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et en général des officiers publics qui ont reçu une délégation légale pour constater certaines infractions font foi jusqu'à preuve contraire. Enfin, les procès-verbaux des préposés des administrations publiques en matière forestière, de contributions indirectes et de douanes, font foi jusqu'à inscription de faux.

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Nous examinerons tout à l'heure si la théorie doit accepter ces effets différents et quelquefois exorbitants attachés aux mêmes actes. Il importe de constater, d'abord, que la loi, après avoir posé le principe, ne l'a point appliqué avec une rigoureuse logique, et surtout qu'elle n'en a pas fait la base des formés diverses qu'elle assigne aux procès-verbaux. Ces actes ne doivent, en général, faire foi jusqu'à inscription de faux que lorsqu'ils s'appliquent à des contraventions qui se consomment rapidement et ne laissent pas de traces telles sont les contraventions en matière de douanes, de contributions indirectes et d'octrois. Mais la règle, infidèle au motif qui la fonde, a été étendue sans nécessité aux procès-verbaux relatifs à la garantie des matières d'or et d'argent, à la navigation intérieure, aux servitudes militaires et certains des délits forestiers dont les traces peuvent être constatées. Les procès-verbaux ne devraient également faire foi jusqu'à inscription de faux que quand ils sont dressés par deux agents : ce double témoignage est une garantie qui explique, si elle ne justifie pas, l'autorité irréfragable de ces actes. Mais ici encore la loi, qui semble avoir posé cette règle en matière de contributions indirectes et de douanes, se hâte d'y déroger en ce qui concerne les gardes forestiers, les agents de la navigation, les portiersconcierges des places de guerre et les gardes du génie : le témoignage isolé d'un de ces agents forme devant les tribunaux une preuve indestructible. Les anomalies se multiplient si l'on y regarde de plus près la loi des douanes accorde la même autorité aux procès-verbaux dressés par ses agents assermentés ou par des agents même non assermentés et dénués de tout caractère; la loi forestière accorde au même garde le droit d'être cru jusqu'à preuve contraire ou jusqu'à inscription de faux, suivant que le délit entraîne ou n'entraîne pas une condamnation pécuniaire supérieure à 100 fr.; la loi n'accorde le même privilége aux procèsverbaux dressés en matière de garantie qu'autant qu'ils sont dressés en présence d'un officier municipal, etc.

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On doit encore ici exprimer le regret que toutes ces matières, qui

ont des liens communs, ne soient pas soumises, en ce qui concerne les effets des procès-verbaux comme en ce qui concerne le caractère de ces actes, à des règles uniformes. Ces règles auraient sans doute quelques exceptions motivées par la nature spéciale de quelques infractions, mais ces exceptions seraient très-restreintes. Il est étrange, quand il s'agit d'imprimer à un acte la force la plus grande qu'il puisse exercer, la force d'une preuve complète en justice, que la loi modifie capricieusement à chaque pas les formes de cet acte et les conditions qui doivent garantir sa sincérité. Il est étrange que la même autorité soit accordée là au témoignage de deux agents, là d'un seul, ou que le témoignage d'un agent isolé soit tantôt de nulle valeur, tantôt supérieur à toute autre preuve. En admettant, avec la loi, des procès-verbaux d'une triple espèce, suivant qu'ils servent de simples renseignements, qu'ils font foi jusqu'à preuve contraire ou qu'ils repoussent toute autre preuve, il semblerait du moins que, dans chacune de ces classes, les formalités de ces actes dussent être les mêmes, les garanties légales identiques. Nous avons vu qu'il en était ainsi dans l'ancienne législation qui nous a légué toute cette matière. Il ne s'agit pas, en effet, d'appliquer seulement ici une pensée systėmatique qui se proposerait de coordonner toutes ces législations sous l'empire d'une règle unique. Il s'agit d'appliquer le principe de justice qui veut que les mêmes garanties protégent tous les prévenus, et que leur défense ne soit pas paralysée par des actes qui ne peuvent pas avoir la même autorité, puisqu'ils ne contiennent pas en eux-mêmes les mêmes éléments de conviction. Il s'agit surtout de proportionner l'autorité de ces actes d'abord à la nature des faits qu'ils constatent, ensuite à la qualité des agents qui les ont rédigés.

