Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Le tribunal qui, pour fixer le prix d'un office, a pris l'avis de la chambre du corps du titulaire, ne doit pas faire dépendre son jugement uniquement de l'appréciation qu'elle a faite (1).

(Devillez C. Barthélemy.)

Les héritiers de Mc Devillez, notaire, étaient en instance devant le tribunal civil de Verdun, sur le partage de sa succession, et parmi les valeurs qu'un des héritiers avait à rapporter à la masse, se trouvait le prix de l'étude de son père, auquel il avait succédé dans sa place de notaire.

Par un jugement du 1er juin 1831, le tribunal de Verdun ordonne « que dans la liquidation à laquelle doit procéder M Baudot, notaire à Etain, en exécution du jugement du tribunal, du » 19 avril 1830, figurera la valeur que l'office de notaire, dans » lequel le sieur Devillez a succédé immédiatement à son père, » pouvait avoir lors de la transmission et pour la somme qui sera » déterminée par une délibération de la chambre des notaires de Parrondissement de Verdun, laquelle somme sera productive » d'intérêts au profit des communauté et succession à liqui » der, à compter du jour du décès du sieur Devillez père. » →→ Appel,

ARRÊT.

En ce qui touche l'appel de la partie de Châtillon:-Attendu que si, pour fixer la valeur de l'office de notaire dont Joseph-Nicolas Devillez était titulaire en 1816, les premiers juges pouvaient ordonner une expertise ou prendre l'avis de la chambre des notaires de l'arrondissement, ils n'ont pu cependant faire dépendre uniquement de son appréciation le réglement de cette valeur, et lui déférer à cet égard une sorte d'arbitrage; Infirme. Du 9 mars 1832.

العلاقة

[ocr errors]

(1) Quoique cette décision ait été rendue par rapport à l'étude d'un notaire, nous croyons devoir la recueillir, parce qu'elle est applicable à toutes sortes d'offices.

1

[ocr errors]
[blocks in formation]

4° Avoué.luissier. Copies de pièces.

1o Les juges peuvent condamner un avoué personnellement aux dépens d'une instance qu'ils reconnaissent avoir été introduite dans son intérêt et celui de ses confrères, sous le nom d'un client interposé. (Art. 132, 1031 C. P. C., 102 Déc. 30 mars 1808.)

2o L'avoué condamné personnellement aux frais d'une instance qu'il a lui-même intentée et dirigée sous le nom de ses cliens, ne peut arguer de ce que les juges l'ont condamné sans l'avoir entendu. (Art. 14, tit. 2, L. 24 août 1790.)

3o Est suffisamment motivé le chef d'un arrêt qui rejette les conclusions d'un avoué, tendantes à être déchargé d'une condamnation aux dépens prononcée contre lui en première instance sans qu'on l'ait entendu, si cet arrêt déclare que les premiers juges ont statué en sa présence après la plaidoirie de ses moyens, et qu'il a dirigé l'instance dans son intérêt uniqite sous le nom de personnes interposées. (Art. 7 Déc. 20 avril 1810.)

4° Aux huissiers seuls appartient le droit de rédiger et certifier la copie d'une citation en conciliation. (Art. 27, 28, 29, 89, Déc. 17 fév. 1806.)

(Me Millard C. Barré-Deschamps.)

L'huissier Barré-Deschamps fut sommé par les sieurs Sigas et Pellerin de recevoir, pour les signifier, quatre originaux et cinq copies d'exploits de citation rédigés et écrits dans l'étude de Me Millard, avoué, avec offre de payer 12 fr. 40 c. Refus de l'huissier, qui se fonde sur une délibération de la chambre des huissiers de Charleville, et offre de rédiger les exploits sur les notes qu'on lui remettra. Sur ce refus, Sigas et Pellerin l'assignent devant le tribunal de cette ville, pour s'y voir contraindre à signifier les actes préparés, et condamner à des dommages et intérêts; ils constituent pour leur avoué Ma Millard, dans l'étude duquel ces actes avaient été rédigés.

