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employer les termes les plus simples et qui s'offrent les premiers à sa pensée pour les exprimer; mais il doit se borner à ce récit. Il doit faire revivre aux yeux du juge les faits matériels qu'il a vus ou entendus; il doit les faire revivre dans tous leurs détails et avec la plus minutieuse exactitude; mais là s'arrête sa mission: elle consiste uniquement à constater.

Ces règles s'appliquent à tous les procès-verbaux. Tous les officiers de police, quelles que soient les matières dans lesquelles ils verbalisent, doivent s'attacher à exposer clairement tous les faits matériels qui leur ont paru avoir le caractère d'un délit ou d'une contravention ou qui se rattachent à cette infraction, et doivent se borner à cet exposé. Telle est la prescription de l'article 11 du Code d'instruction criminelle, lequel dispose que les commissaires de police, maires ou adjoints « consigneront dans les procès-verbaux qu'ils rédigeront à cet effet la nature et les circonstances des contraventions, le temps et le lieu où elles auront été commises, les preuves ou indices à la charge de ceux qui en seront présumés coupables ». Telle est encore la disposition de l'article 16 du même Code, portant que les gardes champêtres et les gardes forestiers « dresseront des procès-verbaux à l'effet de constater la nature, les circonstances, le temps, le lieu des délits et des contraventions, ainsi que les preuves et les indices qu'ils auront pu en recueillir » .

Les lois spéciales reproduisent ces dispositions en les appropriant aux matières qu'elles régissent. L'article 3 de la loi du 9 floréal an VII, l'article 21 du décret du 1er germinal an XIII et l'article 75 de l'ordonnance du 9 décembre 1814 répètent, en matière de douanes, de contributions indirectes et d'octrois, une disposition ainsi conçue : « Les procès-verbaux énonceront la date et la cause de la saisie, la déclaration qui en aura été faite au prévenu, les noms, qualités et demeures des saisissants et de celui chargé des poursuites, l'espèce, poids ou mesure des objets saisis, la présence de la partie à leur description ou la sommation qui lui aura été faite d'y assister, le nom et la qualité du gardien, s'il y a lieu, le lieu de la rédaction du procès-verbal et l'heure de sa clôture. » L'article 4 du titre IV de la loi du 15 septembre 1791 portait également : « Ils (les gardes) spécifieront dans leurs procès-verbaux le jour de la reconnaissance et le lieu du délit, les personnes et le nombre des délinquants lorsqu'ils

seront parvenus à les connaître, l'essence et la grosseur des bois coupés ou enlevés, les instruments, vaisseaux et attelages employés, la qualité et le nombre des bestiaux en délit, et généralement toutes les circonstances propres à faire connaître les délits et les délinquants. » Cette disposition, bien qu'abrogée comme loi, doit encore être suivie comme instruction; elle résume les formules usitées dans notre ancienne jurisprudence, et qui ont été précédemment citées. Enfin, l'ordonnance du 17 avril 1839, sur les poids et mesures, porte également que les vérificateurs « doivent recueillir et relater les circonstances qui ont accompagné soit la possession, soit l'usage des poids ou des mesures dont l'emploi est interdit ».

S'ensuit-il que les procès-verbaux qui ne constatent pas tous les faits matériels nécessaires à la constitution du délit ou de la contravention, ou qui ajoutent à leur constatation les appréciations ou les opinions personnelles des rédacteurs, soient entachés de nullité? Ils ne sont pas nuls en eux-mêmes, car ils ne renferment, à raison de ces énonciations insuffisantes ou surabondantes, aucune violation d'une forme légale; mais ils sont dénués d'effet. S'ils ne constatent pas tous les éléments matériels de l'infraction, ils ne peuvent servir de base à une condamnation pénale; s'ils contiennent des énonciations étrangères à la constatation des faits matériels, ces énonciations sont réputées non écrites et ne font aucune preuve.

