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Mais elle s'applique encore, exceptionnellement sans doute, à d'autres délits, à d'autres contraventions. En premier lieu, l'article 16 du Code d'instruction criminelle les charge de rechercher les délits et les contraventions qui auraient en général porté atteinte aux propriétés forestières. Par conséquent, lors même qu'il s'agirait d'un délit prévu par une autre loi que la loi forestière, mais que, par sa nature, aurait endommagé la propriété forestière, le garde serait compétent pour le constater.

Leur compétence s'applique également, aux termes de l'article 16, aux délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés rurales. Quoique plus spécialement chargés de la surveillance des propriétés forestières, ils concourent, avec les gardes champêtres, à la surveillance des délits ruraux. Le législateur a pensé que, par la nature même de leurs services, ils pouvaient être à même de découvrir, dans leurs tournées, les infractions qui intéressent la propriété rurale, et il leur a donné une compétence nécessaire pour les constater.

C'est par le même motif qu'ils ont reçu de diverses lois spéciales le pouvoir de constater des délits et contraventions qu'ils peuvent rechercher dans l'exercice même de leurs fonctions. L'article 36 de la loi du 15 avril 1829 leur donne le droit de constater les délits de pêche; l'article 223 de la loi du 28 avril 1816, le colportage et la circulation illicite des tabacs; l'article 22 de la loi du 3 mai 1844, les délits de chasse.

Mais cette compétence ne peut être étendue au delà des limites fixées par la loi. Ils ne pourraient donc constater les faits qui auraient porté atteinte aux propriétés rurales et forestières, si ces faits, soit par eux-mêmes, soit à raison des circonstances dans lesquelles ils auraient été commis, étaient qualifiés crimes par la loi, car ils n'ont pouvoir que pour constater les délits et les contraventions. Ils ne pourraient également constater d'autres délits et contraventions que ceux qui portent atteinte aux propriétés rurales et forestières, ou qui leur sont déférés par une loi spéciale, car la loi générale a restreint leur compétence à la constatation de ces faits 1.

1189. Il nous reste à préciser les actes que les gardes forestiers peuvent accomplir dans l'exercice de leurs fonctions.

1 Arr. cass. 13 févr. 1819 (Bull. no 73).

Le premier de ces actes est le procès-verbal qu'ils doivent dresser des délits ou contraventions qu'ils ont reconnus. L'article 16 du Code d'instruction criminelle porte: « Ils dresseront des procès-verbaux à l'effet de constater la nature, les circonstances, le temps, le lieu des délits et contraventions, ainsi que les preuves et les indices qu'ils auront pu en recueillir. » L'article 160 du Code forestier dispose également, qu'ils recherchent et constatent par procès-verbaux les délits et contraventions'.

La loi leur attribue ensuite un autre droit, c'est le droit de saisie. L'article 16 du Code d'instruction criminelle leur donne le droit de mettre en sequestre les choses enlevées. L'article 161 du Code forestier ajoute: « Les gardes sont autorisés à saisir les bestiaux trouvés en délit et les instruments, voitures et attelages des délinquants et à les mettre en sequestre 2. »

Enfin, et pour qu'ils puissent soit dresser leurs procès-verbaux en connaissance de cause, soit opérer la saisie des choses enlevées, la loi leur confère encore un droit de perquisition. L'article 16 porte « Ils suivront les choses enlevées dans les lieux où elles auront été transportées et les mettront en séquestre : ils ne pourront néanmoins s'introduire dans les maisons, ateliers, bâtiments, cours adjacentes et enclos, si ce n'est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, soit du commissaire de police, soit du maire du lieu, soit de son adjoint, et le procès-verbal qui devra en être dressé sera signé par celui en présence duquel il aura été fait. » Les articles 161 et 162 du Code forestier reproduisent cette disposition. Nous ne faisons ici qu'indiquer sommairement les actes qui sont de la compétence des gardes; nous examinerons plus loin les conditions et les formes des procès-verbaux, saisies et perquisitions.

Les gardes forestiers sont encore tenus, comme officiers de police judiciaire, de donner avis sur-le-champ au procureur impérial de tous les crimes et délits, même étrangers aux matières rurales et forestières, dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions, mais ils n'en dressent point de procès-verbaux ; ils se bornent à en donner avis et à transmettre les renseignements et pièces qui y sont relatifs.

Mais ils ne sont point auxiliaires du ministère public. Ils n'ont 1 Voy. infra le chapitre des Procès-verbaux.

2 Voy. infra le chapitre des Saisies.

donc pas le droit de recevoir les dénonciations de crimes commis dans les lieux où ils exercent leurs fonctions et de délits commis sur le même territoire et étrangers aux matières confiées à leur surveillance: ils doivent renvoyer ces dénonciations aux auxiliaires. Ils n'ont pas le droit de procéder aux actes d'information dont les officiers auxiliaires ont reçu la délégation dans les cas de flagrant délit. Cependant, dans cette dernière hypothèse, la loi leur a conféré, à raison du caractère d'urgence que peuvent présenter les faits, un droit provisoire d'arrestation. L'article 16 renferme les dispositions suivantes : « Ils arrêteront et conduiront devant le juge de paix ou devant le maire tout individu qu'ils auront surpris en flagrant délit ou qui sera dénoncé par la clameur publique, lorsque ce délit emportera la peine d'emprisonnement ou une peine plus grave. » Nous examinerons cette disposition et le droit qu'elle confère dans notre chapitre Du flagrant délit. Nous ferons seulement remarquer ici qu'ils ne sont point appelés à constater le délit, si ce délit est étranger à leurs attributions; ils doivent se borner à saisir l'inculpé et à le conduire devant le maire ou le juge de paix.

