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suffit, pour que le témoin cité par l'une des parties soit reçu à déposer en cette qualité, que son nom ait été notifié à l'autre avant son audition; qu'il n'en résulte nullement que cette notification doive avoir lieu vingt-quatre heures avant l'ouverture des débats. » Un autre arrêt décide enfin « qu'aucune disposition de la loi n'interdit au ministère public de faire assigner au cours des débats de nouveaux témoins dont les dépositions lui paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité, pourvu que les noms de ces témoins aient été ré– gulièrement notifiés; que le même droit appartient sous les mêmes conditions aux accusés dans l'intérêt de leur défense; que les témoins ainsi assignés appartiennent aux débats et doivent être entendus sous la foi du serment2. » Cette nouvelle jurisprudence, qui renverse celle que M. Merlin avait fait prévaloir, est-elle plus conforme à l'esprit général de notre procédure? L'art. 315 ne s'applique qu'à la liste qui a été préparée avant l'ouverture des débats; mais n'interdit-il pas par-là même et virtuellement qu'il en soit rédigé postérieurement une autre? On objecte qu'il peut surgir des débats la nécessité d'entendre des témoins dont l'audition avait été jugée d'abord inutile; et que c'est le droit de la juridiction, le droit des parties de les appeler pour éclairer la cause; enfin que tous les efforts de la procédure doivent tendre à la manifestation de la vérité. Oui, mais à la condition que le débat n'emploiera pas d'autres éléments que ceux que les parties ont pu examiner. L'arrêt du 12 avril 1827 voulait que, les débats une fois ouverts, il ne pût être appelé de témoins nouveaux que par le président armé de son pouvoir discrétionnaire, parce que le président ne peut fournir que des déclarations non assermentées et des renseignements. C'est là que réside l'esprit de la loi. Sans doute il est préférable d'entendre des témoins produits par une citation régulière et prêtant serment; sans doute encore le pouvoir discrétionnaire n'appartient qu'au président, les parties n'en disposent point, tandis que le droit de citation est leur propriété et leur permet d'appeler les témoins qu'elles jugent utiles, sans demander aucune autorisation. Mais cette considération permet-elle de s'écarter des termes de la loi? Ne faut-il pas craindre de surprendre les parties par une production inatten

Cass. 16 nov. 1844, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Bull. n. 376.

* Cass. 27 janvier 1850, rapp. M. Aug. Moreau. Bull. n. 30; 3 déc. 1852, rapp. M. Isambert, Bull, n. 397.

due, et qui, une fois le débat entamé, ne peut être l'objet d'aucun examen antérieur ? N'y a-t-il pas quelque péril soit pour l'accusation, soit pour la défense, dans cet emploi instantané d'armes, ignorées jusque-là de l'une ou de l'autre des parties, et qui ont pu être mises en réserve pour en faire usage, lorsqu'elles ne peuvent plus être éprouvées?

Il est certain, au reste, que ce droit, qui ne peut être exercé que dans les affaires de longue durée, ne doit apporter aucune interruption dans les débats: si, au moment de leur clôture, les témoins appelés ne sont pas encore aptes à déposer, la Cour doit passer outre. « Les listes supplétives, lorsqu'il en est formé, dit M. Legraverend, doivent être présentées au commencement de chaque audience qui suit l'expiration des vingt-quatre heures depuis la notification, et il doit être statué sur les oppositions et sur les reproches dirigés contre les témoins inscrits sur ces listes, de la même manière qu'il est statué sur les témoins portés sur la liste principale1.

V. Recherchons maintenant quel est l'effet de toutes les irrégularités qui peuvent être relevées, soit dans la rédaction de l'exploit de notification, soit dans la computation du délai de vingt-quatre heures.

Le dernier de l'art. 315 porte : « L'accusé et le procureur général pourront s'opposer à l'audition d'un témoin qui n'aurait pas été indiqué ou qui n'aurait pas été clairement désigné dans l'acte de notification. La Cour statuera de suite sur cette opposition. »>

Ce droit d'opposition est la seule sanction prescrite par l'art. 315, qui ne porte point de peine de nullité, à la régularité de la notification. Cette régularité est un point de fait qui peut être apprécié par la Cour d'assises et c'est à cette Cour que la loi l'a expressément déféré. Il importe peu que les noms des témoins aient été inexactement notifiés, ou qu'ils ne l'aient pas été dans le délai prescrit, ou même qu'aucune notification n'ait été faite le droit du ministère public et de l'accusé est dans tous ces cas le même; ils ne peuvent que s'opposer à l'audition de ces témoins: s'ils ne font aucune opposition, les témoins régulièrement cités, mais inexactement ou même non notifiés, sont entendus avec serment, et les parties ne peuvent ultérieurement se faire un grief de ces irrégularités devant la Cour de cassation. De nombreux arrêts ont posé et

'Législ. crim., t. 2, p. 194.

incessamment maintenu cette règle importante. Nous y reviendrons dans le chapitre de l'Audition des témoins.

S'il y a opposition, la Cour d'assises doit, aux termes de l'art. 408, nécessairement statuer: elle peut renvoyer l'affaire à la prochaine session2, elle peut, en appréciant les irrégularités, décider qu'elles n'ont apporté aucune entrave dans le droit d'examiner et de reprocher les témoins, et prononcer le rejet 3; elle peut enfin, si la déposition des témoins ne paraît pas indispensable, déclarer qu'ils ne seront pas entendus et passer outre.

