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porte que le procès-verbal sera dressé à l'instant même de la saisie par les préposés; la loi du 9 floréal an VII dispose qu'ils le rédigeront de suite; le décret du 1er germinal an XIII ne reproduit pas cette disposition; mais l'ordonnance du 9 décembre 1814, qui a été à peu près calquée sur ce décrét, porte que les procès-verbaux pourront être rédigés par un seul préposé. Il faut conclure de ces dispositions que les rédacteurs des procèsverbaux doivent en général les écrire eux-mêmes ; qu'en matière de poids et mesures, ils ne peuvent, à peine de nullité, les faire écrire par d'autres; mais que, dans les autres matières, en cas d'empêchement de leur part, ils peuvent recourir à l'écriture d'une autre personne, en faisant toutefois mention de l'empêchement. La Cour de cassation a déclaré, en matière de douanes, mais en s'appuyant sur un arrêté local de la colonie de la Réunion du 30 fructidor an XII : « Que l'obligation, pour les préposés saisissants, de rédiger et d'écrire eux-mêmes les procès-verbaux des saisies, a pour objet de placer la vérité des énonciations de ces procès-verbaux sous la foi de la propre écriture des préposés qui opèrent les saisies, et qu'elle constitue une formalité essentielle établie dans l'intérêt et pour la garantie des parties saisies; que l'accomplissement de cette formalité ne cesse d'être obligatoire et qu'il n'y a faculté pour les préposés saisissants de recourir, pour la rédaction et l'écriture du procès-verbal, à l'employé principal du bureau où sont transportés les objets saisis, qu'autant que l'impossibilité de remplir la formalité est constatée par la déclaration des préposés eux-mêmes qu'ils ne peuvent écrire; que cette déclaration, impérieusement prescrite dans ce cas, ne peut être suppléée par aucune preuve ni document extrinsèque au procès-verbal qui doit contenir en lui-même toutes les conditions qui constituent sa légalité 1. » Ces motifs sont généraux et peuvent s'appliquer à tous les procès-verbaux ; mais l'article 79 de l'arrêté local du 30 fructidor an XII portait que les rapports seraient rédigés en présence du principal employé du bureau ou par lui, si les saisissants déclarent ne pouvoir écrire ni signer; or cette disposition spéciale, bien qu'elle ne soit point contraire à la législation générale, est plus explicite et a pu motiver la

solution.

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1 Arr. cass. 2 oct. 1846 (Bull., no 265).

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1380. En matière forestière, cette règle est nettement posée. L'article 165 du Code forestier porte : « Les gardes écriront euxmêmes leurs procès-verbaux; ils les signeront.... Toutefois, si par suite d'un empêchement quelconque le procès-verbal est seulement signé par le garde, mais non écrit en entier de sa main, l'officier public qui en recevra l'affirmation devra lui en donner préalablement lecture et fera ensuite mention de cette formalité. Ainsi, la règle générale est que les gardes doivent écrire euxmêmes leurs procès-verbaux. Ce n'est que par exception, et lorsqu'un empêchement quelconque s'oppose à ce qu'ils les écrivent, qu'ils peuvent avoir recours à une main étrangère; mais l'acte doit faire mention de l'empêchement, sans être tenu d'en expliquer la nature, afin que la formalité de l'écriture soit remplacée par celle de la lecture.

Le Code forestier, n'ayant pas défini l'empêchement, admet toute espèce d'empêchement, même celui qui n'est qu'accidentel, et par conséquent l'ignorance du garde. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « Que le deuxième paragraphe de l'article 165 a autorisé les gardes à faire écrire leurs rapports par une main étrangère, si par suite d'un empêchement quelconque ils ne les écrivaient pas en entier de leur main; que cette disposition est générale et absolue; que la loi n'a établi aucune distinction entre les divers empêchements qui pourraient mettre un garde dans l'impossibilité d'écrire lui-même son procès-verbal; qu'ainsi elle a compris dans sa disposition l'empêchement provenant de ce que le garde ne sait pas écrire, qui est même le premier des empêchements et celui qui a dû nécessairement se présenter à la pensée du législateur 1. »

