Page images
PDF
EPUB

« d'autrui...... par des feux allumés dans les champs à moins « de cent mètres des maisons, édifices, forêts, bruyères, « bois..... ou par des feux portés ou laissés sans précaution « suffisante ».

Enfin, le Code rural du 21 juin 1898, article 10, dit que « le Préfet, sur l'avis du Conseil général et des Chain brės << consultatives d'agriculture, prescrit les précautions nécessaires pour écarter les dangers d'incendie et notamment << l'interdiction d'allumer des feux dans les champs, à moins « d'une distance déterminée des bâtiments, vignes, vergers, haies, bois, bruyères...... appartenant à autrui.

[ocr errors]

«< Il peut, sur l'avis du mairc, lever temporairement l'interdiction, afin de permettre ou de faciliter certains tra

«vaux. >>

Cet ensemble de dispositions ne suffit-il pas pour donner aux Préfets les pouvoirs nécessaires en vue de réglementer l'emploi du feu pour les objets énumérés plus haut?

A vrai dire, le projet de loi innove en ce que l'interdiction du feu s'appliquera aux propriétaires eux-mêmes sur leur propre fonds, aussi bien qu'aux tiers, tandis que, d'après la jurisprudence, le décret-loi de 1791 et, d'après leurs termes exprès, l'article 458 du Code pénal et l'article 10 dụ Code rural de 1898 ne s'appliquent qu'à des tiers.

L'on a cru, sans doute, par cette innovation, augmenter la garantie de protection du massif forestier. Mais cette garantie ne se trouve-t-elle pas dans la double responsabilité civile et pénale de celui qui, ayant, délibérément, allumé le feu sur son fonds, le communique au fonds voisin? Cette double responsabilité découle tout à la fois du décret-loi de 1791, de l'article 458 du Code pénal et des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil.

Nous estimons, quant à nous, qu'il n'y a aucune nécessité de placer la région des landes de Gascogne sous un régime d'exception qui porte d'ailleurs une atteinte grave au droit de propriété.

Que si l'on nous objecte le régime spécial qui régit sur la même matière la région des Maures et de l'Esterel (loi du 19 août 1893), nous ferons remarquer que l'interdiction du feu dans les forêts de cette région constitue une exception temporaire, car elle ne s'applique que pendant les quatre mois d'été, juin, juillet, août et septembre et non point une règle permanente.

Nous supprimerions donc les articles 2 et 3, comme étant sans utilité.

Quant à l'article 4, nous croyons qu'il est excessif de prononcer la peine de l'emprisonnement cumulée avec l'amende pour de simples contraventions: la peine est disproportionnée avec l'acte commis.

Il ne s'agit pas ici, il ne faut pas l'oublier, de punir les incendiaires qui mettent criminellement le feu à la forêt non plus ceux qui procèdent aux incinérations des landes dans le but malveillant d'atteindre les semis voisins. Les peines édictées pour ces crimes par le Code pénal aux articles 434 et 444 sont assez dures pour satisfaire, nous semble-t-il, les consciences les plus sévères. Il s'agit seulement d'atteindre ceux qui auraient enfreint les prescriptions réglementaires de la loi et d'un arrêté préfectoral. L'amende portée par l'article 458 du Code pénal de 50 à 500 francs suffit, selon nous, dans ces cas.

Nous savons bien que l'on invoque, pour légitimer l'emprisonnement, que souvent la peine de l'amende est illusoire, ceux qu'elle atteint étant la plupart du temps insolvables. Mais l'on oublie que le cas a été prévu par l'article 52 du Code pénal, qui permet de poursuivre l'exécution des condamnations à l'amende par la voie de la contrainte par corps.

L'article 4 ne se borne pas à aggraver les peines; il tend à atteindre les maris, pères, tuteurs, maîtres et commettants comme civilement responsables des contraventions ou délits commis par les femmes, enfants mineurs, pupilles, ouvriers et subordonnés. Or, si l'on se référe pour l'application de

cette responsabilité à l'article 206 du Code forestier, l'on constate l'inanité d'une pareille disposition dans l'espèce.

En effet, la responsabilité établie par l'article 206 du Code forestier ne s'étend qu'aux restitutions, dommages-intérêts et frais, et non point à l'amende, si ce n'est dans les cas spécifiés à l'article 46 du même Code, lesquels n'ont rien de commun avec l'objet du projet de loi.

Or, la responsabilité que le législateur a tenu à définir dans le Code forestier, afin que l'État, les communes et les établissements publics, pour les bois soumis au régime forestier, fussent assurés d'être couverts des dommages subis et des frais exposés, cette responsabilité est édictée dans la législation actuelle, par l'article 1384 du Code civil, sauf, à la vérité, en ce qui concerne les maris pour leurs femmes. Mais est-il donc vraiment nécessaire de rendre les maris responsables en la matière ?

