Page images
PDF
EPUB

1502. Les mêmes attributions appartiennent aux officiers de police judiciaire auxiliaires des procureurs impériaux, c'est-à-dire aux juges de paix, aux officiers de gendarmerie, aux commissaires de police et aux maires et adjoints. L'article 49 du Code d'instruction criminelle porte : « Dans le cas de flagrant délit ou dans le cas de réquisition de la part d'un chef de maison, ils dresseront les procès-verbaux, recevront les déclarations des témoins, feront les visites et les autres actes qui sont, auxdits cas, de la compétence des procureurs impériaux, le tout dans les formes et suivant les règles établies au chapitre des procureurs impériaux. » "L'exposé des motifs du Code explique cette disposition dans les termes suivants : « Les juges de paix, officiers de gendarmerie et commissaires généraux de police sont établis pour recevoir les dénonciations de tous les crimes et délits commis dans les lieux où ils exercent leurs fonctions habituelles, et ils sont tenus de les transmettre sans délai au procureur impérial. Mais on a dù étendre leur devoir et leur compétence dans les cas de flagrant délit ; ils ne se bornent pas alors à donner des avis au magistrat, il faut agir sur-le-champ. L'apparition subite de l'officier de police judiciaire peut empêcher quelquefois la consommation entière du crime; elle prévient du moins la fuite du coupable et l'enlèvement de toutes les pièces de conviction. Tous les actes que pourrait faire le juge d'instruction dans ce moment, les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les commissaires généraux de police sont autorisés à les faire. Il a même paru utile, dans les cas de flagrant délit, d'accorder les mêmes droits et d'imposer les mêmes devoirs aux maires et commissaires de police. »

1503. Ainsi le procureur impérial et ses substituts, le juge d'instruction, les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les commissaires de police et les maires et adjoints sont investis des mêmes droits pour constater les cas de flagrant délit ou réputés tels par la loi, et sont soumis aux mèmes règles dans l'exercice de cette attribution.

De là il suit, en premier lieu, que tous ces officiers ne sont compétents que lorsque le fait constitue le flagrant délit, tel qu'il est défini par la loi, ou lorsqu'ils sont requis par un chef de maison. Nous avons précisé les cas de flagrant délit et le cas de

réquisition d'un chef de maison dans le paragraphe précédent. Hors de ces cas, les pouvoirs extraordinaires dont ils sont investis cessent d'une manière absolue, et ils ne peuvent, sans excès de pouvoir, en faire un seul acte, quelle que soit l'urgence des circonstances. Nous avons précédemment développé cette règle importante (voy. n° 1164).

Une autre conséquence est qu'ils ne peuvent agir qu'au seul cas où le fait peut entraîner une peine afflictive ou infamante, puisque, aux termes des articles 32 et 40, ce n'est que dans ce cas que le flagrant délit donne ouverture aux droits de la police judiciaire; ce n'est que dans ce cas qu'il y a flagrant délit dans le sens de la loi. Nous avons posé cette seconde règle dans le paragraphe précédent.

Il faut reconnaître que l'application de ces deux règles peut donner lieu à quelques difficultés dans la pratique; car comment reconnaître à l'avance, et avec précision, qu'un fait a ou n'a pas le caractère d'un crime, qu'un crime est ou n'est pas flagrant? On doit répondre d'abord que, quelles que soient ces difficultés, elles ne peuvent avoir pour résultat d'étendre la compétence des officiers de police judiciaire au delà des limites qui ont été fixées par la loi. Hors des cas où le fait est légalement flagrant et qualifié crime, le procureur impérial doit requérir le juge d'informer; le juge d'instruction ne doit agir qu'après avoir pris les réquisitions du ministère public; enfin, les auxiliaires doivent se borner à donner avis des crimes et délits qui parviennent à leur connaissance, et à transmettre les plaintes et dénonciations qu'ils ont reçues; ces règles de compétence sont formelles il n'y a point de circonstances qui puissent en autoriser la violation.