1365. Et puis, on ne peut nier que la foi d'un procès-verbal fait en justice jusqu'à l'inscription de faux ne soit un privilége exorbitant. Le droit commun s'inquiète de cette preuve qui n'admet pas de preuve contraire, de ce témoignage qui n'est pas débattu et qui repousse tous les autres témoignages. Il est inouï qu'un acte émané d'agents inférieurs, et dont la rédaction n'est point accompagnée de cette solennité qui constitue l'authenticité, devienne la base nécessaire et obligée d'une condamnation pé nale. Il est inouï que ces agents puissent placer leur appréciation

au-dessus de celle des juges, puisque ceux-ci sont réduits à enregistrer leurs procès-verbaux et à appliquer la loi pénale aux faits qu'ils ont appréciés. Cette singulière exception à la loi commune n'aurait jamais été inscrite dans notre législation moderne si le législateur ne l'avait trouvée dans l'ancien droit; mais alors elle n'était que le complément et l'application même du système qui dominait la législation; elle n'était point une exception, elle était le droit commun. Quand toute la procédure était écrite, quand la conviction des juges, même en matière de grand criminel, ne se formait que sur des procès-verbaux, il était logique de chercher les preuves du petit criminel dans les mêmes actes, et d'accorder à ces actes, quoique émanés d'agents inférieurs, la même autorité; et cependant, même sous cette législation, cette autorité extraordinaire, attachée aux actes d'officiers subalternes, était critiquée par les légistes : « Il est fort triste, dit l'un d'eux, que les lois veuillent qu'on ajoute foi aux procès-verbaux de ces officiers'. » Mais aujourd'hui que le principe du débat oral domine notre procédure criminelle; que les procès-verbaux, réduits à un rôle secondaire, préparent mais ne constituent plus les éléments nécessaires du jugement, devait-on leur maintenir, dans quelques matières spéciales, une autorité qu'ils n'ont plus dans le droit général? devait-on continuer dans ces matières le système absolu de la procédure écrite, à l'exclusion de tout débat oral?

Deux motifs peuvent être invoqués à l'appui de ce moyen expéditif de jugement. On allègue d'abord que le témoignage acquiert, quand il revêt la forme d'un procès-verbal, une autorité plus grande; la rédaction provoque la méditation; les déclarations écrites par le témoin lui-même deviennent plus graves parce qu'elles sont plus réfléchies, et quand ces déclarations émanent de deux agents publics, ne forment-elles pas une preuve assez puissante pour devenir la base d'un jugement? La réponse est facile. Qu'est ce qui fait la force d'un témoignage? Ce n'est pas seulement l'autorité de celui qui le porte, car tout bomme est sujet à l'erreur; c'est le débat contradictoire auquel il est soumis. Est-ce que les deux agents n'ont pas pu être égarés par leurs sens? Est-ce que sur quelques points leur appréciation ne peut pas être erronée? On ne méconnaît nullement l'autorité de leur témoignage, mais cette autorité doit expirer là où une preuve contraire ↑ M. Gabriel, Essai sur la nature des preuves, p. 386.

est proposée, là où le juge trouve des éléments d'appréciation en dehors du procès-verbal. On allègue ensuite le caractère spécial des contraventions qui fait l'objet de ces procès-verbaux : ce sont des faits matériels qui se consomment rapidement, que les agents constatent au moment même de leur perpétration, et qui n'admettent aucun débat. Mais, en supposant, ce qui n'est pas complétement exact, que ces contraventions consistent exclusivement en actes matériels, est-ce que ces actes sont dans tous les cas tellement évidents et clairs qu'ils ne soient susceptibles d'aucune explication? Est-ce que, lors même qu'il s'agit, non d'apprécier, mais de constater matériellement des faits, il ne peut pas y avoir licu à constestation? Que les procès-verbaux conservent leur caractère probant, qu'ils puissent devenir la base unique du jugement, quand aucun débat ne s'élève, quand aucune preuve ne leur est opposée, ce point ne peut être contesté. Mais que le débat soit supprimé d'une manière absolue; que la défense, lors même qu'elle a la preuve de l'erreur, ne puisse la signaler; que les juges soient restreints à prononcer peut-être contrairement à leur conviction, c'est là ce qu'il est plus difficile d'admettre. Il reste sans doute aux parties la voie de l'inscription de faux; mais on n'ignore pas combien ce moyen de défense est périlleux : les parties hésitent à l'employer, soit à raison de l'accusation qu'il suppose, soit à raison des frais qu'il entraîne, soit à raison des chances incertaines de son résultat.

