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délit, quel qu'il soit, et de toutes ses circonstances, enfin de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge. Art. 2. En cas de flagrant délit ou sur la clameur publique, l'officier de police fera saisir et amener devant lui les prévenus, sans attendre les déclarations des témoins, et si les prévenus ne peuvent être saisis, il délivrera un mandat d'amener pour les faire comparaître devant lui. Art. 3. Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen sera tenu de s'employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit, ou poursuivi par la clameur publique comme coupable d'un délit et de l'amener devant l'officier de police le plus voisin. »

Voici dans quels termes l'instruction du 29 septembre 1791 expliquait ces articles : « Dans le cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, doit, pour l'intérêt de la société, s'employer de lui-même à saisir le délinquant; car tous les bons citoyens doivent former sans cesse une ligue sainte et patriotique contre les infracteurs de la Constitution et des lois, concourir à empêcher qu'un délit ne se commette, et à remettre entre les mains des ministres de la loi les délinquants qu'ils ont surpris troublant l'ordre public. On doit considérer comme équivalant au cas de flagrant délit celui où un délinquant, surpris au milieu de son crime, est poursuivi à la clameur publique, ou celui où un particulier est trouvé saisi d'effets volés ou d'instruments propres à commettre le crime; car si ces indices sont trompeurs et peuvent accuser parfois un moment une personne innocente, ils exigent du moins que le fait de l'innocence soit éclairé l'homme ainsi arrêté doit être conduit aussitôt devant l'officier de police le plus voisin. »

Les articles 61, 62 et 63 du Code du 3 brumaire an IV n'ont fait que reproduire les termes de ces lois : « Art. 61. Un prévenu peut être traduit sans mandat d'amener devant le juge de paix, lorsqu'il a été surpris en flagrant délit. Art. 62. En cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, est tenu de saisir le prévenu et de l'amener devant le juge de paix. Art. 63. A cet égard, la loi assimile au cas de flagrant délit celui où le délinquant, surpris au milieu de son crime, est poursuivi par la clameur publique, et celui où un homme est trouvé saisi d'effets, armes et instruments et papiers servant à faire présumer qu'il est l'auteur d'un délit. »

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1495. Nous arrivons au Code d'instruction criminelle. Le premier projet de ce Code avait un article 41 ainsi conçu : « En cas de flagrant délit, il (le procureur impérial) fera saisir les prévenus, sans attendre d'autres renseignements, si le délit est tel qu'il emporte peine afflictive ou infamante. Sera réputé flagrant délit le cas où le prévenu sera poursuivi par la clameur publique et celui où, dans un temps voisin du délit, il sera trouvé saisi d'effets, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est l'auteur ou le complice du crime ou délit,» Cet article ayant été soumis au conseil d'État, M. Beugnot dit : « Que ces mots dans un temps voisin du délit sont trop vagues, car ils peuvent signifier également quelques heures, quelques jours, quelques mois. Ensuite, les papiers trouvés sur une personne peuvent bien faire présumer qu'elle est coupable, mais cette circonstance ne la constitue pas en flagrant délit. Il paraîtrait préférable de se réduire aux expressions de l'ordonnance de 1670, qui qualifiait de flagrant délit le crime poursuivi par la clameur publique. » M. Berlier insista dans le même sens : « Il trouve bien vagues ces expressions dans un temps voisin du délit; si elles subsistent, il ne fait nul doute que, bien que la mesure du temps soit de sa nature uniforme, cette mesure sera diversement entendue et appréciée, ce qui serait un grand mal, surtout en matière criminelle, où la précision est le premier et le plus important caractère de la loi; il demande qu'on substitue aux expressions employées celles-ci, dans les vingt-quatre heures du délit.» M. Treilhard ne soutint pas le projet; il dit : « Qu'il y a certainement flagrant délit lorsque le prévenu est saisi avec des effets ou des papiers qu'il vient de voler. Quant à ces expressions, dans le temps voisin, on peut les remplacer par d'autres plus précises et dire dans les vingtquatre heures. » M. Defermon objecta: « Que si le délit cesse d'être flagrant après vingt-quatre heures, la disposition sera trop restreinte. Souvent les voleurs sont saisis des effets volés trèsloin du lieu du vol et longtemps après qu'il a été commis. » M. Beugnot répondit: «Que ces voleurs ne seraient pas surpris en flagrant délit. On ne peut donner ce nom qu'au crime qui est commis actuellement ou qui vient de l'être. Ce cas est un cas d'exception; il ne faut donc pas trop l'étendre, ce qu'on ferait néanmoins en employant l'expression vague le temps voisin. » M. Treilhard ne voulait pas aller aussi loin; il dit « qu'il ne voit

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aucun inconvénient à étendre un peu les cas de flagrant délit, puisque le prévenu est ensuite jugé, et qu'au contraire il en verrait beaucoup à les trop restreindre, car souvent les preuves du crime se trouveraient effacées ,, M. Cambacérès termina la discussion en proposant un amendement qui répondait aux objections; il dit « que la rédaction méritait d'être soignée : telle qu'elle est, elle autoriserait à s'emparer sur-le-champ d'une personne qui se trouverait saisie d'objets volés que cependant elle aurait achetés de bonne foi depuis plusieurs mois. Il faudrait que ces mots dans le temps voisin ne fussent employés que pour atténuer la règle générale, et qu'ainsi, au lieu de dire : est aussi réputé flagrant délit le cas où, dans un temps voisin du délit, le prévenu est trouvé saisi d'effets, etc., on dît : est aussi réputé flagrant délit le cas où le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est l'auteur ou le complice du délit, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit. » L'article fut adopté avec cet amendement 1.