:

1504. Que si des doutes s'élèvent sur l'état flagrant du fait incriminé, l'officier de police judiciaire peut se transporter sur les lieux, vérifier la date des faits et les circonstances qui s'y rattachent, et, s'il acquiert la conviction que l'état flagrant a cessė d'exister, s'abstenir et se borner à donner avis (voy. no 1164). La Cour de cassation n'a fait que confirmer cette doctrine en dėcidant: «Que si le délit avait cessé d'être flagrant, comme la chambre d'accusation l'avait reconnu, elle ne pouvait autoriser le procureur du roi à se transporter sur les lieux en vertu de l'article 32, les cours royales ne pouvant ni augmenter, ni res

treindre le pouvoir que la loi confère au ministère public; qu'ainsi, en autorisant le procureur du roi à se transporter sur les lieux sans être accompagné du juge d'instruction, dans un cas où elle reconnaissait qu'il n'y avait plus flagrant délit, la cour de Montpellier a faussement appliqué l'article 32 et violé l'article 47, en investissant le ministère public d'un droit que la loi lui refuse1» (voy. no 1487).

1505. Que si, d'une autre part, des doutes planent sur le véritable caractère du fait, l'officier de police judiciaire est autorisé, comme dans la première hypothèse, à se transporter sur les lieux pour examiner toutes les circonstances dans lesquelles il s'est produit, et sauf à s'arrêter dans les actes de cette information aussitôt qu'il lui reconnaît le caractère d'un simple délit. Ici, cependant, on doit reconnaître qu'il suffit, pour régulariser l'intervention de la police judiciaire, que le fait ait les caractères d'un crime au moment où il est flagrant, lors même qu'il se réduirait, après avoir été constaté, aux proportions d'un simple délit, car il n'est pas toujours possible d'apprécier, au moment même de la perpétration, la véritable qualification d'un fait. Ainsi, lorsque des blessures sont faites à un individu, il n'est pas possible d'en mesurer sur-le-champ la gravité et de caractériser un fait dont la qualification dépend du résultat même de ces blessures et de la durée de l'incapacité de travail qu'elles produiront. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « Que la loi, en faisant une obligation au procureur du roi, dans le cas de flagrant délit, et lorsque le fait est de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, de se transporter sur les lieux et d'y dresser des procès-verbaux, ne frappe pas de nullité ces procès-verbaux, dressés dans la prévision d'un crime commis, lorsque le fait constaté par le procureur du roi perd les premiers caractères qu'on lui avait supposés; que l'amas d'armes et de poudre dénoncé dans l'espèce par la clameur publique pouvait être considéré comme une préparation à la guerre civile et un moyen de la soutenir; qu'ainsi le procureur du roi a pu se croire dans le cas prévu par les articles 32 et 41 du Code d'instruction criminelle; qu'ainsi, dans l'espèce, le procès-verbal du procureur du roi

1 Cass. 30 sept. 1826 (J. P., tom. XX, p. 875); et 9 sept. 1853 (Bull., n° 457).

[ocr errors]

était régulier et a pu servir de base à la poursuite 1. » Mais il est nécessaire, du moins, qu'il y ait présomption de l'existence du crime, et que cette présomption soit fondée sur des faits apparents; car le droit de l'officier de police judiciaire est tout entier dans la pensée qu'il a dû avoir que le fait constituait un crime. Quelques auteurs ont été plus loin, et, entraînés par l'autorité d'une instruction d'un ancien procureur du roi de la Seine, ils enseignent que les officiers auxiliaires peuvent, lorsque le fait n'a pas les caractères d'un crime, non pas procéder à tous les actes que la loi leur délégue lorsqu'ils exercent leur pouvoir régulièrement, mais se transporter sur les lieux, reconnaître les faits et entendre les témoins 3, La raison qu'ils énoncent à l'appui de cette distinction est que de tels actes n'ont aucun danger, qu'ils n'engagent point l'action publique et ne valent que comme de simples renseignements. Nous avons déjà combattu cette doetrine, qui nous paraît méconnaître à la fois le texte et l'esprit de la loi (no 1164); il serait inutile de reproduire ici notre argumen

tation.

