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le décret du 1er mars 1848, ainsi conçu : « Les fonctionnaires publics de l'ordre administratif et judiciaire ne prêteront pas de serment. » Il a été rétabli par l'article 14 de la constitution du 14 janvier 1852 et le décret du 9 mars suivant. Le serment professionnel, auquel ne s'appliquaient ni les motifs du décret du 1 mars 1848, puisés exclusivement dans l'ordre politique, ni ses termes mêmes, n'a jamais cessé de subsister.

1279. La prestation de ce serment est la condition indispensable de l'exercice de tous les agents de la police judiciaire. Les membres de l'ordre judiciaire y sont soumis par l'article 3 de la loi du 8 août 1849 et le décret du 22 mars 1852, les maires et adjoints par l'article 48 de la loi du 14 décembre 1789, les commissaires de police par le décret du 8 juin 1792, les officiers, sous-officiers, la gendarmerie et simples gendarmes par l'article 32 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 et la loi du 21 juin 1836, les gardes forestiers par l'article 5 du Code forestier, les gardes champêtres et les gardes particuliers par l'article 5 de la section 7 du titre Ier de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, les préposés des douanes par l'article 1, titre X de la loi du 6 août 1791, les préposés des contributions indirectes par l'article 20 du décret du 1°r germinal an XIII, les préposés des postes par l'article 2 de la loi du 26-29 août 1790, les gardes du génie par l'article 3 de la loi du 29 mars 1806, les employés des octrois par l'article 58 de l'ordonnance du 9 décembre 1814, les gardepêche par l'article 7 de la loi du 15 avril 1829, les vérificateurs des poids et mesures par l'article 5 de l'ordonnance du 17 avril 1839, etc.

Et, en effet, la prestation de serment est la réception solennelle de l'officier, la proclamation de la délégation qui lui est faite, la consécration de son caractère public. C'est cette formalité qui, en lui révélant ses devoirs et en constatant sa promesse de les remplir fidèlement, lui communique, au nom de la puissance publique, l'autorité qu'il va exercer. Devenu, pour la justice, un témoin nécessaire de tous les faits que sa fonction l'appelle à constater, son témoignage ne puise sa force que dans le serment qu'il fait de les constater avec exactitude. Ce serment, en l'élevant au-dessus des intérêts et passions qui pourraient embarrasser son action, en lui indiquant que son devoir l'oblige à ne con

stater que la vérité, lui imprime un caractère nouveau; c'est la garantie de son impartialité, le titre de son aptitude judiciaire, la condition de sa compétence'.

Le Code pénal n'a fait que constater cette règle générale en déclarant, par son article 196: « que tout fonctionnaire public qui sera entré en exercice de ses fonctions sans avoir prêté serment pourra être poursuivi et sera puni d'une amende de 16. à 150 fr. » Ainsi, l'exercice des fonctions avant la prestation du serment est, aux yeux du législateur, un exercice illégal de ces fonctions. Il n'est pas douteux, au reste, que cette disposition doit comprendre dans ces termes non-seulement le serment politique, qui n'est plus en vigueur aujourd'hui, mais le serment professionnel.

Toutes les législations spéciales disposent, en conséquence, que les agents des diverses administrations publiques qui concourent à la constatation des délits et des contraventions doivent prêter serment avant leur entrée en fonctions. L'article 5 du Code forestier porte: « Les agents et préposés de l'administration forestière ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir prêté serment devant le tribunal de première instance de leur résidence. » L'article 7 de la loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale, répète cette disposition. L'article 1er, titre X, de la loi du 6 août 1791 veut que les préposés des douanes énoncent dans leurs actes le tribunal dans lequel ils auront prêté serment. L'article 1er de la loi du 1er germinal an XIII porte : « que les préposés des droits réunis seront tenus, avant d'entrer en fonctions, de prêter serment devant le juge ou le tribunal civil de l'arrondissement dans lequel ils exercent. » L'article 5 de l'ordonnance du 17 avril 1839 dispose encore que « les vérificateurs des poids et mesures ne peuvent entrer en fonctions qu'après avoir prêté serment devant le tribunal de première instance de l'arrondissement pour lequel ils sont commissionnés. >>

