, la fentence des requêtes du palais a été confirmée avec amende & dépens : Plaidoyéries, fol. 384-387, no 25 » coté 3090.

12. Dans une autre efpece, dont nous avons trouvé une fimple note dans le journal MS. de MM. Delambon & Maffon, une femme avoit fait à fon futur mari donation entre-vifs de tous fes biens, pour par lui en jouir en pleine propriété, du jour du décès de ladite future époufe. La propriété n'ayant pas été accordée au donataire, du vivant dela donatrice, mais feulement du jour de fon décès, la donation qualifiée entre-vifs, étoit une vraie donation à caufe de mort; en cette qualité, elle étoit devenue caduque par le prédécès du donataire; c'est ce qui fut décidé par l'arrêt rendu contre fes héritiers, le 30 août 1760.

13. Aux arrêts qui viennent d'être rapportés depuis le n° 8, il faut en joindre un autre qui a jugé au contraire, mais auquel. comme il a déja été dit à la fin du no 1, pag. 66, il ne faut pas s'arrêter.

La dame veuve Capy, pour récompenfer Henri Moutier, dit Fontaine, fon domef

tique, de tous les bons fervices qu'il lui avoit rendus depuis 19 ans, & qu'elle comptoit, qu'il lui rendroit encore par la fuite, paffa un acte, le 24 mai 1755, pardevant notaires à Paris, par lequel elle donna à Moutier," par donation entre-vifs & irrévocable, en la meilleure forme que donation puiffe valoir, la fomme de trois mille livres, à prendre fur les plus clairs & plus apparens biens qu'elle délaiffera au jour de fon décès, jufqu'auquel jour elle s'en réferve l'ufufruit, qu'elle déclare tenir à titre de conftitut & précaire, pour par ledit Moutier, recevoir, lors de l'ouverture de la fucceffion de la dame Capy, de fes héritiers ou représentans, ou de tous autres qu'il appartiendra, ladite fomme de trois mille livres ou autrement en difpofer comme bon lui femblera, & de chofe à lui appartenante; certe donation faite pour les motifs ci-devant, & parce que telle eft la volonté de ladite dame Capy, qui s'eft deffaifie en faveur dudit Moutier, de tous fes biens, meubles & immeubles, préfens & à venir, jufqu'à concurrence de ladite fomme de trois mille livres préfentement donnée, voulant qu'il en foit faifi & mis en bonne poffeffion; conftituant à cette fin, fon procureur, le porteur des préfentes ».

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La méme dame, par un teftament poftérieur de quelques années, légua au même domeftique, une penfion viagére de cinq

cents livres.

Après le décès de la dame Capy, arrivé le 24 décembre 1763, fes enfans & héritiers ne conrefterent point le legs porté au teftament; mais ils foutinrent, que la donation étoit nulle, fur le fondement que l'exécution de cette donation dépendoit de la volonté de la donatrice, qui pouvoit la rendre fans effet en vendant fes biens, les affectant ou hypothéquant; qu'il n'y avoit point dans cette donation, un deffaififfement tel que le veut la loi, & qui peut empêcher La donatrice de pouvoir rendre fans effet la donation par la fuite; en un mot, que cette donation étoit infectée du vice donner & retenir.

Il n'y auroit point eu de difficulté à fe décider en faveur de Moutier, donataire, fi La donatrice eût dit purement & fimple

ment, qu'elle lui donnoit trois mille livres, dont néanmoins il ne feroit payé qu'après fon décès; mais l'acte portant, à prendre fur les plus clairs & plus apparens biens qu'elle délaiffera au jour de fon décès, c'étoit une véritable donation à caufe de mort; le donataire n'avoit point d'affurance certaine de l'objet donné. Si la donatrice eût difpofé de fes biens, on auroit renvoyé le donataire à la clause même de la donation: à prendre fur les biens qu'elle délaiffera. Le donataire n'étoit point faifi, & ne pouvoit l'être du vivant de la donatrice. Il y avoit donc lieu de prononcer la nullité de la donation.

Les juges ont été d'avis contraire. Ils ont penfé que les claufes de l'acte annonçoient l'intention de la dame Capy de faire des-à-préfent donation à fon domeftique d'une fomme de trois mille livres, dont le paiement, différé jufqu'après fa mort, ne pourroit être demandé qu'à fa fucceffion. En conféquence, par arrêt rendu le 7 mai 1770, à l'audience de fept heures, la fentence faute de comparoir, qui avoit ordonné l'exécution de la donation, fut con firmée avec dépens: Plaidans M Chanlaire, pour les appelans, & M. de la Goutte pour Moutier intimé: Plaidoyeries, vû la feuille, n° 41.

