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CHAPITRE V.

ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDENT, DES JUGES ASSESSEURS,
ET DES JURÉS PENDANT LES DÉBATS.

§. 606. I. Exposé des attributions des membres de la Cour d'assises. - II. Attributions du président.

. 607. I. Pouvoir du président relativement à la police de l'audience. - II. Mesures qu'il peut prendre.

§. 608. I. Pouvoir du président-relativement à la direction des débats. 11. Dans quels cas et dans quelles limites il l'applique.

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§. 609. I. Pouvoir discrétionnaire du président relativement à l'instruction. - II. Caractère de ce pouvoir. III. Dans quels cas il y a lieu de l'appliquer. - IV. Examen des arrêts rendus à ce sujet. V. Règles applicables au mode de son exercice.

II. Elle actes qui lui sont délégués tous les cas qui n'ont pas IV. Elle est compétente Elle prononce sur l'oppo

§. 610. 1. Attributions de la Cour d'assises pendant les débats.
est seule compétente pour statuer sur les
par la loi. III. Elle peut statuer dans
été exclusivement réservés au président.
dans tous les incidents contentieux. V.
sition aux ordonnances du président.

§. 611. I. Attributions générales des jurés. Renvoi. II. Attributions pendant les débats.

$ 606.

I. Exposé des attributions des membres de la Cour d'assises. II. Attributions du président.

I. Nous avons exposé la constitution de la Cour d'assises; nous avons examiné chacun des éléments complexes quila composent le président, les deux juges assesseurs, les douze

jurés et le greffier, nous avons établi les conditions et le mode de sa formation.

Il faut rechercher maintenant les attributions diverses de tous ces membres d'une même juridiction, lorsqu'ils sont appelés à des titres si différents, à l'accomplissement de l'œu

vre commune.

Il faut définir les pouvoirs respectifs du président seul, du président réuni à ses assesseurs, et enfin des jurés.

Ce n'est qu'après avoir nettement déterminé les fonctions spéciales de chacune de ces personnes, qui sont les membres du corps des assises, qu'il sera possible d'exposer avec clarté les actes de la procédure qui va se développer à l'audience, car il est nécessaire de connaître avant tout de quelle personne, de quel pouvoir, chacun de ces actes doit émaner.

C'est là l'objet de ce chapitre.

Nous devons donc déterminer 1° les pouvoirs du président seul; 2o les pouvoirs du président réuni aux juges assesseurs; 3o les pouvoirs des jurés.

II. Le président des assises exerce plusieurs attributions qu'il importe de distinguer avec soin et de définir exactement. Nous ne parlons point encore ici des attributions que la loi lui a conférées comme membre de la Cour d'assises et de la part qu'il prend aux actes et aux arrêts de cette Cour. Nous ne parlons que des attributions qui lui ont été personnellement déférées, qu'il exerce isolément de ses collègues, et qui l'investissent d'une sorte de juridiction spéciale et quelquefois extraordinaire.

Ces attributions sont au nombre de quatre; elles lui confèrent des pouvoirs très distincts dans leur caractère et dans leurs effets :

1° Un pouvoir d'instruction supplémentaire, antérieur aux débats, et qui fait l'objet des art. 303 et 304.

2o Un pouvoir de police de l'audience, pouvoir commun aux chefs de toutes les juridictions, et que le 2o § de l'art. 267 lui a expressément attribué.

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3o Un pouvoir de direction des débats que le 1 § de l'art. 267 a soigneusement défini et qui se traduit dans une foule d'actes que la loi ou la jurisprudence ont fait rentrer dans ses

termes.

4° Enfin, un pouvoir discrétionnaire de faire ou d'ordonner

tous les actes qui, dans l'instruction de chaque affaire, lui semblent utiles à la découverte de la vérité : l'art. 268 a déterminé le caractère de ce pouvoir et l'art. 269 en a réglé l'application.

Nous renvoyons l'examen du premier de ces pouvoirs, celui qui concerne l'instruction supplémentaire, au chapitre 6, qui traite de la procédure antérieure aux débats.

Nous allons successivement examiner les trois autres.

$ 607.

I. Pouvoirs du président relativement à la police de l'audience.
II. Mesures qu'il peut prendre.

I. Le 2o § de l'art. 267 porte que le président « aura la police de l'audience. » Telle était aussi la disposition de l'art. 2, tit. 3, de la loi du 16-29 sept. 1791 et de l'art 275 du C. du 3 brumaire an 4. C'est là une attribution qui appartient nécessairement, ainsi que nous l'avons dit déjà1, aux présidents de toutes les juridictions.

L'exercice de cette attribution ne peut en général, donner lieu qu'à peu de difficultés. Cependant quelques questions se sont élevées à ce sujet.

Les mesures que prend le président, en vertu de ce droit de police, ont exclusivement pour objet de maintenir l'ordre, la sécurité et le calme dans les opérations de la justice.

Quelques-unes de ces mesures peuvent être extérieures, lorsqu'elles sont destinées à protéger la sûreté et l'indépendance de la Cour d'assises. On peut supposer qu'une affaire, par sa gravité ou par son caractère, vienne à exciter l'opinion publique et que des démonstrations blâmables d'hostilité ou de sympathie pour les accusés se manifestent aux alentours de la salle: le président doit dans une telle hypothèse requérir le concours de l'autorité militaire pour assurer la complète indépendance de la Cour.

