Page images
PDF
EPUB

ART. 11.

Seront encore soumis à la contrainte par corps, tous redevables, débiteurs et cautions de droits de douanes, d'octrois et autres contributions indirectes, qui ont obtenu un crédit et qui n'ont pas acquitté à l'échéance le montant de leurs soumissions ou obligations.

On a cru que la contrainte par corps était le seul moyen d'assurer à l'État l'exactitude de ces recouvremens, et en cela on a suivi l'art. 57 du décret du 1er germ. an 13, et la loi du 4 germ. an 11, qu'un avis du Conseil d'Etat du 28 therm. an 12 déclarait avoir été maintenus.

ART. 12.

La contrainte par corps pourra être prononcée, en vertu des quatre articles précédens, contre les femmes et les filles. Elle ne pourra l'être contre les septuagénaires.

"

1. Les femmes à qui l'administration publique confie certains emplois de comptabilité, tels que la gestion d'un bureau de poste ou de tabac, se livrent à une profession qui exige autant d'expérience que celle supposée par l'exploitation d'un fonds de commerce. Si on les cût affranchies de la contrainte par corps, l'administration se serait trouvée dans la nécessité de ne pas leur confier ces emplois. La loi a donc sagement statué en déclarant qu'elles y seraient soumises.

2. Mais elle aurait pu être plus clairement rédigée. Il semble en effet que la contrainte par corps est facultative contre les femmes dans le cas prévu par l'art. 12. Pour lever tout doute, le législateur aurait dû parler en termes impératifs, comme dans l'article précédent. Il fallait de plus bien exprimer que la contrainte par corps ne s'appliquerait pas aux femmes et filles héritières de comptables, niais à celles qui auraient été comptables elles-mêmes. Du reste, il est certain qu'il n'a voulu la prononcer que contre celles-ci (Voy. Moniteur, p. 990).

ART. 13.

Dans les cas énoncés dans la présente section, la contrainte par corps n'aura jamais lieu que pour une somme principale excédant trois cents francs.

Sa durée sera fixée dans les limites de l'article 7 de la présente loi, S 1er.

1. Cet article ne parlant point des dommages-intérêts envers l'État, peut-on dire qu'ils donnent lieu à la contrainte par corps contre celui qui les doit? Est-ce de droit ou facultativement qu'ils entraînent cette contrainte? Le législateur aurait dû s'expliquer, et, à cet égard, on peut lui reprocher ce que nous avons déjà fait à l'égard des dommages-intérêts en matière de commerce.

2. Avant la promulgation de la loi du 17 avril 1832, l'administration prétendait que les comptables détenus pour débet envers le trésor ne de

vaient point recouvrer leur liberté après cinq ans, comme les débiteurs en matière civile. Mais cette prétention était proscrite par la Cour de cassation, dont la doctrine a été consacrée par la nouvelle loi, qui met sur la même ligne, pour sa durée, l'emprisonnement des comptables envers l'État

et des débiteurs ordinaires.

3. Observez qu'en ne permettant la contrainte par corps que pour une somme de 300 fr. au profit de l'État, l'art. 13 fixe le sens du § 3 de l'article 124 C. P. C., qui était diversement interprété. (Voy. J. A., t. 8, p. 696.)

4. Après avoir compris dans des dispositions aussi extensives que celles de la présente section tous les cas pouvant donner lieu à la contrainte par corps en matière de deniers publics, le législateur devait déclarer abrogées les diverses lois rendues sur cette matière. Il l'a fait dans l'art. 46, mais en maintenant les dispositions de ces lois en ce qui concerne le mode des pour. suites à exercer contre les débiteurs de l'État. Or, d'après ces dernières lois, l'emprisonnement a lieu pour débet sans jugement préalable, et sur contrainte décernée par l'autorité administrative. (Voy. J. A., t. 8, p. 496.) (Voy. lois des 30 mars 1793, 4 germinal an 11, 17 brumaire an 5, 3 frim. an 7, art. 145, 148, 153; 13 frim. an 8; arrêté 16 therm. an 8; décrets des 1er germ. an 13, 31 janv. 1806, 15 nov. 1810, 26 sept. 1811; et Répertoiré de jurisprudence, vis Contrainte, Finance et Comptable.)

TITRE III.

Dispositions relatives à la contrainte par corps contre les étrangers.

ART. 14.

Tout jugement qui interviendra au profit d'un Français contre un étranger non domicilié en France, emportera la contrainte par corps, à moins que la somme principale de la condamnation ne soit inférieure à cent cinquante francs, sans distinction entre les dettes civiles et les dettes commerciales.

1. Cet article est une copie littérale de l'art. 1er de la loi du 10 septembre 1807. Il ajoute toutefois que la somme de la condamnation contre l'étranger doit s'élever à 150 fr., sans distinction entre la nature de la condamnation. Peu importe qu'il possède ou non des propriétés ou un établissement de commerce en France : la loi veut qu'il y soit domicilié pour qu'il soit exempt de la contrainte par corps. Le rapport de la commission de la Chambre des députés le prouve. Il ne suffirait pas qu'il fût autorisé à établir son domicile en France. (Voy. J. A., t. 42, p. 38.)