1366. En résumé, la législation relative aux procès-verbaux n'est exempte, en ce qui touche les matières spéciales, ni d'anomalies, ni de quelque confusion. Il nous a paru qu'il serait possible, malgré la variété des actes, de soumettre leurs formes à des règles identiques. Il nous a paru qu'il serait possible encore, en maintenant les procès-verbaux qui ne valent que comme renseignements et ceux qui font foi jusqu'à preuve contraire, de restreindre plus étroitement, sinon de supprimer tout à fait ceux qui font foi jusqu'à inscription de faux. Nous ne savons si quelque jour cette législation, quelque peu incohérente, et qui touche à tant d'intérêts, sera l'objet d'une étude législative. Ce serait assurément un travail utile; mais l'aridité des matières et l'intérêt fiscal qui se croit lié aux règles actuelles ne permettent pas de l'attendre.

CHAPITRE ONZIÈME.

FORMES DES PROCÈS-VERBAUX.

§ I. Formes générales.

1367. Objet des formes des procès-verbaux : ils doivent constater leur accomplissement. 1368. L'omission de cette constatation entraîne leur nullité.

1369. Il y a lieu toutefois de distinguer entre les formes substantielles et celles qui ne

le sont pas.

1370. Les formes ne sont pas réputées omises si l'omission est le résultat d'un cas de force majeure.

1371. L'omission des formes substantielles peut être proposée soit en appel, soit en cassation, et n'est pas couverte par la défense au fond.

1372. Distinction des formes générales et des formes spéciales. Ce chapitre ne s'occupe que des premières.

§ II. Délai dans lequel les procès-verbaux doivent être dressés. 1373. Quel était ce délai dans notre ancienne législation.

1374. La législation actuelle prescrit la rédaction en général dans les vingt-quatre heures et au plus tard dans les trois jours.

1375. Ce délai doit-il être considéré comme une forme essentielle du procès-verbal ? 1376. Il est admis par la jurisprudence qu'en matière forestière les procès-verbaux sont valables quelle que soit leur date.

1377. Examen de cette jurisprudence.

1378. Il est également admis que les procès-verbaux des gardes champêtres et des commissaires de police sont valables, quoique rédigés en dehors du délai fixé par la loi.

§ III. Écriture des procès-verbaux.

1379. Les procès-verbaux doivent être écrits de la main des officiers qui les ont

rédigés.

1380. Comment il doit être procédé en matière forestière si les gardes, par un empèchement quelconque, ne peuvent les écrire eux-mêmes.

1381. Il n'est pas nécessaire que le procès-verbal mentionne la nature de l'empêchément ni qu'il soit écrit par le juge de paix ou ses suppléants.

1382. Le procès-verbal écrit par un officier public sous la dictée du garde est-il valable lorsqu'il est écrit sous la forme d'une déclaration reçue par ce tiers ?

1383. Application de ces règles aux gardes champêtres des communes et des particuliers. 1384. Quels sont les officiers publics qui doivent écrire leurs rapports en cas d'empê

chement ?

1385. Ces officiers peuvent-ils faire écrire le rapport en leur présence par une main étrangère en le signant?

1386. Application aux procès-verbaux des commissaires de police, maires et adjoints. 1387. Règles relatives à l'écriture des procès-verbaux, aux renvois, interlignes et sur

charges.

§ IV. Enonciations des procès-verbaux.

1388. Quelles énonciations doit contenir le procès-verbal ?

1389. Il doit énoncer en premier lieu la qualité de l'officier qui le rédige.

1390. Il doit énoncer en second lieu tous les faits matériels constitutifs du délit ou de la contravention. Législation relative à cette règle. Effets de son inobservation.

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