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C.P.C., et 102 du déc. du 30 mars 1808, qui n'autorisent à condamner un avoué aux dépens d'une instance que dans des cas bien déterminés, dont aucun ne se présentait dans la cause: c'est ce qu'a fait sentir M. le conseiller Mestadier, chargé du rapport de l'affaire. « Ce n'est pas, a-t-il dit, comme ayant excédé les bornes de son ministère que l'avoué Millard a été condamné en son noin personnel, aux dépens du procès; il a été condamné pour avoir fait des actes frustratoires; il a été condamné surtout comme étant personnellement intéressé dans la cause, comme la partie principale sous les noms interposés de Sigas et de Pellerin, ses cliens. N'est-ce pas un arrêt motiyé sur le fait plutôt que sur le droit? Pouvez-vous dire qu'il a été fait une fausse application de la loi, en condamnant aux dépens un avoué déclaré, par le jugement de première instance, coupable d'avoir fait une procédure frustratoire, un avoué déclaré, par l'arrêt, coupable d'avoir intenté, dans l'intérêt seul des avoués, une action contre l'huissier sous le nom de personnes interposées par lui? un avoué coupable d'avoir interjeté appel dans son intérêt seul? »

Le deuxième moyen présenté par M Millard avait, selon nous, une assez grande force. Il est vrai qu'il avait dirigé lui-même l'action intentée en son intérêt et sous le nom de ses cliens; mais que s'ensuivaft-il? c'est qu'il n'aurait pu attaquer, comme n'ayant pas été entendu, le chef du jugement repoussant cette action au fond. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'avait pas plaidé sur le point de savoir s'il devait être condamné personnellement aux dépens. Ce point était tout autre que celui sur lequel il avait défendu ses cliens et en même temps lui-même. Il ne pouvait pas même être abordé raisonnablement par Me Millard, car l'huissier Barré-Deschamps n'avait nullement conclu à une condamnation personnelle aux frais. D'un autre côté, le ministère public ne l'avait pas requise. Comment donc Me Millard pouvait-il être réputé comme s'étant défendu et par conséquent comme ayant été entendu sous ce rapport par les juges qui l'avaient condamné?

Le défaut de motif sur ce point de la part de la Cour royale n'était pas invoqué sans fondement par Me Millard. Cette Cour a bien considéré dans son arrêt, ainsi que l'a reconnu la Cour suprême, que Me Millard avait prêté son ministère à des gens apostés par lui; que c'était lui présent et à son assistance que l'affaire avait été poursuivie; que ses moyens avaient été plaidés. Mais quels étaient ses moyens? c'étaient évidemment ceux sur le fond de la cause, et non ceux sur la condamnation personnelle aux dépens imprévue pour lui, et qu'il n'avait par conséquent tâché de prévenir par l'exposé d'aucun moyen.

Quant à la question du fond, si débattue entre les huissiers et les avoués, nous croyons avoir tout dit ou rapporté tout ce qui a été dit de plus saillant. (V. suprà, p. 22 et 81.) Nous ajouterons seulement les observations de M. Mestadier sur ce point im

portant: « Il s'agit dans la cause non pas de l'exploit introductif d'instance portant constitution d'avoué; il ne s'agit pas non plus d'une signification à faire dans le cours d'une instance, ni de la signification d'un jugement contradictoire ou par défaut; il s'agit d'une citation en conciliation en tête de laquelle aucune pièce ne devait être signifiée; il s'agit de la citation elle-même qui avait été rédigée et transcrite sur papier timbré, dans l'étude d'un avoué, en quatre originaux et cinq copies. Nul doute sur l'intérêt réel des parties de faire rédiger avec soin les premiers actes de poursuite; et les avocats, les avoués offrent bien plus de garantie que les huissiers; aussi les huissiers ne refusent-ils pas de recevoir les projets qui leur sont apportés par les parties', projets dont la transcription littérale ne les prive d'aucun droit; mais ici ce sont les originaux et les copies tout rédigés qui ont été présentés à l'huissier et refusés par lui. Déjà cette question a été solennellement discutée devant vous; vous avez admis une requête sur la question relative au droit de copie d'un jugement non encore signifié; mais, par arrêt de rejet du 24 août 1831 (V.J. A., t. 40, p. 573), vous avez si nettement posé les principes, vous avez fait si clairement la distinction entre les actes. et les fonctions, qu'il me paraît suffisant de le remettre sous vos yeux. Dans l'espèce actuelle, c'est un exploit, et ce n'est qu'un exploit; ce n'est pas autre chose. Ce n'est pas même un exploit d'assignation devant le tribunal; c'est un préliminaire, un acte préalable, un appel à la partie dans le temple de la concorde, et les avoués en sont même exclus (1). »

COUR DE CASSATION.