2. Il en serait de même, quoique le jugement eût une cause antérieure à la loi nouvelle ; car l'art. 14 de cette loi n'est que la répétition de celle de 180, et il a été jugé que celle-ci s'appliquait aux engagemens contracpar les étrangers avant sa promulgation. (Cass., 22 mars 1809.)

tés

3. En général, on ne peut exercer la contrainte par corps en vertu d'un

jugement qui aurait dû la prononcer et qui a omis de la prescrire. Mais les termes impératifs de l'art. 14 de notre nouvelle loi démontrent que le jugement rendu contre un étranger est exécutoire par corps, quoiqu'il n'ait pas ordonné cette voie. Ce point a été consacré par un arrêt de Bordeaux, rendu sous l'empire de la loi de 1807. L'identité des termes des deux lois ci-dessus indique qu'on devrait juger encore de même aujourd'hui. (Voy. J. A., t. 39, p. 164.)

4. Nous pensons qu'il faut encore décider, comme sous la loi de 1807, que le privilege de poursuivre par corps un étranger en vertu de tont jugement appartient aux Français seuls. Il ne pourrait être invoqué par un étranger qui jouirait des droits civils en France. Le texte formel de la nouvelle loi s'y oppose comme celui de l'ancienne. (l'oy. J. A, t. 36, p. 14.)

5. Il nous semble aussi que la contrainte par corps peut être exercée autant contre l'étranger mineur que contre celui qui aurait atteint sa majorité. La loi de 1832 est une loi de police protégeant l'intérêt national contre les débiteurs étrangers, quel que soit leur âge. Il en était de même de la loi de 1807. Une jurisprudence constante l'a déclaré, et nous ne voyons pas pourquoi on s'en écarterait. (Voy. J. A., t. 39, p. 181.) Mais il en serait autrement pour les femmes étrangères condamnées envers un Français. L'art. 18 de la loi ne permet d'exercer la contrainte par corps contre elles qu'autant qu'elles seraient stellionataires.

6. Parmi les questions les plus graves auxquelles donnait lieu la loi de 1807, s'élevait celle de savoir si la contrainte par corps pouvait être prononcée contre un étranger en vertu d'un titre que celui-ci aurait souscrit en faveur d'un étranger, et qui, par l'effet d'un endossement ou de toute autre manière, serait devenu la propriété d'un Français. Les arrêts que nous avons rapportés, t. 42, p. 34, prouvent la divergence des opinions consacrées par les tribunaux. Le législateur la connaissait. Il fallait donc y mettre fin par une addition à l'article qui nous occupe.

7. Peut-être aussi aurait-il fallu déclarer que la contrainte par corps a lieu ou n'a pas lieu contre un étranger pour les frais d'un procès; car on avait déjà jugé que la généralité des termes de la loi de 1807 prescrivait de la prononcer pour pareilles causes, à la différence des autres matières. (Metz, 11 févr. 1820, J. A., t. 8, p. 687.) Toutefois, en exigeant une somme principale de condamnation de 150 fr., on peut dire que la loi a proscrit cette jurisprudence. Dans deux articles précédens (1 et 13), elle a employé cette expression pour prohiber la contrainte par corps à raison des dépens. En l'employant ici, elle a agi dans le même but. Elle a fait aux condamnations de dépens prononcées contre des étrangers une application implicite du principe général que les frais ne donnent point lieu à la contrainte par corps. Nous pensons donc qu'elle ne peut avoir lieu contre les étrangers pour cette cause.

ART. 15.

Avant le jugement de condamnation, mais après l'échéance ou l'exigibilité de la dette, le président du tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel se trouvera l'étran

ger non domicilié, pourra, s'il y a de suffisans motifs, ordonner son arrestation provisoire, sur la requête du créancier français.

Dans ce cas, le créancier sera tenu de se pourvoir en condamnation dans la huitaine de l'arrestation du débiteur, faute de quoi celui-ci pourra demander son élargissement.

La mise en liberté sera prononcée par ordonnance de référé, sur une assignation donnée au créancier par l'huissier que le président aura commis dans l'ordonnance même qui autorisait l'arrestation, et, à défaut de cet huissier, par tel autre qui sera commis spécialement.

1. Le 1er de cet article est une copie littérale de l'art. 2 de la loi de 1807. Le 2o consacre un usage adopté par les juges de référé à Paris, qui empêche le créancier d'abuser du droit d'arrestation provisoire. Le 3e prescrit au président qui permet l'arrestation d'un étranger de nommer éventuellement l'huissier qui assignera le créancier en référé pour voir prononcer la mise en liberté de son débiteur. Par là celui-ci obtiendra plus tôt son élargissement.