19 juin 1830, jugement en faveur de l'huissier, et dont voici les termes : Considérant que la loi, en accordant aux huissiers un salaire pour chacun des actes de leur ministère, a, par cela même, reconnu le droit, ou plutôt imposé le devoir de rédiger les actes qui sont de leurs fonctions; que ces droits et ce devoir sont une conséquence plus rigoureuse encore de la responsabilité que la loi a fait peser sur les huissiers; qu'ils résultent encore des garanties que les huissiers doivent présenter sous le rapport de

la capacité (art. 10 du régl. du 14 juin 1813); que si les huissiers doivent réunir toutes les connaissances qu'exige l'exercice de leur ministère, s'ils encourent la responsabilité de tous les actes qu'ils peuvent signifier, on ne comprend pas le motif qui pourrait leur faire imposer le rôle auquel la prétention des demandeurs voudrait les faire descendre; on ne conçoit pas pour les huissiers l'obligation de subir une dépendance dont les autres officiers ministériels se voient à juste titre affranchis; que si les huissiers ne peuvent excéder les bornes de leur ministère (article 132 C. P. C.), ils doivent, d'un autre côté, en remplir les devoirs; qu'un de leurs principaux devoirs est de rédiger euxmêmes les actes que la loi a voulu leur conférer; que c'est en se renfermant dans cette mesure, qu'ils justifieront la confiance qui leur a été accordée; qu'en admettant, comme on doit le faire en l'absence d'un désaveu, que Sigas et Pellerin aient chargé Millard d'introduire l'instance actuelle, toujours est-il que cet avoué est reprochable de n'avoir pas indiqué à ses cliens la marche légale qu'ils avaient à suivre pour yaincre le refus de Barbé-Deschamps, qu'ils ne supposaient pas fondé sur une cause valable; qu'il devait présenter requête au président, pour enjoindre à l'huissier, en exécution de l'art. 42 du réglement du 14 juin 1813, combiné avec l'art. 85 du décret du 18 juin 1811; qu'ainsi il a exploité en pure perte les frais de la présente instance, et formalisé une procédure frustratoire, qui doit être à sa charge, aux termes de l'art. 1031 C. P. C.

Appel par Sigas, Pellerin et M Millard, qui conclut à l'infirmation de ce jugement, comme l'ayant condamné aux dépens sans l'avoir entendu.

22 décembre 1830, arrêt confirmatif de la Cour de Metz, par les motifs suivans : « Attendu que l'instance n'a évidemment pour but que de faire décider que les huissiers seront tenus de signifier les exploits, dont les originaux et les copies ont été préparés par les avoués; attendu que le peu de fondement de cette prétention se trouve déjà établi dans les motifs du jugement dont est appel; qu'en effet, la loi investissant les huissiers des droits de faire des exploits, les a virtuellement chargés de leur rédaction; que cette règle ne pouvait souffrir d'exception que dans peu de cas, celui, par exemple, où on enverrait de loin à un huissier un exploit rédigé à la suite de copies nombreuses, et dont la signification serait préparée; attendu que c'est dans l'intérêt seul des avoués, à la tête desquels s'est placé Millard, que l'instance a été engagée; que c'est lui qui a prêté son ministère à des gens apostés par lui; que c'est lui présent et à son assistance, que l'affaire a été poursuivie, et que les moyens ont été plaidés; que c'est donc avec justice que sa prétention ayant été rejetée, il a été condamné personnellement aux dépens; attendu que c'est encore dans son intérêt seul que l'appel a été in

[ocr errors]

terjeté, quoiqu'il se soit fait accompagner par ses deux mannequins. »

Pourvoi par M Millard, Sigas et Pellerin. Le premier invo-. que trois moyens de cassation: il soutient 1° que la Cour de Metz a violé les art. 132, 1031 C, P. C., et 102 du décret du, 30 mars 1808. L'avoué Millard, a-t-on dit pour lui, a été condamné aux dépens en son nom personnel pour n'avoir pas indiqué à ses cliens la marche légale à suivre pour vaincre le refus de l'huissier Barré-Deschamps. Or, il n'a donné là qu'un conseil ; il n'a commis qu'une erreur. Le jugement reconnaît même que ses cliens l'avaient chargé d'introduire l'instance en leur nom. Or, il est de principe que des officiers ministériels ne peuvent être condamnés personnellement aux dépens que lorsqu'ils sont en contravention aux lois ou réglemens (art. 102 C. P. C.), lorsqu'ils excèdent les bornes de leur ministère (art. 132), lorsqu'ils font des actes nuls, frustratoires, ou donnant lieu à des amendes.

