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Quant à la manière de transcrire les jugemens de rectification des actes de l'état civil et de délivrer les actes rectifiés, il suffit de consulter les articles 101 C. C., 857 C. P. C. et un avis explicatif du Conseil d'État, que nous avons rapporté t. 1, p. 238. Il faut bien observer que, quoique aux termes de l'article cité du premier de ces Codes, l'officier de l'état civil doive inscrire les jugemens de rectification aussitôt qu'ils lui seront remis (1), néanmoins il doit s'assurer légalement si le jugement n'est pas attaqué. Il devra se faire délivrer un certificat du greffier, constatant qu'aucune opposition et qu'aucun appel n'ont été formés contre cette décision (art. 148 C. P. C.). Et même, comme les exécutions précipitées d'un pareil jugement pourraient être irréparables, il semble qu'il conviendrait de surseoir à le transcrire jusqu'à ce qu'il n'y eût plus moyen possible de le faire réformer. Toutefois la loi ne le dit point, et même l'on doit tenir que si le jugement a été rendu sur simple requête et sans que le tribunal ait ordonné d'appeler les intéressés, l'exécution devrait en avoir lieu immédiatement, puisque les juges ont pensé qu'il n'y avait pas de contradicteurs à opposer au demandeur.

Or, il peut arriver qu'un jugement de rectification, ayant été transcrit et mentionné en marge de l'acte rectifié, soit attaqué et réformé. En ce cas, faudra-t-il, en transcrivant le jugement de réformation,rayer la transcription et la mention du premier jugement? Nous ne le pensons pas, et nous nous fondons sur ce que l'art. 857 C. P. C. défend de faire aucune rectification, aucun changement sur les actes. Mais l'expédition de l'acte devra porter les deux mentions; cela sera nécessaire pour qu'on reconnaisse les changemens qu'il a subis.

Nous terminerons par faire observer que les règles que nous avons tâché de tracer ne sont pas rigoureusement applicables aux cas où des parties voudraient faire corriger quelques erreurs, telles que des omissions de prénoms ou des fautes d'orthographe dans des actes de l'état civil. Il leur suffirait de se conformer à un avis du Conseil d'État, du 19 mars 1808 (2). Nous ne croyons pas non plus devoir nous occuper du mode des poursuites, soit civiles, soit criminelles, que le ministère public peut intenter à raison des actes de l'état civil. Enfin nous ne dirons rien sur les changemens et additions de noms ou de surnoms opérés en vertu d'une ordonnance royale, sur la demande de ceux qui les désirent. La loi du 11 germinal an 11 contient les règles à suivre à cet égard,et jusqu'à présent elles n'ont présenté aucune difficulté dans leur application. Toutefois il faut prendre garde de ne pas appliquer cette loi au-delà de son objet, et ce serait le faire que de réclamer la rectification d'un nom patronymique, tout en paraissant demander le changement de ce nom. On présenterait ainsi au pouvoir administratif une demande exclusivement attribuée à l'autorité judiciaire (3).

(1) Nous avons dit dans notre Commentaire sur le Tarif, t. 2, p. 334, no 61, qu'on devait les lui signifier: c'est pour le cas seulement où il y aurait refus de sa part. Car une lettre du préfet de la Seine aux maires de son dépar tement, en date du 6 avril 1808, porte: Toutes les fois qu'un jugement vous sera signifié par huissier ou remis par les parties, vous commencerez par le transcrire.

Voy. t. 1, p. 239, vo Acles de l'état civil, no 6.
Rennes, 15 fév. 1826, t. 35, p. 116.

DISSERTATION.

Jugement par défant.-Contrainte par corps.-Opposition.

Le tribunal qui par un jugement par défaut a condamné le défendeur seulement par les voies ordinaires, quoique le demandeur ait conclu à la contrainte par corps contre lui, peut-il, sur l'opposition du défaillant, prononcer ce dernier mode d'exécution qu'il n'a point ordonné par sa première décision?

Au premier abord, cette question ne semble présenter aucune difficulté; quand on considère en quoi consistent les conséquences de l'opposition à une décision par défaut, on n'hésite pas à pencher pour l'affirmative. En effet, celui qui forme opposition pour faire réformer la condamnation contre lui prononcée, remet en question tout ce qui a été jugé. Il est incontestable que sa condamnation s'évanouit et qu'il se trouve envers son adversaire dans le même état que si la demande de celui-ci n'avait point été accueillie. Alors recommence en entier la contestation en cause, et l'on a jugé avec raison que la partie condamnée par défaut peut, sur son opposition, proposer un déclinatoire, sans que son adversaire ait droit de lui objecter que cette exception n'est pas invoquée in limine litis. (V. J. A., t. 16, p. 334, vo Jugement par défaut, no 53.) Par la même raison que l'instance recom→ mence avec le défendeur, le demandeur peut la reprendre ainsi qu'il l'entend, et augmenter ses conclusions. Les juges devront y faire droit sans les rapprocher de celles qu'il a prises avant leur décision par défaut, et quelle que soit la différence qu'on remarquerait entre les unes et les autres.

