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qu'en réduisant dans ces cas à trois jours le sursis on concilie les droits de l'action publique et ceux de la défense; quo ce délai doit suffire au ministère public pour régler son action et que la société lésée et les prévenus trouvent une garantie suffisante de leurs droits. Il est inutile d'ajouter que la mise en liberté du prévenu acquitté ne préjudicie en aucune manière au droit, soit du procureur général, soit même du procureur impérial, d'interjeter appel dans les délais qui leur ont été départis.

IV. La règle du sursis s'applique non-seulement aux jugements portant condamnation ou acquittement, mais encore à tous les jugements définitifs qui statuent sur des incidents ou sur des exceptions. Dès qu'ils sont susceptibles d'appel, l'appel a nécessairement vis-à-vis d'eux les mêmes effets qu'à l'égard des autres. Dans une espèce où l'appel avait frappé un jugement intervenu sur des fins de non-recevoir, la Cour de cassation a déclaré : « que l'art. 199 autorise l'appel des jugements correctionnels sans distinguer ceux qui sont définitifs sur des exceptions de ceux qui sont définitifs sur le fond; qu'aux termes de l'art. 203, l'appel est suspensif; qu'il suit de là que le demandeur s'étant rendu appelant du jugement qui rejette les fins de non-recevoir qu'il'oppose aux poursuites dirigées contre lui, le tribunal n'aurait pas dû refuser de surseoir à statuer sur le fond jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur l'appel; que l'arrêt attaqué aurait dû réformer ce jugement et ne point consacrer, entre l'appel des jugements sur le fond et l'appel des jugements sur les exceptions, une distinction que la loi n'a point faite. » Dans une autre espèce, il a été reconnu dans des termes plus généraux encore, que le sursis s'applique à tous les jugements définitifs qui sont frappés d'appel : « attendu qu'en matière correctionnelle l'appel est suspensif lorsqu'il est émis contre un jugement qui n'est pas de simple instruction et qui engage quel que intérêt des parties; que l'intervenante, en demandant au tribanal correctionnel de Brives de surseoir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le crime d'empoisonnement dont elle était prévenue, ne demandait pas un délai pour l'instruction de l'affaire correctionnelle, elle demandait qu'il ne ne fût pas procédé avant ladécision à intervenir au criminel; que cette demande, qu'elle fût fondée ou non, portait donc sur un point définitif, et que

Cass. 12 mars 1829, rapp. M. Mangin, Bull, n. 62.

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l'appel du jugement qui y statuait était suspensif'. » Enfin, dans une poursuite en adultère où le jugement avait rejeté l'exception tirée de la réconciliation des époux, il a encore été jugé « que l'appel contre un jugement de cette nature emportait suspension de l'examen du fond jusqu'à ce qu'il eût été statué sur cet appel par la juridiction supérieure

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V. Il résulte des règles qui précèdent : 1o que les tribunaux ne pourraient sans excès de pouvoir ordonner l'exécution provisoire de leurs jugements; car, sauf l'exception contenue dans l'art. 188, ils violeraient directement par là la disposition qui suspend cette exécution 3; 2o que si, nonobstant cette disposition, quelque acte d'exécution a été ordonné, le juge d'appel doit, en infirmant cette partie du jugement, ordonner que les choses seront remises en l'état où elles étaient avant l'exécution, ou allouer des dommagesintérêts 4 ; 3o enfin, que si le jugement avait ordonné quelque mesure propre à faire disparaître le fait incriminé, par exemple la fermeture d'un établissement illicite, l'existence de cet établissement pendant la durée du délai d'appel ne peut constituer un nouveau délit et motiver une poursuite nouvelle 5.

VI. Il y a cependant deux exceptions à ces règles. La première est relative aux condamnations à des peines de police que le tribunal prononce dans les cas d'irrévérence, injures ou voies de faits commises à son audience: l'art. 12 du C. de pr. civ. et l'art. 505 du C. d'inst. cr. permettent dans ce cas l'exécution immédiate 6. La seconde est relative aux jugements purement préparatoires qui doivent nécessairement être exécutés, puisqu'ils ne sont susceptibles d'appel qu'en même temps que le jugement qui statue au fond 7.