Nous ne supposons pas que le Gouvernement ait voulu étendre la responsabilité à l'amende. S'il en était ainsi, ce serait pour nous un motif, et un motif très puissant pour nous opposer au deuxième alinéa de l'article 4.

L'amende, en effet, est une peine. Or, la peine doit être personnelle, la faute étant personnelle. C'est là un principe absolu consacré par nos Codes.

L'exception faite à ce principe, en matière fiscale et en ce qui touche l'amende, pour les délits ou contraventions de douanes, de contributions indirectes, et pour certains délits forestiers, loin de l'atténuer, le fortifie au contraire. Ces délits ou contraventions ayant pour objet de frauder les droits de l'État, l'amende est alors considérée plutôt comme un complément de dommages-intérêts envers l'État que comme une peine. I est, dès lors, logique d'en rendre civilement responsables ceux au profit desquels la fraude est présumée avoir été commise. Mais dans ces cas divers la responsabilité n'atteint les maris, pères, mères

et tuteurs, que s'ils sont commettants ou propriétaires des marchandises.

L'article 4 du projet de loi est donc à supprimer en entier.

Nous arrivons aux articles 5, 6 et 7, qui ont pour objet de permettre aux agents forestiers et préposés forestiers de rechercher et de constater les délits et contraventions dans. tous les terrains visés à l'article 2, c'est-à-dire aussi bien dans les landes et bois appartenant aux particuliers et aux communes que dans les forêts domaniales.

Ces dispositions, reproduites des projets de lois de 1873 et de 1894, ont soulevé les plus vives protestations dans la région landaise. Sans doute, elles n'ont plus la même portée, depuis que le Gouvernement a renoncé à l'article 11 du projet de 1873, qui soumettait au régime forestier, pour la surveillance, toutes les forêts de pins appartenant aux communes et aux établissements publics. Mais la tendance reste la même et tient les populations en une égale méfiance.

Cette méfiance est d'ailleurs d'autant plus justifiée, à nos yeux, que l'Administration, elle-même, a reconnu, ainsi que nous l'avons vu dans la note explicative du projet de 1894, qu'il lui était matériellement impossible d'employer les agents et préposés forestiers à la surveillance du massif forestier landais, vu, d'une part, l'étendue considérable du massif, et d'autre part le petit nombre de ces agents. La situation n'est pas la même dans la région qui nous occupe que dans la région des Maures et de l'Esterel. Dans cette région, la propriété communale et privée est enchevêtrée avec la forêt domaniale, qui compte pour 26 0/0 dans la superficie totale du massif, tandis que la forêt domaniale des dunes de Gascogne, qui représente à peine 9 0/0 de la superficie de l'ensemble des forêts, est située à l'ouest du massif, sur les bords de la mer, à la distance de plus de 120 kilomètres de certaines forêts communales ou privées.

L'on ne saurait donc s'expliquer cette persistance à vouloir

[ocr errors]

imposer l'intervention d'agents que l'on n'a pas sous la main.

Il y a unanimité dans les départements des Landes et du Lot-et-Garonne pour s'opposer à l'ingérence de l'Administration forestière dans la surveillance des bois de pins. Les tentatives faites dans ce but y ont toujours provoqué une agitation des plus vives.

Si, dans le département de la Gironde, les avis ne sont pas les mêmes, surtout dans la partie de l'ouest de ce département, la raison en est que la propriété y est beaucoup moins morcelée que dans les Landes et le Lot-etGaronne. Le département de la Gironde, d'ailleurs, ainsi que l'on en a l'impression en parcourant les procès-verbaux du Conseil général, demande une loi de défense, quelle qu'elle soit. C'est ainsi qu'il a successivement accepté la loi de 1873 et la loi de 1894, sans y demander la moindre modification. Son refus péremptoire, en 1894, de conférer avec les départements voisins dénote bien l'état d'esprit avec lequel il a, jusqu'ici, envisagé la question. Les désastres qu'il a subis et il faut reconnaître qu'ils sont de beaucoup les plus considérables font qu'il accepte aveuglément toute solution proposée pour y mettre un terme.

Le sentiment est tout autre dans les Landes et le Lot-etGaronne. Loin de repousser la surveillance par les agents de l'État, on la réclame, au contraire, car de toute part l'on a demandé le doublement des brigades de gendarmerie. Mais l'intervention des agents et préposés forestiers, en raison de la nature de leurs fonctions, paraît une atteinte portée à l'autonomie administrative des communes et aux droits des particuliers. C'est pourquoi l'on n'en veut à aucun prix. Il nous parait d'autant plus inutile de froisser ces sentiments très respectables qu'en fait, à moins que l'on ne

le personnel

crée de nouveaux et très nombreux emplois, forestier ne pourra être utilisé qu'en de très rares points. Il y a donc lieu de renoncer aux articles 5, 6 et 7.

« PreviousContinue »