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tive (1). Dans l'un et l'autre cas on ne saurait dire que la partie ait reconnu lé bien-jugé des condamnations prononcées contre elle.

Mais si, au lieu d'exécuter passivement la décision qu'elle aurait atta. quée, elle faisait un acte qui constituât une exécution spontanée, on pourrait présumer qu'elle s'est désistée de l'appel ou du pourvoi en cassation dirigé par elle, et l'on pourrait la faire déclarer non-recevable à le poursuivre, par la même raison qu'on aurait pu la déclarer telle à le former, si auparavant elle eût provoqué l'exécution du jugement qu'elle attaque. Il faudrait donc juger que la partie qui, postérieurement à l'appel interjetė par elle, signifie le jugement de première instance avec sommation de l'exécuter et sans réserves, serait censé y acquiescer et se désister de son appel (2).

On sent qu'en pareil cas elle ferait vainement des réserves de poursuivre l'appel qu'elle aurait interjeté; car évidemment ces réserves ne prévaudraient point contre l'exécution qu'elle opèrerait sans y être contrainte, Il serait dérisoire que les réserves d'appel produisissent effet, lorsque la partie aurait librement et spontanément exécuté le jugement contre lequel elle les ferait (3).

Par suite des mêmes principes, lorsqu'un jugement rejette un déclinatoire et ordonne de plaider au fond, la partie qui proposait cette exception acquiesce au jugement si elle plaide au fond avec ou sans réserves. C'est bien le cas de dire que les réserves ne peuvent contrarier le fait d'avoir consenti à plaider devant le tribunal qu'elle prétend décliner. Plusieurs arrêts l'ont décidé (4). Il faudrait aussi juger que la partie qui, après un jugement d'incompétence, reporterait sa demande devant le tribunal désigné pour en connaître, serait censée avoir renoncé au droit d'appeler de cette décision. Vainement se désisterait-elle de ses poursuites devant le nouveau tribunal; son acquiescement n'aurait pas moins produit ses effets, et on lui répondrait victorieusement par la maxime Nemo proprium factum impugnare potest (5).

Ce qu'on vient de lire suppose le cas où l'incompétence du tribunal à la juridiction duquel on acquiesce n'est que personnelle; si elle était réelle, l'ordre public s'opposerait à ce qu'on pût la couvrir soit expressément, soit tacitement; et quelque manifeste que fût l'adhésion à plaider au fond, on pourrait toujours revenir contre son acquiescement (6).

On doit suivre, à l'égard des moyens de nullité proposés par un défendeur, les règles que nous avons indiquées pour les déclinatoires. Il y a paríté de raison pour décider que si on plaide au fond après en avoir été débouté, on est censé avoir acquiescé au jugement qui les rejette (7),

Mais il faut combiner ces règles avec ce que nous avons dit pour le cas où le jugement serait en dernier ressort, En pareille hypothèse, il y aurait

(1) Cass., 18 nov. 1828, t. 36, p. 209.

(2) Bourges, 17 déc. 1825, t. 37, p. 54.

(3) Metz, 12 mai 1821, t. 15, p. 262, vo Jugement, no 107.

(4) Voy. t. 33, p. 16, et t. 29, p. 304.

(5) 7 déc. 1807, Bruxelles, t. 1, p. 133, no3 47, 48.

(6) Riom, 21 juillet 1824, t. 27, p. 153.

(7) Rennes, 4 mai 1812; Grenoble, 27 août 1813, t. 1, p. 167, no 79.

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impossibilité pour la partie de ne pas plaider au fond, et l'on ne saurait induire un acquiescement de ce qu'elle y a conclu, surtout si elle a manifesté l'intention de ne point acquiescer au jugement en reprenant de nouveau des conclusions tendantes à faire admettre la fin de non-recevoir par elle primitivement présentée (1). Mais à défaut d'une pareille manifestation, il y aurait à craindre qu'elle ne se rendît non-recevable à appeler plus tard du jugement qui lui portait grief. On lui opposerait qu'elle l'a exécuté (Voy. la note du mot Acquiescement, no 18). Même décision serait à craindre pour la partie qui proposerait une première fin de non-recevoir qu'un jugement rejetterait, si ensuite elle en proposait une nouvelle: lors même que le jugement ordonnerait de plaider au fond, on lui dirait que le fait d'exciper d'une nouvelle fin de non-recevoir contient un abandon de la première. (Cass., 14 frim. an 12, t. 1, p. 109.)