Cass. 23 oct. 1840, rapp. M. de Ricard, Bull. n. 313.

2 Cass. 19 janv. 1854. rapp. M. Foucher. Bull. n. 12.

* Cass. 24 therm. an XII, rapp. M. Lachèze. J. P., t. IV, p. 438; 19 avril 1806, rapp. M. Delacoste, t. V, p. 291; 2 juill. 1807, rapp. M. Carnot. t. VI, p. 188.

Cass. 14 juill. 1850, rapp. M. Vincens St-Laurent Bull, n. 218.
Cass. 30 mai 1844, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 187.

Cass. 25 mars 1843, rapp. M. Aumont. J. P., t. XI, p. 233.

Cass. 22 janv. 1825, rapp. M. de Cardonnel. J. P., t. XIX, p. 85; 11 fév. 1841, rapp. M. Romiguières, Bull. n. 42; 15 mars 4845, rapp. M. Romis guières. Bull. n. 102.

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1. De quels faits le juge d'appel est saisi. II. il n'est saisi que des faits qui ont été soumis aux premiers juges. III. Mais il peut les qualifier autrement. IV. Il n'est saisi que de l'action portée devant les premiers juges.- V. Mais il est saisi de toutes les circonstances de ces faits. VI. Il est saisi de toutes les exceptions à opposer à l'action lors même qu'elles n'auraient pas été proposées en re instance.-VII. Il est saisi du préjudice souffert depuis le jugement et provenant des mêmes faits.

I. Le juge d'appel ne peut être saisi que des faits qui ont déjà été portés devant les premiers juges, que de l'action qui a déjà subi l'épreuve d'un premier jugement. Il n'est qu'un deuxième degré de juridiction: sa compétence ne s'ouvre qu'après que le premier dégré a épuisé la sienne; elle ne peut s'ouvrir que pour les actions et les faits qui ont déjà traversé ce premier degré. Elle ne consiste que dans un second examen, dans une nouvelle appréciation de la poursuite correctionnelle déjà une première fois appréciée : elle ne peut s'étendre à aucun fait, à aucun acte nouveau. Telle est la règle générale qui a déjâ été indiquée, et qu'il faut maintenant développer.

II. Une première proposition est que le juge d'appel ne peut être saisi que des faits qui ont été soumis au juge de première instance. C'est la conséquence de la règle qui veut que toutes les poursuites en matière correctionnelle soient portées devant deux degrés de juridiction; il faut donc que le tribunal de première instance ait été saisi pour que la Cour puisse l'être à son tour; il faut que le premier degré ait épuisé sa juridiction pour que le second puisse appliquer la sienne; c'est là une garantie qui tient à la constitution même de la juridiction et qui ne peut, dans aucun cas, être enlevée à la justice.

Ainsi, le juge d'appel ne peut statuer sur un fait qui, bien que compris dans un procès-verbal avec un autre délit, n'a point été déféré par la citation aux premiers juges; car, « si les tribunaux sont obligés d'examiner et de juger les faits qui leur sont déférés dans tous leurs rapports avec les lois pénales, ils ne peuvent d'office statuer sur des délits qui ne sont point la matière des poursuites et prononcer sur des faits distincts et d'un ordre différent de ceux qui leur sont soumis par la citation 1. »

Voy. Suprà, p. 8. Cass. 5 déc.1828,rapp, M. Mangin,J,P.,t.XXII, p.433.

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Ainsi, il ne peut condamner pour infraction au ban de surveil lance le prévenu qui n'aété poursuivi que pour vagabondage: attendu que l'observation des règles posées par les art. 182 et 379 C. inst. cr. intéresse la liberté de la défense aussi bien que la vindicte publique et qu'il n'y a d'exception que pour les faits qui sont virtuellement compris dans la qualification du fait objet primitif de l'action; que, dans l'espèce,... ce fait rentre d'autant moins dans celui qui était l'objet de la prévention que les individus soumis à la surveillance peuvent avoir une profession, un domicile et des moyens de subsistance, et ne sauraient tomber sous l'application des art. 270 et 271 du C. pén. '. » Un second arrêt, rendu dans le même sens, ajoute que d'après l'art. 379 du C. d'inst. cr., le ministère public doit se borner à faire des réserves; que le droit de la défense établi par l'art. 182 et le principe des deux degrés de juridiction s'opposent à ce que des réquisitions tendant à l'application des lois pénales soient admises pour des faits autres que ceux compris dans la citation originaire et soient introduits sur l'appe! *. »

