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titre X, de la loi du 6 août 1791 et l'article 1er du titre IV de la loi du 9 floréal an VII attribuaient déjà à la gendarmerie le droit de constater les contraventions en cette matière. L'un des paragraphes de l'article 179 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 et l'article 302, du décret du 1er mars 1854 placent parmi ces attri butions « De réprimer la contrebande, de saisir les marchaudises transportées en fraude, de dresser des procès-verbaux de ces saisies, d'arrêter et de traduire devant les autorités compétentes les contrebandiers et autres délinquants de ce genre. »

Les contraventions relatives aux tabacs et aux cartes à jouer. Les articles 169 et 223 de la loi du 28 avril 1816 donnent aux gendarmes le droit de constater toutes les fraudes commises relativement à ces deux matières. L'ordonnance du 29 octobre 1820 n'a pas reproduit cette attribution. L'article 302 du décret du 1er mars 1854 leur donne, en matière de contributions indirectes, les mêmes attributions qu'en matière de douanes.

Les délits de chasse. L'ordonnance du 29 octobre 1820 leur reconnaît le droit « de dresser des procès-verbaux contre tous individus en contravention aux lois et règlements sur la chasse ». L'article 22 de la loi du 3 mai 1844 n'a fait que maintenir ce droit de constatation. Les articles 328 et 329 du décret du 1 mars 1854 ajoutent : « Art. 328. La gendarmerie dresse procès-verbal contre tous individus trouvés en contravention aux lois et règlements sur la chasse : elle saisit les filets, engins et autres instruments de chasse prohibés par la loi, ainsi que les armes abandonnées par les délinquants, et réprime la mise en vente, la vente, l'achat, le colportage du gibier... Art. 329. Il lui est expressément défendu de désarmer un chasseur; elle doit seulement lui déclarer saisie de son arme... mais elle doit arrêter ceux qui font résistance...»>

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Les contraventions de grande voirie. La loi du 29 floréal an X porte que les contraventions en cette matière seront constatées par les agents qu'elle énumère et par la gendarmerie. L'article 179, reprenant cette attribution, charge les gendarmes :: « de faire la police sur les grandes routes, d'y maintenir les communications et les passages libres; à cet effet, de dresser des procès-verbaux des contraventions en matière de grande voirie, telles qu'anticipations, dépôts de fumier ou d'autres objets, et de toute espèce de détériorations commises sur les grandes routes, sur les arbres

qui les bordent, sur les fossés, ouvrages d'art et matériaux destinés à leur entretien; de dénoncer à l'autorité compétente les auteurs de ces contraventions et délits. » Les articles 313 et 315 du décret du 1er mars 1854 reproduisent cette disposition.

Les contraventions à la police des fleuves et rivières navigables et flottables. L'article 112 du décret du 16 décembre 1811, conforme à l'article 2 de la loi du 29 floréal an X, rappelle que les gendarmes, auxquels est confiée, en même temps qu'à d'autres agents, la surveillance de la police des routes, doivent dresser des procès-verbaux des contraventions. Le décret du 10 avril 1812 applique cette disposition à la police des rivières : « Le titre IX de notre décret du 16 décembre 1811 est applicable aux canaux, rivières navigables, ports maritimes de commerce et travaux à la mer. » L'ordonnance du 29 octobre 1820 et l'article 314 du décret du 1er mars 1854, reproduisant ces dispositions, « chargent les gendarmes de surveiller l'exécution des règlements sur la police des fleuves et rivières navigables et flottables, des bacs et bateaux de passage, des canaux de navigation et d'irrigation, des desséchements généraux ou particuliers, des plantations pour la fixation des dunes, des ports maritimes du commerce; de dresser des procès-verbaux des contraventions à ces règlements, d'en faire connaître les auteurs aux autorités compétentes. »

Les contraventions à la police des voitures publiques. L'article 39 de l'ordonnance du 16 juillet 1828 dispose que la gendarmerie est chargée de veiller à l'exécution des dispositions de cette ordonnance, et de constater les contraventions. L'article 15 de la loi du 30 mai 1851, sur la police du roulage, charge les gendarmes de constater les contraventions. L'article 317 du décret du 1er mars 1854 rappelle cette obligation.

