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1467. Les procès-verbaux nuls ou irréguliers peuvent être suppléés par une autre preuve. 1468. Dans quels cas les juges doivent admettre la preuve offerte à défaut ou à l'appui d'un procès-verbal.

SV. Procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux.

1469. Quels sont les officiers qui dressent des procès-verbaux faisant foi jusqu'à inscription de faux.

1470. Dans quels cas les procès-verbaux de ces officiers font foi jusqu'à inscription de

faux.

1471. De l'autorité des procès-verbaux faisant foi jusqu'à inscription de faux et de leurs effets.

1472. Dans quels cas les rédacteurs de ces procès-verbaux peuvent être entendus à l'audience à leur appui.

1473. Le tribunal peut ordonner

et qu'il n'a pas constatés.

preuve des faits qui sont en dehors du procès-verbal

1474. Il peut également ordonner la preuve des faits justificatifs qui ne seraient pas contraires aux énonciations du procès-verbal.

§ I. De l'autorité des procès-verbaux.

1444. La loi n'a pas attaché à tous les procès-verbaux la mème autorité : les uns n'ont que la valeur de simples renseignements, les autres font foi jusqu'à preuve contraire, les autres, enfin, font foi jusqu'à inscription de faux.

L'article 154 du Code d'instruction criminelle consacre cette distinction: « Les contraventions seront prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux ou à leur appui. Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux ou rapports des officiers de police ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les délits ou les contraventions jusqu'à inscription de faux. Quant aux procès-verbaux et rapports faits par des agents, préposés ou officiers auxquels la loi n'a pas accordé le droit d'en être crus jusqu'à inscription de faux, ils pourront être débattus par des preuves contraires, soit écrites, soit testimoniales, si le tribunal juge à propos de les admettre. » La dernière partie de cet article n'existait point dans le projet du Code d'instruction. On y lisait seulement : « Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux ou rapports des officiers de police, des agents, préposés ou autres officiers ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les délits ou les contraventions : leurs procèsverbaux ou rapports feront foi jusqu'à inscription de faux. » Cette disposition fut combattue dans le sein du conseil d'État. M. Defer

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mon fit observer, d'abord, que les formalités aussi graves que celles de l'inscription de faux ne sont point proportionnées aux délits légers dont connaît le tribunal de police; que peu de citoyens se détermineraient à entreprendre une procédure de faux pour échapper à une amende modique; qu'il semble qu'il faudrait permettre de détruire, par des moyens plus faciles, les fausses assertions des agents de police. Le ministre de la justice ajouta : « Que ce serait trop exposer la tranquillité des citoyens que de permettre qu'elle fût compromise par les assertions d'un homme obscur, tandis que même les procès-verbaux des juges ne font point foi en justice, s'ils ne sont signés du greffier; que l'article en discussion est contraire à tous les principes reçus jamais la loi n'a donné créance à des procès-verbaux dressés sans témoins. Et qu'on ne dise pas qu'en réservant à la partie la preuve contraire, on ôte au procès-verbal tous ses effets; il conserve toujours la force de faire preuve directe. On y attacherait trop d'importance si, en allant plus loin, on décidait qu'il fait preuve absolue. La foi sans doute est due aux actes, mais seulement lorsqu'à raison de leur forme ils offrent une garantie. » M. Treilhard objectait « Qu'il deviendrait impossible de constater les contraventions qui n'exposent qu'à une amende très-modique, si on ne les regarde comme constatées que lorque le procès-verbal aura été dressé par deux officiers de police ou par un seul assisté de deux témoins. » M. Cambacėrès répondit : « Que, dans tous les délits qui résultent de circonstances fugitives, le procès-verbal peut être fautif; il est difficile de le détruire, il ne faut donc pas qu'il suffise pour condamner. Il n'en est pas dans ce sujet comme dans la matière des impôts, où l'intérêt d'assurer les revenus de l'État oblige de s'écarter des règles dont la stricte observation rendrait la perception nulle. Dans les circonstances ordinaires, le grand motif de l'intérêt public n'oblige pas de donner la même importance aux procès-verbaux. L'article est donc vicieux en ce qu'il obligerait le juge à condamner sur cette seule preuve. » D'après ces observations, le conseil adopta en principe « qu'il ne serait pas nécessaire de recourir à l'inscription de faux pour détruire les procès-verbaux de police et qu'il serait permis aux juges d'admettre la preuve contraire 1».

