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« Les décrets impériaux, a-t-on dit, qui émanaient de la volonté seule de l'Empereur, sont aujourd'hui en si grand nombre, règlent des matières si importantes, et sur lesquelles il n'y a pas d'autres lois, que si on voulait les considérer comme nuls, attendu l'excès de pouvoir qui leur a donné nais sance, la législation tomberait dans le chaos.

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Mais, s'il y eut excès de pouvoir de la part du chef du gouvernement im. périal, cet excès de pouvoir était en quelque sorte prévu et autorisé par la constitution de l'an 8.

» Cette constitution voulait que, dans le cas où, par un décret impérial, la limite des pouvoirs constitutionnels aurait été dépassée, ce décret pût être attaqué pour inconstitutionnalité devant le sénat conservateur, chargé du maintien de l'ordre légal, et préposé à la garde de la constitution. Le tribunat fut chargé, tant qu'il subsista, de signaler au sénat les infractions à la loi fondamentale; après la suppression de ce corps, ce fut, soit d'office, soit sur la dénonciation du corps législatif, que le sénat dut prononcer sur la constitutionnalité des décrets impériaux.

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Or, tous les actes du gouvernement impérial qui n'ont pas été attaqués par les pouvoirs compétens, qui n'ont pas été annulés pour inconstitutionnalité par le sénat conservateur, ont acquis l'autorité législative, du silence et de l'approbation tacite de ceux dont le devoir était de les critiquer, s'ils eussent violé les prérogatives de la représentation nationale. Tous les décrets impériaux qui n'ont pas été abrogés par les dispositions contraires de la Charte doivent done subsister encore aujourd'hui; ils font loi, ont force de loi et ne peuvent être abrogés que par une loi.

» La Cour de cassation a jugé souvent que les décrets impériaux, quelle que fût la matière qu'ils fussent appelés à régler, qui n'avaient pas été annulés par le sénat, ou abrogés tacitement par la Charte, avaient aujourd'hui force de loi.

» C'est donc par des lois que jusqu'à l'ordonnance de 1822 les avoués ont été établis, et que leurs fonctions ont été réglées. Or, comme il est de principe qu'une loi ne peut être abrogée que par une loi, il semble que par ordonnance un ministre de la Restauration n'aurait pu porter atteinte à des droits conférés par une loi. »

C'est sous ce point de vue que le tribunal de Versailles a examiné la question. Voici les motifs des deux jugemens que les deux chambres de ce tribunal ont rendus le même jour :

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• Attendu que le décret du 12 juillet 1812, modificatif de la loi du 22 » ventôse an 12, a été rendu par le pouvoir existant à cette époque et reconnu par la nation; qu'il a été publié au Bulletin des Lois sans » être attaqué par aucun des corps constitués ; qu'ainsi il a force de loi; Attendu qu'on ne pourrait considérer comme nécessaire l'interven» tion du tribunat, sans déclarer nulles une partie des lois fondamentales » du royaume rendues postérieurement, et sans détruire tout l'édifice » de notre législation; Attendu que le décret du 12 juillet 1812, en restreignant le droit de plaider toutes les affaires dans lesquelles les » avoués occupent, droit accordé aux avoués licenciés par la loi de » ventôse an 12, les a divisés en trois clàsses, et leur a conservé des attri»butions plus ou moins étendues, suivant le lieu où ils exercent; que, » dans l'art. 2, il maintient les avoués près les cours impériales dans le ⚫ droit de plaider les incidens de procédure et les demandes de nature à

