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sa conscience; c'est dans l'ensemble des preuves et des indices qu'il la puise. Il suit de là que si les pièces de conviction sont un élément utile de la procédure, elles n'en sont pas un élément nécessaire, et que, par conséquent, l'action n'est pas soumise à la condition de leur saisie préalable.

Cette règle, qui s'applique généralement en matière criminelle, correctionnelle et de police, doit-elle rencontrer, en matière fiscale seulement, quelques exceptions?

1339. Elle s'applique d'abord, et en général, aux matières spéciales dans tous les cas où l'exception ne pourrait s'appuyer ni sur le texte de la loi, ni sur la nature des contraventions qu'elle prévoit. En effet, c'est restreindre le droit de la poursuite, c'est enchaîner la conviction du juge, que de subordonner l'action à la condition de la saisie, car c'est proscrire toute autre preuve de la contravention que celle résultant de cette saisie. Or, même en matière spéciale, ce système, s'il doit être admis dans quelques cas, ce que nous examinerons tout à l'heure, doit être restreint aux cas où la saisie serait une preuve tellement nécessaire de la contravention qu'aucune autre ne pourrait la remplacer; ce serait la contravention elle-même qui ferait et limiterait la preuve; mais dès qu'elle peut être constatée par d'autres moyens que par la saisie, l'action n'est plus enchaînée à ce premier acte de la poursuite, elle peut chercher une base soit dans le procès-verbal, soit dans les preuves supplėtives. La nécessité de la saisie, en supposant qu'elle existe, serait donc une excep tion, même au sein des législations exceptionnelles.

Ainsi, en matière forestière, la poursuite est tout à fait indépendante de la saisie, même dans les cas où la saisie est autorisée; en effet, l'article 175 du Code forestier, conforme à l'article 154 du Code d'instruction criminelle, porte : « Les délits ou contraventions en matière forestière seront prouvés soit par procès-verbaux, soit par témoins à défaut de procès-verbaux, ou en cas d'insuffisance de ces actes. » Ainsi, non-seulement la saisie n'est pas considérée comme une preuve nécessaire des délits forestiers, mais les procès-verbaux, quoiqu'ils soient la base ordinaire des poursuites, n'en sont pas eux-mêmes un élément indispensable. Les articles 176, 177 et 178 du même Code ne font qu'appliquer la même disposition. Elle se retrouve égale

ment dans les articles 52 et suivants de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale.

En matière de contraventions aux règlements des octrois, la même règle doit s'appliquer encore. En effet, les octrois, quoiqu'ils soient sous la surveillance de l'administration des contributions indirectes, ne sont pas assujettis de plein droit à toutes les règles qui concernent cette administration; c'est l'ordonnance du 9 décembre 1814 qui trace les obligations spéciales de leurs préposés et les effets de leurs actes. Or aucune disposition de ce règlement ne fait dépendre la poursuite de la condition de la saisie et même de la validité du procès-verbal, et l'article 75 suppose même que les contraventions peuvent être poursuivies indépendamment de toute saisie : « Toutes contraventions aux droits d'octroi seront constatées par des procès-verbaux ; ils énonceront la date du jour où ils seront rédigés, la nature de la contravention, et, en cas de saisie, la déclaration qui en aura été faite au prévenu...

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Enfin, en matière de poudres et salpêtres, la saisie de ces matières, quoiqu'elle soit prescrite dans tous les cas de fraude, n'est point une condition nécessaire de la poursuite, car aucune disposition soit de la loi du 13 fructidor an V, soit du décret du 23 pluviose an XIII, n'impose cette condition à l'action répressive.

1340. Mais ne faut-il pas reconnaître quelques exceptions à celte règle en matière de douanes, en matière de contributions indirectes et même de garantie d'or et d'argent? N'y a-t-il pas lieu d'admettre que, dans ces matières, la saisie est la base de l'action, tellement qu'à défaut de cette mainmise, il ne peut plus y avoir de poursuite? Cette question n'est clairement résolue ni par la loi ni par la jurisprudence.