1 Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 28 fructidor an XII (Locré, tom. XXIV, p. 207 et suiv.).

1445. Il résulte de cette discussion que l'autorité plus ou moins étendue des procès-verbaux a pour base unique la matière dans laquelle ils interviennent c'est la nature de la contravention; c'est la difficulté d'en faire preuve autrement que par un procèsverbal qui la saisit au moment même où elle se manifeste, qui ont attaché à ces actes tantôt une foi pleine et entière, tantôt une foi qui ne cède qu'à une preuve contraire, tantôt enfin la valeur d'un simple renseignement. A la vérité, l'article 154 semble faire dériver exclusivement ces effets différents des termes de la délégation faite par la loi aux agents, préposés et officiers qui ont pouvoir de constater les délits et contraventions. Mais cette délégation diverse est fondée, non sur la position hiérarchique de ces agents, mais sur la caractère des infractions qu'ils sont chargés de surveiller. Ce n'est pas parce que les gardes forestiers, les préposés des contributions et des douanes inspirent au législateur une confiance plus grande que les commissaires de police ou les officiers de gendarmerie, que leurs procès-verbaux ont une autorité plus étendue; c'est parce que cette autorité a paru nécessaire pour assurer la répression des contraventions forestières des contributions indirectes et des douanes. Il n'est donc pas exact de dire, comme l'a fait un auteur justement accrédité', « que la loi a dû régler, d'après les connaissances, les qualités, les garanties enfin qu'elle exige de ses agents, l'autorité qu'elle accorde à leurs déclarations». La loi n'a mesuré le degré de foi dont ces déclarations sont investies, qu'à raison de la matière dans laquelle elles interviennent. Toute la théorie des procès-verbaux est dans ce principe.

1446. Ainsi, nous avons vu précédemment qu'en matière de crime ou de délit commun, les procès-verbaux, quels que soient les agents qui les ont dressés, ne forment que des renseignements qui peuvent éclairer les juges, mais qui n'enchaînent pas leur conviction *; car le débat oral est le principe de notre procédure criminelle, et suivant les termes d'un arrêt de la Cour de cassation: «<< Tout accusé ou prévenu d'un crime ou délit prévu par le Code pénal est toujours, et nonobstant tous procès-verbaux dressés pour constater le fait, admissible à prouver sa non-culpabi

1 Mangin, n. 30, p. 76.

2 Voy. suprà no 1351.

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lité'. En matière de simple police, en matière de délits ruraux, les procès-verbaux font foi jusqu'à la preuve contraire, parce que ces délits et contraventions n'ont le plus souvent aucun témoin, qu'il serait trop onéreux, d'ailleurs, de les déplacer dans un intérêt aussi minime, et que le procès-verbal doit constituer une base suffisante du jugement, sauf l'admission, s'il y a lieu, d'une preuve contraire. Enfin, en matière de douanes, de contributions indirectes et d'eaux et forêts, les procès-verbaux font foi jusqu'à inscription de faux, parce que les contraventions ne laissent après elles aucune trace, parce que les preuves de ces contraventions sont si fugitives qu'elles s'effacent si elles ne sont pas saisies au moment où elles se produisent, enfin, parce qu'elles consistent uniquement dans des faits matériels qui ne peuvent être diversement appréciés. C'est donc dans tous les cas la nature du fait qui détermine la mesure d'autorité dont le procès-verbal est investi.

