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la condition qu'il resterait chargé de continuer sa poursuite au lieu et place du sieur Sinnett, qu'il soupçonnait, ainsi que paraissait l'avoir pensé elle-même la dame de Clérambault, avoir intérêt à retarder le moment de son expropriation.

Le 23 juin 1831, jugement par défaut contre Sinnett, du tribunal de la Seine, qui, statuant sur l'assignation du 21 du même mois, donnée à la requête de ce dernier, déclare communs avec le sieur Tellier les jugemens des 22 avril, 16 septembre et 9 décembre ci-dessus mentionnés, et faisant droit aux conclusions de celui-ci, le charge exclusivement de la poursuite.

Sinnett forme opposition à ce jugement. Il en est débouté par autre jugement par défaut du 25 août 1831, qui ordonne en même temps, sur la demande expresse du sieur Tellier, le séquestre du domaine saisi. Nouvelle opposition du sieur Sinnett.

Mais ces incidens n'arrêtent point le sieur Tellier, il n'en poursuit pas moins activement l'exécution du jugement du 23 juin qui lui avait attribué la poursuite de la vente, et qui, d'ailleurs, était exécutoire, nonobstant opposition ou appel.

Le 5 octobre 1831, jugement du tribunal de la Seine qui adjuge préparatoirement le domaine dont il s'agit à Ma Jarsain, avoué près le même tribunal, moyennant le prix de 219,500 fr. Nouvel appel du sieur Sinnett.

Le 27 du même mois d'octobre, jugement du même tribunal qui déboute Sinnett de, son opposition au jugement du 25 août. Appel de la part de Sinnett.

L'adjudication définitive était annoncée pour le 16 novembre

1831.

Mais on ne pouvait y procéder avant que le jugement du 23 juin, qui était la base de toutes les poursuites, eût acquis force de chose jugée, ou que l'appel fût vidé.

Le juge-commissaire fut donc obligé de renvoyer l'adjudication définitive au 4 janvier.

Le 2 janvier 1832, arrêt de la Cour royale de Paris qui, statuant sur les appels joints des quatre jugemens ci-dessus relatés, mit les appellations au néant, ordonna que ce dont était appel sortirait son plein et entier effet, et condamna Sinnett aux dé

.pens.

Le 4 janvier, jour fixé pour l'adjudication définitive, l'avoué du sieur Tellier exposa à l'audience, que les sieurs Beslan, Girard, Nicolas et Dolmanet, les demoiselles Sloper et Townsend, créanciers inscrits sur le domaine de Beauvoir, avaient obtenu la veille (3 janvier 1832), de la chambre des requêtes de la Cour de cassation, sur une demande en réglement de juges, un arrêt portant sursis à toutes poursuites, jusqu'à ce qu'il eût été statué définitivement sur ladite demande en présence des parties intéressées ou icelles dûment appelées.

Le juge-commissaire ne crut pas devoir passer utre, il se

conforma à l'arrêt de surséance. Voici maintenant l'exposé de la procédure par suite de laquelle a été intentée la demande en réglement de juges.

Le 5 octobre 1831, le jour même où le domaine de Beauvoir était adjugé préparatoirement devant le tribunal de la Seine, à la diligence du sieur Tellier, le sieur Beslan, en sa qualité de créancier inscrit sur cet immeuble, le fit saisir réellement.

Le conservateur des hypothèques refusa de transcrire la saisie de Beslan, en se fondant sur l'existence de la saisie antérieure de Tellier, qui n'avait point été rayée, et qui en était restée, comme on l'a vu, à l'insertion pour annoncer la première lecture du cahier des charges.

Le sieur Beslan demanda alors à être subrogé au lieu et place du sieur Tellier dans la poursuite de saisie immobilière.

Le 27 décembre 1831, jugement du tribunal civil de Gien qui accorda la subrogation.

Le sieur Beslan poursuivait l'exécution de ce jugement, lorsqu'il apprit que le domaine de Beauvoir allait être adjugé à Paris, sur publications volontaires après conversion.

Ce fut alors que, pour arrêter cette adjudication, qui, si elle eût eu lieu, aurait rendu inutile la poursuite dirigée à Gien, le sieur Beslan, auquel s'adjoignirent cinq autres créanciers inscrits du sieur Sinnett, forinèrent devant la Cour de cassation une demande en réglement de juges, sur laquelle intervint un grand nombre de créanciers inscrits; le sieur Sinnett fut appelé en cause, mais ne comparut pas.

ARRÊT.