Les contraventions aux lois et arrêtés sur la poste aux lettres. L'article 3 de l'arrêté du 27 prairial an IX place les gendarmes au nombre des agents qui sont autorisés à faire toutes perquisi tions ou saisies sur les messagers ou piétons chargés de porter les dépêches, voitures de messageries et autres de même espèce, afin de constater les contraventions. Cette attribution leur est maintenue par les articles 303 et suivants du décret du 1er mars 1854.

Ils sont encore chargés de surveiller le colportage des livres et gravures (décr. du 1er mars 1854, art. 302); la conservation des

rails des chemins de fer et des fils télégraphiques (art. 318); les mauvais traitements envers les animaux domestiques (art. 320).

1260. Mais, en dehors des cas où la gendarmerie a reçu une attribution spéciale, elle est incompétente pour constater valablement, et par des procès-verbaux qui fassent foi en justice, les délits et les contraventions; elle peut les dénoncer par des rapports, mais ces rapports ne sont que de simples renseignements; ils ne font pas preuve des faits qu'elle n'a pas mission expresse de recueillir. Cette règle, qui n'est en elle-même susceptible d'aucune contestation, a été plusieurs fois consacrée par la jurisprudence'; mais son application a donné lieu à une question importante, relativement à la constatation des contraventions de police. Les gendarmes ont-ils le pouvoir de constater ces contraventions par des procès-verbaux valables?

Aux termes de l'article 11 du Code d'instruction criminelle, les commissaires de police et les maires et leurs adjoints sont seuls appelés à rechercher les contraventions de police et à les constater par des procès-verbaux. La Cour de cassation a jugé, en conséquence, « que les sous-officiers de gendarmerie et les gendarmes, n'étant pas officiers de police judiciaire, sont sans qualité pour constater par des procès-verbaux les contraventions de police; que lés procès-verbaux par eux dressés dans ce cas ne sont donc que des dénonciations officielles, mais qu'aucune loi ne s'oppose à ce qu'ils soient entendus comme témoins sur les faits constitutifs des contraventions dont ils ont acquis la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions, et qu'ils ont consignés dans leurs rapports*. » Mais cette jurisprudence n'a pas été maintenue plusieurs arrêts postérieurs ont jugé que les gendarmes avaient, au contraire, le droit de constater les contraventions aux règlements de police par des procès-verbaux qui feraieut. foi jusqu'à preuve contraire. Les motifs qui fondent cette jurisprudence nouvelle sont que « l'article 9 du Code d'instruction criminelle, relatif à l'exercice de la police judiciaire, est indépendant des dispositions spéciales des lois qui ont pour but d'assurer l'ordre et la sûreté publique dans les lieux où se font de grands rassemblements d'hommes, dans les

1 Arr. cass. 6 juillet 1821, 7 nov. 1823 et 26 août 1825 (J. P., tom. XVI, p. 734; tom. XVIII, p. 186, et tom. XIX, p. 844).

2 Arr. des 6 juillet 1821 et 7 nov. 1823 cités suprà.

foires et dans les lieux publics; que les attributions de la gendarmerie sont formelles à ce sujet; qu'elle est instituée, aux termes de l'article 1 de la loi du 28 germinal an VI, pour assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois; que les gendarmes sont dès lors nécessairement compris dans la classe des agents et préposés dont les rapports font foi, jusqu'à preuve contraire, des contraventions par eux signalées dans l'exercice de leurs fonctions habituelles et légales, en vertu de l'article 154 du Code d'instruction criminelle; qu'ils ont donc qualité pour rendre compte de toutes les infractions qu'ils découvrent aux règlements de simple police, dans la circonscription de leur brigade, puisque les règlements ont pour objet de maintenir le bon ordre en chaque lieu, et que leurs rapports à cet égard doivent avoir en justice autant de force que ceux des officiers locaux de police judiciaire 1. »