:

A la vérité, les agents sont revêtus d'un pouvoir plus ou moins étendu les déclarations des uns ne sont acceptées qu'à titre de renseignements, celles des autres sont crues, au contraire, jusqu'à l'opposition d'une autre preuve ou jusqu'à l'inscription de faux. Mais ces pouvoirs différents n'ont pour fondement ni les connaissances, ni les qualités, ni les garanties que réunissent ces agents; ils s'étendent ou se restreignent suivant que la matière le comporte, plus larges quand toute autre preuve que celle qu'ils apportent est impossible ou dangereuse, plus étroits quand cette preuve est au contraire facile et sans danger. Ils ne dépendent donc ni du caractère de l'agent, ni de l'autorité qu'il exerce, mais de la nature de sa fonction, de la matière à laquelle sa surveillance est attachée. Et quant aux formes plus ou moins compliquées, plus ou moins prévoyantes, que revêtent les procès-verbaux, ces formes, qui s'étendent à mesure que s'étend l'autorité de l'acte, pour en garantir la sincérité, sont complétement indépendantes de la qualité de l'agent; elles sont puisées dans la nature des contraventions qui doivent être constatées et dans le caractère même des actes qui sont destinés à cette constatation.

1447. Ce principe étant posé, il faut essayer de déduire ses corollaires.

1 Arr. cass. 2 oct. 1818 (J. P., fom. XIV, p. 1033).

Le premier est que les procès-verbaux, auxquels une certaine autorité est attachée, ne font foi que des faits qui se rapportent à la matière même dans laquelle ils sont intervenus. En effet, c'est cette matière qui règle l'autorité du procès-verbal; ce n'est donc qu'à l'égard des contraventions qui s'y rattachent que cette autorité peut exister. Ainsi, en matière de douanes et de contributions indirectes, lorsque le motif de la saisie porte sur l'altération des expéditions, le procès-verbal, bien qu'il doive constater le genre de faux, les altérations ou les surcharges, fait foi de la contravention, mais non du crime de faux, parce qu'en matière criminelle les procès-verbaux ne sont que des renseignements qui ne lient ni les juges ni les jurés1. Ainsi, dans les mêmes matières, lorsque le procès-verbal constate, outre la contravention, des actes de rébellion, de voies de fait ou d'injures, il ne fait foi que de la contravention et non du délit commun, qui s'y trouve accessoirement annexé. Ce point, maintenu par une jurisprudence constante, sanctionnné même par l'article 49 de la loi du 28 avril 1816, a été consacré pour la première fois par un arrêt du 2 mai 1806 dont les motifs sont : « Que la disposition législative qui veut que foi soit due aux procès-verbaux des préposés des droits réunis n'est pas tellement générale et absolue qu'elle s'applique indistinctement à tous les procès-verbaux dressés par ces préposés; que cette disposition législative, applicable sans doute aux procès-verbaux constatant la fraude et la contravention, parce qu'il importe de l'atteindre promptement et de la punir, cesse de l'être quand les procès-verbaux ne sont relatifs, par exemple, qu'à des troubles ou injures que les préposés essuient dans l'exercice de leurs fonctions, parce qu'alors ces procès-verbaux n'ont plus que le caractère de plaintes ou dénonciations contre lesquelles il est permis d'obtenir une preuve contraire, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'inscription de faux ; qu'en effet, si l'article 84 de la loi du 5 ventòse an XII dispose ainsi par rapport aux procèsverbaux, ce n'est qu'après avoir autorisé les préposés à faire dés visites en cas de suspicion de fraude; qu'il en est de même du décret du 1er germinal an XIII, dont les articles 26 et 40, sur la foi due aux procès-verbaux, sont placés dans le chapitre VII, intitulé Procédure sur les procès-verbaux de contravention; qu'il existe une semblable disposition soit dans la loi du 9 floréal 1 Mangin, p. 77.

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