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la loi, constatent des contraventions en dehors de leur service habituel, doivent-ils suivre les formes qui leur sont prescrites pour l'exercice de leurs fonctions ordinaires, ou celles qui s'appliquent aux matières dans lesquelles ils verbalisent accidentellement?

La législation n'a point prévu cette question; elle s'est bornée à appeler dans la plupart des matières, à côté des agents spéciaux qu'elle instituait, le concours accessoire des agents qu'elle trouvait déjà établis; elle n'a rien statué relativement aux formes qu'ils doivent suivre. La jurisprudence a consacré dès lors des solutions qui semblent contradictoires.

1441. En matière de contributions indirectes, la Cour de cassation a jugé que les agents étrangers à ce service doivent suivre les formes qui leur sont propres : « Attendu qu'en appelant les préposés de l'octroi, les gendarmes, les gardes forestiers, les gardes champêtres, concurremment avec les employés des contributions indirectes, à constater les fraudes et contraventions à l'impôt sur les tabacs, la loi n'a point assujetti les procès-verbaux qui seraient dressés par ces divers agents aux formalités prescrites par le décret du 1er germinal an XIII, pour ceux des employés des contributions indirectes; que, n'ayant rien innové à cet égard, elle a laissé subsister, pour les uns comme pour les autres, les formes particulières qui sont propres à chacun d'eux'. »

En matière de douanes, il a été jugė, au contraire, que les officiers municipaux et gendarmes qui procèdent à une saisie sont tenus de se conformer aux règles spéciales établies par les lois sur les douanes 2. Les articles 2 et 3 de la loi du 9 floréal an VII veulent, en effet, que les saisissants, quelle que soit leur qualité, fassent conduire les objets saisis au plus prochain bureau, et y rédigent de suite leurs rapports, suivant les formes qu'ils ont réglées.

En matière de délits de chasse, la Cour de cassation a déclaré, d'abord, que les gendarmes qui les constataient n'étaient pas astreints à suivre les formes de la loi spéciale : « Attendu que

ni

1 Arr. cass. 25 juin 1835 (Bull., no 252); et conf. Arr. cass. 4 sept. 1813

et 10 févr. 1826.

2 Arr. cass. 8 prair. an VIII (J. P., tom. I, p. 601).

l'ordonnance du 29 octobre 1820, ni la loi du 28 germinal an VI n'ont prescrit aucune forme particulière pour la régularité des procès-verbaux qui seraient dressés par les gendarmes dans l'ordre de leurs fonctions; que ces procès-verbaux ne peuvent donc être déclarés nuls sous prétexte d'omission de formes'. » Mais la Cour a décidé, au contraire, depuis la loi 3 mai 1844 : « Que les procès-verbaux dressés de ce délit par les agents et gardes forestiers sont régis exclusivement aujourd'hui par les dispositions de l'article 24 de cette loi; qu'ils doivent, par suite, être affirmés dans les vingt-quatre heures du délit; que l'énonciation précise de l'heure à laquelle l'affirmation a eu lieu est dès lors la condition absolue et irritante de l'accomplissement de cette formalité substantielle2.

Enfin, en matière de contraventions aux règlements des postes, les préposés étrangers à ce service qui opèrent une saisie doivent se conformer à ces règlements : « Attendu que les employés de l'octroi, comme les préposés des diverses autres administrations chargés aussi de constater les contraventions au transport des lettres, procèdent en des qualités différentes, selon qu'ils constatent les contraventions relatives au transport des lettres, ou les infractions aux lois et règlements pour l'exécution desquels ils sont - particulièrement institués; que les lois et règlements déterminent les diverses formalités auxquelles sont assujettis les procès-verbaux des divers employés, selon les diverses matières touchant lesquelles ils interviennent; que, d'après la loi du 27 frimaire an VIII, les employés de l'octroi, lorsqu'ils constatent des fraudes commises en matière d'octroi, rédigent des procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux, après qu'ils ont été régulièrement affirmés; que, lorsqu'il s'agit de contraventions aux règlements sur les postes, il faut se référer aux règles particulières posées pour la constatation de cette nature de contravention; qu'aucune de ces dispositions n'assujettit ces procès-verbaux à la nécessité de l'affirmation et ne leur donne foi jusqu'à inscription de faux; que dès lors les préposés de l'octroi ne sont pas assujettis à affirmer les procès-verbaux qu'ils dressent en matière de contravention · aux règlements sur les postes 3.

