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RECUEIL GÉNÉRAL

DES LOIS ET DES ARRÊTS

ANNÉE 1870.

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DES LOIS ET DES ARRÊTS

EN MATIERE CIVILE, CRIMINELLE, ADMINISTRATIVE ET DE DROIT PUBLIC ;

FONDÉ PAR J.-B. SIREY

RÉDIGÉ, DEPUIS 1831,

PAR L.-M. DEVILLENEUVE

(JUSQU'EN 4859),

A.-A. CARETTE, DOCTEUR EN DROIT,

ANCIEN AVOCAT AU CONSEIL D'ÉTAT ET A LA COUR DE CASSATION, CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR,

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P. GILBERT, L'UN DES AUTEURS DE LA JURISPRUDENCE DU XIX® SI ÈCI E,
Membre correspondant de l'Académie de législation de Toulouse,

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EXPLICATION DES RENVOIS,

S. désigne le Recueil SIREY, ou RECUEIL GÉNÉRAL DES LOIS ET DES ARRÊTS.

P. désigne le JOURNAL DU PALAIS.

Après la lettre S. ou P., les chiffres indiquent d'abord l'année de publication du volume;-puis, pour le Sirey, la 1re ou la 2o partie, et, pour le Palais, le 1er ou le 2e volume;-enfin, la page où est la décision mentionnée.

Les arrêts cités sans indication de volume se trouvent, à leur date, dans la période chronologique du Recueil Sirey et du Journal du Palais. Quand l'arrêt n'est inséré que dans l'un d'eux, on y renvoie par les lettres S. chr. ou P. chr.

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DES LOIS ET DES ARRETS.

Ire PARTIE.

JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION.

CASS.-CIV. 10 novembre 1869.

PARTAGE.

commerçant tombé en faillite s'étend à la tolalité de l'immeuble dont le mari était pro

Faillite, Hypothèque légale, Licitation, priétaire par indivis lors de son mariage (2° espèce), ou qui lui est advenu depuis pour partie à titre successif (1гe espèce), et dont il s'est ensuite rendu adjudicataire sur

L'hypothèque légale de la femme d'un

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(1) La Cour de cassation se prononce ici, pour la première fois, sur une question vivement controversée entre les Cours impériales et entre les auteurs. L'art. 563, C. comm. révisé en 1838, dispose en ces termes : Lorsque le mari sera commerçant au moment de la célébration du mariage, ou lorsque, n'ayant pas alors d'autre profession déterminée, il sera devenu commerçant dans l'année, les immeubles qui lui appartiendraient à l'époque de la célébration du mariage, ou qui lui seraient advenus depuis, soit par succession, soit par donation entre-vifs ou testamentaire, seront seuls soumis à l'hypothèque de la femme. Que décider, en présence de cet artiele, quand un mari commerçant qui était, avant son mariage, copropriétaire par indivis d'un immeuble, ou qui a recueilli, durant le mariage, par succession, la copropriété indivise d'un immeuble, a acquis depuis la totalité de l'immeuble par licitation ou acte de partage, et vient ensuite à tomber en faillite? L'hypothèque légale de la femme frappe-t-elle la totalité de l'immeuble, ou seulement la part indivise que le mari avait déjà en se mariant ou qui lui était advenue par succession ?-Le problème est d'une difficulté ardue, et il ne faut pas s'étonner du dissentiment qui a éclaté entre les magistrats et entre les jurisconsultes. Nous croyons toutefois que la doctrine embrassée par la Cour de cassation doit prévaloir.

Il est bien entendu que la question se réfère à la licitation ou au partage opérés dans une double hypothèse 1° celle d'une copropriété acquise au mari avant le mariage par une cause quelconque; 2° celle d'une copropriété acquise au mari durant le mariage par succession ou donation. Si notre argumentation paraît se restreindre parfois à l'hypothèse d'une succession échue au mari, si l'expression cohéritiers du mari est par nous presque toujours employée, c'est pour plus de simplicité et de clarté. Le lecteur généralisera facilement.

I. Les raisons présentées à l'appui de l'opinion contraire sont pourtant bien spécieuses. Le législateur, en édictant l'art. 563, a voulu enlever à la femme son hypothèque légale sur tout immeuble acquis à titre onéreux par le mari durant le mariage, parce que la somme employée au paiement du prix de cette acquisition a été puisée dans la

caisse du commerçant, et provenait ainsi sans doute des opérations faites avec les créanciers; d'où résulte que l'immeuble doit rester le gage de ces derniers. Il est vrai qu'aux termes de l'art 883, C. Nap., le cohéritier est réputé tenir le bien à lui attribué par le partage ou dont il s'est rendu adjudicataire sur licitation, non pas de ses cohéritiers, mais directement et pour le tout du défunt, c'est-à-dire de la cause qui ne lui en avait d'abord attribué qu'une partie indivise. Cette fiction ôte au partage ou à l'adjudication le caractère d'une acquisition nouvelle et à titre onéreux, et semble autoriser la femme à exercer son hypothèque sur l'immeuble entier comme ayant été acquis avant la célébration du mariage ou par succession depuis cette époque.

