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maison ou la garder à vue, en attendant l'expédition du mandat. » L'article 184 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 ne faisait que reproduire cette disposition. Le décret du 1er mars 1854 y a ajouté quelques expressions qu'il n'est pas inutile de connaître. « Article 291. La maison de chaque citoyen est un asile où la gendarmerie ne peut pénétrer sans se rendre coupable d'abus de pouvoir, sauf les cas déterminés ci-après : 1° Pendant le jour, elle peut y entrer pour un motif formellement exprimé par une loi, ou en vertu d'un mandat spécial de perquisition décerné par l'autorité compétente; 2o Pendant la nuit, elle peut y pénétrer dans les cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'intérieur de la maison. Dans tous les autres cas, elle doit prendre, seulement jusqu'à ce que le jour ait paru, les mesures indiquées aux articles suivants. Le temps de nuit est ainsi réglé : (Suit la définition de l'art. 1037 du C. proc. civ., énoncé suprà, no 1312.)

Art. 292. Hors le cas de flagrant délit, la gendarmerie ne peut s'introduire dans une maison malgré la volonté du maître. Lorsqu'elle est chargée d'exécuter les notifications de jugements, elle doit toujours exhiber les extraits de mandats et de jugements.

Art. 293. Lorsqu'il y a lieu de supposer qu'un individu, déjà frappé d'un mandat d'arrestation ou prévenu d'un crime ou délit pour lequel il n'y aurait pas encore de mandat décerné, s'est réfugié dans la maison d'un particulier, la gendarmerie peut seulement garder à vue cette maison ou l'investir, en attendant les ordres nécessaires pour y pénétrer ou l'arrivée de l'autorité qui à le droit d'exiger l'ouverture de la maison pour y faire l'arrestation de l'individu réfugié. »

1335. Telles sont les exceptions que l'intérêt de la répression des délits et contraventions a créées au principe de l'inviolabilité du domicile. Nous avons dû les indiquer ici, afin de spécifier tous les actes que les agents de la police judiciaire ont le droit d'accomplir, mais nous n'avons fait que les indiquer. Nous établirons plus loin les règles de cette matière, en examinant les droits des officiers de police judiciaire dans les cas de flagrant délit, et les droits du juge lui-même dans l'instruction des procédures criminelles.

Néanmoins, il est une règle qui appartient spécialement aux matières que nous venons de résumer, et qu'il importe de rappe

ler encore. Cette règle, qui forme une sorte de droit commun au milieu des législations si diverses que nous avons parcourues et qu'elles reproduisent sans cesse, est celle qui prescrit aux préposés ou officiers de police, lorsqu'ils procèdent, dans les cas prévus par les lois, à une visite domiciliaire, de se faire accompagner soit du juge de paix, soit d'un officier municipal; la présence de ce magistrat est la condition de l'entrée dans le domicile; elle a pour but de constater que l'introduction n'a lieu que dans le cas où la loi l'a spécialement autorisée, que cette mesure est accompagnée des formes qui la rendent légale, que la recherche est strictement restreinte au fait qui l'a motivée. Il semble que la loi, dans sa sollicitude pour le droit qu'un intérêt général fait momentanément fléchir, veut le rassurer au moment même où elle l'enfreint. L'assistance d'un officier public, dans tous les cas où un agent spécial de la police judiciaire est autorisé à pénétrer dans le domicile, est la garantie donnée, pendant la visite même, au citoyen qu'elle peut blesser.