2. L'art. 2 de la loi de 1807 donnait lieu à une multitude de questions, et il était à désirer que si la nouvelle loi ne les tranchait point toutes, elle proclamât du moins un principe à l'aide duquel elles seraient résolues uniformément par les tribunaux. Elle l'a fait; elle a déclaré (art. 32) que ses dispositions et celles du Code de procédure non abrogées seraient applicables à l'exercice de toutes contraintes par corps, même à la contrainte par corps exercée contre les étrangers. Néanmoins, ajoute-t-elle, pour les cas d'arrestation provisoire, le créancier ne sera pas tenu de se conformer à l'art. 780 C. P. C., qui prescrit une signification et un commandement préalable.

[ocr errors]

3. Ainsi maintenant point de différence pour l'exercice de la contrainte par corps contre un Français ou un étranger en vertu d'un jugement: il faudra suivre les mêmes formes à l'égard de l'un et de l'autre. Plus de difficulté sur le point de savoir si un étranger peut être arrêté après le coucher du soleil, et si des dommages-intérêts lui sont dus en cas de rigueurs illégales. Le ministère public devra être entendu sur sa demande en élargissement. Mais s'il s'agit de l'arrêter provisoirement, en vertu de l'ordonnance d'un président, toutes ces conditions ne sont plus exigées. Il ne s'agit plus que d'exécuter une mesure de police, et leur nécessité disparaît. (Voy. J. A., t. 39, pag. 181, et encore t. 8, pag. 313 et 687.)

4. Avant la loi actuelle on a élevé la question de savoir s'il est nécessaire qu'un Français soit porteur d'un titre incontesté ou incontestable, pour qu'il puisse faire arrêter provisoirement son débiteur étranger. On a soutenu qu'cu permettant au président d'ordonner cette arrestation pour suffisans motifs, la loi de 1807 le laissait maître d'apprécier si d'après les circonstances l'évasion du débiteur était à craindre, et si son créancier avait intérêt réel à le faire saisir avant de le faire condamner. Mais ce pouvoir, disait-on, n'empêchait pas que le titre du créancier ne dût être constant. C'était là une condition indispensable qu'elle supposait. Mais la Cour de Paris décida que l'arrestation provisoire pouvait avoir lieu sur le vu de ti

tres apparens, et cette doctrine doit être encore suivie, puisque la loi nouvelle s'exprime dans les mêmes termes que la loi sous laquelle elle a été émise.

5. Nous pensons encore que l'ordonnance du président autorisant l'arrestation provisoire d'un étranger ne peut être attaquée par voie d'action principale devant le tribunal. Un tribunal n'a aucune attribution pour connaitre du mérite des ordonnances rendues par son président dans les cas que la loi défère spécialement à celui-ci. Il faut les attaquer par la voie de l'ap pel. (Paris, 27 mai 1830, J. A., t. 39, p. 305.) Toutefois on ne saurait considérer ces ordonnances comme des ordonnances de référé; ce sont de véritables décisions judiciaires, et le délai pour en appeler doit être de trois mois. (Cass. 22 avril 1818, J. A., t. 8, pag. 666.) Ajoutons qu'elles constituent toujours un objet indéterminé, et qu'on peut en appeler, quoique la somme due par l'étranger n'excède pas 1000 fr. (Bordeaux, 23 décembre 1828. J. A., t. 35, pag. 25. Arg. de l'art. 20 ci-dessous.)

ART. 16.

L'arrestation provisoire n'aura pas lieu ou cessera, si l'étran ger justifie qu'il possède sur le territoire français un établissement de commerce ou des immeubles, le tout d'une valeur suffisante pour assurer le paiement de la dette, ou s'il fournit pour caution une personne domiciliée en France et reconnue solvable.

1. Répétition de l'art. 3 de la loi du 10 septembre 1807, sur lequel ne s'est guère élevé de difficulté. Les questions qui peuvent se présenter tant à l'égard de la suffisance des immeubles qu'un étranger dit posséder en France, qu'à l'égard de la caution qu'il offre, seront faciles à résoudre pour les tribunaux. Il leur suffira d'examiner si ces biens sont libres d'hypothèque, ou si la caution réunit les qualités requises par Fart. 2018 C. C.

2. Nous ferons observer que l'art. 16 de la nouvelle loi s'applique seulement à l'arrestation provisoire, et que par conséquent un étranger condamne envers un Français ne pourrait se soustraire à l'exécution par corps du jugement obtenu contre lui, soit en justifiant qu'il possède des immeubles dans le royaume, soit en présentant une caution solvable.

ART. 17.

La contrainte par corps exercée contre un étranger en vertu de jugement pour dette civile ordinaire, ou pour dette commerciale, cessera de plein droit après deux ans, lorsque le montant de la condamnation principale ne s'élèvera pas à cinq cents francs;

Après quatre ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à mille francs;
Après six ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à trois mille francs;
Après huit ans, lorsqu'il ne s'élèvera pas à cinq mille francs;'
Après dix ans, lorsqu'il sera de cinq mille francs et au-dessus;

« PreviousContinue »