que

Ainsi, le prévenu d'enlèvement de titres ne peut être condamné en appel pour destruction des mêmes titres : « attendu que c'est seulement à raison du fait énoncé dans la citation Je prévenu est averti de préparer sa défense et peut par conséquent être condamné par le jugement à intervenir; que sans doute le tribunal correctionnel peut, en examinant toutes les circonstances qui accompagnent le fait, le qualifier autrement qu'il ne l'a été dans la citation et appliquer un autre article de la loi pénale que celui qui était invoqué; mais qu'il ne lui est point permis de prendre pour base de la condamnation qu'il prononce un fait qui, au lieu d'être une circonstance accessoire de celui de la citation, en est entièrement distinct; que le juge d'appel n'a pas d'autres pouvoirs à cet égard que le premier juge et qu'il est soumis aux mêmes obligations, sans quoi il y aurait violation de la règle des deux degrés de juridiction 3. »

Ainsi enfin, le juge d'appel ne peut statuer sur un délit de pêche avec engins prohibés quand le premier juge n'a été saisi que d'un délit de pèche dans une rivière navigable *; il

1 Cass. 22 juin 1836, rapp. M. Isaubert. Bull. n. 205.

2 Cass. 23 nov. 1837, rapp. M, Isambert. n. 408.

Cass. 26 janv. 1847. rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 9.
Cass, 29 avril 1830, rapp. M. Brière. J, P., t. XXIII, p. 425.

ne peut prononcer la démolition d'une ancienne construction élevée sur le sol forestier, quand le premier juge n'a été saisi que d'une demande en démolition d'une construction nouvelle adossée à celle-ci 1.

Néanmoins si le délit se compose ou d'une habitude ou d'une succession de faits, le juge d'appel, qui en est saisi, peut apprécier tous les faits qui en sont les éléments, lors même que le premier juge n'en aurait pas relevé quelques-uns, pourvu qu'ils se trouvent compris dans la même incrimination; car il est saisi de l'ensemble des faits qui constituent le délit. Ainsi, en matière d'usure, le juge d'appel «ne peut se dispenser d'apprécier, par rapport à la fixation de l'amende, les nouveaux faits d'usure résultant des dépositions des témoins entendus en instance d'appel. » En matière de presse périodique, il peut, pour savoir si le journal a traité des matières politiques, se fonder sur des articles que le premier juge n'a pas appréciés. En matière d'adultére, il peut encore relever des faits d'adultère que le premier juge n'a point examinés 4.

III. Cependant il importe de ne pas confondre avec les faits nouveaux les nouvelles qualifications données aux mêmes faits. Nous avons précédemment établi que l'ordonnance de la chambre du conseil (aujourd'hui du juge d'instruction) et l'arrêt de la chambre d'accusation, à plus forte raison la simple citation directe ne lient point la juridiction correctionnelle en ce qui concerne la qualification des faits 5. La même règle s'applique au juge d'appel : il ne peut pas être plus lié par les qualifications données aux faits par le juge de première instance que celui-ci ne l'est par les qualifications de l'ordonnance ou de l'arrêt de renvoi et de la citation. Il examine les faits qui lui sont déférés et pourvu qu'il se renferme dans ces faits et qu'il n'y joigne aucun fait nouveau, il a le droit de les apprécier et de les qualifier autrement que ne l'avait fait le premier juge.

Cette règle restrictive a été consacrée par un grand nombre d'arrêts. Il a été jugé :-que le prévenu qui a été condamné en 1 instance pour outrage envers des agents de la force

1Cass. 23 mars 1810, rapp. M. Favard de Langlade. J. P., t. VIII, p. 204.

Cass. 26. fév. 1825, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XIX, p. 233.
Cass. 17 fév. 1844, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 50.
Cass. 24 mai 1851, rapp. M. Moreau. Bull. n. 192.

Voy. notre t. VI, p. 168 et 583.

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