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La Cour de cassation a consacré cette doctrine en décidant, dans une espèce où les préposés n'avaient pas vu introduire les marchandises dans la maison où ils les avaient saisies : « Qu'il a été reconnu et déclaré qu'il n'était pas constaté par le procèsverbal de saisie que les préposés qui avaient vu effectuer un débarquement de sacs sur la côte eussent vu introduire aucun de ces sacs dans ladite maison, et qu'en l'état de cette déclaration, l'arrêt attaqué, qui a prononcé la nullité de la saisie et ordonné la restitution, n'a point fait une fausse application de l'article 36 de la loi du 6 août 1791. » Toutefois, les employés ne sont pas réputés avoir perdu de vue les marchandises introduites dans le rayon, lorsqu'ils ne les ont momentanément abandonnées que pour se procurer les moyens de les suivre et de les saisir. La Cour de cassation a jugé en ce sens : Que si l'article 36 de la loi du 6 août 1791 n'autorise les employés des douanes à faire des recherches dans les maisons situées dans l'étendue de leur police, pour y saisir les marchandises de contrebande, que dans le cas où ils ne les auront pas perdues de vue et où ils seront arrivés au moment de leur introduction, il doit être entendu en ce sens que ces employés doivent s'occuper uniquement et exclusivement des moyens de parvenir à cette recherche et à cette saisie, sans se livrer à aucune autre opération, en sorte que si, tout en s'occupant ainsi de l'objet de leur recherche et pour s'en emparer, ils l'ont momentanément perdu de vue par un fait ou une circonstance indépendante de leur volonté, la saisie qu'ils en ont faite n'est pas moins conforme à la loi 2. »

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1322. Ce principe posé, la première condition souscrite, pour la régularité de la visite, n'en est que la conséquence immédiate. Le droit des employés d'entrer dans la maison où les marchandises ont été recélées résulte de ce qu'ils ont vu l'introduction de ces marchandises dans cette maison. Ils doivent donc se présenter au moment même où cette introduction a lieu ou vient d'avoir lieu. C'est le délit, surpris dans son exécution, qui suspend momentanément les droits du domicile: la présomption de l'introduction, quelque forte qu'elle fût, ne suffirait pas; il faut que cette introduction soit certaine, il faut qu'elle ait été vue.

1 Arr. cass. 2 déc. 1824 (J. P., t. XVIII, p. 1167); et 9 mars 1843 (Bull., no 52) . 2 Arr. cass. 23 oct. 1807 (J. P., tom. VI, p. 327).

1323. La deuxième condition, commune aux visites des autres préposés, est que les employés soient assistés soit du juge de paix, soit du maire ou d'un adjoint, soit du commissaire de police. Nous avons examiné, au sujet des gardes champêtres et forestiers, le caractère et les effets de cette assistance, et nos observations s'appliquent naturellement aux préposés des douanes; l'omission de cette assistance, prescrite pour la protection du domicile, n'entraîne pas la nullité du procès-verbal lorsque le citoyen dans la maison duquel les préposés veulent l'introduire consent à ne pas l'invoquer et que son adhésion à la perquisition est formellement constatée. Nous avons déjà remarqué que, en matière forestière et de contributions indirectes, la Cour de cassation n'admet la nécessité ni de ce consentement, ni de sa constatation; il lui suffit que le prévenu n'ait pas formé opposition : cette jurisprudence s'applique en matière de douanes *.

Mais il y a lieu de mentionner ici un texte qui, en cette matière, résout une question restée indécise dans toutes les autres : il s'agit des effets du refus des officiers publics désignés par la loi d'assister aux perquisitions. Un avis du conseil d'État, approuvé le 20 septembre 1809, décide: «Que l'article 36 du titre XIII de la loi du 6-22 août 1791 doit être entendu en ce sens que, si le juge et l'officier municipal refusent d'assister au procès-verbal des préposés des douanes, sur la réquisition que ceux-ci leur auront faite, il suffit, pour la régularité de leurs opérations, que le procès-verbal contienne la mention de la réquisition et du refus. » Cette décision rigoureuse ne s'applique qu'au seul cas prévu par l'article 13 de la loi du 6 août 1791, et elle ne doit pas être étendue au delà. Il se peut que l'urgence de la saisie, au moment où les marchandises dont l'introduction frauduleuse a été reconnue sont recueillies dans une maison, ait déterminé le gouvernement à ne pas s'arrêter aux formalités qui protégent le domicile; mais les mêmes motifs n'existent pas en toute autre matière, et d'ailleurs, l'avis du conseil d'État, par cela seul qu'il crée une exception à un droit commun, doit être étroitement restreint dans ses termes.