D'autres peuvent avoir pour objet l'arrangement matériel de la salle des assises, soit que, dans une affaire qui comprend

4 Voy. notre t. V, p. 194.

plusieurs accusés, il y ait lieu de prendre des dispositions à leur égard, soit que l'affluence du public nécessite des précautions relativement à la salubrité.

D'autres s'appliquent aux places que doivent occuper dans la salle les personnes qui sont appelées à assister aux débats et le public. Un arrêt a décidé que le président avait agi dans les limites de son droit en refusant de laisser la famille de l'accusé se placer au banc de la défense. Un autre arrêt a également reconnu à ce magistrat le droit de désigner la place que le défenseur doit occuper pendant l'audition des témoins. Un troisième arrêt a déclaré qu'il pouvait distribuer des billets pour les places de la salle et « qu'il ne résultait de là qu'une mesure d'ordre et de police d'audience qui ne contrarie point la publicité des débats 3. »

On doit s'arrêter un instant sur cette dernière décision. M. Legraverend l'avait critiquée comme contraire au principe de la publicité : « Rien ne s'oppose, sans doute, disaitil, à ce que le président d'une Cour et le ministère public prennent des mesures de concert pour prévenir le désordre et le trouble à l'audience; mais autre chose est de prendre des mesures de cette espèce, autre chose est de choisir en quelque sorte les spectateurs. » M. Favard de Langlade ajoutait : « Un auditoire composé en entier ou dans une trop forte proportion de personnes de choix n'aurait point le caractère de publicité requis; la loi serait violée et la nullité des débats en serait la conséquence 5. » Il est certain, en effet, que la publicité de l'auditoire, c'est l'ouverture des portes au public, et le public c'est la foule, c'est tout le monde. Il n'y a plus de public si à cette foule on substitue des personnes choisies à l'avance et désignées par les billets qu'elles ont recus. La publicité est donc restreinte si on ne distribue qu'un certain nombre de billets; elle cesserait d'exister si toutes les places leur étaient réservées.

Mais cet usage nous paraît plus vicieux encore à un autre point de vue. Nous avons déjà dit à ce sujet : « il semble que la dignité de la justice est blessée par les distributions de bil

'Cass. 17 avril 1851, rapp. M. Rives. Bul. n. 147.

Cass. 5 nov. 1857, rapp. M. Bresson. Bull. n. 367.

Cass. 6 fév. 1812, rapp. M. Busschop. J. P., t. X, p. 400.

Législ. crim. t. II, chap. Ier § 4, p. 25.

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lets qui transforment la salle d'audience en une salle de théâtre. Le président en se prêtant à ces actes de complaisance, semble promettre des débats pleins d'intérêt, des incidents curieux, les émotions et le spectacle d'un drame. Or, la justice doit-elle se prêter à ce scandale? Convient-il qu'elle élève un théâtre où l'accusé, principal acteur, concentre sur lui tout l'intérêt de la lutte et du drame? Si l'audience est autre chose qu'une solennelle et grave distribution de la justice, elle doit être un haut enseignement. Ce ne sont point des émotions qu'il faut lui demander, mais des exemples et des leçons, ce n'est point un public choisi, c'est la foule qui doit la remplir. En distribuant des billets, le magistrat compromet la majesté de ses fonctions et la majesté de l'audience; il abdique son autorité, il pactise avec une coupable curiosité qui n'est avide que de l'immoralité que le débat peut recéler; il est naturellement entraîné à provoquer le développement des éléments les plus impurs du procès: il blesse à la fois la conscience publique et l'humanité. » On peut ajouter qu'en composant le public devant lequel l'accusé est traduit, on transforme son procès et on aggrave sa situation, on le donne en pâture à des curiosités plus avides, on le livre en spectacle aux gens qui ne veulent que des spectacles, on lui fait subir les secrètes influences qu'ils exercent autour d'eux. Si la Cour de cassation n'a pas vu dans cette déplorable coutume un moyen de nullité, il est permis, du moins, d'y voir un abus que la magistrature, dans l'intérêt de la dignité de la justice, devrait faire cesser. C'est dans ce sens qu'une circulaire du garde des sceaux, du 7 juillet 1844, s'est nettement prononcée: «Dans toutes les salles où siégent les Cours d'assises, porte cette circulaire, une enceinte est spécialement destinée aux magistrats, aux jurés, aux membres du barreau. Il est d'usage d'y admettre exceptionnellement les personnes auxquelles les fonctions qu'elles exercent et leur position doivent assurer une place à part. Leur présence, en effet, ne peut jamais nuire à la direction des débats. Mais je suis instruit que, dans quelques ressorts, l'exception a été trop étendue. Des personnes étrangères aux habitudes judiciaires, avides d'émotions, et cherchant avant tout à satisfaire leur curiosité, ont été admises près de la Cour. C'est là un véritable abus : la foule qui, lorsqu'un grand procès l'attire, se presse dans

1 Gazette des trib. du 4 janv. 1843.

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