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expressément ajoutée, et que les tribunaux sortent de leurs attributions toutes les fois qu'ils prononcent une nullité qui n'est point établie par la loi 1. »>

1423. La même décision doit-elle être étendue aux énonciations qui ont pour objet le nom du garde, sa qualité et sa demeure? La Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 26 juin 1812: « Qu'aucune loi n'impose aux gardes champêtres l'obligation d'énoncer leur demeure dans leurs procès-verbaux, à peine de nullité, et que leur demeure est suffisamment connue et constatée par la déclaration de leur qualité de garde champêtre du lieu où ils verbalisent. » La même Cour a jugé encore, par un arrêt du 18 février 1820, « que la loi n'exige point que les gardes champêtres fassent mention de la date de leur réception3». Sur ces deux points aucune difficulté ne peut s'élever : ce sont des énonciations secondaires qui sont suppléées, comme l'a remarqué la Cour de cassation, par l'énonciation de la qualité elle-même. Mais il en serait autrement si cette dernière énonciation était omise: elle constitue le droit du garde, elle est le titre de sa compétence; elle imprime seule au procès-verbal sa valeur légale ; il est donc nécessaire que cet acte, qui doit porter en lui-même la preuve de sa validité, la constate en termes exprès.

1424. Nous avons vu (n° 1409) que les procès-verbaux des gardes champêtres doivent, aux termes de l'article 10 de la loi du 30 avril 1790, être affirmés dans les vingt-quatre heures et que cette affirmation doit être reçue, aux termes de l'article 11 de la loi du 28 floréal an X, soit par le juge de paix, soit par ses suppléants dans le territoire de la commune où ils résident, soit par les maires et adjoints, dans leurs communes respectives, ou dans les lieux mêmes où résident le juge de paix et ses suppléants, quand ceux-ci sont absents. La Cour de cassation a jugė, en appliquant ce dernier texte, 1° que le procès-verbal d'un garde champêtre est nul quand il a été affirmé par le maire d'une autre commune que celle où le délit a été commis : « Attendu qu'un procès-verbal de garde champêtre est nul et de nul effet

1 Arr. cass. 13 févr. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 451).

2 Journ. du Pal., tom. X, p. 514.

3 Journ. du Pal., tom. XV, p. 782.

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s'il n'est affirmé; qu'il en est de même si l'affirmation est faite devant quelqu'un n'ayant pas le droit de la recevoir, cette affirmation étant nulle et ne pouvant, par conséquent, produire aucun effet 1; » 2o qu'il en est de même toutes les fois que les maires ou les adjoints ont reçu l'affirmation en dehors de leurs communes respectives : « Attendu que, d'après l'article 11 de la loi du 18 floréal an X, les maires ou leurs adjoints ne peuvent recevoir l'affirmation des procès-verbaux que pour les délits commis dans les communes de leur résidence respective; qu'ils le peuvent même lorsque leur commune est la résidence du juge de paix ou de son suppléant, pourvu que ces derniers soient absents, mais que les maires ou adjoints ne le peuvent lorsque le délit est commis dans l'étendue de la commune d'un autre maire; que ces mots autres communes employés dans la loi signifient seulement les communes autres que celle qu'habite chaque maire ou adjoint; que si l'on pouvait élever quelque doute à cet égard, il devrait être levé par le mot respectives, qui limite le pouvoir du maire ou adjoint à ce qui s'est passé dans l'étendue de sa commune; » 3° que l'affirmation reçue par un adjoint est valable lors même que cet officier n'a pas déclaré expressément qu'il agissait en l'absence ou par empêchement du maire : « Attendu que les adjoints de maire ont un caractère personnel d'autorité publique, en vertu duquel ils sont autorisés soit à suppléer les maires, en cas d'absence ou autre empêchement, soit à exercer dans tous les cas les fonctions qui leur sont particulièrement déléguées 3. » Enfin, que les membres des conseils municipaux sont incompétents pour recevoir cette affirmation: « Attendu que les lois ont spécifiquement et limitativement désigné les officiers publics chargés de recevoir les affirmations des procès-verbaux; que les membres des conseils municipaux ne sont pas compris au nombre de ces officiers *. » Il en serait autrement si le membre du conseil municipal remplaçait le maire, en vertu de l'article 5 de la loi du 21 mars 1831, car dans ce cas il exercerait toutes les fonctions de cet officier.

