Page images
PDF
EPUB

de pièces de conviction; 5° enfin, la constatation des crimes et délits commis dans l'intérieur d'une maison, sur la réquisition du chef de cette maison.

§ III. Du transport sur les lieux en cas de flagrant délit.

1509. Nous avons vu que l'officier de police judiciaire qui acquiert par une voie quelconque la connaissance d'un crime flagrant doit se transporter immédiatement sur les lieux pour commencer une information.

Nous ne croyons pas devoir exposer ici toutes les règles qui doivent, en général, présider aux informations criminelles; cette matière sera ultérieurement traitée lorsque nous examinerons les actes du juge d'instruction'; nous nous bornerons à indiquer sommairement ici les différentes mesures que l'officier de police judiciaire peut prescrire et les fonctions qu'il doit remplir.

Sa mission est de constater le corps du délit, c'est-à-dire tous les faits matériels qui sont à la fois les vestiges et les preuves du crime. Tel est l'objet de l'article 32 du Code d'instruction criminelle, portant: « Dans tous les cas de flagrant délit, lorsque le fait sera de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, le procureur impérial se transportera sur les lieux sans aucun retard, pour y dresser les procès-verbaux nécessaires à l'effet de constater le corps du délit, son état, l'état des lieux... » Il est nécessaire, en effet, avant de procéder à une information criminelle, de constater l'existence du crime hic ordo servatur : primùm ut constet occisum hominem, deindè de reis inquirendum 2.

L'officier de police judiciaire doit donc, en premier lieu, rechercher sur les lieux et constater dans son procès-verbal tous les actes qui constituent le crime ou qui s'y rattachent, les traces qu'il a laissées, les signes extérieurs qui révèlent son existence. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un homicide ou de blessures volontaires, il doit constater l'état du cadavre de la victime ou la position du blessé, le nombre et la nature des blessures, leurs marques apparentes; lorsqu'il s'agit d'un vol ou d'un incendie, les moyens qui ont été employés pour le commettre, les traces de l'escalade, de 1 Voy. notre tome IV, chap. II.

2 Pauli Sentent., lib. III, cap. 5, § 11.

l'effraction, des violences ou du feu, les résultats de l'attentat. Il doit, dans tous les cas, décrire les lieux dans leurs rapports avec la perpétration du crime, afin que les changements qui pourront survenir ne puissent anéantir les indices qu'ils révèlent.

1510. Après cette description des faits matériels, le procèsverbal doit recueillir les déclarations des témoins du crime. L'article 32 porte que l'un des objets du transport est de « recevoir les déclarations des personnes qui auraient été présentes ou qui auraient des renseignements à donner ». Et l'article 33 ajoute : « Le procureur impérial pourra aussi, dans le cas de l'article précédent, appeler à son procès-verbal les parents, voisins ou domestiques présumés en état de donner des renseignements sur le fait; il recevra leurs déclarations, qu'ils signeront; les déclarations reçues en conséquence du présent article et de l'article précédent seront signées par les parties, et en cas de refus, il en sera fait mention. » C'est là l'information proprement dite : l'officier de police, à son arrivée sur les lieux, doit se faire désigner les témoins et empêcher qu'ils ne s'éloignent; car « l'expérience prouve qu'une fois éloignés, soit indifférence, soit répugnance, soit encore crainte d'ètre détournés de leurs occupations, loin de venir offrir leur témoignage à la justice, ils s'efforcent de rester inconnus1». Il importe, d'ailleurs, de recueillir leurs déclarations dans le premier moment du délit; c'est alors que la vérité tout entière se manifeste; la justice n'est pas encore entravée par les conseils de la pitié, par les sollicitations intéressées des parties, par une foule de considérations qui lui sont préjudiciables; plus tard, lorsque le temps aurait effacé ces premières émotions, il serait plus difficile d'obtenir, à travers les atténuations ou les réticences des mêmes témoins, un récit aussi exact des mêmes circonstances. C'est en cela que consiste l'avantage de cette information sommaire; elle indique les preuves qui sans elle resteraient ignorées.

1

1511. Toutes les personnes que l'officier croit utile d'entendre sont averties soit verbalement, soit par un simple avis porté sans frais par le garde champêtre ou par un gendarme. Elles sont tenues d'obtempérer à cet ordre de la justice. L'article 34 lui donne une sanction en ces termes : « II pourra défendre que qui que ce soit

1 Instruction du procureur du roi de la Seine, p. 60.

III.

31

sorte de la maison ou s'éloigne du lieu jusqu'après la clôture du procès-verbal. Tout contrevenant à cette défense sera, s'il peut être saisi, déposé dans la maison d'arrêt: la peine encourue pour la contravention sera prononcée par le juge d'instruction, sur les conclusions du procureur impérial, après que le contrevenant aura été cité et entendu, ou par défaut, s'il ne comparaît pas, sans autre formalité ni délai, et sans opposition ni appel. La peine ne pourra excéder dix jours d'emprisonnement et cent francs d'amende. » Il y a lieu de remarquer, au sujet de cette disposition pénale, d'abord, que l'officier de police n'a d'autre droit que celui d'ordonner l'arrestation; le juge est seul compétent pour prononcer la peine; ensuite, que cette mesure même, quelle que soit la forme impérative de la loi, est purement facultative: autorisée dans l'intérêt de l'information, il faut la réserver pour le cas où la désobéissance à l'ordre du magistrat aurait eu pour but de trahir les opérations de cette information et de fournir aux coupables les moyens de faire disparaître les preuves ou de se soustraire eux-mêmes à l'action de la justice.

