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qui ne peut lui être ravi sans une décision formelle de la justice; que si ce droit peut être compromis par une transaction qui lui est étrangère, il faut bien qu'on lui accorde le droit d'intervenir pour le défendre, dans un procès auquel il n'est point étranger.

>> Entrant ensuite dans le point de fait de la cause, on soutenait que la transaction n'était qu'un accord frauduleux entre le mari et la femme pour frustrer l'avoué de celle-ci des droits qui lui étaient acquis par la distraction des dépens.

» On répondait pour le sieur Ch. que la disposition de l'art. 133 C. P. C., qui donne aux avoués le droit de réclamer la distraction des dépens, est un principe exorbitant qui doit être restreint dans ses limites;

» Que la disposition du jugement qui ordonne la distraction n'est point une partie principale de ce jugement, mais seulement un accessoire de la décision principale; qu'elle en subit toutes les conditions existant, tant que dure la condamnation principale, s'évanouissant dès que celle-ci vient à défaillir;

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Que, par cette raison, on n'a jamais cru qu'il fût nécessaire d'interjeter appel contre l'avoué de première instance qui avait obtenu une distraction de dépens, lors même que la masse de ces dépens pouvait excéder de beaucoup l'objet principal du procès;

» Qu'ainsi, tant que l'instance est pendante devant la Cour, le droit de l'avoué de première instance reste in suspenso;

>> Qu'il est faux de dire qu'il a, pendant le cours du procès d'appel, un droit acquis, puisque ce droit peut s'évanouir par l'annulation de la disposition qui a prononcé une condamnation de dépens;

» Que ce droit, essentiellement résoluble, ne peut pas même être défendu par lui, puisqu'il n'est pas en cause et qu'il ne peut y être ;

» Qu'il résulte évidemment du principe que la distraction des dépens est un accessoire de la disposition principale, que l'avoué ne peut former tierce-opposition à l'arrêt qui a détruit cette distraction qui lui avait été accordée par les premiers juges;

» Que cependant l'art. 474 C. P. C. veut qu'une partie puisse former tierce-opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits et lors duquel ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés; » Que si l'on décidait que l'avoué de première instance peut former tierce-opposition à l'arrêt, il faudrait nécessairement l'appeler à figurer personnellement devant la Cour, puisque la disposition qui le concerne ne pourrait être réformée en son absence sans qu'il eût le droit d'attaquer l'arrêt par la voie de la tierce opposition; qu'ainsi on pourrait avoir à juger deux fois le même procès;

>> Que si l'avoué n'a pas le droit de former tierce-opposition à l'arrêt qui emporte sa distraction de dépens, il ne peut intervenir

dans le procès en appel, dans la crainte que son client ne se defende pas du tout, ou même le trahisse;

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Que ce droit d'intervention est formellement proscrit par la disposition de l'art. 466 C. P. C., qui porte, au titre de l'appel, qu'aucune intervention ne sera reçue si ce n'est de la part de qui auraient le droit de former tierce-opposition;

ceux

» Que ces principes sont consacrés par un arrêt de la Cour de Bourges, qui a décidé que lorsque l'exécution des condamnations principales prononcées par un jugement est suspendue par l'appel, l'avoué de l'intimé, qui a obtenu en première instance la distraction des dépens auxquels l'adversaire a été condamné, ne peut, à peine de dommages-intérêts, poursuivre l'exécution de cette condamnation accessoire;

» Qu'admettre une décision contraire, ce serait faire prévaloir cette opinion monstrueuse, que, dès qu'une distraction de dépens a été prononcée en première instance, la cause n'appartient plus aux parties; qu'il ne leur est plus permis de la défendre comme elles l'entendent. ou d'acquiescer en tout ou en partie, par une transaction, aux demandes qui sont dirigées contre elles;

» Enfin que, dans tous les cas, les parties séules sont juges et arbitres de la forcé ou de la faiblesse de leurs droits respectifs; qu'elles seules en ont la libre disposition, et que le rôle de l'avoué, qui a obtenu une distraction de dépens, doit se borner à attendre, dans l'éloignement de la cause d'appel, le sort essentiellement résoluble de son droit, qui n'est qu'un accessoire du principal;

» Que si l'on objectait qu'un traité émportant réconciliation ayant eu lieu, dans l'espèce, entre les parties, il n'y a plus aucune chance défavorable pour l'une d'elles à ce que la transaction offerte à la Cour ne soit pas admise dans toutes ses dispositions, puisque les plus importantes subsisteront, il serait facile de répondre comme on l'aurait fait si l'on eût été dans le cas de signer ce traité en présence de la justice;.

