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ART. 2.

Ne sont point soumis à la contrainte par corps en matière de

commerce,

1o Les femmes et les filles non légalement réputées marchandes publiques;

2o Les mineurs non commercans, ou qui ne sont point réputés majeurs pour fait de leur commerce;

3° Les veuves et héritiers des justiciables des tribunaux de commerce assignés devant ces tribunaux en reprise d'instance, ou par action nouvelle, en raison de leur qualité.

Confirmation de la législation existante. (V. art. 2, tit. 2, Loi du 15 germ. an 6, 113 C. comm., et 426 C. proc.) Pour savoir en quels cas une femme est réputée marchande publique, et un mineur commerçant ou majeur pour fait de commerce, il suffit de lire les art. 2 suivans C. comm.

ART. 3.

Les condamnations prononcées par les tribunaux de commerce contre des individus non négocians, pour signatures apposées, soit à des lettres de change réputées simples promesses aux termes de l'art. 112 C. comm., soit à des billets à ordre, n'emportent point la contrainte par corps, à moins que ces signatures et engagemens n'aient eu pour cause des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.

1. La commission de la Chambre des pairs voulait qu'on retranchât du projet de cet article les mots réputés simples promesses aux termes de l'art. 211 C. comm. C'eût été par là déclarer que les condamnations prononcées à raison de lettres de change n'emporteraient point en général la contrainte par corps contre les signataires non commerçans. Par là eût été abrogé l'art. 632 C. comm. qui la prononce contre toutes personnes qui ont signé ces lettres. La lettre de change eût alors été placée sur la même ligne que les billets à ordre qui essentiellement ne donnent pas lieu à la contrainte (C. comm. art. 636). De fortes raisons s'éleyaient en faveur de ce système. Bien des fois un non-commerçant contracte une obligation civile sous la forme d'une lettre de change, et, par cette simulation, il se soumet à la contrainte par corps, quoique le Code civil (art. 2063) prohibe un pareil résúltat. On conçoit bien qu'entre négocians la contrainte par corps soit attachée à l'inexécution d'un pareil engagement, parce qu'il est présumé se référer à leur commerce et que la contrainte par corps est de droit commun pour eux. Mais il n'en est pas de même pour un non-commerçant : la traite qu'il signe est étrangère à une opération commerciale. Elle ne fait que constater un engagement civil de sa part, et doit, de même que le billet à ordre qu'il aurait souscrit, n'ouvrir contre lui que les voies ordinaires d'exécution. Si le commerce ne se plaint point qu'il en soit ainsi pour ces billets, on ne voit pas pourquoi il se plaindrait qu'il en fût de même pour les lettres de change. (V. le Moniteur, séance du 5 avril 1832, p. 988.)

Mais, a-t-on répondu, souvent la lettre de change souscrite par un noa

commerçant ne constate qu'un prêt. Alors le signataire doit savoir qu'elle constitue un acte commercial, et que la défense établie par l'art. 2063 C. C. est levée en faveur du commerce. Le titre qu'il souscrit, lors même qu'il serait entaché d'usure, présentera aux tiers porteurs le caractère de la bonne foi, et il importe de donner à ceux-ci la garantie de la contrainte par corps. Vainement invoquerait-on l'analogie qui existe entre la lettre de change et le billet à ordre. Ce dernier papier n'est pas essentiellement destiné à circuler de place en place. On le recherche moins, parce qu'il n'entraîne pas la contrainte par corps comme la lettre de change, qui perdrait une grande partie de sa valeur si on lui enlevait cet effet. Ces motifs ont fait maintenir la législation existante. Ainsi donc un billet à ordre n'entraînera point en tous cas la contrainte par corps contre un signataire non-négociant. Mais ce sera à lui à prouver qu'il ne se livre pas au commerce. Ainsi l'a jugé la Cour de cassation, le 7 avril 1813. (Voy. J. A., t, 8., p. Gog.)

2. Il est fàcheux que la loi ne se soit point expliquée sur le point de savoir si un billet à domicile entraîne la contrainte par corps, comme la lettre de change, question très-controversée. (V. J. A., t. 42, p.191 et t. 14, p. 463.)

ART. 4.

La contrainte par corps, en matière de commerce, ne pourra être prononcée contre les débiteurs qui auront commencé leur soixante-dixième année.

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Il y avait doute sur ce point avant la nouvelle loi. Cependant il était de jurisprudence presque constante que la contrainte par corps devait être prononcée en matière de commerce contre les septuagénaires. Un avis du Conseil d'Etat du 6 brumaire an 12 et une foule d'arrêts le constatent. (Voy. J. A., t. 8, p. 468.) C'était là une anomalie entre la législation commerciale et la législation civile, qui ne permettait de poursuivre un débiteur âgé de plus de soixante-dix ans que par les voies ordinaires. (C. C. 2066.) La loi nouvelle a mis fin à cette contradiction..