1 Arr. cass. 5 brum. an XII (J. P., tom. III, p. 481).

2 Arr. cass. 2 oct. 1806 (J. P., tom. V, p. 501); 30 mars 1809 (J. P., tom. VII, p. 471); 26 déc. 1816 (J. P., tom. XIII, p. 750).

3 Arr. cass. 31 janv. 1823 (J. P., tom. XVII, p. 856.).

* Arr. cass. 18 nov. 1808 (J. P., tom. VII, p. 210).

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1425. Les procès-verbaux des gardes champêtres doivent être visés pour timbre et enregistrés en débet dans les quatre jours de leur date, aux termes de l'article 20 de la loi du 22 frimaire an VII et de l'article 74 de la loi du 25 mars 1817. Mais cette dernière loi, en étendant cette faculté de l'enregistrement en débet aux procès-verbaux des gendarmes, préposés, gardes champêtres et forestiers, ajoute autres que ceux des particuliers. Il s'ensuit que ces derniers doivent être enregistrés avec le payement immédiat des droits; le procès-verbal des gardes particuliers suppose une partie civile poursuivante qui doit, dès lors, faire l'avance du droit. C'est là, du reste, la seule différence dont ces procèsverbaux soient l'objet les autres règles leur sont applicables. Cette différence a été maintenue par la loi du 18 juin 1859, modificative du Code forestier. Il a été ajouté à l'article 188 de ce Code un paragraphe portant: « Les procès-verbaux, à l'exception de ceux dressés par les gardes particuliers, sont enregistrés en débet. » On lit dans le rapport de la commission du Corps législatif : « Voici à cet égard les deux principales raisons à invoquer la première, qui est une raison générale et de principe, inscrite dans toutes nos lois, est qu'il faut laisser l'intérêt privé, quand il se met de lui-même et pour lui-même en avant, et commence autant qu'il est en lui les poursuites, il faut le laisser faire à ses risques et périls, c'est-à-dire au péril de sa bourse. C'est ainsi par exemple que les frais faits par un particulier qui poursuit directement pour sévices sur lui exercés sont tout d'abord à sa charge. Or ce qui a lieu pour des cas de cette nature doit assurément avoir lieu pour des délits bien moins graves, les délits commis dans les bois des particuliers. Une seconde raison de ne pas accorder l'enregistrement en débet des procèsverbaux des gardes particuliers, c'est que l'intérêt au nom duquel ils sont dressés, tout respectable qu'il soit et que nous l'avons si hautement proclamé, est un intérêt particulier et par cela même égoïste, qui pourrait bien ici, si on lui donnait ses coudées franches, y aller en effet trop franchement. Il pourrait, en d'autres termes, multiplier les poursuites par d'innombrables procès-verbaux, sans autres réflexions que celle-ci, qu'il n'y a aucun risque à le faire, puisqu'il n'y a pas d'argent à y risquer.

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§ IV. Procès-verbaux des gardes forestiers
et des garde-pêche.

1426. Nous avons exposé (no 1376 et suiv.) les formes des procès-verbaux des gardes forestiers, en ce qui concerne le délai dans lequel ils doivent être rapportés, l'écriture, la signature, la date de ces actes, et enfin la double formalité de l'affirmation et de l'enregistrement.

Il nous reste à rechercher les énonciations particulières que doivent contenir ces procès-verbaux.

