Page images
PDF
EPUB

l'enceinte réservée, rend plus difficile la police de l'audience et peut troubler les témoins. Peut-être est-il à craindre que les sentiments qu'elle manifeste pour ou contre l'accusé ne réagissent quelquefois sur le jury et n'influent sur ses opinions. J'appelle votre attention sur ces abus non moins contraires à l'intérêt qu'à la dignité de la justice. >>

Il est enfin des mesures qui ont pour objet de maintenir ou de rétablir la tranquillité dans l'auditoire. Le pouvoir de police du président lui donne le droit d'ordonner tout ce qui peut être nécessaire pour assurer l'ordre de l'audience, en se renfermant toutefois dans de certaines limites qu'il importe de préciser.

Lorsque le trouble est commis par un ou plusieurs individus assistant à l'audience, le président peut, aux termes de l'art. 504, ordonner leur expulsion de la salle, et s'ils résistent à cet ordre ou s'ils rentrent, leur arrestation et leur détention pendant 24 heures au plus dans la maison d'arrêt. Mais si le tumulte est accompagné d'injures ou de voies de fait constituant un délit, ou si le fait de trouble' constitue par lui-même un délit on un crime, il y a lieu, non plus à l'application d'une simple mesure de police, mais à l'application d'une peine, et c'est à la Cour d'assises qu'il appartient de statuer. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre relatif aux incidents des débats.

Lorsque le trouble a envahi une partie ou la totalité de l'auditoire, le président peut ordonner l'expulsion des perturbateurs, et par suite l'évacuation partielle et même totale de la salle. Mais lorsque les circonstances sont assez graves pour motiver une telle mesure, il faut prendre garde en même temps que la publicité de l'audience reste complète et assurée. Si l'évacuation du public n'est que partielle, on peut admettre que la partie qui demeure garantit suffisamment la publicité; mais le président ne pourrait, sous le prétexte de tumulte, faire sortir le public entier de l'auditoire et continuer les débats dans son absence; car les débats ne peuvent avoir lieu à huis clos que dans les cas déterminés par la loi. La publicité est une condition essentielle de l'instruction. Il peut les suspendre et les ajourner à une autre audience; il ne peut tenir une audience qui ne soit pas publique.

Cette distinction a été reconnue et consacrée par plusieurs arrêts qui ont rejeté des pourvois fondés sur ce que les portes de l'auditoire avaient été momentanément fermées, en cons

tatant que la publicité de l'audience avait été néanmoins maintenue. Dans une première espèce, l'arrêt déclare, en rejetant le pourvoi et la demande en inscription de faux contre le procès-verbal : « que si le demandeur articule que les portes extérieures sont restées fermées après l'évacuation de la salle, ce fait n'est pas contraire au procès-verbal des débats; s'il est également articulé que les personnes expulsécs de la salle furent refoulées dans la salle des PasPerdus de manière à n'y pouvoir rentrer, ce fait n'est pas non plus méconnu au procès-verbal; que tout se réduit à savoir, en fait, si un public différent de celui qui avait donné lieu à l'évacuation a été admis dans la salle; que si l'entrée fut refusée à des avocats qui n'étaient pas en robe, ou à une personne se prétendant amie du prévenu, ou si des précautions furent prises pour que les personnes expulsées ou refoulées dans la salle des Pas- Perdus ne pussent rentrer, ces mesures rentraient dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du président et pouvaient être justifiées par le motif qui avait fait ordonner l'évacuation de la salle et par l'impuissance où l'on se trouvait ou l'insuffisance de la force armée d'empêcher le désordre de renaître » Dans une deuxième espèce, dans laquelle il était allégué que le président avait fait tenir les portes fermées pendant son résumé, l'arrêt rejette encore le pourvoi en déclarant « que le procès-verbal des débats constate que le public était entré librement dans la salle; que, pendant le résumé, l'ordre et le silence ne pouvaient être maintenus, si l'on ne faisait évacuer une partie de la salle; que le tumulte n'ayant pas discontinué aux issues de la salle d'audience, les portes ont dû rester fermées depuis ce moment, et que l'entrée en a été défendue par la force armée contre la populace qui lançait des pierres contre la porte principale du Palais; en droit, que si l'art. 11 de la loi du 9 septembre 1835 permet à la Cour d'assises de juger et punir toute personne présente à l'audience qui cause du tumulte pour empêcher le cours de la justice, le nom des perturbateurs peut rester inconnu et le tumulte causé par une intention autre que celle de troubler le cours de la justice; que l'art. 367 confère au président la police de l'audience; que les faits relevés au procès-verbal justifient suffisamment la nécessité des mesures que ce magistrat a prises dans l'exer