1381. Il n'est pas nécessaire que le garde relate dans le procèsverbal la nature de l'empêchement qui met obstacle à ce qu'il l'écrive lui-même. La Cour de cassation a reconnu ce point en déclarant : Que, d'après la généralité des expressions du deuxième paragraphe de l'article 165, toutes les fois que, par suite d'un empêchement quelconque, le procès-verbal est seulement signé par le garde et non écrit en er er de sa main, deux conditions spéciales pour tout empêchemer de cette nature sont à la fois nécessaires et suffisantes : la première, que l'officier 1 Arr. cass. 12 févr. 1829 (Bull., no 94).

public qui en reçoit l'affirmation en donne préalablement lecture au garde instrumentaire; la deuxième, qu'il fasse ensuite mention de cette formalité; que du moment où les deux scules conditions prescrites par la loi se trouvent remplies, l'exception établie indéfiniment pour tous les cas où, par suite d'un empêchement quelconque, le procès-verbal, signé seulement par le garde, n'est pas écrit en entier de sa main, subsiste dans toute sa force; que le nouveau Code n'ayant exigé aucune mention de l'espèce d'empêchement qui a pu mettre obstacle à ce que le procès-verbal fût écrit entièrement de la main même du garde instrumentaire, et s'étant borné à établir, pour tous les cas d'empêchement, des garanties et des formes particulières dont le concours est de nature à prévenir tout abus, les tribunaux ne peuvent rien exiger au delà de ce que la loi exige, ni créer des nullités qu'elle n'a pas établies 1. »

:

Il n'est pas nécessaire également que le garde s'adresse, comme l'avaient indiqué la loi du 27 décembre 1790-5 janvier 1791 et la loi du 28 floréal an X, au juge de paix, à ses suppléants ou à son greffier; le Code n'a point reproduit ces dispositions; toute personne est donc apte à cette rédaction. La Cour de cassation l'a reconnu « Attendu que si, d'après la loi du 5 janvier 1791, les gardes forestiers qui ne savaient pas écrire étaient tenus de faire écrire leurs rapports par les officiers publics désignés par cette loi, l'article 165 du Code forestier, abrogeant ladite loi, a autorisé les gardes à faire écrire leurs rapports par toute personne investie de leur confiance. » Il est donc indifférent que cette personne soit un simple particulier ou un officier public.

1382. Le procès-verbal écrit par un tiers sous la dictée du garde est-il valable lorsqu'il est écrit sous la forme d'une déclaration reçue par ce tiers? Le garde doit parler en son nom, soit qu'il écrive lui-même le procès-verbal, soit qu'il prenne la main d'un tiers pour l'écrire, car il relate les faits dont il a été témoin, et il est de l'essence d'un témoignage d'être donné directement et sans intermédiaire. La main qu'il emprunte n'est qu'un instrument, il dicte au lieu d'écrire; il ne rend pas compte à la personne qui écrit pour lui, elle ne fait que le suppléer. Il serait à 1 Arr. cass. 1er août 1828 (Bull., p. 685). 2 Arr. cass. 18 juin 1829 (Bull., p. 341).

craindre que les déclarations du garde écrites par le tiers en son propre nom et avec la rédaction qui lui est propre ne se trouvassent, à l'insu du témoin lui-même, modifiées dans leur sens. Cependant, s'il importe, dans l'intérêt de la vérité, de maintenir à ces déclarations leur forme directe et naturelle, il faut reconnaître qu'aucune prescription de la loi ne trace impérativement cette forme. La Cour de cassation a donc pu juger : « Que le procès-verbal dont il s'agit au procès a été écrit par le maire de la commune de Signe, lieu du délit, sous la dictée du garde forestier qui l'a signé; que ce procès-verbal a été, dans le délai, affirmé devant le même officier public par le même garde qui, après que lecture lui a été faite, a aussi signé l'acte d'affirmation; que peu importe que, dans la rédaction de ce procès-verbal, le maire ait énoncé qu'il recevait la déclaration du garde, puisque cette déclaration constatait la contravention reconnue par le garde qui, ne sachant pas écrire, pouvait la faire écrire par un tiers '. »