Or, faut-il appliquer à cette règle, dans tous les cas où les dispositions législatives que nous avons rappelées l'ont posée, l'interprétation que la jurisprudence lui a donnée en matière forestière? Faut-il dire que toutes les fois que le citoyen ne s'oppose pas à la visite domiciliaire, l'assistance d'un officier public est inutile? C'est en étendant cette jurisprudence à des cas si divers que ses dangers deviennent plus sensibles; cependant il paraît difficile, dès que l'on admet le principe qui l'a fondée, de ne pas en faire une application générale. Si le citoyen au domicile duquel se fait la visite peut renoncer à la garantie de l'assistance d'un officier public, si cette garantie n'est instituée que dans son intérêt et pour le protéger contre des actes arbitraires, il est clair qu'elle n'est plus qu'une mesure facultative, que le citoyen peut invoquer, mais dont l'absence, s'il ne l'invoque pas, n'annule point les actes des agents. Mais nous ajouterons, comme nous l'avons fait précédemment, que si cette mesure tutélaire peut être écartée, elle ne doit l'être que par la volonté libre et éclairée du citoyen; qu'il faut donc que les agents qui veulent opérer la visite lui fassent connaître son droit et constatent dans le procès-verbal la volonté qu'il exprime d'y renoncer, en consen1 Voy. suprà no 1305.

2 Voy. suprà 1o 1309.

tant à la visite immédiate. Si la formalité légale est facultative, cette faculté appartient aux citoyens qu'elle protége, et non aux agents; il est donc nécessaire que leur volonté, qui scule peut suppléer à cette formalité, soit formellement constatée.

CHAPITRE NEUVIÈME.

DES SAISIES.

1336. Caractère distinct des saisies en matière ordinaire et en matière spéciale.

1337. Règles des saisies en matière ordinaire.

1338. Si la règle que la saisie n'est pas une condition de la poursuite s'applique aux matières spéciales.

1339. Elle s'applique aux matières où elle ne rencontre pas une exception, à la matière forestière, de la pêche fluviale, des octrois et des poudres et salpêtres.

1340. Application de la règle point de saisie, point d'action, en matière de douanes, de contributions indirectes et de garantie.

1341. Distinction en ces matières de la confiscation des choses saisies et des autres condamnations. La saisie n'est nécessaire que pour la poursuite de la confiscation. 1342. La confiscation peut être prononcée même au cas de nullité ou d'insuffisance du procès-verbal.

1343. L'amende peut être prononcée à défaut de saisie et quand il n'y a pas lieu à la confiscation.

1344. Formes de la saisie. Quelles sont ces formes en matière forestière ;

1345. En matière de pêche fluviale;

1346. En matière de contributions indirectes;

1347. En matière d'octrois;

1348. En matière de garantie d'or et d'argent;

1349. En matière de douanes.

1336. La saisie est, en général, le but et le résultat des perquisitions. Le droit de saisir est donc la conséquence du droit de recherche.

Ce droit s'applique à des objets différents, suivant qu'il s'exerce en matière criminelle ordinaire ou en matière spéciale.

En matière ordinaire, la saisie comprend tous les objets qui se rattachent au délit, soit qu'ils aient servi à le préparer ou à le commettre, soit qu'ils en soient le produit, soit enfin qu'ils puissent servir à la manifestation de la vérité 1.

En matière spéciale, la saisie s'étend non-seulement aux choses qui ont été les instruments ou qui sont le produit de la contravention, mais encore à celles dont l'usage, l'importation, l'expor

1 Cod. d'instr. crim., art. 35, 36, 37, 38 et 87; C. pén., art. 11.

tation ou même l'existence sont prohibés, soit d'une manière absolue, soit à défaut de certaines formes.

Cette application différente de la même mesure indique que, dans l'un et l'autre cas, elle n'émane pas du même principe. En matière ordinaire, la saisie, en général, n'est qu'un moyen de conviction; elle ne prend les choses qu'à titre de preuves ou d'indices: la confiscation spéciale de ces choses n'est qu'une peine accessoire, et qui ne s'applique qu'aux instruments ou aux produits du délit. En matière spéciale, la saisie est un moyen de répression elle prend les choses, non point à titre de preuve, car le procès-verbal est une preuve suffisante, mais comme l'un des éléments de la peine; la confiscation de ces choses est, dans la plupart des cas, la peine principale de la contravention.