Toutefois, devrait-on dire que lorsqu'un jugement a prononcé la nullité d'un exploit, la partie condamnée acquiesce à ce jugement en faisant notifier un nouvel exploit à son adversaire? La questiou a été soumise deux fois à la Cour de Rennes, qui, la première, l'a résolue négativement, et la deuxième affirmativement (2). Elle est grave. Il paraît au premier abord qu'une partie dont la demande a été déclarée nulle par un jugement semble acquiescer à ce jugement en en intentant une nouvelle; et si elle veut interjeter appel, on peut lui dire qu'elle a reconnu le bien-jugé de la décision qu'elle attaque, puisqu'elle l'exécute en représentant sa demande. Néanmoins elle peut répondre qu'en réitérant cette demande, elle l'a fait pour le cas où la première ne serait pas jugée valable sur l'appel par elle interjeté du jugement qui l'a déclarée nulle, et qu'elle n'a aucunement entendu exécuter ce jugement.

En parlant de l'acquiescement aux jugemens, nous avons eu en vue des jugemens définitifs, en premier ou en dernier ressort. Mais l'acquiescement peut avoir pour objet un jugement préparatoire ou interlocutoire. Que décider à l'égard de ces deux espèces de décisions? D'abord, quant aux préparatoires, point de difficulté. L'exécution qu'on y donnerait même sans réserve n'empêcherait pas d'en appeler. L'art. 451 C. P. C. le dit formellement. Mais pour les deuxièmes, il y a division entre les auteurs et les tribunaux; cependant la jurisprudence paraît tendre à consacrer l'opinion qu'une partie qui veut conserver le droit d'appeler d'un jugement interlocutoire doit, en l'exécutant, faire des réserves à cet effet. Sans cela, quand viendrait pour elle le moment d'en appeler avec le jugement définitif, on induirait de son exécution un acquiescement insurmontable (3). C'est surtout en matière d'enquête et d'expertise que s'élèvent des questions à cet égard. Quand nous serons arrivés aux mots destinés à ces jugemens et à ces opérations, nous rappellerons les arrêts qui ont résolu ces questions. Ici nous avons à exposer les principes généraux sur l'acquiescement, et non une énumération fastidieuse des questions de détail qui s'y rattachent, et dont la place naturelle est sous divers mots de notre

(1) Voy. l'arrêt et la note, t. 1, p. 87, vo Acquiescement, no 17. (2) Arrêt des 14 déc. 1810, et 21 oct. 1813, t. 1, p. 149, no 64. (3) Voy, J. A., t, 38, p. 37, et la note,

revue alphabétique, tels que Dépens, Appel, Jugement, et plusieurs autres où nous en parlerons.

Maintenant que nous avons expliqué la première còndition essentielle de l'acquiescement, c'est-à-dire la nature des actes desquels il peut résulter, il nous reste à expliquer la deuxième condition essentielle à sa validité, c'est-à-dire de quelles personnes ces actes doivent émaner.

Ces personnes doivent être maîtresses de leurs droits, et sur ce point nulle difficulté, puisque l'acquiescement constitue un vrai contrat judiciaire (1). Par la même raison, il faut que ces personnes soient les mêmes que celles à l'égard desquelles l'acquiescement produit son effet. Il faudra donc que, pour être obligatoire, l'acquiescement émane de la partie même à laquelle on l'oppose. Ainsi celui qu'un mari donnerait à un jugement qui n'intéresserait que sa femme serait sans force contre celle-ci, à moins qu'elle ne lui cût confiée un pouvoir spécial de le faire (2). Même décision à l'égard d'une lettre écrite par le fils de la partie condamnée, quoique les termes de cette lettre exprimassent un acquiescement formel (3).

C'est là un point d'autant plus constant, que, quoiqu'en général, le fait de l'avoué soit regardé comme le fait de la partie, néanmoins l'acquiescement qu'il pourrait donner serait sans effet à l'égard de celle-ci. Peu importerait qu'il eût fait des actes constituant une exécution spontanée, et qui réunîssent au plus haut degré les caractères de l'acquiescement.

Ainsi, il a été jugé que l'acquiescement ne résulte pas de la signification d'un jugement d'avoué à avoué, quoique faite sans protestations ni réserves (4). Même décision pour la signification d'un exécutoire de dépens faite de la sorte (5).

A plus forte raison doit-il en être ainsi pour les actes d'exécution passive. On ne pourrait donc reprocher aucun acquiescement àla partie dont l'avoué aurait consenti à taxer les dépens prononcés contre elle (6), ou aurait assisté à une enquête, ou à la prestation d'un serment déféré à son adversaire, sans faire la moindre opposition et en déclarant qu'il ne s'y oppose pas (7). Il faudrait aussi déclarer qu'une partie serait recevable à interjeter appel d'un jugement ordonnant une expertise, quoique son avoué cût assisté au serment des experts nommés par ce jugement (8), ou bien eût consenti au remplacement de celui d'entre eux qui se serait déporté (9). Ces décisions sont-elles à l'abri de toute critique?

Il peut y avoir difficulté sur le point de savoir, en pareil cas, si l'avoué agit d'après la volonté de son client. Si celui-ci interjette appel du jugement, et prétend que son avoué a agi à son insu, et si, d'un autre côté,

(1) Cass., 15 juill. 1807, t. 5, p. 32, v° Autorisation de femme, no 6. Turin, 20 mai 1809, t. 1, p. 139, no 53.