1

1 Cass. 14 juin 1833, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXV, p. 569,

cice de ce pouvoir; que l'évacuation de la partie de la salle qui avoisinait les issues et la fermeture des portes assaillies par la populace, ne peut être assimilée à une privation arbitraire de la publicité de cette partie des débats. » Enfin, dans une troisième espèce où il était également allégué que les portes avaient été fermées pendant plusieurs heures, le pourvoi a été rejeté « attendu que si, pour maintenir l'ordre, en éloignant l'affluence trop considérable du public qui envahissait la salle d'audience, le président a ordonné que les portes en fussent fermées, il est constaté que la place destinée au public est restée entièrement remplie '. »

Ces exemples nous démontrent le véritable caractère du pouvoir de police du président. Ce pouvoir, qui porte en luimême sa définition, s'applique nécessairement à tous les faits, à tous les incidents qui se rapportent à l'ordre et à la tenue de l'audience et qui sont étrangers à la direction des débats, à tous les actes qui ne tombent pas sous la juridiction de la Cour d'assises et qui ne sont prévus ni par les art. 505 et suivants du du C. d'instr. crim., ni par les art. 11 et suivants de la loi du 9 septembre 1835, à tous les troubles, en un mot, qui, quoiqu'ils n'aient pour but ni d'interrompre le cours de la justice, ni d'outrager les juges, jettent le désordre dans l'audience ou enlèvent aux débats leur calme et leur gravité. Il n'appartient au reste qu'au président d'apprécier l'opportunité des mesures qu'il prend ; il est armé d'un pouvoir discrétionnaire pour maintenir la police de l'audience et il n'y a pas lieu d'examiner si les faits étaient assez graves pour justifier les dispositions qu'il a prises, pourvu d'ailleurs que ces dispositions soient légales, qu'elles n'entravent ni les droits de la défense, ni aucune des garanties prescrites par la loi; car ce pouvoir n'est discrétionnaire qu'en ce sens que le président peut prescrire, toutes les fois qu'il le juge opportun, les mesures de police qui la loi met à sa disposition; mais il est clair qu'il ne peut prescrire que des mesures de police, c'est-à-dire des mesures de prévoyance et de prudence qui, loin de toucher à aucun des droits établis par la loi, ne sont destinés qu'à les protéger.

1 Cass. 30 mai 1839, rapp. M. Isambert. Bull. n. 168.

2 Cass. 10 janv. 1850, rapp. M. de Glos. Bull. n. 17.

* Cass. 14 juin 1833, cité suprà. p. 440.

$ 608.

1. Pouvoir du président relativement à la direction des débats. II. Mesures qu'il peut prendre dans l'exercice de ce pouvoir