1 Arr. cass. 30 juillet 1825 (J. P., tom. XIX, p. 754).

2 Arr. cass. 4 sept. 1847 (Bull., no 208).

3 Arr. cass. 18 juin 1842 (Bull., no 154).

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1442. En examinant ces solutions si différentes les unes des autres, on éprouve le besoin de les rattacher à quelque principe qui puisse les expliquer. En thèse générale, tout officier de police qui constate des coutraventions étrangères à son service n'est pas tenu de suivre d'autres formes que celles qui lui sont prescrites dans l'exercice de ses fonctions propres. Cette règle se fonde sur ce que la loi n'a dû présumer dans cet agent que les connaissances qui lui sont nécessaires pour exercer ses fonctions: si elle lui confie quelque mission en dehors de cette fonction, c'est qu'elle juge que ces notions lui suffisent pour la remplir; c'est que cette mission peut être exécutée en appliquant les règles mêmes qu'il applique dans l'exercice de son service habituel. C'est là ce qui explique le silence de la législation : elle n'a prescrit aucunes formes nouvelles aux agents qu'elle déléguait pour constater des infractions étrangères à leur service, parce qu'elle sc référait aux formes qu'ils suivent dans leurs fonctions; et, en effet, il n'est pas vrai de dire, comme le fait l'arrêt du 18 juin 1842, que les préposés procèdent en des qualités différentes, suivant qu'ils constatent telle ou telle contravention; ils ne cessent pas d'agir en vertu de la qualité qui leur est propre; c'est en cette qualité que la loi spéciale les prend et les délègue, elle ne leur confie point un nouveau titre, elle ne les assimile pas aux préposés affectés au service qu'elle leur attribue accidentellement. Ils doivent donc procéder à la fois en leur qualité et en vertu de la délégation qui leur est faite, c'est-à-dire observer les formes qui leur sont propres, même dans une matière qui leur est étrangère'.

1443. Mais cette règle a deux exceptions qui dérivent soit du pouvoir plus ou moins étendu qu'exerce l'officier de police, soit de la foi donnée à son procès-verbal. La première concerné les préposés, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à inscription de faux et qui instrumentent accidentellement dans une matière où ils ne font foi que jusqu'à preuve contraire. Tels sont les préposés des contributions indirectes qui constatent un délit de transport de gibier, ou les préposés de l'octroi qui constatent une contravention au transport des lettres. Il est clair qu'il serait inutile d'appliquer à des procès-verbaux qui ont une moindre autorité des formes qui n'ont été établies qu'à raison de la foi irrefragable 1 Conf. Mangin, n. 13.

imprimée aux actes. La différence des effets explique la différence des formes. Il suffit donc que les préposés des contributions indirectes ou des octrois emploient les formes plus simples relatives à la constatation des délits de chasse ou de transport illicite des lettres.

La deuxième exception doit avoir lieu lorsque le procès-verbal de l'agent accidentellement délégué fait la même foi que celui de l'agent spécial, et que l'un et l'autre font preuve jusqu'à inscription de faux. En général, les effets attachés aux procès-verbaux dépendent de la matière dans laquelle ils interviennent et da caractère des agents qui les ont rapportés. La loi, en appelant différents agents à constater les mêmes contraventions, n'a pas imprimé a leurs actes la même autorité. Ainsi, le maire ou le commissaire de police qui constate une contravention en matière forestière ou en matière de contrebande de tabac n'attache point à son procès-verbal, lors même qu'il aurait suivi les formes prescrites par la loi spéciale, la même autorité que le garde forestier ou le préposé des contributions indirectes. Il n'est donc pas nécessaire qu'il suive ces formes; mais la loi a fait une exception en matière de douanes. Les procèsverbaux rédigés en cette matière, que leurs rédacteurs soient des préposés des douanes, des autres administrations, ou même de simples citoyens, ont la même autorité devant la justice'. Il est donc évident qu'ils doivent être soumis aux mêmes formalités.