Un motif d'analogie rend ce point d'une vérité frappante; supposez que deux parties comparaissent à l'audience au premier appel de leur cause, et y posent des conclusions. La cause est mise au rôle et y reste un temps plus ou moins long avant d'être plaidée. Durant tout ce temps, le demandeur, qui, dans ses premières conclusions, a omis de réclamer l'exécution provisoire, ou bien la contrainte par corps, pourra sans contredit signifier de nouvelles conclusions à cet effet. Son adversaire n'aura pas s'en plaindre, parce qu'il pourra repousser les demandes additionnelles qu'elles contiennent, et que les juges en feront justice. Or, peu importe que la cause soit mise au rôle après la comparution du défendeur sur la première assignation à lui donnée, ou qu'elle y soit placée après qu'un jugement par défaut a été rendu contre lui, et qu'il s'est présenté pour la première fois sur l'assignation en débouté de l'opposition qu'il a faite à ce jugement.

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Sa position est la même. Aucun jugement n'est censé avoir été rendu contre lui, et l'instance recommence entre lui et son adversaire. Celui-ci pourra donc augmenter les conclusions qu'il a prises.

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A plus forte raison semble-t-il naturel de décider qu'une partie, en demandant le débouté de l'opposition à la condamnation par défaut qu'elle a obtenue, puisse conclure à la contrainte par corps qu'elle a demandée en provoquant cette condamnation car elle ne fait que répéter des conclusions qu'elle a déjà prises, Elle redemande ce qu'elle a réclamé. Tout cela résulte du principe que l'opposition à un jugement par défaut remet la conteslation au même état qu'avant le jugement,

Mais, dit-on, n'est-ce pas là donner trop d'étendue à ce principe? En faisant renaître la contestation entre les parties, quel effet doit produire l'opposition par rapport à ce qu'a fait le tribunal en jugeant par défaut ? N'est-il pas évident qu'il se réduit à détruire, uniquement en faveur du défaillant, le jugement rendu en son absence? Get anéantissement est tout dans son intérêt. Il a pour but de le rétablir dans la même position que s'il n'ayait jamais été condamné. La condamnation prononcée contre lui doit donc tomber et faire place à une nouvelle, si ses moyens de défense ne sont pas accueillis après l'examen que les juges sont tenus d'en faire. Avant de le condamner par défaut, ils ne les ont pas entendus; il faut donc qu'ils les examinent avant de prononcer sur l'opposition pratiquée contre leur jugement.

Or, ajoute-t-on, il n'en est pas de même du demandeur. Il y a présomption légale que ce n'est pas sans l'entendre que le tribunal lui a adjugé sa demande par défaut contre le défendeur, Car l'art. 150 C. P. C. porte que le défaut sera prononcé sur l'appel de la cause, et les conclusions de la partie qui le requiert seront adjugées si elles se trouvent justes et bien vérifiées. Il résulte de la que la partie qui a obtenu le défaut ne saurait, comme celle contre laquelle elle l'a fait prononcer, dire que ses conclusions ne lui ont pas été adjugées en connaissance de cause, et que, par l'effet de l'opposition de son adversaire, elles sont remises en question devant les juges. En adjugeant ces conclusions, les magistrats ont bien rendu une condamnation par défaut a l'égard du défaillant; mais, à l'égard du demandeur qui les a prises ils ont statué contradictoirement avec eux-mêmes, c'est-à-dire en vérifiant s'ils devaient les adjuger. Le demandeur ne pourrait done faire tomber ce jugement qu'il a provoqué lui-même. En dernière analyse, toute la question se réduira à savoir s'il doit en être de même lorsque le jugement ne lui adjuge pas toutes les conclusions qu'il a prises. Or, de deux choses l'une ou le ribunal a formellement rejeté une partie de sa demande, ou bien il a omis de statuer sur cette même partie. En d'autres termes, et pour rentrer dans l'espèce même que nous supposons, le tribunal a condamné le défendeur envers le demandeur, mais

il a refusé formellement de prononcer la contrainté par corps au profit de celui-ci, ou bien il a omis seulement, formâ negandi, de prononcer cette contrainte.

Au premier cas, il faut dire que les juges ont vérifié les conclusions du demandeur, et que s'ils ont refusé de lui accorder la contrainte par corps, ils l'ont fait parce que la loi s'y opposait. Ils ont réellement jugé qu'il y avait impossibilité légale de l'ordonner. Or, ce chef de jugement a été un chef réellement contradictoire entre le demandeur qui concluait à la contrainte par corps, et le ministère public, qui a dû être nécessairement entendu, puisqu'il s'agissait d'une question sur laquelle il devait porter la parole. C'est là un point sur lequel les juges ne peuvent plus revenir, sans excès de pouvoir. Or, cette impossibilité reste toujours la même, quoique le défendeur condamné par les voies ordinaires fasse opposition à la condamnation. Il n'en est pas moins vrai qu'il a été jugé avec le demandeur que cette condamnation ne sera pas exécutée par corps. L'opposition ne peut avoir pour effet de remettre en litige ce point jugé en faveur du défendeur. Le demandeur ne pourrait dire que sa demande primitive est toute remise en question, Le défendeur lui répondrait que par son opposition il a bien remis en cet état la condamnation prononcée contre lui faute de se défendre, mais non pas la décision rendue en sa faveur sur un des chefs de la demande dirigée contre lúi.