I. La direction des débats est la plus importante des attributions du président et celle qui exige les plus hautes qualités. Elle exige, non-seulement la sagacité qui pénètre au fond des choses, le sens judiciaire qui les apprécie, la connaissance profonde du cœur humain, enfin l'intelligence ferme et droite. qui dispose les faits pour les faire saisir plus facilement et qui les saisit elle-même dans tous leurs détails à mesure qu'ils se déroulent; elle demande encore l'impartialité la plus sévère, une austère probité dans le développement des preuves, et dans ce ministère placé au-dessus de toutes les passions, une seule passion peut-être, celle de la justice. Cette direction n'a qu'un but, la découverte de la vérité, soit qu'elle soit favorable à l'accusation ou à la défense; elle met en mouvement tous les ressorts de la procédure pour éclairer les faits de la cause sur toutes leurs faces; elle met en relief tous les incidents, toutes les circonstances du débat; elle projette la lumière sur les coins les plus obscurs. C'est là la mission propre du président, sa fonction personnelle; il tient le débat pour ainsi dire dans ses mains, il en prépare la trame, la développe et lui fait parcourir le champ qu'il lui a assigné; il soumet tous les actes à un examen méthodique et fait luire ainsi sous les yeux des jurés tous les éléments qui doivent former leur conviction.

Tel est le pouvoir que les art. 267 et 270 ont formulé dans les termes suivants : « Art. 267. Il sera de plus chargé personnellement de diriger les jurés dans l'exercice de leurs fonctions, de leur exposer l'affaire sur laquelle ils auront à délibérer, même de leur rappeler leur devoir, de présider à toute l'instruction et de déterminer l'ordre entre ceux qui demanderont à parler. Art. 270. Le président devra rejeter tout ce qui tendrait à prolonger les débats sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats. »>

Il importe de remarquer que la loi n'a nullement voulu instituer une sorte de pouvoir influent qui dominerait les

jurés et leur dicterait leurs décisions; c'est un guide et non point un tuteur qu'elle a placé à côté d'eux : il leur indique la voie qu'ils doivent parcourir, mais dans cette voie leur marche reste libre. Reprenons, en effet, les textes qui viennent d'être cités. On y trouve un triple pouvoir pouvoir d'exposer l'affaire aux jurés, de leur rappeler leurs devoirs et de les diriger dans l'exercice de leurs fonctions; pouvoir de présider à l'instruction et de régler l'ordre des interpellations; pouvoir d'écarter des débats ce qui pourrait inutilement les prolonger. La première de ces attributions n'a qu'un objet, c'est d'éclairer les jurés sur leurs droits et sur leurs devoirs, c'est de les mettre à même, en leur rappelant leurs obligations légales, d'accomplir leurs fonctions, c'est enfin de leur faciliter les moyens, en leur exposant les faits qu'ils sont appelés à juger, de statuer sur la cause. La deuxième réduit explicitement le droit du président : à celui « de présider à toute l'instruction. » Or, présider à une instruction, c'est en régler l'ordre, c'est en disposer les éléments, pour que les membres de la juridiction puissent l'apprécier; ce n'est pas en apprécier soi-même les résultats et imposer cette appréciation comme une direction que la juridiction doit suivre. Enfin, la troisième ne fait qu'attribuer au président le droit qui appartient à tous les chefs de juridiction d'écarter du débat tous les développements qui sont surabondants et ne servent pas à la cause. Ainsi défini et limité, le pouvoir de direction des débats est essentiel à la constitution de la juridiction: il ordonne la discussion, il dispose les preuves, il éclaire toute la cause; il laisse intacts les droits des parties et les pouvoirs des juges et des jurés.

II. Notre Code ne s'est pas borné à poser ce pouvoir comme un principe qui domine tous les débats et doit servir à en régler incessamment les incidents. Il en a dégagé lui-même quelques corollaires et les a formulés dans ses textes.

C'est ainsi que le président trouve le droit, dans l'art. 306, d'accorder à l'accusé une prorogation de délai; dans l'article 307, de joindre dans un même débat plusieurs accusations connexes; dans l'art. 314, de rappeler à l'accusé ce qui est contenu dans l'acte d'accusation; dans l'art. 316, de prendre des mesures pour empêcher les témoins de conférer entre eux; dans l'art. 317, de recevoir les dépositions des témoins; dans l'art. 318, de prendre note de leurs varia

« PreviousContinue »