Saisie immobilière. - Emphyteose. - Hypothèque.

La jouissance emphyteotique est susceptible d'hypothèque, et peut être vendue sur saisie immobilière (2).

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La Cour; - Attendu que les règles concernant l'emphyteose

(1) En cette qualité, car ils ont tous le droit de représenter les parties à titre de mandataires.

(2) Nous avons rapporté dans notre t. 40, p. 298 et suiv., l'arrêt de la Cour de Paris du 10 mai 1831, contre lequel il y a eu pourvoi; nous l'avons combattu, et notre conviction n'a pas changé ; le principal motif de la Cour de cassation paraît être tiré de ce que le preneur peut vendre, échanger et donner l'objet de l'emphytéose, sauf les droits du bailleur ; c'est, selon nous, abuser des mots que raisonner ainsi; le preneur, dans ce cas, ne vend, ni n'échange, ni ne donne le bien sujet à l'emphyteose, dont la propriété ne cesse jamais de résider sur la tête du preneur, mais il cède son droit au bail emphyteotique à titre gratuit ou onéreux. Nous nous référons d'ailleurs aux observations que nous avons présentées contre cette doctrine loco citato.

n'ont été ni changées, ni modifiées par le Code civil; que les lois lui ont toujours attribué un caractère particulier; que ce contrat n'a jamais été confondu avec le contrat de louage; que, suivant la législation encore existante, le preneur a le droit, pendant toute la durée de l'emphytéose, d'exercer l'action in rem contre ceux qui le troublent dans sa possession et contre le bailleur luimême; qu'un tel droit est immobilier, et que l'emphyteote a la facilité de disposer de tout ce qu'il possède à ce titre par vente, échange, ou donation, et par affectation hypothécaire, sauf les droits du bailleur; Que, dans l'espèce, le bailleur et le preneur ont reconnu eux-mêmes que l'emphyteose établie dans l'acte de cession était susceptible d'hypothèque; - Qu'en effet, cet acte porte, art. 28, que tout ce que comprend l'emphyteose et tout ce que l'emphytéote établira demeurera de plein droit affecté, obligé et hypothéqué, par privilége, à la sûreté de la redevance; Attendu que de tous ces motifs il résulte que l'arrêt attaqué, loin d'avoir violé l'art. 2118 C. C., ni aucune disposition du même Code, a fait au contraire une juste application des lois de la matière; - Rejette.

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La prise à partie ne peut être admise contre les magistrats que pour dol et fraude.

(De Turpin C. les magistrats de la Guadeloupe.)

M. de Turpin, calomnié dans une procédure suivie contre lui par le gouverneur de la Guadeloupe, dénonce ses diffamateurs à la chambre de mise en accusation de cette colonie.

Par arrêt du 15 décembre 1829, la plainte de M. de Turpin est rejetée.

M. de Turpin présente alors à la Cour de cassation une prise à partie fondée sur le dol et la fraude et sur la faute grave.

Il soutient que des diverses circonstances qu'il énumère, il résulte contre les magistrats des preuves suffisantes de dol et fraude, et que d'ailleurs l'erreur de droit qu'ils ont commise est tellement grossière, qu'elle doit être assimilée au dol et à la fraude.

M.Voysin de Gartempe, avocat-général, a pensé qu'il n'y avait dans la cause ni dol, ni fraude, ni même erreur grave à reprocher aux magistrats inculpés, et que d'ailleurs, y eût-il faute grave, la prise à partie n'en serait pas moins non recevable.

ARRÊT.

La Cour; Attendu en droit qu'il résulte de l'art. 505 C. P.

C. qui régit aujourd'hui la prise à partiè, qu'elle n'a lieu que dans les cas suivans: 1° s'il y a dol, fraude ou concussion qu'on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugemens; 2° si la prise à partie est expressément prononcée par la loi; 3° si la loi déclare les juges responsables à peine de dommages-intérêts; 4° s'il y a dění de justice; - Que dans l'espèce, le demandeur allègue contre les magistrats dénoncés le dol et la fraude, et subsidiairement la faute grave, qui équivaut, selon lui, à la fraude et au dol;-Que s'il résulte de diverses dispositions du Code civil que celui qui commet une faute dommageable à autrui est tenu de la réparer, et que la faute grave oblige en certains cas, comme le dof et la fraude, à des dommages-intérêts, il ne s'ensuit pas que des juges puissent être pris à partie, pour avoir commis dans l'exercice de leurs fonctions une faute même grossière, mais sans dol ni faute prouvés; Que l'on ne saurait raisonner par analogie en matière de prise à partie; que tout est de rigueur en pareil cas, et qu'on ne saurait y appliquer les maximes ordinaires du droit civil, puisqu'il n'y est pas seulement question d'une réparation pécuniaire et de dommages intérêts, mais de l'honneur et de l'état des magistrats dénoncés ; Attendu, en fait, qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que l'officier du ministère public qui a requis et les juges qui out-rendu l'arrêt du 15 décembre 1829, aient agi par dol et par fraude, et que d'ailleurs rien ne justifie dans la cause les reproches allégués par le demandeur à l'appui de sa prise à partie; Déclare le demandeur mal fondé dans sa demande en prise à partie.