1391. Le procès-verbal doit, en troisième lieu, renfermer la désignation, aussi exacte que possible, des délinquants, leurs noms, prénoms, qualités et demeures; car, comment commencer la poursuite, comment lui donner une direction sûre et efficace sans ces renseignements? Cependant cette désignation, quelque utile qu'elle soit, n'est pas indispensable, car le procès-verbal a moins pour objet de désigner les auteurs du délit que de constater ce délit lui-même; si l'officier de police ne peut parvenir à découvrir ces auteurs, ou s'il ne peut les reconnaître, il ne doit pas moins rédiger son procès-verbal. L'article 185 du Code forestier suppose que les délits forestiers peuvent être régulièrement constatés sans que les procès-verbaux en désignent les auteurs. La loi du 9 floréal an VII et le décret du 1er germinal an XIII pres1 Voy. suprà no 1357.

crivent des formes particulières quand les saisies sont faites sur des prévenus inconnus ou absents. Et en effet, il ne faut pas appliquer aux procès-verbaux la règle qui défend d'instruire contre des inconnus : les procès-verbaux signalent les délits et les contraventions afin que les auteurs puissent en être recherchés; ils doivent sans doute réunir tous les renseignements propres à les faire reconnaître ; mais s'ils n'y parviennent pas, ils ne sont pas moins réguliers; seulement la poursuite, si elle ne complète pas ces renseignements, sera inefficace, et la condamnation ne frappera, s'il y a lieu, que les choses saisies.

1392. Enfin, le procès-verbal doit relater exactement la nature et la quantité des objets saisis. Cette règle s'applique particulièrement aux matières dans lesquelles la saisie est, sinon le fondement nécessaire, du moins la cause habituelle des procèsverbaux. Nous relaterons plus loin les règles spéciales qui ont pour objet la constatation de cette opération.

§ V. De la signature des procès-verbaux.

1393. La signature est une forme essentielle des procès-verbaux. Cette forme est commune à tous les actes: elle constitue, en général, la sanction apposée par les parties aux déclarations qui y sont consignées. L'écrit qui n'est pas signé, quels que soient les soins qui ont accompagné sa rédaction, n'est qu'un projet, et c'est la signature qui lui imprime le caractère d'un acte. C'est la signature de l'officier de police qui imprime aussi au procès-verbal toute sa force et toute son autorité. Elle transforme sa déclaration en un témoignage personnel; elle engage sa responsabilité; elle revêt l'acte, en le complétant, du caractère qui en fait une preuve judiciaire.

Toutes les lois qui sont entrées dans le détail des formes des procès-verbaux ont prescrit qu'ils fussent signés. L'article 165 dụ Code forestier et l'article 44 de la loi du 15 avril 1829 portent: « Les gardes écriront eux-mêmes leurs procès-verbaux ; ils les signeront. » L'article 41 de l'ordonnance du 17 avril 1839 dispose également que les vérificateurs des poids et mesures écrivent euxmêmes leurs procès-verbaux et qu'ils les signent. L'article 21 du décret du 3 janvier 1813, relatif aux ingénieurs des mines, déToullier, tom. VIII, p. 344.

clare que les procès-verbaux doivent être signés. L'article 13 du décret du 16 septembre 1811 prescrit les mêmes formalités à ceux des portiers-concierges des places de guerre. L'article 19 du titre 10 de la loi du 6 août 1791 et l'article 84 de la loi du 5 ventôse an XII veulent encore que les procès-verbaux des préposés des douanes et des droits réunis soient signés. Et comment pourrait-il en être autrement? Que serait-ce qu'un procès-verbal non signé, sinon une note informe, un renseignement dépourvu d'authenticité, qui peut servir encore aux démarches de la justice, mais qui, n'ayant pas le caractère d'un acte, ne fait aucune foi des faits qu'il énonce?