1 Voy. suprà no 1304.

2 Arr. cass. 5 janv. 1810 (J. P., tom. VIII, p. 11); 29 mars et 5 avril 1811 (J. P., tom. IX, p. 223 et 240).

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1324. Indépendamment des cas qui viennent d'être mentionnés, les préposés des douanes peuvent encore opérer des visites pour rechercher et saisir, dans toute l'étendue du territoire, les tissus de fabrique étrangère prohibés. Ces visites sont faites dans les communes du rayon par les préposés eux-mêmes; l'article 60 de la loi du 28 avril 1816 les autorise en ces termes : « Devront les préposés des douanes, en se faisal ce serv'pagner d'un officier municipal ou d'un commissaire de toute-e, qui sera tenu de se rendre à leur réquisition, se transier dans les maisons et endroits situés dans toutes les villes et communes de l'étendue du rayon qui leur seraient indiqués comme recélant des marchandises de l'espèce dénommée et en effectuer la saisie. Ces visites ne pourront avoir lieu que pendant le jour. » L'article 62 ajoute : « Les mêmes obligations et les mêmes formes de procéder sont imposées dans les villes et endroits de l'intérieur où il n'y a point de bureaux de douanes, aux juges de paix, maires, officiers municipaux et commissaires de police. >> Ces visites ne sont point soumises aux mêmes conditions que les premières: elles peuvent avoir lieu sur simple présomption de fraude, et elles ont pour but non-seulement de saisir les tissus étrangers, mais de rechercher si ces tissus existent réellement. Les traités de commerce récemment intervenus ont supprimé ces visites à l'intérieur. L'art. 31 de la loi du 16 mai 1863 est ainsi conçu : « Les dispositions du titre VI de la loi du 28 avril 1816 (art. 59 à 68), ainsi que les articles 43 et 44 de la loi du 21 avril 1818 relatives à la recherche et à la saisie à l'intérieur de l'empire des marchandises prohibées sont et demeurent rapportées. »>

§ IV. Perquisitions autorisées par quelques lois spéciales.

1325. La loi autorise différents agents à procéder à des perquisitions, soit sur les voitures ou les choses, soit au domicile même des personnes, dans les cas qui vont être énumérés:

1° En matière d'octrois. L'article 28 de l'ordonnance du 9 décembre 1814 porte: « Les préposés pourront, après interpellation, faire sur les bateaux, vaisseaux et autres moyens de transport, toutes les visites, recherches et perquisitions nécessaires soit pour s'assurer qu'il n'y existe rien qui soit sujet aux droits, soit pour reconnaître l'exactitude des déclarations." Sont toutefois

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exemptées de ces visites, aux termes de l'article 30 de la même ordonnance, les personnes voyageant à pied ou à cheval, expressions qui comprennent toutes les personnes, même habitant les communes voisines ou la ville même, qui passent devant les bureaux de l'octroi. Le même article exemptait également les personnes en voitures particulières suspendues; mais cette seconde exemption &stance à Paris, par l'article 7 de la loi du 29 mars 1832, et dans la la France, par l'article 7 de la loi du 24 mai 1834. quel

