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n'a pas voulu attacher à cette forme la peine de la nullité, il n'est pas moins dans les devoirs du président et du ministère public de veiller à son exécution.

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I. De la notification des listes des jurés et des témoius. 11. Formation de la liste des témoins. - III. Formes de la notification. IV. Elle doit avoir lieu 24 heures avant l'audition des témoins. V. Effets des irrégularités,

I. Deux actes terminent la procédure préliminaire : la notification de la liste des témoins et la notification de la liste des jurés.

Nous avons examiné le caractère et les formes de cette dernière notification dans le chap. VI, relatif à la formation du jury 1.

Nous allons examiner maintenant la notification de la liste des témoins.

II. Le ministère public, la partie civile et l'accusé dressent la liste des témoins qu'ils veulent faire entendre aux débats. La rédaction de cette liste est nécessairement laissée à la volonté des parties qui consultent les intérêts de l'accusation ou de la défense. Il a été jugé en conséquence, « que la loi s'en rapporte sans condition au ministère public pour l'établissement de la liste des témoins dont le témoignage peut être nécessaire dans le débat ". »

Les témoins sont cités à la requête de chaque partie. Le 2e de l'art. 321 porte: « Les citations faites à la requête des accusés seront à leurs frais, ainsi que les salaires des témoins cités, s'ils en requièrent. » Néanmoins les accusés peuvent demander au ministère public qu'il fasse citer lui-même les témoins qu'ils croient utiles à leur défense. La loi ajoute, en effet « sauf au procureur général à faire citer à sa requête les témoins qui lui seront indiqués par l'accusé, dans le cas où il jugerait que leur déclaration peut être utile pour la découverte de la vérité; » mais cette disposition n'est que facultative, et le ministère public demeure l'appréciateur des

1 Voy. suprà, S 601, p. 347.

2 Cass. 1er sept. 4853, rapp. M. Jacquinot, Bull, n. 443; 7 janv. 1858, rapp. M. Caussin de Perceval, n. 3.

cas où il y a lieu de l'appliquer '. Les accusés peuvent également, s'ils sont indigents, demander au président qu'il ordonne l'assignation de ces témoins 2.

La liste des témoins qui doivent être entendus dans chaque affaire est formée avant l'audience de l'addition des témoins cités par toutes les parties.

III. Les témoins néanmoins ne sont portés sur cette liste, qu'autant que la partie, à la requête de laquelle ils ont été assignés, en a notifié à l'avance les noms à l'autre partie. Cette notification préalable est nécessaire, afin que chacune des parties puisse prendre des renseignements sur les témoins qui lui sont opposés et préparer ses reproches ou ses interpellations.

L'art. 315 dispose que « elle ne pourra contenir que les témoins dont les noms, profession et résidence auront été notifiés, vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces témoins, à l'accusé par le procureur général ou la partie civile, et au procureur général par l'accusé. »

La loi prescrit la notification de l'accusé au ministère public, et du ministère public et de la partie civile à l'accusé. Elle ne prescrit pas la notification de l'accusé à la partie civile, parce que celle-ci peut prendre connaissance de la liste au parquet, ni celle de la partie civile au procureur général, parce qu'il n'est pas probable que la partie qui s'est jointe à l'accusation ait gardé des témoins utiles inconnus à celle-ci. L'accusé n'est pas non plus obligé de notifier les témoins qu'il fait citer à ses coaccusés 3.

Cette notification doit être faite avec les mêmes formes que les autres notifications d'actes 4. Ainsi, il ne suffirait pas de la remise faite à l'audience, au ministère, public par le défenseur de l'accusé de la liste des témoins de celui-ci 5: il faut une signification régulière faite par huissier, que cette signification soit faite, soit à l'accusé en personne 7, soit au parquet du procureur impérial ou du procureur général; et qu'elle contienne les noms, profession et résidence de tous les témoins

1 Cass. 6 mai 1847, rapp. M. Mérilhou. Journ. crim., t. 20, p. 301.
• Voy. suprà, p. 527.

Cass. 22 avril 1841, rapp. M. Gilbert de Voisins. Bull. n. 104.
Voy. supra, p. 347.