[ocr errors]

1512. Toutes les fois que la constatation du crime ou de quelques-unes de ses circonstances essentielles ne peut se faire qu'à l'aide de vérifications spéciales ou d'opérations médico-légales, l'officier de police judiciaire appelle les experts ou les médecins les plus capables de donner un avis éclairé, et leur délégue après leur avoir fait prêter serment, la mission de procéder aux actes qu'il leur désigne. Les articles 43 et 44 du Code d'instruction criminelle prévoient ce concours en ces termes : « Le procureur impérial se fera accompagner au besoin d'une ou de deux personnes présumées, par leur art ou profession, capables d'apprécier la nature ou les circonstances du crime ou délit. — S'il s'agit d'une mort violente ou d'une mort dont les causes sont inconnues ou suspectes, le procureur impérial se fera assister d'un ou de deux officiers de santé, qui feront leur rapport sur les causes de la mort et sur l'état du cadavre. Les personnes appelées dans le cas du présent article et de l'article précédent, prèteront devant le procureur impérial, le serment de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience. » L'officier public doit être présent aux opérations qu'il délègue, pour veiller à ce que les vérifications portent sur les points que la justice a besoin de

connaître, que ces vérifications soient faites avec une scrupuleuse exactitude, et, enfin, que le rapport des experts soit clair, précis et suffisamment détaillé.

1513. Le procès-verbal d'information, première base de la procédure, doit être rédigé avec soin; il doit énoncer la date et le lieu de sa rédaction, le nom de l'officier qui le rédige, la voie par laquelle il a été informé et les motifs de son ́transport; la nature du fait et toutes ses circonstances, les investigations faites et leur résultat, toutes les mesures prises pour arriver à la découverte de la vérité, enfin les noms de toutes les personnes entendues et la teneur de toutes leurs déclarations. L'article 38 du Code d'instruction criminelle veut que les déclarations reçues soient signées par les parties, ou, en cas de refus, qu'il en soit fait mention. L'article 42 ajoute : « Les procès-verbaux du procureur impérial, en exécution des articles précédents, seront faits et rédi gés en la présence et revêtus de la signature du commissaire de police de la commune dans laquelle le crime ou le délit aura été commis, ou du maire, ou de l'adjoint du maire, ou de deux citoyens domiciliés dans la commune. Pourra néanmoins le procureur impérial dresser les procès-verbaux sans assistance de témoins, lorsqu'il n'y aura pas possibilité de s'en procurer tout de suite; chaque feuillet du procès-verbal sera signé par le procureur impérial et par les personnes qui y auront assisté; en cas de refus ou d'impossibilité de signer de la part de celles-ci, il en sera fait mention. » Il faut ajouter que si des experts ont été appelés, le procès-verbal doit mentionner leur délégation, leur prestation de serment et contenir leur rapport, qu'ils doivent signer; que, s'ils ont opéré séparément, le rapport qu'ils ont dressé à part doit être signé d'eux. Toutes ces formes, qui ont pour but de garantir l'exactitude des constatations, doivent être strictement observées. Cependant leur omission pourrait affaiblir la foi due aux énonciations du procès-verbal, mais n'entraînerait pas sa nullité, car il n'a que la valeur d'un simple renseignement. Ce point, qui est d'ailleurs évident, a été reconnu dans les délibérations du conseil d'État: M. Cambacérès demanda si le procès-verbal serait nul faute d'avoir été rédigé en présence des témoins indiqués par la loi. M. Treilhard répondit que, le procèsverbal ne servant que de renseignement, la section n'avait pas

cru nécessaire de le frapper de nullité lorsqu'il ne serait pas rédigé dans les formes prescrites'. Doit-il être dressé par un greffier? L'article 32 suppose que l'officier de police judiciaire rédige lui-même le procès-verbal, et telle est même la raison des témoins adjoints à cette rédaction par l'article 42; il convient donc, en général, soit parce qu'il n'a le plus souvent qu'à constater le corps du délit, soit pour éviter les frais, qu'il écrive lui-même cet acte. Cependant, dans les cas graves et lorsque l'information peut être volumineuse, il peut se faire assister d'un greffier ou d'une personne qui en tienne lieu et qui devra prêter serment de s'acquitter fidèlement de cette fonction; car il importe, non-seulement à la dignité des officiers de police, mais encore à la garantie de l'exactitude de leurs opérations, qu'ils ne soient pas abandonnés à eux-mêmes lorsqu'ils procèdent à une information importante et qu'ils ne soient pas privés de l'assistance d'un greffier, qui peut leur être très-utile. L'article 89 du décret du 18 juin 1811 autorise formellement cette assistance. Le procès-verbal d'information, lorsqu'il est rédigé par le procureur impérial, est transmis au juge d'instruction, et lorsqu'il est rédigé par les officiers de police auxiliaires, il est adressé au procureur impérial, pour que ce magistrat puisse l'examiner et le transmettre, avec les réquisitions qu'il juge convenables, au juge d'instruction (articles 45 et 53 du Code d'instruction criminelle).

§ IV. De l'arrestation des inculpés dans le cas de flagrant délit.

1514. Le Code d'instruction criminelle délégue, au cas de flagrant délit, le droit de procéder à l'arrestation des inculpés: 1° aux officiers de police judiciaire, dans le cas prévu par l'article 40; 2° aux gardes forestiers et champêtres, dans le cas prévu par l'article 16; 3° à tout dépositaire de la force publique et même à toute personne, dans le cas prévu par l'article 106. Nous allons examiner successivement ces trois hypothèses.

L'article 40 est ainsi conçu: « Le procureur impérial, audit cas de flagrant délit, et lorsque le fait sera de nature à entraîner peine afflictive ou infamante, fera saisir les prévenus présents contre lesquels il existerait des indices graves. Si le prévenu n'est 1 Locré, tom. XXV, p. 165.

« PreviousContinue »