1326. 2° En matière de postes. L'article 5 de l'arrêté du 27 prairial an IX est ainsi conçu: « Les directeurs, contrôleurs et inspecteurs des postes, les employés des douanes aux frontières et la gendarmerie nationale sont autorisés à faire ou faire faire toutes perquisitions ou saisies sur les messagers, piétons chargés de porter les dépêches, voitures de messageries et autres de même espèce, afin de constater les contraventions. » La Cour de cassation, en interprétant cet arrêté, ainsi que l'arrêt du conseil du 18 juin 1681, remis en vigueur par l'arrêté du 26 ventôse an VI, a reconnu : 1o que le droit de perquisition ne comprend ni la personne des simples voyageurs, ni leurs effets'; 2° qu'il ne s'applique qu'aux personnes qui, à raison de leur profession ou de leur commerce, font habituellement des transports d'un lieu à un autre, et ont par là l'occasion et la facilité de commettre des fraudes au préjudice de l'administration; 3° que les perquisitions effectuées relativement à des individus qui ne rentrent dans aucune des classes qui y sont assujetties par les règlements sont illégales, et que les faits qu'elles ont permis de constater ne peuvent servir de base à une poursuite 3.

1327. 3o En matière de garantie d'or et d'argent. L'article 111 de la loi du 19 brumaire an VI porte : « Lorsque les employés d'un bureau de garantie auront connaissance d'une fabrication illicite de poinçons, le receveur et le contrôleur, accompagnés d'un officier municipal, se transporteront dans l'endroit et chez le particulier qui leur aura été indiqué, et y saisiront les faux poin1 Arr. cass. 11 juin 1842 (Bull., no 151).

2 Arr. cass. 2 avril 1840 (Bull., no 99); 12 août et 15 oct. 1841 (Bull., nos 242 et 301); 23 avril et 12 nov. 1842 (Bull., no 99 et 300); 6 mai et 13 déc. 1843 (Bull., nos 99 et 300), etc.

3 Arr. cass. 6 nov. 1845 (Bull., no 333).

çoins... » La loi ne permet la perquisition qu'au receveur et au contrôleur réunis, accompagnés d'un officier municipal; le décret du 28 germinal an XIII étend ce droit aux préposés des contributions indirectes, sous la condition qu'ils rempliront les formalités prescrites par cette loi. C'est donc aux formes de la loi du 19 brumaire an VI, et non à celle de la loi spéciale qui les régit, que ces préposés doivent se référer, quand ils concourent, avec les employés des bureaux de garantie, à ce service. La question s'est élevée en cette matière, comme dans toutes les matières spéciales, si l'assistance d'un officier public est une forme essentielle de la perquisition, et si l'omission de cette forme peut être couverte par le défaut d'opposition de la partie. La Cour de cassation, par une exception à toute sa jurisprudence, a déclaré que l'omission de cette assistance entraînait la nullité de toutes les opérations. « Attendu que la prescription de la loi à cet égard est essentiellement une mesure d'ordre et de police, qui a pour objet la sûreté et la conservation des objets précieux sujets à la recherche des employés de l'administration, mesure qui est principalement dans l'intérêt des assujettis; qu'il est donc indispensable que l'officier municipal ou le commissaire de police, dont l'assistance est requise par la loi, soit présent depuis le commencement jusqu'à la fin de la visite, surveille toutes les opérations et ne se retire qu'après la rédaction du procès-verbal'. » Le motif de cette exception est donc, non l'inviolabilité du domicile, car la Cour assimile les fabricants aux individus assujettis aux exercices; et, d'ailleurs ce motif n'aurait pas plus de force ici que dans toute autre matière; mais, comme l'exprime l'arrêt, la sûreté et la conservation des objets précieux sujets à la recherche des employés. L'officier municipal peut être remplacé par un commissaire de police qui, aux termes de l'article 12 de la loi du 28 pluviôse an VIII, est compris parmi les officiers municipaux, mais il ne peut l'être par un simple agent de police, qui ne tient de la loi aucun caractère pour remplir cette mission 2. L'officier municipal doit assister les employés qui seuls ont qualité pour vérifier et constater; il ne peut les remplacer 3; il n'y a à cette règle qu'une exception que

1 Arr. cass. 12 juillet 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 741); et conf. 2 oct. 1818 (tom. XIV, p. 1033).

2 Mêmes arrêts.

3 Arr. cass. 15 avril 1826 (Bull., p. 199).

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