1280. La conséquence immédiate de cette règle générale est que tous les actes faits par un officier non assermenté sont nuls et ne peuvent produire aucun effet. Cette proposition, qui est évidente par elle-même, puisque l'officier non assermenté, n'ayant

1 Voy. Loyseau, Des Offices, tit. I, chap. iv, n. 71; d'Aguesseau, tom. VII, p. 616; Toullier, tom. X, n. 354.

aucun caractère, ne peut faire aucun acte valable, a été consacrée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Ainsi, cette Cour a jugé, en ce qui concerne les gardes champêtres : « que les gardes champêtres sont tenus comme officiers de police judiciaire de prêter, devant le tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel ils sont établis, le serment politique, dont l'article 1er de la loi du 31 août 1830 contient la formule; qu'ils sont soumis, en outre, d'après le dernier alinéa de ce même article, et à raison de leur mission particulière, au serment spécial qui leur fut imposé sous ce rapport par l'article 5, section 7, du titre Ier du Code rural de 1791; que la loi précitée a sans doute abrogé virtuellement la portée de cette dernière disposition qui les obligeait à remplir, devant le juge de paix du canton, la formalité substantielle qu'elle leur impose; d'où il suit que le tribunal de première instance est compétent pour recevoir en même temps le double serment; mais que la prestation formelle de l'un et de l'autre peut seule assurer l'efficacité légale de leurs procès-verbaux, puisque l'accomplissement de l'un d'eux suffit pour empêcher ces gardes d'acquérir le complément du caractère essentiel de leurs fonctions et pour vicier leurs actes d'une nullité radicale '. » La même Cour, chambres réunies, a également jugé que le procès-verbal d'un préposé des contributions indirectes qui ne justifiait pas régulièrement de sa prestation de serment était nul : « Attendu qu'il est établi en fait, par l'arrêt attaqué, que l'agent de la régie, Bonneman, n'a pas justifié du serment qu'il prétend avoir prêté devant le tribunal de Marseille, et que ni lui ni l'employé Germa n'avaient fait enregistrer l'acte de leur prestation de serment et ne l'avaient pas non plus fait transcrire sur leur commission, ainsi que l'exigeaient, à peine de nullité de leur procès-verbal, les dispositions des articles 20 et 26 du décret précité; que ce dernier motif suffit pour justifier l'arrêt de la cour de Montpellier, et que, dès lors, cet arrêt, en annulant le procès-verbal, faute par les préposés de l'administration d'avoir rempli cette formalité, a fait une juste application de la loi. »

On peut remarquer néanmoins que parmi les agents que nous avons énumérés, quelques-uns ne sont assujettis à aucun serment 1 Arr. cass. 10 juin 1843 et 1er sept. 1843 (Bull., no 229).

2 Arr. cass., ch. réun., 28 févr. 1829 (J. P., tom. XXII, p. 748).

tels sont, par exemple, les capitaines de navires de commerce, et les capitaines prud'hommes de Terre-Neuve. Mais, d'une part, leurs fonctions de police sont accidentelles et non permanentes, elles leur sont déléguées par les circonstances plus encore que par la loi; et, d'un autre côté, leurs actes sont des mesures conservatoires plutôt que des actes d'information; ils ont pour objet de mettre la main sur les délits qu'ils aperçoivent plutôt que de les constater. Ils ne transmettent que des renseignements au ministère public.