3

1506. Les officiers de police judiciaire sont-ils tenus de se transporter sur les lieux dans tous les cas où ils ont connaissance d'un crime flagrant? La commission du Corps législatif avait proposé de ne leur attribuer qu'une faculté : « On aperçoit des inconvénients dans la nécessité absolue imposée au procureur impérial de se transporter toujours sur les lieux, dans les cas de flagrant délit. Il arriverait souvent qu'il y aurait des déplacements sans objet qui occasionneraient des dépenses inutiles. Cela aurait lieu toutes les fois que le procureur impérial ne pourrait arriver qu'après un laps de temps tel qu'on ne pourrait plus dire que délit fût flagrant. Le même inconvénient se présenterait encore toutes les fois que le procureur impérial aurait été prévenu dans les procédures préparatoires par les officiers de police judiciaire des lieux. Une simple faculté accordée au procureur impérial de se transporter sur les lieux paraît suffisante. » Ces observations ne furent pas accueillies les articles 32 et 49 du Code d'instruc

:

1 Arr. cass. 1er sept. 1831 (J. P., tom. XXIV,

p. 226).

2 Instruction de M. Jacquinot-Pampelune, p. 54.

le

3 Mangin, Instr. écrite, n. 237; Duverger, Manuel des juges de paix, n. 55. 4 Locré, tom. XXV, p. 219.

tion criminelle sont conçus dans des termes impératifs; les officiers de police judiciaire doivent donc se transporter sur les lieux dans tous les cas de crime flagrant, et c'est là ce qui explique que le législateur, en prescrivant cette mesure, l'ait restreinte aux seuls cas où le fait est passible d'une peine afflictive ou infamante. Si l'article 59 ne donne, dans les mêmes cas, qu'une faculté au juge d'instruction, c'est que la loi suppose que le ministère public est averti en même temps que le juge et qu'elle laisse à ce dernier le choix de l'accompagner ou de

s'abstenir.

1507. Les officiers de police auxiliaires qui se sont transportés sur les lieux doivent cesser leurs opérations aussitôt que le procureur impérial ou le juge d'instruction se présente. Cela résulte des articles 51, 59 et 60 du Code d'instruction criminelle. Ils ne sont que des auxiliaires, et dès lors ils ne doivent agir qu'à défaut du ministère public ou du juge et pour les suppléer. Ces deux magistrats peuvent soit les autoriser à continuer la procédure, soit la continuer eux-mêmes, soit refaire les actes qui ne leur paraîtraient pas complets. Si le procureur impérial et le juge d'instruction se rencontrent dans un transport sur les mêmes lieux, aucune concurrence ne peut s'élever entre eux : chacun reprend ses fonctions ordinaires; le ministère public requiert et le juge constate. Enfin, si plusieurs officiers de police se trouvent prêts à instrumenter à la fois, la prévention appartient au premier qui est arrivé sur les lieux, puisque la loi n'a établi entre eux aucune hiérarchie; et cependant il semble qu'on pourrait induire des termes de l'article 48 que les juges de paix, placés les premiers parmi les auxiliaires, ont prévention sur les officiers de gendarmerie, les commissaires de police et les maires; il serait du moins à désirer, dans l'intérêt de la justice, que cette prévention existât.

1508. Ces observations préliminaires achevées, il faut examiner quels sont les actes auxquels les officiers de police judiciaire peuvent procéder, dans les cas de flagrant délit définis par la loi.

Ces actes sont: 1° le transport sur les lieux et l'information; 2o l'arrestation des inculpés; 3° les visites au domicile des inculpés; 4o la saisie des effets et instruments qui peuvent servir

« PreviousContinue »