» Qu'on en avait arrêté tous les termes sur la foi des principes du droit et de la jurisprudence; qué, sans nul doute, il était dans l'intention des deux parties signataires que toutes les clauses de çe traité fussent exécutées simultanément; que l'inexécution de l'une d'elles aurait infailliblement fait refuser les autres, et qu'il y aurait aujourd'hui une espèce d'abus à opposér, comme fin de non-recevoir, une signature qui ne change rien aux principes développés plus haut; que, si la transaction eût été valable, possible, même à l'égard de l'avoué de première instance, avant la signature du traité, il y aurait une sorte de surprise, indigne de la majesté dé la justice, d'argumenter dé cette signature, fait absolument étranger à l'avoué, qui ne pouvait lui avoir fait acquérir aucun droit, et qui était, par rapport à lui, res inter alios acta; » Qu'il est vrai d'ailleurs qu'il y aurait là une violation de tou

tes les règles; qu'il deviendrait nécessaire, à l'avenir, d'appeler à toute transaction, dans des circonstances analogues, un avoué qui pourrait ne pas vouloir y paraître, y apporter des dispositions hostiles, enfin empêcher des transactions que la justice voit toujours d'un œil si favorable, surtout entré époux et sur une ma tière aussi délicate que la séparation de corps;

» Qu'il n'était que trop notoire pour les parties que ce traité comblait un abîme entre deux époux;

Que si le jugement dont est appel paraît favorable à la dame Ch., c'est qu'en effet la'séparation de corps n'étant pas poursuivie par le mari, il était difficile à ce dernier de se soustraire à l'obligation qui lui était imposée par l'art. 214 C. C. de recevoir sa femme dans son domicile, et de lui fournir le nécessaire aux besoins de la vie selon ses facultés et son état, et que, quelque graves, comme disaient les premiers juges, que fussent les torts reprochés par Ch. d sa femme, le tribunal n'étant pas, par une demande en séparation de corps, légalement saisi de leur connaissance, il ne pouvait en apprécier le fondement; mais que, lors de la signature du traité présenté à la Cour, le mari était encore dans toute la plénitude de son droit; que, s'il avait reçu sa femme chez lui, il ne l'avait fait que comme contraint, ensuite de commandemens signifiés par huissier, sur lesquels il avait fait insérer toutes ses réserves, uniquement pour ne point payer une pension de 400 fr. que le tribunal lui avait imposée comme alternative à l'obligation de recevoir sa femme.

L'avoué en appel de la femme Ch. s'est borné à déclarer qu'il n'avait pas de mandat pour retirer les conclusions par lui déposées précédemment.

ARRÊT.

La Cour; Considérant qu'une transaction, en date du 25 mai courant, passée entre Ch. et sa femme devant Me Duguzet, notaire à Lyon, et produite devant la Cour, a pour effet de détruire les conclusions précédemment prises par la femme, tendant au bien jugé;

Considérant que l'avoué qui à obtenu à son profit une distraction de dépens ne devient pas pour cela partié dans la cause ; qué son action est suspendue par l'appel du jugement qui l'a prononcée; qu'elle est subordonnée au sort de cet appel; qu'elle peut être anéantié par l'infirmation du jugement prononcé avec le client sans que l'avoué puisse faire revivre l'instance d'appel par tierce-opposition, et que dès-lors, à la forme de l'art. 466, il ne peut être reçu intervenant;

Considérant néanmoins que la transaction du 25 mai 1831 n'a réellement pour objet que de frustrer les droits acquis à M⚫Yvrad par les dispositions du jugement de première instance;

Considérant que l'effet de ladite transaction, en ce qui concerne les dépens, ne peut être que de donner à Ch. le droit de répéter

un jour contre sa femme, ou contre la succession de celle-ci, le montant desdits dépens, mais ne peut le dégager de la condamnation portée contre lui au profit de Me Yvrad, qui n'est point partie en ladite transaction, lequel, s'il n'est recevable comme intervenant, conserve le droit d'agir contre les deux parties par action principale;

Rejette l'intervention, réserve à Me Yvrad tous ses droits pour agir directement et solidairement contre les époux Ch.; au fond, ordonne que la cause est rayée du rôle, condamne Ch. à tous les dépens, même aux frais faits sur l'intervention.

Du 2 juin 1831.

2 ch.

OBSERVATIONS.

Le 16 mars 1807, la Cour de cassation a décidé que l'avoué qui, par suite d'un jugement de distraction, avait touché ses dépens, n'en devait pas la restitution après cassation.