M. Merlin a posé le premier, mais sans la développer, la règle qu'en matière de contributions indirectes et de douanes, la saisie est le fondement nécessaire de la poursuite, et il l'a même formulée en ces termes absolus, point de saisie, point d'action'. M. Mangin a suivi cette opinion : « Les lois des 19 brumaire an VI, 9 floréal an VII et 1er germinal an XIII exigent toutes, dit cet auteur, la saisie des objets qui en sont atteints; les formes imposées aux procès-verbaux se rattachent à cette saisie et aux 1 Rép., vo Saisie pour contravention.

moyens d'assurer l'identité des choses qui en sont frappées; en deux mots, les procès-verbaux des agents des administrations ne sont que des procès-verbaux de saisie; la saisie est donc le fondement de l'action en ces matières, et il est vrai de dire, avec M. Merlin, point de saisie, point d'action'. »

Il est vrai que, dans la législation des contributions et des douanes, et même dans celle de la garantie des matières d'or et d'argent, le procès-verbal n'a, en général, d'autre objet que de constater la saisie. Ainsi, l'article 1er du titre X de la loi du 6 août 1791 porte: « Les saisies de marchandises pour fraude ou contravention seront constatées par des procès-verbaux. » La première règle posée en matière de procès-verbaux par la loi du 9 floréal an VII et le décret du 1er germinal an XIII est celle-ci : « Les procès-verbaux énonceront la date et la cause de la saisie. » Et les articles 101 et 102 de la loi du 19 brumaire an VI portent: « Les employés saisiront les faux poinçons, les ouvrages et lingots qui en seraient marqués...; il sera dressé à l'instant procèsverbal de la saisie et de ses causes. »

1341. Mais si les procès-verbaux que dressent les employés sont, en général, des procès-verbaux de saisie; si la loi, considérant cette saisie comme le point de départ habituel de la poursuite, s'est particulièrement attachée aux formes qui assurent sa constatation, elle n'a, par aucune de ses dispositions, déclaré qu'à défaut de saisie il n'y aurait pas de procès-verbal, il n'y aurait pas d'action; ce n'est là qu'une induction tirée de l'économie générale de cette législation, aucun texte ne l'appuie même implicitement. Cette induction est-elle fondée?

Les contraventions en matière de douanes, de contributions indirectes et de garantie, sont passibles de deux condamnations distinctes; d'une part, la confiscation des choses saisies; de l'autre, les peines pécuniaires ou corporelles prononcées par la loi. Ces deux condamnations, qui n'ont pas le même objet, n'émanent pas du même principe: l'une frappe les choses saisies, par cela seul qu'elles ont été trouvées en contravention, et indépendamment de toute culpabilité des agents de cette contravention; l'autre frappe ces agents eux-mêmes, à raison de leur négligence ou de leur fraude; la première est une mesure purement fiscale, 1 Traité des procès-verbaux, n. 5, p. 15.

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en ce qui concerne toutefois les marchandises saisies et non les instruments de la fraude; la seconde est une véritable peine (voy. no 505). La loi leur a donné à l'une et à l'autre une base différente l'une a pour base la saisie, l'autre le procès-verbal qui constate la contravention. Or, ces deux condamnations, qui n'ont ni la même nature, ni le même objet, ni le même appui, sont-elles liées ensemble de sorte l'une ne puisse être prononcée sans l'autre, ou sont-ellnellemontraire indépendantes l'une de l'autre, de sorte que chsprit d'elles puisse être appliquée isolément ?