Cette décision de la Cour d'assises peut-elle être attaquée devant la Cour de cassation? Non, si elle n'a fait qu'apprécier des irrégularités de fait*; car l'appréciation de ces vices de forme lui a été déférée; il suffit qu'elle ait statué, quelle que soit sa décision. Mais si cette décision, tout en statuant sur les irrégularités de la notification, consacrait la violation d'un droit, si elle enfreignait une règle légale, il n'est pas douteux qu'elle pût encourir la censure de la Cour de cassation, car l'art. 408 qui garantit aux accusés et au ministère public que leurs demandes ou leurs réquisitions ne seront pas passées sous silence, ne déclare point irrefragables les décisions rendues sur ces demandes ou réquisitions 5.

1 Cass. 29 avril 1849, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XV. p. 241; 22 juin 1820. rapp. M Busschop, t. XV, p. 1065; 13 juillet 1820, rapp. M. Aumont, t. XVI, p. 32; 22 mars 1821, rapp. M. Ollivier. t. XVI, p. 471; 29 juillet 1825, rapp. M. Ollivier. t. XIX, p. 749; 1er avril 1837, rapp, M. Meyronnet-St-Marc. J. P., à sa date; 17 oct. 1837, rapp. M. Rocher. Bull. n. 315; 11 avril 1840, rapp. M. de Crouseilhes, n. 111; 15 avril 1852, rapp. M. de Glos, n. 125; 22 juill. 1852, rapp. M. Mater, n. 243; 22 déc. 4852, rapp. M. Nouguier, n. 417, etc.

2 Cass. 30 sept. 1841, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. n. 293. 3 Cass. 14 juin 1838, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 168.

* Cass. 11 fév. 1813, rap. M. Vantoulon. J. P., t. XI, p, 118; 3 nov. 1814, rapp. M. Busschop, t. XII, p. 441. Et Merlin, Rép., vo, Témoin judiciaire, S4, art. 6.

* Cass. 12 avril 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, p. 347.

CHAPITRE VIII.

FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES.

§ 623. Objet de ce chapitre : formes générales de la procédure orale.

S 624. I. Publicité de l'audience. - II. Définition de cette publicité.

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III. Mode de sa constatation.

S 625. I. Restriction du principe de la publicité : le huis clos.
IV. Formes de cette mesure. - HI. A quel moment elle peut com-
IV. Quels actes elle doit comprendre. V. A quel

mencer. -
moment elle doit cesser. - VI. Son exécution.

-

§ 626. 1. L'instruction doit être orale. II. Application de ce principe dans le cours des débats. III. Son application à l'audition des témoins.

§ 627. 1. Continuité de l'instruction sans interruption. II. Comment cette règle doit être appliquée.

§ 628. I. Interdiction de toute communication au dehors. II. Manifestation des opinions-III. Caractère de la communication prohibée. IV. Communication à l'audience. V. Communication en dehors de l'audience.

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$629. I. Nomination d'interprètes dans le cours des débats. 11. Cas où il y a lieu à cette nomination. III. Quelles personnes peuvent être interprètes. IV. Récusation des interprètes. V. Leur serment. VI. Leurs fonctions.

$ 623.

Formes générales de la procédure des assises.

Lorsque toutes les formalités qui précèdent l'audience sont accomplies, que les communications de pièces ont eu lieu, que les notifications ont été faites, qu'il a été pourvu aux réclamatious d'une tardive défense, l'audience s'ouvre enfin, et l'instruction, jusque-là confinée dans la procédure écrite et secrète, va se développer oralemnet et publiquement.

Cette instruction a des formes générales qui la suivent pendant toute sa durée et s'appliquent à toutes ses phases et à tous ses incidents.

Elle a ensuite des formes particulières qui s'appliquent

successivement à chacun de ses actes et qui ont pour objet d'en régler le mode et d'en assurer l'accomplissement.

Il convient d'établir en premier lieu les règles générales qui constituent le système même de la procédure orale, qui en sont les ressorts principaux, en forment en quelque sorte les grandes artères, puisque c'est sous leur protection continue et en s'appuyant à chaque pas sur elles, que la procédure déroule tous ses replis, vide tous ses incidents, et procède à toutes ses solennités. Poser ces premières règles et les développer, c'est donc définir le caractère de cette procédure, c'est indiquer et aplanir le terrain sur lequel elle va marcher, c'est en préparer et en éclairer les actes.

Ces règles sont les suivantes :

La publicité de l'audience;

La faculté du huis clos dans les cas prévus par la loi;
L'instruction orale;

La continuité de l'instruction jusqu'au jugement;

La prohibition de toute communication extérieure ; Enfin l'intervention des interprètes toutes les fois que leur ministère est nécessaire.

Telle est la matière de ce chapitre.

S 624.

I. Publicité de l'audience.-II.Application à la procédure des assises. III. Mode de sa constatation.

I. La publicité de l'audience en matière criminelle a été l'une des premiéres règles posées par l'Assemblée constituante. La loi du 8-9 octobre 1789 s'était hâtée de l'introduire parmi les formes provisoires qu'elle avait établies. L'art. 14, tit. 2, de la loi du 16-24 août 1790 déclare que: « En toute matière civile ou criminelle, les plaidoyers, rapports ou jugements seront publics. » L'art. 15 ajoute: «La procédure par jurés aura lieu en matière criminelle: l'instruction sera faite publiquement et aura la publicité qui sera déterminée. » La Constitution du 5 fructidor an III, art. 208, l'art. 64 de la Charte de 1814, l'art. 55 de la Charte de 1830 et l'art. 81 de la Constitution de 1848 ont tour à tour répété ce principe qui est devenu une maxime constitutionnelle. Les art. 153, 190 et 309 de notre Code en ont fait l'application en matière

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