Cass. 16 sept. 1830, rapp, M. Ollivier. Bul'. n. 215.

Cass. 31 juillet 1847, rapp. M. Isambert. Bull. n. 174.
Cass. 17 prairial an 1x, rapp. M. Borel. J. P., t. II, 208.

que la partie, à la requête de laquelle elle est faite, veut faire entendre.

On ne doit point s'arrêter aux simples irrégularités qui peuvent l'entacher. Ainsi, l'incorrection grammaticale commise dans la constatation de la remise de la copie, cette remise faite par un acte séparé, mais dont l'exploit constate l'existence 3, l'omission de l'âge ou des prénoms des témoins*, les inexactitudes relatives à leur résidence ou à leur profession 5, la désignation d'un témoin sous un nom qui n'est pas le sien, mais qu'il porte habituellement, le défaut d'indication de la profession d'un autre témoin quand il est constaté qu'il n'en avait aucune, toutes ces circonstances qui ne peuvent égarer l'accusé sur l'identité des témoins, sont indifférentes et ne peuvent fonder une réclamation sérieuse.

Si les irrégularités sont plus graves et peuvent jeter des doutes sur l'identité des témoins signifiés, nous verrons tout à l'heure que l'accusé peut s'opposer à leur déposition et qu'il appartient à la Cour d'assises de statuer à cet égard.

IV. L'une des formes les plus importantes de la notification est le délai dans lequel elle doit être faite. L'art. 315 veut que les noms, profession et résidence des témoins aient été notifiés vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces témoins. » Le but de cette formalité est de mettre les parties à même de connaître les témoins, de savoir quel degré de foi ils méritent, et de prévoir les objections qui pourraient s'attacher à leurs personnes.

Il suit de là que l'exploit doit contenir la date exacte de sa remise, et si cette remise a eu lieu la veille du jour de l'ouverture des débats, l'heure à laquelle elle a été effectuée. Cependant cette mention de l'heure n'a pas été jugée indispensable 9, et la jurisprudence a admis trop facilement peutêtre que, lorsqu'il est constaté que la remise a eu lieu la

1 Cass. 12 avril 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, p. 347.

* Cass. 14 juillet 1837, rapp. M. Mérilhou. J. P., à 59, Dall.

* Cass. 2 mars 1843, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. n. 50.

* Cass. 26 avril 1838, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Bull. n. 111. Cass. 5 janv. 1843, rapp. M. Jacquinot. Dall. 43, 1, 133; 8 sept. 1853, rapp. M. Jallon. Dall. 53, 5, 145.

*Cass. 25 août 1826, rapp. M. Brière. J. P., t. XX, 844; 15 oct. 1847, rapp. M. Barennes. Bull. n. 258.

7 Cass. 4 sept. 1828, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XXII, 269.

Cass. 31 mars 1836, rapp. M. Isambert. J. P. t. XXVII, 1222.

⚫ Cass. 26 janvier 1837, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Dall, 37, 1, 504.

veille, il y a présomption qu'elle a eu lieu vingt-quatre heures au moins avant l'examen '.

Mais si l'exploit a omis de constater la date, ou ce qui est la même chose, s'il y a dans la date une surcharge non approuvée, ou enfin s'il résulte des énonciations de l'exploit que moins de vingt-quatre heures se sont écoulées entre la remise de la liste et l'audition des témoins, que faut-il décider? Cette irrégularité, ainsi que cela va être indiqué tout à l'heure, ne donne à l'accusé d'autre droit que celui de s'opposer devant la Cour d'assises à l'audition des témoins compris dans cette liste.

