Page images
PDF
EPUB

qu'elle a institué pour son légataire, des faits d'adultère comme pouvant servir de base à une demande en révocation de legs contre lui, ce mari ne peut plus opposer en Cour royale que ces faits ne peuvent être invoqués comme cause de révocation. Par suite, il ne peut obtenir la cassation de l'arrêt qui, d'après le résultat de l'enquête, déclare le legs révoqué. (Art. 1351 C. C.) (1)

A

(Melh C. héritiers Wernert.) — ARRêt.

La Cour; Attendu que le jugement du 21 juillet 1828, en rejetant le système de défense présenté par Jacques Melh, admit le fait d'adultère à lui reproché, comme pouvant servir de fondement à la demande des héritiers Wernert, et permit de faire la preuve de ce fait; que ce jugement n'ayant point été attaqué par la voie de l'appel, a acquis l'autorité de la chose jugée sur la recevabilité de la demande dont il s'agit; que le jugement définitif du 29 août suivant, et les arrêts des 14 nov. 1829 et 7 janv. 1830, en statuant sur les résultats des enquête et contre-enquête ordonnées par ledit jugement du 21 juillet 1828, n'ont fait qu'en exécuter les dispositions, et que dès-lors Jacques Melh, en attaquant ces deux arrêts, ne saurait le faire par un moyen qui ne pouvait plus être proposé devant la Cour royale, puisqu'il avait été irrévocablement rejeté par le jugement du 21 juillet 1828; -Rejette.

Du 15 juin 1831. Ch. des req.

COURS ROYALES DE TOULOUSE ET DE BOURGES.

Compétence. Billet à domicile. - Tribunal de commerce.'

-

L'individu même non commerçant qui a souscrit un billet à domicile, payable dans un lieu autre que celui où il l'a souscrit, est jus-, ticiable du tribunal de commerce et contraignable par corps, surtout si ce billet a pour objet une opération de change. (Art. 632 C. Comm.) (2)

(Foch C. Mayer Tissot.)

La Cour; — Attendu que les billet's dont il s'agit portent la signature des sieurs Saint-Clair et Duffe, négocians; qu'il suffit de cette circonstance pour déclarer que le tribunal de commerce était compétent;-Attendu qu'il est inutile d'examiner si les billets sont ou non de véritables lettres de change; qu'il est certain, en effet, qu'ils ont été souscrits à la suite d'une opération de change, puisqu'ils constatent un prêt ou remise d'argent à Valentini, avec obligation d'en procurer le paiement à Toulouse, au domicile des dits Saint-Clair et Duffe; qu'il résulte des faits

(1) Voy. l'arrêt précédent.

(2) Voy., dans le même sens, J. A., t. 22, p. 371, vò Tribunaux de commerce, no 203,

du procès qu'il existait entre cette maison et le sieur Foch des relations qui avaient pour objet des opérations de change, ce qui prouve de plus en plus la vérité du contenu aux billets à ordre dont il s'agit;-Attendu qu'aux termes de l'art. 637 C. Com. la contrainte par corps peut être prononcée contre des individus même non négocians, signataires de billets à ordre souscrits à l'occasion d'opérations de change;

Attendu que le sieur Foch ne conteste pas qu'il ne soit débiteur du montant des susdits effets; que la condamnation avec contrainte par corps a donc dû être prononcée contre lui, quelle que soit d'ailleurs sa qualité;-Par ces motifs, sans avoir égard aux conclusions de Foch, et l'en démettant, le démet pareillement de son appel, etc.

Du 14 mai 1831.- Cour de Toulouse.

2 Espèce.-(Desbiaux C. Teulière.)-ARRÊT.

La Cour; Attendu que tout acte portant engagement de compter ou faire compter à un certain lieu une somme qu'on reçoit à un autre lieu, est une lettre de change;-Attendu que l'acte, objet du litige actuel, contient cet engagement; que, conséquemment, le tribunal de commerce était compétent ;-Par ces motifs, a démis et démet de l'opposition, etc.

Du 3 décembre 1829.-Cour de Toulouse.-3 ch.

3o Espèce.--(Galas C. Desplaces.)

La Cour...-Attendu que les premiers juges ont été autorisés à condamner le souscripteur par corps, par la nature du billet, qui, bien qu'il ne soit pas rigoureusement une lettre de change, n'en est pas moins un effet de commerce, puisqu'il est souscrit à Nevers pour être payé à Paris, et a pour cause des fonds remis au souscripteur; qu'il contient ainsi remise de place en place, et constitue un effet de commerce qui soumet le souscripteur à la contrainte par corps....-Confirme.

Du 4 décembre 1829.-Cour de Bourges.