2. Il faut observer que la règle qu'elle consacre s'applique au débitcur en vertu d'un titre' antérieur à sa promulgation. Le créancier ne pourrait voir là un effet rétroactif. Le mode et les moyens d'exécution d'un contrat sont toujours dans le domaine de la loi qui est variable, et les changemens qu'elle apporte s'appliquent aux actes antérieurs de même qu'à ceux qui sont créés postérieurement. (Rapport à la Chambre des députés.) Lelégislateur l'a d'ailleurs déclaré implicitement dans l'art. 42, au titre des Dispositions transitoires. (V. aussi des arrêts qui reconnaissent ce principe, J. A., t. 8, p. 468, n. 14.)

ART. 5.

L'emprisonnement pour dette commerciale cessera de plein droit après un an, lorsque le montant de la condamnation principale ne s'élèvera pas à cinq cents francs;

Après deux ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à mille francs;

Après trois ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à trois milles frans;

Après quatre ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à cinq mille francs; Après cinq ans, lorsqu'il sera de cinq mille francs et au-dessus.

1. Disposition toute nouvelle, et qui met fin à la difficulté sur le point de savoir combien devait durer l'emprisonnement en matière de commerce. (Voy. J. A., t. 8, p. 553, 637.) Le projet portait que la détention cesserait après trois ans, lorsque le montant de la condamnation ne s'élèverait pas à 500 francs; et après cinq ans, lorsqu'il serait de 500 francs et au-dessus. Nous trouvons bien préférable la graduation consacrée par l'art. 5 de la loi. Elle est aussi profitable au créancier qu'au débiteur. Elle détermine le degré d'indigence de celui-ci, et suffit pour le forcer à faire connaître ses ressources. Après le temps d'épreuve qu'elle prescrit, son insolvabilité est presque certaine, et il y a lieu de lui rendre la liberté. On ne peut guère présumer qu'un débiteur qui possède une somme de 500 francs consente à rester un an en prison plutôt qu'à la donner en paiement de la dette de pareille somme qu'il aura contractée.

2. Il peut arriver qu'un débiteur soit incarcéré par suite d'une condamnation commerciale, et qu'il ait contracté avant cette condamnation d'autres obligations qui entraînent la contrainte par corps. La rigueur des principes semble exiger que ces obligations puissent donner lieu à l'emprisonnement du débiteur, après qu'il aura subi sa précédente condamnation. Toutefois, la loi nouvelle a voulu prévenir ce résultat. Elle veut qu'il ne puisse plus être détenu pour les dettes antérieures à son arrestation, à moins qu'elles n'entraînent une contrainte plus longue que celle qu'il aura subie, et qui lui sera toujours comptée pour la durée de sa nouvelle incarcération. (Voy. art. 27.)

3. Avant la loi de 1832, il s'est élevé la question de savoir si, lorsque, durant l'emprisonnement d'un débiteur pour dettes, un mandat de dépôt est décerné contre lui par un juge d'instruction à la charge des écrous civils, le temps pendant lequel il est retenu en vertu de ce mandat doit être compté sur la durée de son emprisonnement. L'affirmative a été jugée par la Cour de Paris, le 22 décembre 1829. Nous pensons qu'il en devrait être encore de même. (Voy. J. A., t. 38, p. 283.)

ART. 6.

Il cessera pareillement de plein droit le jour où le débiteur aura commencé sa soixante-dixième année.

Corollaire de l'art. 4, et peut-être inutile à cause de l'art. 42.

TITRE II.

Dispositions relatives à la contrainte par corps en matière civile.

SECTION IT.

Contrainte par corps en matière civile ordinaire.

ART. 7.

Dans tous les cas où la contrainte par corps a lieu en matière

civile ordinaire, la durée en sera fixée par le jugement de condamnation; elle sera d'un an au moins et de dix ans au plus.

Néanmoins, s'il s'agit de fermages de biens ruraux aux cas prévus par l'art. 2062 Č. C., ou de l'exécution des condamnations intervenues dans le cas où la contrainte par corps n'est pas obligée, et où la loi attribue seulement aux juges la faculté de la prononcer, la durée de la contrainte ne sera que d'un an au moins et de cinq ans au plus.