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» être jugées sommairement ; que, dans l'art. 3, il déclare qu'il en sera » de même pour les avoués des chefs-lieux de département, disposition • qui confère à ces derniers les mêmes droits qu'aux précédens, mais » qu'il ajoute : Ils y plaideront toutes les affaires sommaires; qu'enfin, » dans la dernière partie du même article, il accordé aux avoués des » autres tribunaux le droit de plaider dans toutes les affaires où ils occupent; Attendu que l'ambiguité de la rédaction du premier membre de phrase de l'art. 3 est suffisamment expliquée par les expressions » formelles les avoués plaideront toutes les affaires sommaires, et qu'on ne peut induire autre chose de la comparaison de ces articles, sinon que »le législateur, suivant une gradation, a voulu, en outre des incidens de procédure et des demandes incidentes, accorder aux avoués des chefs-lieux de département la plaidoirie de toutes les affaires sommaires; -Attendu, d'ailleurs, que cette interprétation est conforme à celle des Cours royales et de la Cour de cassation, qui toutes, soit en rejetant, soit » en adoptant l'application de l'ordonnance de 1822, ont reconnu que l'azticle 3 du décret accordait aux avoués des chefs-lieux le droit de plaider les causes sommaires; En ce qui touche l'ordonnance de 1822: Attendu » que cette ordonnance n'avait pas seulement pour objet de régler l'exécu• » tion du décret de 1812, mais d'en modifier les dispositions; et attendu » que, sous l'empire de la Charte constitutionnelle de 1814, une ordon»nance royale ne pouvait annuler les effets résultant d'une loi; qu'ainsi le » décret de 1812 doit subsister en son entier;-Declare, etc. ». Du 12 nov. 1830; 1re ch.

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Attendu que le droit laissé aux avoués des tribunaux des chefs-lieux » de département de plaider toutes les causes sommaires, tirant son » origine de l'art. 32 de la loi du 22 ventôse an 12, et cette disposition » ayant, comme toutes celles qui la précèdent et qui la suivent, un caractère législatif, ce caractère ne pourrait être effacé et le droit des » avoués détruit que par un acte législatif emportant dérogation ex» presse ou tacite à la loi préexistante; qu'on ne peut attribuer un pa>> reil effet à une simple ordonnance, telle que celle du 27 février 1822; » que si, en d'autres circonstances, les juges ont pu se croire autorisés à appliquer cette ordonnance dont la légalité n'était pas contestée ni » mise en question devant eux, il doit en être autrement alors que, » comme dans la cause actuelle, cette ordonnance est attaquée comme incompatible avec les principes constitutionnels, sous l'empire desquels » elle est intervenue, etc., etc. » 12 nov. 1830; 2 chambre.

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En admettant cette manière de raisonner, l'ordonnance de 1822 serait de toute nullité. Mais est-il bien rationnel d'assimiler à des lois tous les décrets impériaux rendus par un seul, tandis qu'en France il est de droit public, depuis quarante ans, que la loi ne peut être l'ouvrage que de la représentation nationale? Selon nous, si l'ordonnance de 1822 n'était illegale que parce qu'elle est rendue contrairement au décret de 1812, nous douterions long-temps avant de nous décider à la déclarer nulle et non obligatoire.

Mais si nous raisonnons un moment, indépendamment des lois qui l'ont précédée, si nous examinons la matière qu'elle traite, abstraction faite des lois qui ont trailé la même matière, que voyons-nous? une or donnance, c'est-à-dire l'ouvrage du pouvoir exécutif, qui enlève un droit

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exercé, un droit qui n'était contraire à aucune loi existante; une ordonnance qui, de même qu'elle est l'ouvrage du bon plaisir, peut être annulée par le bon plaisir. Ge système admis, plus de garantie, plus de sécurité pour quelque profession que ce soit.

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Si nous nous reportons aux lois antérieures sans nous occuper da décret de 1812, nous trouvons la loi de ventôse an 12; or, cette loi désignait formellement, art. 38, quels étaient les cas prévus par elle qui pouvaient donner lieu à des ordonnances réglementaires; et parmi ces cas ne se trouve point celui de la plaidoirie accordée aux avoués. D'après la loi de ventûse an 12, il ne pouvait donc rien y être changé que par une loi; or, l'ordonnance de 1822 n'était pas une loi, et elle statuait sur une matière qui rentrait dans le pouvoir législatif.

Pour apprécier une ordonnance rendue sous l'empire de la Charte de 1814, il faut se reporter à l'art. 14 de cette Charte sainement et constitutionnellement entendu. Il en résulte que les ordonnances sont faites pour assurer l'exécution des lois, et non pour dispenser de l'exécution de ces mêmes lois.