Il faut remarquer d'abord, en appréciant cette jurisprudence, qu'elle n'attaque sous aucun rapport la règle qui restreint la compétence des gendarmes, comme de tous les officiers de police, à la constatation des faits que la loi a spécialement déférés à leur surveillance; la question ne porte pas sur cette règle, mais sur le point de savoir si les gendarmes ont reçu une mission légale pour constater les contraventions de police. Il faut remarquer encore que l'examen de cette question elle-même nécessite une distinction, puisque la loi du 28 germinal an VI et l'ordonnance du 29 octobre 1820 ont formellement attribué à la gendarmerie le droit de constater certaines contraventions de police, telles que celles qui concernent l'échenillage des arbres, la conduite des voitures, les dégâts commis dans les champs et le maraudage. La difficulté est donc uniquement de savoir si la loi a conféré aux gendarmes le pouvoir de constater d'autres contraventions de police que celles-là. Quels sont les textes qui leur ont donné ce pouvoir? Les arrêts s'appuient sur la loi du 28 germinal an VI et sur l'article 154 du Code d'instruction criminelle. Il est clair, d'abord, que ce dernier article ne résout nullement la question: il règle les effets des procès-verbaux, la foi qui leur est due en justice, mais il ne désigne point les agents qui ont le droit de dresser ces procès-verbaux, il ne délégue à aucun d'eux le pouvoir

1 Arr. cass. 8 nov. 1838 (Bull., no 351); 10 mai 1839 (Bull., no 151); 8 août 1840 (Bull., no 222); 22 févr. 1844 (Bull., no 60).

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de constater tels délits ou telles contraventions. Il y a plus, il suppose que les officiers de police, dont il réglemente les rapports et procès-verbaux, ont déjà reçu de la loi le pouvoir de constater les délits et contraventions; c'est donc à cette loi qu'il faut remonter en ce qui concerne les gendarmes; on ne conteste pas que leurs procès-verbaux, quand ils ont le droit de les dresser, fassent foi jusqu'à preuve contraire; mais il s'agit de savoir si ces procès-verbaux peuvent s'étendre aux contraventions de police. L'article 1er de la loi du 28 germinal an VI porte que « Le corps de la gendarmerie naționale est une force instituée pour assurer dans l'intérieur de la République le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. » Résulte-t-il virtuellement de cet article, comme le dit l'arrêt du 22 février 1844, que les gendarmes soient autorisés à constater les contraventions, parce que ces contraventions sont des infractions à l'ordre et aux lois? Mais, en suivant le même raisonnement, ne devrait-on pas étendre la compétence des gendarmes à la constatation de toutes les infractions aux lois, quelles qu'elles soient, car toutes ces infractions sont une atteinte à l'ordre? Peut-être n'a-t-on pas assez distingué la fonction de surveillance et de police générale, qui appartient essentiellement à la gendarmerie, et la fonction spéciale, qui ne lui donne le pouvoir de dresser un procès-verbal valable que dans les cas spécifiés par la loi. En vertu de sa fonction générale, la gendarmerie peut rechercher et recueillir tous les renseignements propres à constater les crimes, les délits et les contraventions; ces recherches et les rapports qui en consignent les résultats sont même un de ses devoirs; mais comment conclure de ce droit de recherche au droit de constatation? Est-ce que ce ne sont pas là deux attributions distinctes que les articles 8 et 9 du Code d'instruction criminelle ont soigneusement séparées? Le droit de recherche appartient à tous les officiers de police, peut-être même à tous les citoyens; le droit de constatation n'appartient qu'aux agents que la loi a désignés et ne peut s'étendre qu'aux faits qu'elle a spécifiés; car le droit de constater n'est autre chose que le droit de faire preuve; or, ce n'est qu'en vertu d'une délégation formelle de la loi que, dans chaque matière, un tel pouvoir peut exister. La loi du 28 germinal an VI et l'ordonnance du 29 octobre 1820 ont, d'ailleurs, à l'égard d'un certain nombre de délits et de contraventions, prescrit aux gendarmes de dresser des

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