La Cour; - Vu les art. 677, 679, 680, 692, 695, 696, 766, 747 C. P. C.;

Attendu que les intervenans avaient, avant la demande en réglement de juges, intérêt à la vente de la terre de Beauvoir, titres et qualités pour intervenir soit à Gien, soit à Paris; qu'il ne peut dès-lors y avoir aucune difficulté à recevoir les interventions;

Au fond, attendu que, porteur d'un titre authentique exécutoire et hypothécaire, Beslan, usant légalement de son droit, a fait faire, par exploit des 5, 6 et 7 octobre 1831, une saisie immobilière de la terre de Beauvoir, appartenant à Sinnett, son débiteur; que, sur le refus de la transcription de cette saisie à cause de la transcription antérieure de la saisie des mêmes biens à la requête de Tellier, Beslan a formé action en subrogation à la poursuite de Tellier devant le tribunal de Gien, dans l'arrondissement duquel sont situés les immeubles saisis, et que Tellier n'ayant, devant ce tribunal, donné aucune suite à sa saisie, le tribunal de Gien a, par jugement du 27 décembre 1831, subrogé Beslan aux poursuites de Tellier;

Attendu que, par jugement du 22 avril 1830, rendu entre Sinnett et Saint-Geniez, qui avait fait faire, en 1829, une saisie des mêmes biens, sans y donner de suite, le tribunál de la Seine avait converti cette saisie en vente à l'audience des criées à Paris; que, par jugement du 23 juin 1831, Tellier avait été subrogé aux poursuites, sans prononcer cependant ni la conversion ni la radiation de la saisie; qu'il avait été procédé à l'adjudication préparatoire le 5 octobre suivant, c'est-à-dire le jour même où Beslan faisait saisir les mêmes immeubles ; et sur l'appel de cette adjudication, interjeté par Sinnett, les parties étaient encore en instance devant la Cour royale de Paris, lorsque fut rendu à Gien le jugement du 27 décembre 1831. L'adjudication définitive était indiquée au 4 janvier; ainsi au 2 janvier, jour de la demande en réglement de juges, l'adjudication définitive n'avait pas eu lieu. C'est sur cette demande que la vente à l'audience des criées a été suspendue par l'arrêt de soit communiqué, du 3 janvier dernier;

Attendu que l'adjudication préparatoire, quoique susceptible de devenir définitive, n'est cependant que provisoire et conditionnelle; l'adjudicataire cesse inême d'être obligé (art. 707) si son enchère est couverte par une autre, lors même que cette dernière serait déclarée nulle. Cette adjudication purement provisoire et subordonnée ne termine rien; la vente n'est pas consommée ; ainsi, dans l'espèce, l'adjudication préparatoire n'eût-elle pas été l'objet d'un appel à l'époque du jugement rendu par le tribunal de Gien, elle ne peut être ni attributive de juridiction pour le tribunal de la Seine, ni un obstacle à la demande en réglement de juges. La vente est poursuivie en même temps à Gien et à Paris, d'où résulte la nécessité du réglement de juges;

Attendu que la saisie immobilière ne peut être poursuivie, d'après les tit. 12, 13 et 14, liv. 5 €. P. Č., que devant le tribunal de la situation des biens; qu'à ce tribunal appartient exclusivement la connaissance de tous les incidens sur la poursuite de saisie immobilière, et notamment le droit d'ordonner l'adjudication aux enchères devant notaires ou en justice en conforinité de l'art. 747; que, dès-lors, même en admettant que jusqu'à la notification du placard aux créanciers inscrits, prescrite par l'art. 695, la conversion puisse être ordonnée sans leur concours, le tribunal de la Seine n'était pas compétent pour y statuer, et qu'il n'est pas non plus compétent pour procéder à la vente des immeubles saisis; c'est donc devant le tribunal de Gien que doivent être continuées les poursuites en exécution de son jugement du 27 décembre 1831;

· Attendu qu'appelée seulement à prononcer sur la demande en réglement de juges, la Cour de cassation n'a point à s'occuper du fait de savoir s'il a été rendu par le tribunal de la Seine des jugemens dont les dispositions spéciales puissent se concilier avec

les poursuites de Beslan et l'attribution qui en est faite au tribunal de Gien, ou des jugemens dont quelques-unes des parties instanciées à Paris auraient le droit d'invoquer l'application à Sinnett par la force de la chose jugée, tous les droits et exceptions des parties leur demeurant réservés sur ce point :