Tous les auteurs professent cette opinion; et la doctrine contraire, adoptée par un arrêt du 12 avril 1820, de la même Cour, est combattue par M. PONCET. On peut consulter J. A., t. 5, p. 261 et 364, vo Avoué, no 18 et 94.

L'art. 133 C. P. C. porte que la taxe (en cas de distraction) est poursuivie et l'exécutoire délivré au nom de l'avoué.

Lorsque l'avoué a obtenu distraction de ses dépens, et qu'en vertu d'un exécutoire délivré en son nom, il peut pratiquer une saisie, sa présence est-elle donc entièrement inutile, lorsqu'on veut faire annuler le titre dont les conséquences lui sont ac¬ quises?

La distraction a été introduite dans un intérêt d'ordre public. Il ne doit pas être loisible aux parties de transiger sur un appel, au mépris des droits acquis aux avoués de première instance, sans que ces avoués aient été appelés.

Cependant il est vrai de dire que l'intervention aux frais des colitigans ne peut guère être permise à l'avoué qui ne représente qu'une partie des intérêts opposés à ceux de son client. Comment donc concilier les principes dont la gravité sera sen

tie de tous nos lecteurs?

Voici notre opinion:

Jamais on ne peut opposer à un avoué, qui a obtenu une distraction en première instance, une transaction ou un acte quelconque, contraires aux droits qui résultent pour lui du jugement.

Ainsi, dans l'espèce de la Cour de Lyon, l'avoué avait eu tort d'intervenir; il avait toujours le droit, malgré la transaction, de poursuivre contre le mari de sa cliente le paiement de tous ses dépens, et il eût répondu, à la signification de la transaction, que c'était pour lui res inter alios acta. Tout en rejetant son intervention, la Cour de Lyon l'a appréciée autant qu'il pouvait le désirer, car elle lui a réservé contre les époux Ch.... son action

solidairement, et lui a même accordé les dépens de l'intervention. -Malgré la contradiction monstrueuse qu'on remarque dans cet arrêt, on voit cependant qu'il a voulu consacrer un principe opposé à l'intervention des avoués en appel, mais aussi décider que les actes intervenus entre les parties ne pouvaient pas être opposés aux avoués.

Il est bien certain, selon nous, que le résultat de l'appel peut être d'affranchir l'appelant de toutes condamnations, même à l'égard de l'avoué qui a obtenu la distraction, et que cependant il ne doit pas être obligé d'appeler cet avoué devant la cour; mais il nous paraît incontestable que l'intervention de l'avoué doive être reçue à ses frais et dépens dans tous les cas.

Il est dans la position de tout créancier qui veut surveiller la procédure d'appel d'une cause qui l'intéresse vivement.

Ajoutons en terminant qu'en aucun cas l'avoué qui a obtenu la distraction des dépens et qui a reçu ces dépens, ne peut être forcé de les restituer, parce qu'il n'est jamais censé avoir reçu que de sa partie : c'est une fiction protégée par la loi.

TRIBUNAL CIVIL DE CAEN.

Matière sommaire. Taxe. - Déboursés. Honoraires.

Signification.

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En matière sommaire, doit-on passer en taxe un droit de copie d raison de la signification à avoué du jugement obtenu ?

Nous avons déjà donné notre opinion sur cette question dans notre Commentaire du tarif, t. 1, p. 478, no 88. Nous avons adopté la négative. Le tribunal de Caen a consacré notre doctrine dans le jugement suivant :

« Le tribunal;—Attendu que le mémoire a été fait et taxé comme en matière sommaire; que M° Godard ne réclame point contre cette taxe; qu'il soutient seulement qu'on aurait dû lui allouer les droits de copie de la signification du jugement à avoué; qu'ainsi la question se réduit au seul point de savoir s'il est dû des droits de copie à raison de cette signification en matière sommaire;

» Attendu que l'art. 151 du décret du 16 février 1807 déclare que le Tarif ne comprend que l'émolument net des avoués et autres officiers, et que les déboursés doivent leur être alloués en outre; qu'il suit de là que, dans la pensée du législateur, les droits de copie fixés par le Tarif sont des émolumens et non des déboursés; que, s'il en était autrement, on ne concevrait pas pourquoi le Tarif aurait fixé à 15 et 30 centimes le droit de copie des expéditions du greffe dont chaque rôle doit toujours contenir le même nombre de syllabes, quelles que soient d'ailleurs l'importance et la nature de l'affaire, ni pourquoi il aurait alloué à l'avoué

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