1. Depuis long-temps on demandait que la loi fixât la durée de l'empri sonnement en matière civile. D'après le Code civil et le Code de procédure, le débiteur ne pouvait recouvrer sa liberté qu'en atteignant l'âge de soixante-dix aus. La loi nouvelle a mis fin à cet état de choses. Elle a sagement laissé aux tribunaux la faculté de déterminer la durée de l'emprisonnement; ils ordonneront suivant leur conscience et l'intérêt des parties. Elle a pensé qu'il était impossible d'établir une proportion légale entre ceite durée et la quotité de la dette. Mais elle a cru devoir fixer le mini-mum et le maximum à cet égard, afin que le pouvoir des juges ne fût pas complètement arbitraire. Ils pourront prononcer la contrainte par corps pour un an au moins, et dix ans au plus. Mais ce sera seulement dans les cas où ils sont tenus de la prononcer.

2. Il paraît singulier au premier abord que le minimum d'un an, admis par le § de l'art. 7 de notre nouvelle loi, n'ait pas été abaissé dans les cas prévus par le § 2. Mais cela s'explique : la contrainte inférieure à un an scrait souvent sans résultats. On pourrait bien trouver plus d'un débiteur, surtout parmi les fermiers, qui, au lieu de payer ses dettes, préférerait subir une captivité de quelques mois. (Voy. Rapport à la Chambre des députés.)

SECTION II.

Contrainte par corps en matière de deniers et effets mobiliers publics.

ART. 8.

Sont soumis à la contrainte par corps, pour raison du reliquat de leurs comptes, déficit ou débet constatés à leur charge, et dont ils ont été déclarés responsables,

1o Les comptables de deniers publies ou d'effets mobiliers publics, et leurs cautions;

2 Leurs agens ou préposés qui ont personnellement géré ou fait la recette;

3° Toutes personnes qui ont perçu des deniers publics dont elles n'ont point effectué le versement ou l'emploi, ou qui, ayant reçu des effets mobiliers appartenant à l'Etat, ne les représentent pas, ou ne justifient pas de l'emploi qui leur avait été prescrit.

L'intérêt de l'État exigeait la sévérité de cet article et des suivans, qui dérogent à l'art. 2060, §5, C. C., d'après lequel la caution d'un contraignable n'est pas soumise de plein droit à la contrainte par corps. Cela n'empêchera pas que l'administration des domaines ne puisse renoncer

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à la contrainte par corps contre les redevables, si l'exercice de ce droit lui parait plus onéreux qu'utile pour l'État (Décis. minist. Voy. J. A., t. 8, p. 519). C'est là une faculté appartenant à tout créancier, qui peut même d'avance renoncer à son droit par une stipulation au profit de son débiteur (V. ib., 693).

ART. 9.

Sont compris dans les dispositions de l'article précédent, les comptables chargés de la perception des deniers ou de la garde et de l'emploi des effets mobiliers appartenant aux communes, aux hospices et aux établissemens publics, ainsi que leurs cautions, et leurs agens et préposés ayant personnellement géré ou fait la recette.

́Il faut, à l'égard des cautions des individus mentionnés en cet article, appliquer ce que nous avons dit de celles des personnes énumérées en l'article précédent. Elles sont assujéties à la contrainte par corps, quoiqu'elles ne s'y soient point soumises. Un député avait proposé de déclarer le contraire, mais son amendement fut rejeté par le motif que le titulaire comptable des deniers d'une commune ou d'un établissement public n'est souvent que le prête-nom d'une caution qui est le véritable entrepreneur, et qui profite de tous les bénéfices (Voy. Moniteur de 1832, p. 989 ).

ART. 10.

Sont également soumis à la contrainte par corps,

1° Tous entrepreneurs, fournisseurs, soumissionnaires et traitans, qui ont passé des marchés ou traités intéressant l'Etat, les communes, les établissemens de bienfaisance et autres établissemens publics, et qui sont déclarés débiteurs par suite de leurs entreprises;

2° Leurs cautions, ainsi que leurs agens et préposés qui ont personnellement géré l'entreprise, et toutes personnes déclarées responsables des mêmes services.

1. L'accumulation des termes, entrepreneurs, fournisseurs, soumissionnaires et traitans, qui est bien remarquable dans cet article, démontre que le législateur a voulu donner la plus grande extension à la contrainte par corps en matière de marchés intéressant l'État. Voici ce qu'a dit le rapporteur de la Chambre des députés pour justifier cette extension : « On a craint que ces expressions ne fussent trop vagues, et ne donnassent matière à des rigueurs contre de simples commis et facteurs. Mais on a répondu qu'il fallait atteindre les personnes véritablement intéressées dans les entreprises et fournitures, telles que les sɔus-traitans qui dissimulent leur soustraité, et qui n'en gèrent pas moins personnellement l'entreprise; que pour cela il fallait une disposition générale; qu'elle se trouvait dans le projet, qu'on devait l'y maintenir. »

2. Observez qu'un sous-traitant n'est pas seulement soumis à la contrainte par corps envers l'État, il devrait l'être envers le traitant lui-même (Lyon, 39 juin 1807).

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