Donne défaut contre Sinnett, reçoit les interventions, et statuant sur les demandes, fins et conclusions des parties, sans avoir égard aux jugemens et arrêts rendus par le tribunal de la Seine et la Cour royale de Paris, qui sont déclarés nuls et non avenus dans les dispositions par lesquelles la saisie de Saint-Geniez a été convertie en vente à l'audience des criées à Paris, et par lesquelles il a été donné suite à cette conversion, notamment en ce que Tellier a été subrogé aux poursuites, et en ce qu'il a été procédé à une adjudication préparatoire; ordonne que la vente de la terre de Beauvoir sera poursuivie devant le tribunal de première instance de Gien, en exécution du jugement rendu par ce tribunal le 27 décembre 1831; déclare le présent arrêt commun avec les intervenans.

Du 25 avril 1832. Ch. des req.

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OBSERVATIONS.

Cet arrêt important est de nature à exercer une grande influence sur la marche soùvent suivie en matière de saisie immobilière. En effet, il arrivait qu'une saisie immobilière faite sur des biens situés à l'extrémité de la France était convertie en vente volontaire à Paris, et qu'ainsi la poursuite se faisait loin de l'immeuble et quelquefois loin des principaux intéressés à la saisie. C'était un abus : il ne se renouvellera plus, lorsque les créanciers dont cette manière de procéder blesserait les droits voudront réclamer et invoquer en leur faveur la jurisprudence de la Cour suprême.

Comme l'arrêt l'a consacré, le système du demandeur en réglement de juges consistait à dire que la conversion d'une saisie immobilière en vente volontaire, étant un incident à cette saisie, devait être, ainsi que la saisie elle-même, portée devant le tribunal de la situation des biens. Il y a à ce sujet attribution de juridiction.

On a opposé que la conversion n'était pas un litige; que c'était un contrat entre les parties, et que là où il n'y avait à faire aucun, acte de juridiction proprement dit, rien ne pouvait s'opposer à ce qu'un tribunal, autre que celui de la situation des biens saisis, fût celui devant lequel la vente volontaire serait poursuivie.

Mais, quoiqu'il n'y ait pas absolument litige, il n'est pas moins vrai qu'il y a instance devant un tribunal; il y a une saisie sur l'effet de laquelle il faut prononcer, puisque c'est en vertu de la saisie qu'on procède à la vente volontaire.

D'ailleurs le législateur, en plaçant l'art, 747 au titre des incidens en matière de saisie immobilière, a clairement démontré qu'il considérait la conversion en vente volontaire comme un incident qui doit être nécessairement porté devant le tribunal de la situation des biens, comme la saisie elle-même.

Il y a une question très-grave qui avait été soulevée dans les mémoires produits devant la Cour, et dans les plaidoiries :

C'est celle de savoir quels sont, dans le sens de l'art. 747 C.P.C., les intéressés dont le consentement est nécessaire ? Les intéressés sont-ils, avant la dénonciation aux créanciers inscrits, le saisissant et le saisi seulement ?

Dans l'espèce, la conversion avait été ordonnée avant la dénonciation aux créanciers inscrits, et du consentement seul du saisi et du saisissant. Cette conversion était-elle valable?

La Cour de cassation ne s'est point expliquée sur ces questions; elles sont graves. Mais quelle que soit la solution qu'on croie devoir leur donner, elle n'influera pas sur la question principale de compétence, qui est entièrement indépendante de la difficulté. relative à l'interprétation du mot intéressés.

Voy. du reste l'arrêt suivant.

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1o Avant la notification de la saisie aux créanciers inscrits, le saisissant et le saisi peuvent seuls, et sans le concours des créanciers, consentir la conversion de la saisie en vente volontaire.

2o Les créanciers inscrits qui n'ont pas été appelés lors du jugement de conversion peuvent l'attaquer par tierce-opposition.

(Bodin de Saint-Laurent C. Perthuis et Rigoult.)

Une saisie fut pratiquée sur les biens de madame de Rigoult, à la requête du sieur de Perthuis. Dès le lendemain de cette saisie, M. et madame de Rigoult assignèrent le saisissant pour voir ordonner la conversion de la saisie en vente volontaire.—Le 23 décembre 1830, un jugement du tribunal de Charleville ordonna la conversion, du consentement du sieur de Pertuis et d'un autre créancier.

Les choses étaient en cet état lorsque, par procès-verbal des 30 et 31 décembre 1830, le sieur Bodin de Saint-Laurent pratiqua une saisie immobilière sur les biens déjà saisis par le sieur de Perthuis.

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