Sous la Restauration, la Cour de Nancy avait été saisie de cette question. (V. J. A., t. 33, p. 193.) Elle l'a examinée de haut; après avoir établi par des considérans pleins de force, de raison et de saine entente de la combinaison des pouvoirs constitutionnels, que les tribunaux ont le droit d'examiner la constitutionnalité d'une ordonnance royale, elle a jugé en faveur de l'ordonnance de 1822. Le motif sur lequel roule principalement son raisonnement est celui-ci :

Elle a considéré que la limite du droit de plaidoirie, droit qui, d'après elle, n'est pas essentiel à la profession d'avoué, rentrait dans l'exercice du pouvoir réglementaire, et que le gouvernement investi de ce pouvoir avait pu, par ordonnance, régler le droit accordé aux avoués relativement à la plaidoirie.

L'erreur est ici palpable, selon nous; la plaidoirie accordée aux avoués cst un droit : une ordonnance ne pouvait pas l'enlever. Enlever un droit, ce n'est pas en régler l'exercice, c'est supprimer cet exercice.

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« Les lois que les avoués invoquent, disait Me Musnier au tribunal de Saint» Etienne, créent eu leur faveur le droit de plaider les affaires de toute na»ture, droit important pour eux, puisqu'il leur permet de défendre eux⚫ mêmes les intérêts de leurs cliens, de conquérir la considération publique la plus étendue par l'usage qu'ils en feront, le talent qu'ils pourront y déployer, et de conserver à leur profession le lustre dont l'aristocratie de » la Restauration, ennemie des classes moyennes et éclairées et de l'influence qu'elles peuvent obtenir, a voulu les dépouiller; droit dont les tribunaux » savent bien que, dans beaucoup de causes, l'usage est encore plus dans » l'intérêt des parties que dans celui des avoués; droit sur la foi duquel beau, » coup d'entre eux avaient adopté cette profession avant l'ordonnance Pey» ronnet; droit dont la privation, malheureusement sanctionnée dans quel» ques tribunaux, mais en petit nombre, a réduit quelques-uns à renoncer à » leurs fonctions, pour utiliser leur talent sous un autre nom; droit enfin dont > la reconnaissance est d'autant plus importante pour les avoués actuelle» ment en exercice, qu'il ne pourra désormais leur être enlevé sous peine de » rétroactivité,

Ainsi donc les lois qui ont reconnu aux avoués le droit de plaider, d'ail» leurs inhérent à leur profession, ne sont pas réglementaires. »

Resterait ensuite la grave question de savoir si une disposition réglementaire insérée dans une loi (en supposant que la disposition de la loi de ventôse an 12, qui accorde le droit de plaidoirie, fût réglementaire) peut être réformée par une ordonnance. On pourrait dire pour la négative que ce n'est pas la nature de la disposition qui doit être examinée, que c'est la forme; qu'il y aurait un grand danger, s'il suffisait de qualifier une loi de réglementaire, pour qu'elle pût être modifiée par ordonnance. Où se trouverait la ligne de démarcation entre la disposition réglementaire et la disposition organique? Chaque ministre ne pourrait-il pas la reculer ou la rapprocher, selon ses besoins ou son caprice? Cependant l'opinion contraire pourrait être soutenue par de graves raisons.

Mais en définitive, que l'on considère le décret de 1812 comme une loi ou comme une simple ordonnance abusivement rendue, l'ordonnance de 1822 est pareillement frappée d'une nullité radicale. Si le décret de 1812 est une loi, l'ordonnance déroge à une loi, et par conséquent est viciée d'une tache originelle que rien ne peut faire disparaître.

Si le décret de 1812 n'était pas obligatoire pour le gouvernement, il y avait derrière ce décret la loi de ventôse an 12, qui, loi dans toute la force du terme, se trouvait abrogée en partie par l'ordonnance de 1822.

Enfin, en faisant abstraction de toutes les lois qui avaient réglé cette ma. tière, comme il s'agissait de donner ou d'enlever un droit, et non d'en ré gler l'exercice, une ordonnance réglementaire ne pouvait s'en emparer que par un abus de pouvoir, une irruption dans le domaine législatif, et une violation manifeste de la Charte de 1814.

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La taxe apposée par le juge-commissaire sur la copié de l'assignation d'un témoin, aux termes de l'art. 277 C. P. C., peut-elle être mise à exécution sans être déposée au greffe, et sans être expédiée avec la formule exécutoire?