Nous avons vu que, dans notre ancienne jurisprudence (no 1373), ces énonciations étaient multiples, que les procès-verbaux devaient relever toutes les circonstances du délit, constater toutes ses traces, énoncer tous les faits qui se rattachaient soit à sa perpétration, soit à sa découverte, soit à sa constatation. L'article 4 du titre IV de la loi du 15-29 septembre 1791 n'avait fait que rappeler cette jurisprudence: « Les gardes spécifieront dans leurs procès-verbaux le jour de la reconnaissance et le lieu du délit, les personnes et le nombre des délinquants, lorsqu'ils seront parvenus à les connaître; l'essence ou la grosseur des bois coupés ou enlevés, les instruments, voitures et attelages employés ; la qualité et le nombre des bestiaux en délit, et généralement toutes les circonstances propres à faire connaître les délits et les délinquants. >>

Ni le Code d'instruction criminelle, ni le Code forestier, n'ont reproduit cette disposition. L'article 16 du Code d'instruction criminelle prescrit seulement aux gardes forestiers de constater dans leurs procès-verbaux « la nature, les circonstances, le temps, le lieu des délits et des contraventions, ainsi que les preuves et les indices qu'ils auront pu en découvrir». Et l'article 181 de l'ordonnance réglementaire du 1er août 1827 s'est borné à renvoyer à cet article en ces termes : « Les agents et les gardes dresseront, jour par jour, des procès-verbaux des délits et contraventions qu'ils auront reconnus. Ils se conformeront, pour la rédaction et la remise de ces procès-verbaux, aux articles 16 et 18 du Code d'instruction criminelle. » Le Code forestier lui-même ne prescrit aucune règle à cet égard, mais il résulte de plusieurs de ses dispositions que le vœu du législateur a été que le procès

verbal contint toutes les énonciations nécessaires pour former une preuve complète du délit.

1427. Le procès-verbal doit constater le lieu du délit; car, s'il ne désigne pas ce lieu, comment le prévenu pourra-t-il établir soit l'alibi, soit les moyens de défense qu'il peut tirer de ce lieu mème? Sera-t-il privé de la voie de l'inscription de faux par cela seul que le garde aura omis d'énoncer l'une des circonstances du délit? C'est l'indication du lieu qui constitue le plus souvent la charge la plus forte contre le prévenu; c'est aussi cette indication qui, en définissant le délit, en le localisant, permet à la défense de se produire. Dans notre ancienne jurisprudence, il fallait que le garde énonçât « si précisément le lieu du délit qu'il ne pût être équivoque, même confinât le lieu en rappelant l'héritage ou bois voisin, si c'est sur des limites, soit au milieu ou en quelque partie1». Suffirait-il que le procès-verbal indiquât la forêt où le délit a été commis? Cette indication ne nous semblerait pas assez précise: il faut indiquer non-seulement la forêt, mais le canton de cette forêt et l'endroit même de ce canton; la loi veut, en effet, que le procès-verbal recueille tous les faits qui constituent non-seulement le délit, mais la preuve de ce délit.

Le procès-verbal doit énoncer non-seulement le jour, mais l'heure même du délit, car l'heure peut être soit un moyen de défense, si le prévenu veut établir un alibi, soit un motif d'aggravation de la peine dans certains cas. L'article 201 du Code forestier porte en effet : « Les peines seront doubles lorsque les délits ou contraventions auront été commis la nuit. » Notre ancienne jurisprudence voulait aussi que « tout garde commençât son procès-verbal par la date du jour, du mois, de l'année et de l'heure; si c'est devant ou après midi, si c'est devant le lever du soleil, ou après qu'il est couché ». Cette règle, résultat d'une longue expérience, doit être suivie.

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Le procès-verbal doit énoncer l'âge, l'essence et la grosseur des arbres coupés ou enlevés. En effet, les articles 34, 192, 193 et 194 du Code forestier font de ces circonstances diverses la base de l'application, ou du moins de la mesure de la peine, dans 1 Pratique des terriers, tom. III, p. 137.

2 Voy. suprà no 1144.

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