Maintenant, disent toujours les partisans du même système, supposons qu'au lieu de refuser de prononcer la contrainte par corps à laquelle le demandeur concluait par défaut contre le défendeur, les juges arent seulement omis de la prononcer. En ce cas comme dans le précédent, ils auront simplement condamné le défendeur par les voies ordinaires. Il est vrai qu'on peut dire qu'ils n'ont pas précisément décidé que la contrainte par corps ne pouvait avoir lieu, et qu'il y a chose jugée à cet égard. Mais il n'en est pas moins certain que si le défendeur ne formait pas opposition au jugement qui ne prononce pas la contrainte par corps, le demandeur ne pourrait plus faire ordonner par le tribunal que cette voie d'exécution soit exercée; car le tribunal répondrait avec raison qu'il ne peut plus modifier les jugemens qu'il a rendus: c'est là un point incontestable. Or, si, au lieu de rester dans l'inaction, le défendeur défaillant fait opposition à sa condamnation, le demandeur sera toujours sans droit de demander une addition au jugement par défaut, en vertu de laquelle cette décision soit exécutée par corps. Le tribunal n'aura toujours qu'à statuer s'il y a lieu de débouter de l'opposition formée contre son jugement, tel qu'il a été prononcé : mais il ne pourra plus rien y changer ni ajouter. Toutefois il faut reconnaître co droit au tribunal, si en refusant ou en omettant de prononcer la contrainte par corps dans son jugement par défaut, il avait déclaré

que quant à présent, en l'absence d'un débat contradictoire, il ne pouvait adjuger sur ce point les conclusions du demandeur. Ainsi supposons que le demandeur ait allégué que la contrainte par corps devait être prononcée contre le défendeur défaillant, et que pour preuve il ait présenté des faits dont la vérification exige la présence de celui-ci, ou l'exhibition de pièces de sa part. Le tribunal ne s'est pas suffisamment éclairé sur la demande qu'on lui fait; elle ne lui sera pas justifiée complètement. Toutefois il ne la croira peut-être pas dénuée de fondement, et d'un autre côté il la croira entièrement fondée quant au chef principal: alors il condamnera le défaillant à payer, mais il déclarera que quant à présent il n'y a lieu de statuer sur la demande en exécution par voie de contrainte par corps. Alors il faut dire que le demandeur pourra renouveler cette demande et se la faire adjuger lorsque le défendeur viendra faire opposition au jugement. Celui-ci ne pourra objecter que le tribunal a jugé que la contrainte par corps ne devait pas être prononcée. Les juges répondront qu'ils n'ont pas statué sur ce point, qu'ils ont sursis à y statuer, et qu'en le jugeant actuellement, ils n'ajoutent rien à leur décision originaire, qu'ils n'ont pu rendre qu'au principal et non sur le mode d'exécution que le demandeur voulait y faire attacher.

Or, cette hypothèse est bien différente de celle où le tribunal aurait formellement refusé de prononcer la contrainte par corps contre le défendeur dans son jugement par défaut, et de celle où il aurait omis de la prononcer. Dans ces deux cas, on doit décider qu'il y a impossibilité pour le demandeur de faire prononcer cette contrainte, si le défendeur fait opposition à la condamnation. Vainement voudra-t-il justifier que la loi imposait au tribunal le devoir de condamner son adversaire par corps, et que l'opposition doit donner au demandeur en débouté le droit d'attaquer incidemment le jugement par défaut, de même que l'appel principal donne à l'intimé le droit de faire réformer incidemment le jugement dont est appel; il faudra toujours en revenir à ces deux règles insurmontables: qu'un tribunal ne peut rien changer à ce qu'il a jugé, sous prétexte qu'il a mal jugé par erreur. Le demandeur pourra interjeter appel, et faire décider par la Cour royale que la contrainte par corps a été refusée à tort par les premiers juges.

Quant à nous, nous n'admettons nullement cette doctrine compliquée, comme on le voit, par plusieurs distinctions; nous pensons qu'il ne peut y avoir chose jugée entre deux parties que lorsque chacune a fait valoir ses moyens. Or, il n'en est pas ainsi lorsque, sur le défaut du défendeur, le demandeur prend un jugement contre lui. Ainsi donc le défendeur qui a été condamné par défaut, et seulement par les voies ordinaires, envers le demandeur, ne peut soutenir qu'il y a eu, sur les conclusions de celuici tendantes à la contrainte par corps, la contradiction nécessaire

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