La difficulté de cette question résulte de la contrariété apparente qui existe entre la disposition de l'art. 545 C. P. C. et celle de l'art. 277. pici én effet comment est conçu le premier de ces deux articles : « Nuls jugemens ni actes ne pourront être mis à exécution, s'ils ne portent le même intitulé que les lois, et ne sont terminés par un mandement aux officiers de justice.... Or, il est dit dans l'art. 277: « Si le témoin requiert taxe, elle sera faite par le juge-commissaire sur la copie de l'assignation, et elle vaudra exécutoire; le juge fera mention de la taxe sur son procès-verbal. » L'intitulé et le mandement dont il est question dans l'art, 545 constituent ce que l'on appelle

·la formule exécutoire ; cette formule ne s'applique jamais que sur les grosses ou premières expéditions des jugemens ou autres actes judiciaires qui doivent être mis à exécution. C'est le greffier qui délivre ces grosses; c'est aussi lui qui les revêt de la formule, et les termes mêmes dans lesquels elle est conçue répugnent à ce qu'elle y soit attachée par un autre; aussi les grosses ne sont-elles signées que du greffier seul, et non du júge. Mais dans les cas prévus par l'art. 277, il en ́est autrement. On ne voit pas là un acte dont il doive rester minute et dont le greffier ait à délivrer une expédition. C'est le juge-commissaire qui doit faire la taxe quand elle est requise; il doit la faire sur la copie de l'assignation des témoins; or, c'est cette copie qui devient le titre du témoin; elle demeure entre ses mains; car la loi ne dit pas qu'il lui sera délivré exécutoire de cette taxe, mais bien qu'elle vaudra exécutoire; et ces expressions sont certes bien différentes. Cette taxe faite ainsi par le juge-commissaire, et signée par lui, est donc, exceptionnel. lement au principe général de l'art. 545, exécutoire par elle-même et șans aucune autre formalité. Telle est, au surplus, l'opinion de tous les auteurs qui ont cru devoir s'expliquer sur le sens à donner aux termes, assez clairs d'ailleurs, de l'art. 277. M. Pigeau, dans son Commentaire, t. 2, p. 539, not. 1, s'exprime ainsi : ... « Quoique cette copie ne soit pas revêtue de l'intitulé ni du mandement, elle est exécutoire, sans aucun autre acte: on peut donc faire commandement, saisie... » M. Carré, dans ses Lois de la procédure civile, t.1, p. 688, no 1086, examinant quels sont les effets résultant de ce que la copie de l'assignation sur laquelle la taxe est faite vaut exécutoire au témoin, enseigne que ces effets consistent en ce que l'ordonnance relative à cette taxe, quoique simplement écrite sur la copie de l'assignation du témoin, est exécutoire contre la partie qui poursuit l'enquête; en sorte que le témoin, pour obtenir le paiement de cette taxe, peut faire, en vertu de cette ordonnance, toutes les poursuites autorisées pour l'exécution d'un jugement. M. Loret, dans son Code de procédure civile expliqué par la jurisprudence des tribunaux, t. 3, p. 208, professe la même doctrine; l'ordonnance relative à cette taxe, quoique simplement écrite sur la copie de l'assignation du témoin, et revêtue de la signature du juge-commissaire, est exécutoire contre le poursuivant'; c'est-à-dire que le témoin peut, pour obtenir le paie. ment de cette taxe, faire, en vertu de cette ordonnance, des poursuites pareilles à celles qu'on ferait en exécution de la grosse d'un jugement.

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Lorsqu'un arrêt rendu entre plusieurs parties condamne l'une d'elles à un tiers des dépens, et plusieurs autres ayant même intérêt aux deux autres tiers, cette division des frais doit-elle s'arrêter aux dépens faits jusqu'à l'obtention de l'arrêt, sauf à regarder les frais postérieurs, notamment ceux de signification à avoué et à partie, comme des frais d'exécution à supporter individuellement par chaque partie; ou bien, au contraire, la division des frais doit-elle s'étendre d tous les dépens jusqu'à la signification à partie inclusivement?

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