14. Le fieur Huché avoit fait donation à la dame de Montquéron d'une fomme de trente mille livres, pour en jouir par elle dès l'inftant de la donation, quant à la propriété, & du jour du décès du donateur, quant à la jouiffance. Les héritiers du fieur Huché prétendirent que c'étoit donner & retenir, parce qu'il n'y avoit point de tradition dans la chofe donnée, point d'hypotheque fur les biens donnés. Ce moyen n'étoit pas fondé; la donation opéroit en faveur de la donataire, hypotheque fur les biens du donateur; mais comme il étoit incertain file donateur acquereroit d'autres immmeubles; comme il pouvoit diffi per fon mobilier, l'hypotheque fur fes biens exiftans au moment de la donation, étoit la feule circonftance qui rendit la donation parfaitement irrévocable; c'eft pourquoi; par fentence rendue au châtelet, le 19 août 1749, à laquelle les parties ont acquiefcé

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la donation a été réduite à la valeur des immeubles que le donateur poffédoit au moment de la donation, & il a été ordonné, que la fomme donnée ne pourroit fe prendre,

ni fur les immeubles qu'il avoit acquis depuis, ni fur le mobilier de la fuccef fion.

DONATION MUTUEL L E.

Voyez Donation.

SOMMAIRES.

I. Définition: nature de la donation mutuelle: elle eft tantôt donatión entre-vifs tantôt donation à caufe de mort.

II. Les perfonnes qui ne font pas unies par mariage, peuvent-elles fe faire une donation mutuelle ?

I. Définition nature de la donation mutuelle: elle eft tantôt donation entrevifs, tantôt donation à cause de mort.

1. La donation mutuelle eft une convention par laquelle deux perfonnes fe donnent réciproquement l'une à l'autre.

à

2. Les deux donations que contient la donation mutuelle, font là condition réciproque l'une de l'autre ; la nullité de l'une entraîne la nullité de l'autre : fi la donation que je vous fais eft nulle, la donation que vous me faites eft pareillement nulle. 3. On a doute, fi la convention de dona tion mutuelle étoit contrat de bienfaifance, ou contrat intéreffé de part & d'autre. Les parties peuvent s'y déterminer principalement, foit par le defir mutuel de procurer l'autre un avantage, foit par le defir mutuel de profiter foi-même de l'avantage fait par l'autre contractant. Au premier cas, elle eft produite par un amour mutuel, elle eft contrat de bienfaifance. Au fecond cas, elle eft un contrat intéreffé de part & d'autre : do ut des. Mais comme il eft impoffible à l'homme de pénétrer les penfées fecretes, pareille convention doit avoir l'effet de donation, fuivant le nom que lui ont donné les parties, & être rangée dans la claffe des contrats de bienfaifance, toutes les fois que les autres claufes ou les circonftances du fait ne manifeftent pas l'intention mutuelle de faire un contrat intéreffé de part & d'autre. 4. Cette décifion doit avoir lieu pour Loute efpece de donations mutuelles de biens

préfens, ou de biens compofans la fucceffion future, foit inégales, foit même égales

quant aux biens donnés , parce que, dans tous les cas, s'il ne fe préfente aucune circonftance particuliere, la convention doit avoir effet, fuivant le nom que lui ont donné les parties contractantes.

Ricard, Du don mutuel, n° 2, penfe, au contraire, que la donation mutuelle égale de part & d'autre, faite au furvivant des deux donateurs, ne retient de la qualité des donations, que le nom. « C'eft, dit-il, un contrat irrégulier, do ut des, une espece d'échange fait avec le hafard de la furvie, & un moyen d'acquérir de part & d'autre, qui doit, par conféquent, paffer au rang des contrats onéreux, d'autant que les parties, en le faifant, n'ont nullement pour motif la libéralité qui eft l'ame de la donation; mais, au contraire, ils y font portés par un efprit de profiter, au préjudice l'un de l'autre ; ce qui eft entiérement oppofé à la donation. Et celui qui, par l'événement, parvient à la qualité de donataire, peut dire qu'il ne poffede pas les biens par la libéralité de celui qu'on appelle donareur, mais par l'efpérance que celui-ci s'étoit propofée, qu'il profiteroit d'autant de biens du donataire, en cas qu'il le furvécût. C'eft le hazard auquel s'eft mis le donataire de perdre autant de fes biens, en cas de prédécès, qui fait qu'il profite de ceux du donateur par la furvie : c'eft ce qui fait le prix du contrat, & qui eft cause

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