§ X. Droits et attributions des gardes champêtres
des communes et des particuliers.

1190. Les gardes champêtres, comme les gardes forestiers, sont officiers de police judiciaire et ne sont point officiers auxiliaires du ministère public.

Les gardes des communes et les gardes des particuliers ont le même caractère et sont, les uns aussi bien que les autres, officiers de police judiciaire. Les articles 9 et 16 du Code d'instruction criminelle, en effet, en instituant en général les gardes champêtres officiers de police judiciaire et en réglant leurs attributions, n'ont fait entre ces gardes aucune distinction, et l'article 20 porte la preuve que le législateur a entendu les confondre dans la même dénomination, puisqu'il ajoute : « Les procès-verbaux des gardes champêtres des communes et ceux des gardes champêtres et forestiers des particuliers seront remis par eux... » Les uns et les autres ont donc le pouvoir de dresser les mêmes procès-verbaux, et par conséquent de constater les mêmes faits. Cette assimilation avait donné lieu à quelques objections dans le sein du

conseil d'État. M. Treilhard avait dit : « Qu'il lui répugnait de voir les gardes champêtres des particuliers érigés en officiers de police judiciaire; que l'influence de leurs maîtres pesait trop sur eux. » M. Cambacérès répondit : « Qu'ils étaient assermentés et qu'ils devenaient les officiers de l'administration, puisqu'elle recevait leur serment. » M. Bigot de Préameneu: « Qu'il est de l'intérêt public que les forêts des particuliers soient conservées, et qu'elles ne peuvent l'être s'il n'est pas permis à ceux qui les gardent de constater les délits qui s'y commettent. » M. Berlier: « Que si la faculté de faire garder sa propriété est un droit inhérent à la propriété même, un simple particulier doit en user de même que tout corps d'habitants; que le garde d'un particulier, à la vérité, a pour limites naturelles de ses fonctions celles des héritages dont la garde lui est commise; mais que le projet ne dit rien d'où l'on puisse induire que sa surveillance s'étend sur les héritages de sa commune ; qu'il est vrai aussi qu'un garde champêtre ne peut être admis à dresser un procès-verbal qu'autant qu'il est assermenté en justice; mais que cette obligation est sousentendue dans le projet'. » Le texte de la loi est donc l'expression fidèle de son esprit. « Si c'est un simple particulier qui choisit les gardes et leur donne mandat pour tout ce qui concerne la surveillance de ses propriétés, dans son intérêt privé, c'est la puissance publique seule qui les investit de tous les pouvoirs tenant à l'ordre public, qui les admet comme officiers de police judiciaire, et qui leur en donne le caractère par la solennité de la réception et du serment. » Il faut done poser d'abord, comme un point hors de contestation, « que l'article 16 est général et absolu, et qu'en déclarant que les gardes champêtres sont officiers de police judiciaire, il ne fait aucune distinction entre les gardes des communes, ceux des établissements publics ou des particuliers3».

1191. La loi du 30 avril 1790, sur la chasse, est la première qui, dans notre législation nouvelle, ait autorisé l'institution des gardes des communes : « Article 9. Le conseil général de chaque

1 Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 22 frim. an XIII. Locré, tom. XXIV, p. 532.

2 Réquis. et arr. cass. 15 juillet 1836 (Bull., no 230).

3 Arr. cass. 9 mars 1838 (Bull., no 62); et conf. 2 juillet 1846 (Bull., no 171).

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commune est autorisé à établir un ou plusieurs messiers, bangards ou gardes champêtres qui seront reçus et assermentés par la municipalité. » La loi des 28 septembre-6 octobre 1791, titre VII, reproduisit cette disposition dans les termes suivants : « Article 1o. Pour assurer les propriétés et conserver les récoltes, pourra être établi des gardes champêtres dans les municipalités, sous la juridiction des juges de paix et sous la direction des officiers municipaux. Ils seront nommés par le conseil général de la commune, et ne pourront être changés et destitués que dans la même forme. Article 4. Dans l'exercice de leurs fonctions, les gardes champêtres pourront porter toutes sortes d'armes qui seront jugées leur être nécessaires par le directoire du département. Ils auront sur le bras une plaque de métal ou d'étoffe où seront inscrits ces mots : la Loi, le nom de la municipalité, celui du garde. Article 5. Les gardes champêtres seront âgés au moins de 25 ans; ils seront reconnus pour gens de bonnes mœurs, et ils seront reçus par le juge de paix ; il leur fera prêter serment de veiller à la conservation de toutes les propriétés qui sont sous la foi publique, et de toutes celles dont la garde leur aurait été confiée par l'acte de leur nomination. » La loi du 20 messidor an III vint rendre obligatoire, pour chaque commune, le droit jusque-là facultatif, d'avoir des gardes : « Article 1er. Il sera établi, immédiatement après la promulgation du présent décret, des gardes champêtres dans toutes les communes rurales de la République. Article 2. Ils seront nommés par l'administration du district, sur la présentation des conseils généraux des communes... Art. 3. Il y aura au moins un garde par commune, et la municipalité jugera de la nécessité d'y en établir davantage. » Les articles 38 et 41 du Code du 3 brumaire an IV, sans toucher aux dispositions antérieures, indiquaient la mission et les fonctions des gardes champêtres : « L'objet de leur institution, portait l'article 38, est la conservation des récoltes, fruits de la terre et propriétés rurales de toute espèce. » L'article 41 a été textuellement reproduit par l'article 16 de notre Code. L'ordonnance du 29 octobre 1820, sur la gendarmerie, attribue aux officiers et sous-officiers de cette arme une sorte de surveillance sur les gardes champêtres : « Article 310. Les gardes champêtres des communes sont placés sous la surveillance des commandants des brigades de gendarmerie, qui tiennent un

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