NOTA. Ces arrêts nous paraissent avoir bien jugé; car l'article 632 C. Comm. porte formellement que les tribunaux de commerce connaissent entre toutes personnes des remises d'argent de place en place. Il nous semble aussi qu'on devrait juger de même pour les lettres de change tirées sur le tireur lui-même. Ces effets constituent réellement des billets à domicile, et dès qu'ils contiennent remise de place en place, ils doivent soumettre le souscripteur à la juridiction commerciale et à la contrainte par corps. Ainsi jugé par la Cour de Nîmes, le 22 juin 1829 (aff. Manselon C. Lapierre). Mais la Cour de Toulouse a jugé le contraire le 22 juillet 1825 (aff. Olive C. Palancade). Voy., au surplus, sur cette question qui n'est que la conséquence de celle de savoir si l'on peut tirer une lettre de change sur soi-même, MM. Pardessus, Cours de droit comm., t. 2, n° 233, et Merlin, Quest. de droit, v° Lettre de change, $7.

PREMIÈRE PARTIE.

REVUE ET DISSERTATIONS.

CONTRAINTE PAR CORPS.

Loi sur la contrainte par corps (1).

La loi sur la contrainte par corps a pour objet une des matières auxquelles notre journal est spécialement consacré, et nos lecteurs nous reprocheraient de leur en avoir rapporté le texte purement et simplement. Nous allons donc leur présenter quelques observations sur cette loi. Après la lecture de nos remarques sur chacun des articles qui la composent, on sera convaincu que le législateur s'est borné à compléter la législation existante, à en modifier quelques parties, ou à l'éclaircir sur ceux qui divisaient les tribunaux. Les jurisconsultes, tout en reconnaissant l'utilité de ces modifications, regretteront de n'avoir qu'une loi de plus, et non une refonte complète de la législation sur la contrainte par corps. Il n'eût pas été très-difficile de faire un code complet sur cette matière. Un assez long usage avait fait apprécier les dispositions des diverses lois dont on l'aurait composé, et l'on ne serait pas encore obligé de recourir à des textes épars çà et là dans tous nos Codes ou dans des lois spéciales. On peut adresser un autre reproche au législateur, car s'il a voulu seulement résoudre plusieurs questions jusqu'à présent indécises, il en a laissé de côté de bien importantes. Aussi nous ne pourrions faire entrer dans nos réflexions sur la nouvelle loi une revue de la totalité de la jurisprudence en matière de contrainte par corps. Comment parler des règles relatives aux procès-verbaux d'emprisonnement, à la contrainte par rapport aux séquestres, aux faillis, aux surenchérisseurs, et à une foule d'autres difficultés sur lesquelles elle est muette? Cette revue sera l'objet d'un article spécial que nous donnerons à son ordre alphabétique. Maintenant nous ne nous occuperons que des points sur lesquels la loi s'est elle-même expliquée.

(1) Nous avons cru devoir remplacer dans ce cahier notre article de revue alphabétique par des observations sur la contrainte par corps. Ces observations, d'ailleurs, sont plutôt une reyue qu'un commentaire.

TITRE I.

Dispositions relatives à la Contrainte par corps en matière de

commerce.

ARTICLE PREMIER.

La contrainte par corps sera prononcée, sauf les exceptions et les modifications ci-après, contre toute personne condamnée pour dette commerciale au paiement d'une somme principale de deux cents francs et au-dessus.

1. Cet article était indispensable : la loi de germinal an 6 énumérait des actes commerciaux dont l'inexécution devait entraîner la contrainte par corps. Le Code de commerce contenait une énumération plus étendue des acles de cette nature. Des tribunaux, appliquant littéralement le texte des deux lois, jugeaient que la contrainte par corps ne pouvait être prononcée qu'à raison des actes énoncés dans la loi de l'an 6, spéciale sur la matière. Selon ces tribunaux, l'énumération comprise dans le Code de commerce ne devait être consultée que pour connaître l'étendue de la juridiction commerciale. Cette doctrine était constamment proclamée par la Cour de cassation, et il faut avouer qu'elle était commandée par l'état de la législation. Toutefois, des raisons très-fortes devaient la faire proscrire. La nature des choses exige que la contrainte par corps soit inhérente de plein droit aux condammations commerciales. La force du crédit réside dans la garantie rigoureuse que donne ce mode d'exécution. En paraissant accorder une protection exorbitante à celui qui prête, la loi dispose néanmoins en faveur de celui qui emprunte. Il n'y aurait ni prêts ni avances possibles dans le commerce, si les débiteurs pouvaient impunément éluder le remboursement. Tel est le but de l'art. 1er de la nouvelle loi sur la contrainte par corps. Il faudra donc comprendre, d'après cet article, sous les mots dettes commerciales, toutes les dettes de la compétence des tribunaux de commerce.