1337. Nous ne nous occupons point encore ici de la saisie des pièces de conviction en matière ordinaire; car cette saisie ne peut être faite que par le ministère public ou par ses auxiliaires, si le délit est flagrant, et par le juge d'instruction, soit que le délit soit ou ne soit pas flagrant. Cette matière appartient donc aux chapitres qui auront pour objet la procédure du flagrant délit ou les actes du juge d'instruction.

Cependant il paraît nécessaire, pour éclairer les matières spéciales où nous voulons pénétrer, d'énoncer dès à présent trois règles qui dominent toutes les saisies des pièces de conviction en matière ordinaire.

La première est que la saisie de ces pièces n'est, dans aucun cas, une condition nécessaire de la poursuite. Nous reviendrons sur cette règle dans le n° 1338.

La seconde est que la saisie ne peut porter que sur les choses qui ont été les instruments du délit, qui en sont les produits ou qui peuvent servir de preuves. L'article 34 du Code d'instruction criminelle, en effet, ne permet la mainmise « que sur tout ce qui paraîtra avoir servi ou avoir été destiné à commettre le crime ou le délit, ainsi que tout ce qui paraîtra en avoir été le produit; enfin, tout ce qui pourra servir à la manifestation de la vérité », Tous les objets qui ne seraient ni les instruments ni les freits du délit, ou qui n'auraient aucun caractère d'indices ou de preuves, ne pourraient donc être saisis: le droit de l'officier est limité par le texte de la loi et par le but qu'elle s'est proposé.

La troisième est que toute saisie doit être immédiatement suivie d'un procès-verbal contenant la description des objets saisis et leur reconnaissance par le prévenu, et constatant le scel de ces objets, s'il y a lieu. Ces mesures sont la garantie du prévenu, car elles peuvent seules attester l'origine et l'identité des choses saisies. Les articles 35 et 37 du Code d'instruction criminelle portent que l'officier qui opère la saisie « en dressera un procèsverbal qui sera signé par le prévenu, ou mention sera faite de son refus. » L'article 38 ajoute : « Les objets saisis seront clos ou cachetés, si faire se peut; ou s'ils ne sont pas susceptibles de recevoir des caractères d'écriture, ils seront mis dans un vase ou dans un sac, sur lequel le procureur de la République attachera une bande de papier qu'il scellera de son sceau. » Enfin, l'article 39 complète ces dispositions : « Les opérations prescrites par les articles précédents seront faites en présence du prévenu, s'il a été arrêté, et s'il ne veut ou ne peut y assister, en présence d'un fondé de pouvoirs qu'il pourra nommer. Les objets lui seront présentés à l'effet de les reconnaître et de les parapher, s'il y a lieu, et, au cas de refus, il en sera fait mention au procèsverbal. »

Ces règles s'appliquent-elles aux matières spéciales? L'action dans ces matières est-elle également indépendante de la saisie? La saisie suit-elle les mêmes formes, embrasse-t-elle les mêmes objets? Telles sont les questions qui forment la matière de ce chapitre.

1338. Nous avons dit que la saisie, en matière ordinaire, n'était dans aucun cas une condition de la poursuite. En effet, la saisie ne s'applique qu'aux pièces de conviction, et par conséquent n'est qu'un moyen de preuve. Or, dans le système actuel de notre législation, il n'y a point de preuves nécessaires. La loi n'a réglé ni leur nature ni leurs effets. C'est par ce motif que la maxime actio non datur nisi priùs constet de corpore delicti, a cessé d'être applicable. Le juge est libre, sauf le cas où il existe un procès-verbal régulier et faisant foi en justice, de former sa conviction sur tous les éléments du procès, sans être obligé de prendre pour base de son jugement tel ou tel indice, tel ou tel fait, sans être tenu de rendre compte des causes de cette conviction. Sa décision est dictée par l'impression qu'il trouve dans

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