1383. Les mêmes règles s'appliquent, mais avec quelques restrictions, aux procès-verbaux des gardes champêtres des communes et des particuliers. L'article 10 de la loi du 30 avril 1790 porte que leurs rapports « seront dressés par écrit ou faits de vive voix au greffe de la municipalité, où il en sera tenu registre ». L'article 6, titre Ir, section vii de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 porte également : « Ils feront, affirmeront et déposeront leurs rapports devant le juge de paix de leur canton ou l'un de ses assesseurs, ou feront devant l'un ou l'autre leurs déclarations. » Il résulte de ces textes: 1o que les gardes champêtres doivent, en général, faire leurs rapports par écrit, c'est la première prescription de la loi, et ce n'est qu'à défaut de pouvoir remplir cette condition qu'elle les autorise à y suppléer par une déclaration verbale; 2o que cette déclaration ne peut être reçue, et sous ce rapport les gardes forestiers et les gardes champêtres sont soumis à deux règles différentes, que par les officiers publics spécialement désignés par la loi.

1384. Quels sont ces officiers publics? Ce sont les juges de paix, leurs suppléants et leurs greffiers, les maires et leurs adjoints, et enfin les commissaires de police. En effet, les greffiers des municipalités, désignés par l'article 10 de la loi du 30 avril 1 Arr. cass. 3 avril 1830 (J. P., tom. XXIII, p. 346).

1790, ont été supprimés; mais la loi du 27 décembre 1790-5 janvier 1791 porte que: « Les rapports des gardes pourront être reçus, rédigés et écrits par le greffier du juge de paix du canton où le délit aura été commis. » Et nous venons de voir que l'article 6 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 désigne en outre le juge de paix du canton ou l'un de ses assesseurs. L'article 11 de la loi du 28 floréal an X indique encore, mais seulement pour recevoir l'affirmation de leurs procès-verbaux, outre le juge de paix et ses suppléants, les maires et leurs adjoints, et la Cour de cassation s'était appuyée sur cette disposition pour reconnaître la compétence de ces derniers'; mais cette compétence résulte, ainsi que celle des commissaires de police, en termes plus explicites, de l'article 11 du Code d'instruction criminelle, qui dispose non-seulement que les commissaires, les maires et les adjoints rechercheront les contraventions de police, même celles qui sont sous la surveillance spéciale des gardes forestiers et champêtres, mais encore qu'ils recevront les rapports, dénonciations et plaintes qui seront relatifs à ces contraventions. Ces officiers, devenus compétents pour constater les contraventions rurales, le sont donc devenus également pour rédiger en forme de procès-verbal les déclarations des gardes qui ne savent ou ne peuvent écrire. La Cour de cassation s'est fondée sur ces différents textes pour déclarer : « Que les deux premières lois confèrent formellement aux juges de paix, à leurs suppléants et à leurs greffiers, l'attribution de recevoir, de rédiger et d'écrire en forme de procès-verbal les rapports que les gardes champêtres qui sont incapables ou dans l'impossibilité de dresser eux-mêmes cet acte peuvent leur faire des contraventions par eux constatées dans l'exercice de leurs fonctions; que l'article 11 du Code d'instruction criminelle n'a nullement abrogé la disposition de ces lois en chargeant aussi du même travail les commissaires de police, les maires et les adjoints des maires; qu'en plaçant dans la juridiction des tribunaux de simple police la répression des contraventions dont ces gardes ont reconnu l'existence, l'article 139 du même code n'a point dérogé non plus à la législation antérieure ; que celle-ci ne présente d'ailleurs aucune inconciliabilité avec lui, puisque le soin d'écrire la déclaration du garde ne saurait en rien gêner la liberté et l'indépendance du juge dans l'appré1 Arr. cass. 5 févr. 1825, 20 août 1825 et 19 mars 1830.

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