Cependant une question doit être examinée ici. L'art. 315 veut que la liste soit notifiée « vingt-quatre heures au moins << avant l'examen des témoins. » De ces expressions faut-il induire qu'il suffit que la notification précède de vingt-quatre heures, non l'ouverture des débats, mais l'audition des témoins, de sorte que si l'affaire remplit plusieurs audiences, des listes supplémentaires de témoins puissent être notifiées, même après l'affaire commencée, pourvu que vingt-quatre heures séparent la notification et la déposition? Cette question a reçu diverses solutions. L'art. 346 du Code du 3 brumaire aniv n'admettait qu'une seule liste des témoins qui était lue à l'ouverture des débats. Mais l'art. 2 de la loi du 5 pluviose an XIII reconnut « le droit de la Cour de justice criminelle d'ordonner, dans le cours des débats, lorsqu'elle le jugera utile, que de nouveaux témoins seront entendus. » Et deux arrêts établirent, d'après ce texte, qu'une nouvelle liste de témoins pouvait être signifiée postérieurement à l'ouverture des débats l'un de ces arrêts enseignait même, pour concilier cette liste avec le délai de la notification, « que la Cour aurait dû suspendre les débats, faire faire à l'accusé la notification des noms, âge, profession et domicile des témoins qu'il s'agissait d'entendre, afin que l'accusé pût avoir le temps de préparer sa

:

1 Cass. 26 juin 1828, rapp. M. Mangin. J. P. t. XXI, 4597; 27 sept. 1832, rapp. M. Meyronnet-St-Marc, t. XXIV, p. 1487.

2 Cass. 2 juillet 1843, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 148; 7 oct. 1825, rapp. M. Gaillard, J. P., t. XIX, 905; 2 juill. 1847, rapp. M. Jacquinot. Bull. n, 143.

3 Cass. 13 mai 1852, rapp. M. Rocher. Bull. n. 154; 27 mai 1852, à notre rapport, n. 170.

1024.

Cass. 13 avril 1837, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Dev. et Car., 37, 1,

Cass. 23 frimaire an xiv, rapp, M. Minier. J. P., t. V, 87; 20 mai 1808, rapp. M. Lefessier-Grandpré. VI, 694.

défense et de proposer ses reproches. » Lorsque la question se présenta sous le Code d'instr. crim., M. Merlin combattit cette solution: «A quelle époque, dit-il, la liste des témoins doit-elle être présentée par le procureur général? Immédiatement après la lecture de l'acte d'accusation. Or, à cette époque, le procureur général peut-il savoir combien de temps il s'écoulera avant que chacun des témoins assignés soit appelé pour déposer? Non, et personne ne peut le savoir plus que lui. Cependant la liste qu'il présente ne peut contenir que les témoins dont les noms lui ont été notifiés. Il faut donc nécessairement que la notification précède la lecture de la liste. Mais s'il faut qu'elle la précède, il faut nécessairement que ce soit de vingt-quatre heures, car les termes «< vingtquatre heures au moins avant » sont, dans l'art. 315, inséparables du terme « notifiés. » C'est donc de l'ouverture des débats et non de l'audition des témoins que la loi entend parler. Ce n'est pas sans de graves raisons que le législateur l'a ainsi réglé une fois les débats commencés, tous les soins, toute l'attention du procureur général et de l'accusé sc concentrent sur ce qui se passe. Ni l'un ni l'autre n'a le temps de faire des recherches au dehors pour connaître les témoins qu'on pourrait lui opposer par la suite. Enfin, il peut arriver que les débats soient sur le point d'être terminés, et que vingt-quatre heures ne soient pas encore écoulées depuis la notification d'une nouvelle liste faudrait-il que le président continue les débats au lendemain 1? » La Cour de cassation confirma d'abord cette doctrine en déclarant « que d'après l'esprit et l'ensemble des dispositions de l'art. 315, le délai de Vingt-quatre heures qui y est fixé pour l'administration des témoins doit être pris dans l'intervalle de la notification de la liste à l'ouverture de la séance pour les débats ; qu'aucune liste subsidiaire, ou supplétive de témoins, ne peut être notifiée après l'ouverture des débats et que les personnes dont les déclarations peuvent être ultérieurement jugées utiles ne doivent être entendues qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire du président3. » Mais cette interprétation, longtemps continuée, n'a point été maintenue. Un arrêt, rendu sur le rapport de M. Vincens-Saint-Laurent, déclare d'abord « qu'il

Rép. ve Témoin judiciaire, 5, 3, art. 6, n. 7.

2 Cass. 5 nov. 1812, rapp. M. Busschop. J. P., t. X, 779.

Cass. 12 avril 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, 346; 30 avril 1819. rapp. M. Giraud. XV, 244.

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