2. Mais il faut observer qu'on peut être cité devant ces tribunaux à raison d'une dette qu'on n'a pas contractée soi-même, et pour laquelle on est engagé d'une manière accessoire. Ainsi, un particulier non commerçant aura cautionné la dette d'un commerçant. Il sera bien justiciable du tribunal de commerce, comme celui-ci, à raison de son engagement. Cependant il ne sera pas soumis à la contrainte par corps, parce qu'au lieu de contracter la dette, il en aura sculement garanti le paiement. D'après le même principe, il faudra décider qu'un mari non commerçant n'est point tenu par corps des obligations commerciales contractées par sa femme marchande publique et commune en biens, quoiqu'il se trouve le coobligé de celle-ci. (Cass., 2 juill. 1824, t. 27, p. 45.) Voyez au surplus ci-dessous l'art. 3, qui confirme ce que nous venons de dire.

3. Il ne suffisait pas de proclamer que la contrainte par corps serait prononcée pour dette commerciale, il fallait encore déclarer à quelle somme la dette devait s'élever pour que le débiteur y fût exposé. Aucune loi ne le disait, et quoique ce silence obligeât les juges de prononcer la contrainte par corps pour la somme la plus modiqué, plusieurs tribunaux de commerce

ne la prononçaient point pour des dettes inférieures à 100 francs. Les auteurs de la nouvelle loi ont pris cet usage en considération et fixé à 200 fr. la somme pour laquelle la contrainte aurait lieu en matière de commerce : terme moyen entre la limite adoptée par la plupart des tribunaux et la somme de 300 fr. au-dessous de laquelle les obligations civiles ne peuvent donner lieu à la contrainte par corps.

4. La nouvelle loi ne parle ni des dépens ni des dommages-intérêts que les tribunaux peuvent avoir à prononcer. Nous concevons bien qu'elle ne s'exprime point formellement sur les dépens, après avoir déclaré que la contrainte par corps n'aurait lieu que pour dette d'une somme principale, et après avoir ainsi consacré la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Voyez J. A., t. 28, p. 56.); mais il serait important qu'elle s'expliquât sur les dommages-intérêts. Donneront-ils droit à la contrainte par corps? Sera-ce de droit ou bien selon la volonté du juge? Il fallait mettre fin à cette question controversée. (Voyez J. A., t. 8, p. 575, et t. 38, p. 161.) Loin de là, on l'a compliquée en fixant, en matière de commerce, à 200 fr. le minimum nécessaire pour qu'il y ait lieu à contraînte par corps. Cette fixation pourra faire penser que les dommages-intérêts y donneront lieu, lors même qu'ils ne s'élèveront qu'à cette somme, tandis qu'auparavant il était constant que, pour produire cet effet, ils devaient monter à 300 fr., de même qu'en matière civile, d'après les art. 126 C. P. C. et 2045 C. G.

5. Quoi qu'il en soit, l'art. 1er de notre nouvelle loi, en déclarant que la contrainte par corps aura lieu contre toute personne pour dette commer ciale, a respecté la règle importante déjà reconnue par le Code de commerce, que la compétence se détermine, non à raison de la qualité des personnes, mais à raison de la nature des actes (V. l'exposé des motifs). En se reportant aux art. 1, 63, 31 et suiv. de ce Code, on saura tout à la fois en quel cas un individu est soumis à la contrainte par corps et à la juridiction commerciale. Il n'y aura plus licu à examiner si le débiteur est marchand, s'il s'est engagé envers un marchand faisant commerce que lui, difficultés qui s'élevaient sous la loi de germinal an 6 et sous le Code de commerce. (V. J. A., t. 8, p. 536, 584, 594, et 37, p. 215.)

t.

I mêm e

6. Faisons observer au surplus qu'une condamnation commerciale devrait emporter la contrainte par corps, quoique prononcée par des arbitres. La loi n'exige pas qu'elle soit rendue par un tribunal de commerce. Telle était l'ancienne jurisprudence; aucun motif ne permet de s'en écarter. (V. J. A., t. 31, p. 264, et la note.)

7. En disant que la contrainte par corps sera prononcée pour dette commerciale, la nouvelle loi semble ordonner aux juges de l'ordonner, lors même qu'on n'y aurait pas conclu. Toutefois elle ne le dit pas assez formellement pour qu'on puisse leur reconnaître ce droit, qu'on leur contestait sous la législation ancienne. (V. J. A., t. 8, p. 672.) C'est là une difficulté qui peut s'élever en toutes les autres matières que celles de commerce, et le législateur aurait dû la trancher.

8. A cette question se rattache celle de savoir si le créancier qui dans un premier jugement n'a pas obtenu la contrainte par corps, peut l'obtenir par un jugement postérieur, question grave, que la loi devait pareillement résoudre. (Voy. J. A., t. 8, p. 493.)

« PreviousContinue »