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Mais ce sont là les seules exceptions au principe que nous avons posé. Si la Cour de cassation a décidé que les gardes forestiers qui constatent un délit de chasse doivent observer le délai de l'affirmation prescrit par l'article 24 de la loi du 3 mai 1844, il faut remarquer que cet article est ainsi conçu: « Dans les vingtquatre heures du délit, les procès-verbaux des gardes seront, peine de nullité, affirmés par leurs rédacteurs. » Or, tous les gardes, forestiers, champêtres et particuliers, sont compris dans cette expression collective. On peut donc penser qu'ici la loi ellemême a prescrit des formes particulières aux agents qu'elle délégue, et dès lors ce n'est plus comme exception, mais en vertu dé la prescription de cette loi, que les gardes forestiers sont soumis à cette forme spéciale.

1 L. 9 flor. an VII, tit. IV, art. 1 et 2.
2 Arr. cass. 4 sept. 1847 (Bull., p. 208).

CHAPITRE TREIZIÈME.

DE LA FOI DUE AUX PROCÈS-VERBAUX.

§ I. De l'autorité des procès-verbaux.

1444. Motifs de l'article 154 du Code d'instruction criminelle.

1445. Fondement de la distinction des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire ou jusqu'à inscription de faux.

1446. De l'autorité des procès-verbaux en matière de délit commun, en matière de police et en matière fiscale.

1447. Ils ne font foi que des faits qui se rapportent à la matière même dans laquelle ils sont intervenus.

1448. Ils n'ont que l'autorité que comporte la matière dans laquelle ils interviennent, quels que soient les agents qui les ont rédigés.

1449. Mais ils font foi, même jusqu'à inscription de faux en matière fiscale, quoique dressés par des agents étrangers à ce service, s'ils sont réguliers.

§ II. De quels faits ils font foi.

1450. Les procès-verbaux ne font foi que des faits matériels constitutifs des délits et contraventions qu'ils constatent.

1451. Application de cette règle dans la jurisprudence.

.

1452. Ils ne font foi que des faits que les officiers ont personnellement reconnus.

1453. Ce qu'il faut entendre par faits matériels.

1454. Les aveux et déclarations sont considérés par la jurisprudence comme des faits matériels dont les procès-verbaux font foi.

1455. Examen de cette jurisprudence.

1456. Distinction entre le fait des déclarations et aveux et la vérité de ces déclarations et aveux. Les procès-verbaux ne font pas foi de leur sincérité. 1457. La constatation de l'aveu ne suffit pas quand le fait matériel n'est pas établi ou est contestable.

§ III. Procès-verbaux qui ne valent que comme renseignements. 1458. Dans quels cas les procès-verbaux ne valent que comme simples renseignements.

§ IV. Procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire. 1459. Énumération des officiers publics dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve

contraire.

1460. Motifs qui fondent cette autorité des procès-verbaux.

1461. Ils ne peuvent être débattus que par des preuves soit écrites, soit testimoniales. 1462. Ce qu'il faut entendre par preuves écrites ou testimoniales.

1463. Explication de ces mots de l'article 154 : « Si le tribunal juge à propos de les Dans quels cas le juge peut ne pas les admettre.

admettre.

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1464. Les preuves contraires peuvent être provoquées et ordonnées d'office par le juge. 1465. Le juge peut également ordonner que les rédacteurs des procès-verbaux seront entendus à l'audience.

1466. Les commissaires de police qui ont rédigé les procès-verbaux et qui remplissent à l'audience les fonctions du ministère public ne peuvent être entendus comme témoins à l'appui ou contre ces actes.

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