1342. En premier lieu, la confiscation des choses saisies peut être prononcée lors même que la nullité ou l'insuffisance du procès-verbal fait obstacle à l'application de la peine personnelle. Cette règle a été consacrée en matière de douanes par l'article 23 du titre X de la loi du 6 août 1791, ainsi conçu : « Dans le cas où les marchandises seraient de la classe de celles prohibées à l'entrée, la confiscation en sera poursuivie à la requête du commissaire du roi, mais sans qu'il puisse être prononcé d'amende. » L'article 4 de la loi du 15 août 1793 étend la même disposition aux marchandises prohibées à la sortie. A la vérité, le premier de ces articles semblait avoir été abrogé par l'article 18 du titre IV de la loi du 9 floréal an VII, portant : « Au moyen des dispositions énoncées dans le présent titre, le titre X de la loi du 6-22 août 1791 est abrogé. » Mais la Cour de cassation a jugé : Que la loi du 9 floréal an VII, qui a établi les formes à observer pour les procès-verbaux des préposés de la douane, n'a entendu rapporter le titre X de la loi du 6 août 1791 qu'en ce qui concerne ces formes et non en ce qui concerne l'article 23 de ce titre, lequel, en établissant une modification à l'effet de l'omission de quelqu'une de ces formalités, se rapprochait de l'intention de la loi du 9 floréal an VII; et qu'à l'égard du décret du 15 août 1793, il n'est rapporté par cette loi ni expressément ni tacitement, et subsiste dans toute sa force'. » En matière de contributions indirectes, la même disposition est consacrée par l'article 34 de la loi du 1er germinal an XIII: « Dans le cas où le procès-verbal portant saisie d'objets prohibés serait annulé pour vices de forme, la confiscation des objets sera néanmoins pro1 Arr. cass. 1er germ. an IX (J. P., tom. II, p. 138).

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noncée sans amende sur les conclusions du poursuivant ou du procureur impérial. La confiscation des objets saisis en contravention sera également prononcée, nonobstant la nullité du procès-verbal, si la contravention se trouve d'ailleurs suffisamment constatée par l'instruction. » La Cour de cassation a jugé par de nombreux arrêts et par application de ces textes « que la nullité pour vices de forme d'y'celrocès-verbal de saisie n'empêche pas que la confiscation forbal n'e prononcée sans amende' ».

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1343. Maintenant, si la confiscation peut être prononcée isolément, à défaut d'un procès-verbal régulier, l'amende ne pourrat-elle pas être également prononcée indépendamment de la confiscation, à défaut de saisic? Nous avons vu qu'aucune disposition de la loi ne s'opposait à cette application isolée des peines personnelles lorsque la contravention est constatée par un procèsverbal régulier. Or, faut-il, quand la loi est muette, ajouter à son texte et soumettre la poursuite à une condition qu'elle n'a pas formellement prescrite? La saisie, en matière fiscale, a pour but principal la confiscation; elle a pour but secondaire la preuve des contraventions. Il est certain qu'à défaut de cette preuve, il est souvent difficile d'arriver à constater leur existence. Ces contraventions consistent, en effet, soit dans l'importation ou l'exportation irrégulière de certaines marchandises, soit dans l'omission des formalités prescrites pour leur transport. Or, comment prouver ces expéditions et ces mouvements qui ne laissent après eux aucunes traces, sans vérifier la nature, la quantité, l'origine et l'identité des marchandises illégalement transférées, et comment procéder à cette vérification sans les avoir sous la main? La saisie est donc le moyen de preuve le mieux approprié à la nature de ces contraventions, et c'est là le motif qui fait que le législateur suppose, dans la plupart des cas, que le procès-verbal ne vient qu'à la suite de la saisie et pour la constater. Néanmoins, si cette preuve est la meilleure, il est évident qu'elle n'est pas la seule; il peut arriver tous les jours que les préposés voient et constatent des contraventions sans saisir les choses transportées en contrebande, soit que la fuite des fraudeurs les dérobe à cette

1 Arr. cass. 22 vend. an VII, 6 vend. an VIII, 15 et 19 prair. an VIII, 7 pluv., 9 flor., 26 prair. an IX, 6 brum. et 3 vent. an X, 8 frim. an XI, 8 avril 1812, 29 oct. 1813, etc.

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