1496. Tels furent les principes qui dominèrent la rédaction du Code; nous allons les retrouver dans ses textes. L'article 41 est ainsi conçu : « Le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre est un flagrant délit. Seront aussi réputés flagrant délit le cas où le prévenu est poursuivi par la clameur publique, et celui où le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit. » La loi détermine ensuite dans quel cas le flagrant délit donne lieu à l'action de la police judiciaire. L'article 32 porte: « Dans tous les cas de flagrant délit, lorsque le fait sera de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, le procureur impérial se transportera sur le lieu sans aucun retard... » L'article 46 porte encore : « Les attributions faites ci-dessus au procureur impérial pour les cas de flagrant délit auront lieu aussi toutes les fois que, s'agissant d'un crime ou délit même non flagrant, commis dans l'intérieur d'une maison, le chef de cette maison requerra le procureur impérial de le constater. » Enfin, l'article 106 est ainsi conçu : « Tout déposi1 Séance du 18 juin 1808, procès-verbaux du conseil d'État (Locré, t. XXV, p. 163).

taire de la force publique et même toute personne sera tenu de saisir le prévenu surpris en flagrant délit, ou poursuivi soit par la clameur publique, soit dans les cas assimilés au flagrant dėlit, et de le conduire devant le procureur impérial, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener, si le crime ou délit emporte peine afflictive ou infamante. »>

Il résulte de ces textes :

1° Que la loi répute cas de flagrant délit les cas suivants : 1° lorsque le crime se commet actuellement; 2° lorsqu'il vient de se commettre; 3° lorsque le prévenu est poursuivi par la clameur publique; 4o lorsqu'il est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit; 5o lorsque le chef d'une maison dans laquelle un crime ou un délit a été commis requiert la police judiciaire de le constater;

2° Que le flagrant délit ne met la police judiciaire en mouvement et ne lui attribue les droits extraordinaires qui seront énumérés plus loin que dans les deux cas suivants : 1° lorsque le fait est de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante; 2o lorsqu'il y a réquisition d'un chef de maison, et lors même, dans ce dernier cas, que le fait n'entraînerait qu'une peine correctionnelle.

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1497. Reprenons successivement chacune de ces propositions. Il y a flagrant délit lorsque le crime se commet actuellement. Cette première hypothèse exprime la véritable phase du flagrant délit l'officier de police judiciaire, averti de la perpétration d'un crime, arrive immédiatement sur les lieux et surprend le prévenu dans les actes mêmes de l'exécution, dùm fit deprehenditur; il ne peut exister sur ce point aucune difficulté.

Il y a flagrant délit lorsque le crime vient de se commettre. Cette seconde hypothèse se rapproche étroitement de la première: le crime est consommé, mais il est encore flagrant, car toutes ses traces sont vivantes, les témoins sont sur les lieux, l'émotion publique subsiste, le prévenu, soit qu'il ait été saisi sur le lieu même de l'action, eo loco deprehenditur ubi fit', soit qu'il n'ait pu être arrêté, est l'objet de recherches actives, le corps du délit est exposé à la vue de tous. A la vérité, la loi n'a pas fixé le 1 Gaïus, Comment. III, n. 184.

délai après lequel le fait cesse d'être flagrant; mais ce délai se trouve implicitement défini par cette condition que le fait vient de se commettre; ce sont donc les instants qui suivent la consommation du crime, où l'action peut être saisie par les recherches judiciaires encore intacte et visible, que la loi a voulu désigner. Il faut toutefois ajouter le temps strictement nécessaire pour le transport de l'officier de police judiciaire sur les lieux.

La jurisprudence nous fournit un exemple frappant de l'application de cette règle. On lit dans un arrêt: « Attendu qu'il est constaté par le jugement attaqué que le commissaire de police, après avoir fait procéder, le 24 mars, à la visite et à l'autopsie du cadavre d'un enfant nouveau-né trouvé sur la voie publique, a remis le lendemain, au parquet du procureur impérial, les procès-verbaux de ses recherches et de ses opérations, et que c'est postérieurement à cette remise qu'il a requis un docteur-médecin de procéder à la visite d'une fille qui passait, dans la pensée de quelques personnes, pour avoir célé sa grossesse; qu'en déclarant, dans cet état des faits, que les réquisitions du commissaire de police avaient été adressées à une époque où le flagrant délit n'existait plus et que par conséquent le médecin avait pu refuser de procéder à une visite que l'officier de police judiciaire n'avait plus le droit de requérir, le jugement n'a commis aucune violation de la loi La cour rejette le pourvoi'. »

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1498. Il y a flagrant délit lorsque le prévenu est poursuivi par la clameur publique. Cette troisième hypothèse est clairement indiquée par ces termes. La loi suppose que l'agent, en se sauvant, après avoir commis son crime, est montré et désigné par les cris du peuple qui publie à haute voix qu'il est le coupable. On doit encore, pour ne pas trop restreindre les expressions de la loi, les appliquer au cas où l'agent, sans être matériellement poursuivi dans sa fuite, est hautement accusé par le cri public d'être l'auteur d'un crime qui vient d'être commis. C'est cette accusation populaire, quelles que soient les circonstances où elle se produit, qui constitue la clameur publique, dans le sens de la loi, lorsqu'elle suit la découverte du crime. Toutefois, il ne faut pas confondre cette clameur, qui consiste dans une sorte d'acclamation 1 Cass. 9 sept. 1853 (Bull., no 457).

2 Éléments de la procéd. crim., tom. I, p. 246.

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