Mais cet argument est repoussé de deux manières, dans l'intérêt de l'opinion que nous exposons en ce moment.-Quelques auteurs (notamment Ducaurroy, Bonnier et Roustain, Comment. du C. civ., n. 779) soutiennent d'abord que la disposition de l'art. 883 n'a pas une portée absolue; que, contraire à la vérité et lui substituant une fiction, cette fiction doit être strictement renfermée dans le cercle des avantages en vue desquels elle a été introduite. La loi, en donnant au partage un caractère déclaratif, s'est préoccupée des rapports des cohéritiers entre eux ou des rapports de l'héritier attributaire avec les ayants cause de ses cobéritiers, et a voulu que cet héritier, aujourd'hui propriétaire exclusif, n'eut pas à souffrir des droits concédés par ses cohéritiers ou nés du chef de ceux-ci pendant l'indivision. En dehors de ce but à atteindre, la vérité doit reprendre son empire, et ces auteurs décident en conséquence: 1o que les créanciers hypothécaires des cohéritiers désinvestis de la propriété par l'adjudication ou le partage se distribueront, par voie d'ordre, le prix d'adjudication ou la soulte comme à la suite d'une vente ou d'un échange du bien hypothéqué. Sic, Proudhon, Usufr, t. 4, n. 2392; Aubry et Rau, 3o edit., t. 5, § 625, note 19: Delsol, Explic. du C. Nap., t. 2, p. 194; Duquaire, Rev. crit., t. 3, p. 806; Martou, Comm. de la loi belge du 15 août 1854, t. 1, n. 262, et arrêt d'Aix, 23 janv. 1835 (S.1835.2.267.-P. chr.).-2° Que l'héritier majeur, auquel est attribué un immeuble jouissant d'un droit de servitude, peut, afin de retrancher de la prescrip

licitation, ou qui lui a été attribué à titre de partage ici est applicable la règle d'après laquelle tout copartageant est censé avoir été propriétaire ab initio de l'immeuble à lui échu par licitation ou partage. (C. comm., 563; C. Nap., 883.) (1)

tion pour non-usage le temps de l'indivision, exciper de la minorité de son cohéritier, agissant cet égard comme ayant cause de son cohéritier mineur. Sic Aubry et Rau, t. 5, § 625, note 18; Denelembe, Servit, 1.2, n. 999; Demante, Cours analyf., t. 2, n. 568 bls; arrêt de Nancy, 29 nov. 1851 (S.1851.2.799. P:1863.1,360). -3° Que le partage est susceptible de l'action résolutoire pour inexécution, et l'adjudication sui licitation, susceptible de la revente sur folle enchère en vertu du droit commun, et non pas seulement en vertu d'une clause expresse. Sic, La Thėmis, t. 7, p. 117.-Ce point de vue admis, notre question spéciale doit se résoudre contre la femme et contre l'extension de l'hypothèque légale. La fiction de l'art. 883 est étrangère au conflit entre la femme du commerçant failli et les créanciers de son mari; la vérité est que le mari a déboursé une somme d'argent pour acquérir les parts indivises de ses cohéritiers. Cette réalité ne doit pas disparaître devant une fiction qui n'a pas été dirigée contre les créanciers du mari au profit de la femme; elle appelle et justifie l'application de l'art. 563, C. comm.

D'autres auteurs, sans refuser à la disposition de l'art. 883 le caractère d'un principe régissant en général toutes les suites du partage ou de l'adjudication sur licitation au profit de l'un des cohéritiers, reconnaissent que le principe de cet article, conçu en termes généraux, a pu, comme tous les principes, recevoir et a reçu quelques dérogations dans des hypothèses spéciales, surtout en vertu de lois postérieures. Ils pensent, notamment, que l'art. 563, C. comm., déroge à l'art. 883, C. Nap. La loi commerciale soustrait à l'hypothèque légale de la femme tout immeuble acquis à titre onéreux, ou tout au moins acheté pendant le mariage; elle ne veut pas que, par une transformation de sa fortune de mobilière en immobilière, le commerçant avantage sa femme ayant des reprises à exercer, au détriment de la masse de ses créanciers. On ne voit pas quelle raison il y aurait de distinguer entre l'achat d'une pleine propriété et l'achat de parts indivises qui viennent se réunir sur la tête du mari à une copropriété déjà acquise et affectée de l'hypothèque légale de la femme. Le danger est le même dans les deux cas pour les créanciers; dans les deux cas, l'argent déboursé sort d'une caisse vraisem

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