Le deuxième moyen de cassation présenté par M. Millard résultait de ce que le tribunal de première instance l'avait condamné d'office, sans réquisition du ministère public, sans conclusions prises contre lui par l'adversaire de ses parties. En confirmant cette décision, la Cour de Metz s'en est approprié le vice et a violé l'art. 14, tit. 2 de la loi du 24 août 1790, d'après lequel nul ne peut être jugé qu'après avoir été entendu.

7

Me Millard tirait son troisième moyen de la violation de l'article du décret du 20 avril 1810, en ce que la Cour royale avait, sans donner de motifs, rejeté ses conclusions, qu'il avait fondées sur ce que les premiers juges l'avaient condamné sans l'entendre.

Quant à Sigas et Pellerin, ils ont soutenu que la Cour de Metz a faussement appliqué le décret du 13 juin 1813, en jugeant que les avoués n'ont pas droit de rédiger et de faire copier les originaux des exploits qui, même dans l'espèce, se rattachent à une instance dans laquelle ils doivent occuper.

ARRÊT.

La Cour;-Sur le premier moyen :-Attendu qu'il a été reconnu et déclaré en fait que l'avoué Millard avait intenté l'action contre Barré-Deschamps sous le nom de Sigas et Pellerin, personnes interposées dans son intérêt et dans l'intérêt des autres avoués, et fait interjeter appel dans son intérêt seul; d'où l'arrêt a pu, sans violer aucune loi, et en faisant, au contraire, une juste application des règles de la justice, tirer la conséquence que Millard devait être condamné, en son nom personnel, aux dépens;

Sur le deuxième moyen : Attendu que le jugement dont était appel avait été rendu contradictoirement avec Sigas et Pellerin dont Millard était même l'avoué; d'où la conséquence que

Millard á été entendu, soit personnellement et individuellement, comme avoué, pouvant, à ce titre, être déclaré passible de la procédure frustratoire faite par lui, soit par la défense de Sigas et Pellerin, ses prête-noms, et que dès-lors le tribunal de première instance n'a pas méconnu le principe légal, naturel et sacré, que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu;

Sur le troisième moyen :-Attendu qu'en considérant l'avoué Millard comme ayant prêté son ministère à des gens apostés par lui, que c'était lui présent et à son assistance que l'affaire avait été poursuivie, que ses moyens avaient été plaidés. La Cour royale a suffisamment et même explicitement motivé le rejet de la nullité prise de ce que, suivant lui, il avait été jugé sans être entendu ;

- Attendu, en droit, que l'huissier ayant seul droit d'imprimer, comme officier public, le caractère d'authenticité à l'exploit qu'il signific, la règle générale est que l'exploit et les copies de pièces signifiées avec l'exploit sont l'œuvre de l'huissier, et que l'émolument lui en appartient; c'est par exception et seulement pour les actes signifiés pendant le cours des procès, que la faculté de s'immiscer dans un acte d'huissier, par une copie de pièces à signifier en tête de cet acte, a été accordée à l'avoué; mais en dehors de l'instance dans laquelle il est constitué, l'avoué n'est plus qu'un simple particulier qui ne peut avoir ni droit ni qualité de s'interposer entre la partie et l'huissier, et de restreindre l'émolument que le Tarif accorde aux huissiers pour les actes de leur ministère; - Rejette.

Du 22 mai 1832. — Ch. civ.

OBSERVATIONS.

Cet arrêt est d'une haute importance pour les avoués. Non-sealement il juge la question relative à la rédaction des actes si controversée entre eux et les huissiers, et sur laquelle la jurisprudence ne sera bien fixée que lorsque la chambre civile de la Cour suprême aura statué, mais encore plusieurs points relatifs à la condamnation aux dépens, qui peut être prononcée contre les avoués. Il décide, non pas d'une manière générale, qu'un avoué doit être condamné personnellement aux dépens d'une instance quí l'intéresse; mais il déclare seulement que, dans l'espèce posée, la Cour de Metz a reconnu, en fait, que Me Millard était seul intéressé à l'instance par lui introduite sous le nom de ses cliens, Après une pareille reconnaissance, la Cour suprême devait naturellement juger que la Cour royale avait bien statué en le condamnant aux frais. Mais il est probable que le moyen présenté sur ce point par Me Millard eût été accueilli, si, dans l'arrêt attaqué, il n'avait pas été formellement déclaré que l'instance était toute dans son intérêt; car alors il aurait fallu nécessairement voir dans cette décision une violation des art. 132, 1031

« PreviousContinue »