Du 17 juillet 1832.

Chambre civile.

OBSERVATIONS.

Nos lecteurs comprendront la réserve que nous devons apporter à l'examen de cet arrêt, quand ils sauront que nous avons défendu M. de Turpin devant la Cour suprême. Notre devoir d'arrêtiste nous prescrivait l'obligation de ne les entretenir que du point de droit, et non des faits nombreux de cette importante affaire; mais il nous impose aussi la tâche d'apprécier la doctrine de la Cour, comme si elle nous était entièrement ́étrangère.

Sous l'empire du Code de brumaire, dont la disposition, art. 565, a été reproduite dans le Code de procédure, la Cour de cassation avait proclamé des principes entièrement opposés à ceux qu'on vient de lire.

Son arrêt du 23 juillet 1806 est fort remarquable, en ce qu'il ne parle que de faute grave, et non de dol et fraude. (Voy. J. A. t. 5, p. 152, v° Avocat, n° 13, et t. 18, p.542, v° Prise à partie, n° 15.)

De tous les auteurs, M. Carré est le seul qui n'admit pas sans

restriction, dans son premier ouvrage, la doctrine de cet arrêt ; mais dans la seconde édition de ses Lois de la procédure, il se range à l'opinion de M. Toullier, et abandonne la solution qu'il avait donnée d'abord, et dans laquelle il exigeait, pour la prise à partie, l'erreur grossière, volontaire et commise avec intention de nuire.

Cet honorable auteur remarqua sans doute que ce n'était pas là l'erreur grossière, mais le dol, qui résulte sans aucun doute d'une interprétation dolosive de la loi.

M. Merlin rapporte l'arrêt de 1806, t. 9, p. 782 et 787, Prise à partie, S 5; il le considère sans doute comme une règle incontestable, puisqu'il n'y ajoute aucune réflexion.

M. Favard de Langlade, t. 4, p. 532, vo Prise à partie, donne le texte du même arrêt, en ajoutant que la négligence extrême ou la faute grave devaient donner lieu à la prise à partie.

Enfin, M. Toullier, t. 11, p. 277 à 284, no 191 et 192, examine la question sous toutes ses faces, et approuve entièrement la jurisprudence de 1806.

Ce changement de jurisprudence sera-t-il approuvé par les auteurs qui auront à l'apprécier?

Nous ne le pensons pas.

Certes, la faute grossière, la faute lourde, ne devront pas être légèrement admises; mais il peut exister des fautes tellement grossières, qu'elles puissent être considérées comme un véritable dol.

La Cour a pensé qu'on ne devait pas en pareil cas raisonner par analogie, puisqu'il n'est pas seulement question d'une réparation pécuniaire et de dommages-intérêts, mais de l'honneur et de l'état de magistrats dénoncés. L'honneur du magistrat peut rester intact; seulement il passera pour un ignorant, et il perdra son état, ce qui nè sera pas un grand malheur pour la société. Le motif de la Cour suprême ne nous paraît donc pas déterminant, et nous croyons pouvoir, pour y répondre, transcrire ici ce que nous lui avons dit à une de ses audiences.

« Nous ne verrons jamais, avons-nous dit, un véritable danger » dans la réparation d'un tort causé par la faute lourde; la loi >> elle-même a reconnu que tout fait de l'homme qui causait à autrui un dommage obligeait celui par la faute duquel il est arrivé, à le ré»parer. (Art, 1382 C. C.)

» Le magistrat qui oserait monter sur son siége dans une com»plète ignorance des premières notions du droit, ne serait-il donc » pas aussi coupable que celui qui, par maladresse, aurait heurté » un passant, ou occasioné, par un coup de fusil mal dirigé, des blessures graves à un citoyen inoffensif ?

» A toutes les époques, dans les législations des différens peu>>ples, on retrouve les dispositions de l'art. 1382 C. C., basé plu» tôt sur des principes d'équité naturelle, que sur des règles du droit rigoureux.

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