1281. L'officier qui a prêté serment n'est pas tenu de renouveler cette formalité lorsqu'il est envoyé dans une autre localité avec le même grade et les mêmes fonctions. Cette règle a été reconnue par la Cour de cassation, en ce qui concerne les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, par un arrêt portant: « qu'aucune disposition de la loi des 16 et 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire, et de celle du 21 nivôse an VIII, sur le serment des fonctionnaires publics en général, n'exige que le serment qu'elles prescrivent soit renouvelé lorsque les fonctions sont les mêmes, et qu'il suffit que le fonctionnaire ait été reçu et publiquement installé en cette qualité'. » Cette jurisprudence n'a fait que consacrer une pratique généralement adoptée et qui s'appuie d'ailleurs sur les textes de plusieurs lois spéciales. L'article 13 du titre XIII de la loi du 6 août 1791 porte : « Les préposés de la régie (des douanes) qui auront prêté le serment dans la forme ci-dessus seront dispensés de le renouveler lorsqu'ils passeront dans le ressort d'un autre tribunal de district, à la charge d'en faire enregistrer l'acte dans ce dernier tribunal. » L'article 9 de l'ordonnance du 9 décembre 1814, relative aux employés de l'octroi, dit également : « Le cas de changement de résidence d'un préposé arrivant, il n'y a pas lieu à une nouvelle prestation de serment; il lui suffit de faire viser sa commission, sans frais, par le juge de paix ou le président du tribunal civil du lieu où il doit exercer. » L'article 5 du Code forestier et l'article 7 de la loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale, répètent encore que « dans le cas d'un changement de résidence qui les placerait (les gardes) dans un autre ressort en la même qualité, il n'y

:

1 Arr. cass. 21 juillet 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 1315).

2 Conf. art. 65 de la loi du 21 avril 1818.

aurait pas lieu à une autre prestation de serment. » L'article 34 de l'ordonnance du 1er août 1821 prescrit également que les gardes du génie doivent faire enregistrer leur commission et l'acte de leur prestation de serment, et ajoute : « Cet enregistrement doit avoit lieu à chaque changement de résidence, tant au greffe du tribunal de l'arrondissement qu'à la mairie du lieu de l'exercice actuel de leurs fonctions. » Enfin, l'article 5 de l'ordonnance du 17 avril 1839 dispose, à l'égard des vérificateurs des poids et mesures, que, dans le cas d'un changement de résidence ou de mission temporaire, «< ils seront tenus seulement de faire viser leur commission et leur acte de serment au greffe du tribunal dans le ressort duquel ils sont envoyés ».

1282. Ces textes font naître plusieurs questions. Il est clair, en premier lieu, que, si les officiers ou agents changent nonseulement de résidence, mais de fonctions, le serment doit être nécessairement renouvelé; car les nouvelles fonctions imposent de nouveaux devoirs, et le serment, qu'il serait inutile de répèter quand les fonctions ne font que se continuer dans d'autres lieux, devient indispensable quand l'agent n'est plus employé aux mêmes actes ou dans la même qualité. Mais, en admettant la continuation des mêmes fonctions dans la nouvelle résidence, la prestation de serment ne doit-elle pas être suppléée par l'enregistrement, au greffe du tribunal de cette résidence, de l'acte du premier serment? Cette question ne peut faire de doute à l'égard des préposés des douanes et des octrois et des vérificateurs des poids et mesures, puisque nous venons de voir que les lois et règlements des 6 août 1791, 9 décembre 1814 et 15 avril 1839 leur imposent expressément cette formalité. Mais en est-il ainsi en ce qui concerne les gardes des eaux et forêts? La Cour de cassation a jugé, avant le Code forestier : « que l'enregistrement de la commission d'un agent forestier au tribunal civil d'une nouvelle résidence n'est pas nécessaire pour donner un caractère légal aux fonctions de cet agent dans sa nouvelle résidence'. » Mais il est à remarquer que l'article 5 du Code forestier prescrit une double formalité, la prestation de serment et l'enregistrement de l'acte de cette prestation de serment et de la commission au

1 Arr. cass. 19 févr. 1825 (J. P., tom. XIX, p. 199).

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