1394. Cette règle, quelque générale qu'elle soit, admet cependant une exception. Les gardes champêtres peuvent, aux termes de l'art. 10 de la loi du 30 avril 1790, et de l'art. 6, section VII, titre I de la loi du 28 septembre 1791, faire leurs rapports soit de vive voix devant le juge de paix, soit par écrit. Or, la loi, en les dispensant d'écrire ces rapports, n'a-t-elle pas voulu les dispenser de les signer? Cette exemption n'est-elle pas fondée sur la présomption d'une ignorance qui peut s'appliquer aussi bien à la signature qu'à l'écriture? Ce qui semble prouver que telle a été l'intention de la loi, c'est le soin qu'elle a pris de désigner les officiers publics qui doivent recevoir et écrire les rapports de ces gardes; le concours de ces officiers est une garantie qui supplée non-seulement à leur écriture, mais à leur signature. En matière forestière, il n'en est point ainsi : le procès-verbal peut, aux termes de l'article 165 du Code forestier, n'être pas écrit de la main du garde, mais il doit dans tous les cas être signé de lui; aussi la loi n'a pas désigné les officiers qui devaient l'écrire sous sa dictée; il peut employer à cet office toute personne; sa signature suffit à la régularité de l'acte.

1395. La question s'est élevée de savoir si la signature d'un garde, mise au pied de l'acte d'affirmation, se réfère au procèsverbal même et dispense de le signer. Cette question a été jugée, en premier lieu, dans une espèce où le procès-verbal avait été écrit par un maire sur la déclaration d'un garde champêtre : la Cour de cassation a déclaré qu'une seule signature était suffisante', et cela était évident, puisque le procès-verbal eût été va1 Arr. cass. 5 févr. 1825 (Dev. et Car., tom. VIII, p. 39).

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lable même dénué de cette signature. Mais, dans une seconde espèce, il s'agissait d'un garde forestier, et la Cour, appliquant la même jurisprudence, a décidé : « que si, aux termes de l'article 165 du Code forestier, les procès-verbaux des gardes forestiers doivent être signés par eux, soit qu'ils les aient écrits, soit qu'ils les aient fait écrire par un tiers, il est certain que le procèsverbal qui donne lieu aux poursuites actuelles est revêtu de la signature du garde, et que le jugement attaqué n'en a prononcé l'annulation que parce que cette signature est placée à la suite de l'affirmation; qu'il est constant que ce procès-verbal est écrit en entier de la main du maire de la commune, qui en a reçu l'affirmation, que les déclarations du garde, le résultat des recherches du maire qui s'était joint à lui pour découvrir les auteurs du délit et l'affirmation sont rédigés de suite sur un même feuillet, et ne forment qu'un seul et même acte; qu'il résulte de là que la signature du garde se réfère à tout le contexte de cet acte, conséquemment à ces déclarations dont lecture lui a été préalablement donnée, et qu'ainsi le vœu de la loi a été rempli '. » Cet arrêt a été l'objet d'une critique qui nous paraît fondée. Rien ne s'oppose à ce que le rapport d'un garde champêtre et l'affirmation de ce rapport, écrits de la même main, à la suite l'un de l'autre, soient placés dans le même contexte, car il n'y a là qu'un seul et même acte, quoique divisé en deux parties: le garde fait son rapport et l'affirme; le maire reçoit à la fois la déclaration et l'affirmation. Si la signature du garde était nécessaire, il suffirait d'une seule, car il n'y a qu'un seul corps d'acte. En est-il ainsi en matière forestière? La loi sépare nettement le rapport et l'affirmation; l'article 165 porte que les gardes signeront leurs procès-verbaux et les affirmeront au plus tard le lendemain de leur clôture. Le procès-verbal doit donc être signé avant d'être affirmé ; le procès-verbal et l'acte d'affirmation sont donc deux actes distincts qui sont dressés séparément l'un de l'autre. Si nous arrivons maintenant à l'hypothèse où le garde forestier s'adresse, comme le garde champêtre, au maire pour faire écrire son procèsverbal, nous trouvons une double différence : le maire n'a point qualité pour recevoir le procès-verbal du garde forestier; il ne fait que prêter sa main à cet agent; c'est celui-ci qui verbalise,

1 Arr. cass. 19 juillet 1828 (J. P., tom, XXII, p. 99). 2 Mangin, n. 145.

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