Limoges, 8 juin 1814, t. 13, p. 223, no 252.

Metz, 23 juin 1819; Turin, 20 mai 1809; t. 1, p. 139, no 53; Poi

tiers, 13 juin 1822, t. 24, p. 191.

(5) Rouen, 10 mars 1824, t. 26, p. 167.

(6) Paris, 17 germ. an 11, t. 1, p. 98, no 25.

(7) Cass., 21 therm. an 8, t. 1, p. 80, no 11; Nîmes, 30 janv. 1819, t. 1, p. 210, no 116; Rennes, a av. 1810, t. 1, p. 145, no 5g,

(8) Rennes, 9 mars 1820, t. 14, p. 398, no 58.

(9) Agen, 20 juin 1814, t. 1, p. 186, no 98,

Pintîmé sontient le contraire, à qui faudra-t-il ajouter foi? La question s'est élevée devant la Cour de Limoges. L'intimé prétendait qu'une somme avait été comptée à son avoué par l'appelant pour le paiement des frais, et, par conséquent, en exécution du jugement dont était appel. L'appelant soutenait qu'il n'avait payé que par précaution contre les poursuites qui auraient pu être dirigées contre lui avant l'appel. La Cour décida que sa' déclaration devaît faire foi, attendu qu'il s'agissait de le priver d'un droit auquel il ne pouvait être censé avoir renoncé qu'autant que cette renonciafion aurait été positive; que dès-lors le paiement des frais fait par lui ne pouvait être considéré comme un paiement emportant exécution volontaire de sa condamnation, ni, par suite, acquiescement (1).

Au reste, il est des jugemens qu'il n'est pas nécessaire de signifier entre les parties elles-mêmes, comme ceux en matière d'ordre. En ce cas, la personne de la partie se confond avec celle de l'avoué, et il faut en conclure que, si l'avoué signifie le jugement obtenu par son client, celui-ci sera censé acquiescer au jugement, parce que la signification produira le même effet que s'il l'avait faite lui-même et à la personne même de son adversaire (2). Mais, en tout autre cas, il faut ne point s'écarter de la règle qu'un acquiescement nè peut émaner d'un acte entre avoués : tous les auteurs la professent.

Ainsi, en règle générale, la signification d'un jugement faite par un avoué ne constituerait pas un acquiescement pour sa partie. Mais la partie adverse n'acquiescerait-elle pas valablement sur cette signification? Son acquiescement nè la lierait-elle qu'autant qu'une signification aurait été faite à sa personne? Il semble que la négative est une conséquence du principe que l'acquiescement n'est valable que lorsque la partie qui le donne a l'intention bien formelle de ne pas revenir sur le jugement qui en est l'objet. Or, tant qu'elle ne connaît point personnellement ce jugement, rien ne prouve que l'adhésion qu'elle y a donnée n'est pas erronée. Aussi il a été décidé qu'une partie pouvait rétracter l'acquiescement résultant de l'exécution qu'elle aurait donnée à un jugement signifié seulement à son avoué. D'ailleurs, l'art. 147 C. P. C. déclare nulle, en pareil cas, l'exécution d'un jugement d'où l'on voudrait faire découler l'acquiescement. Ainsi jugé par la Cour de Grenoble (3). La Cour d'Agen a jugé de même, mais à l'égard d'un jugement exécutoire par provision, par les motifs que l'exécution, en pareil cas, a pour but d'éviter des frais, et non d'acquiescer (4). Mais la Cour suprême a décidé que l'exécution spontanée d'un arrêt avant toute signification constituait un acquiescement irréfragable (5). De ces trois Gours, la première nous semble être allée trop loin, en décidant d'une manière générale et absolue. La deuxième a bien jugé, puisqu'il s'agissait d'un jugement exécutoire par provision. Quant à la décision de la Cour suprême, elle s'explique parfaitement par les faits qui y ont donné lieu, et qu'on peut lire à l'endroit cité en note. Nous pensons que la question ne doit pas être tran

(1) 19 août 1823, t. 25, p. 314.

(2) 16 juin 1811, Liége, t. 1, p. 155, no 69.

(3) Grenoble, 19 août 1817, 2 fév. 1818, t. 1, p. 199. (4) Agen, 12 déc. 1818, t. 1, p. 206.

(5) Cass., 3 fruct. an 13, t, 1, p. 12.

chée d'une manière doctrinale; nous ne déciderions pas en principe absolu qu'un jugement doit être signifié à la partie même pour qu'elle y acquiesce valablement; nous croyons que si des circonstances démontrent que, même à défaut de cette signification, elle a connu le jugement, son acquiescement serà obligatoire. Ainsi, en certains cas, des offres d'exécution d'un jugement, faites da des lettres écrites par la partie condamnée, ne la rendront pas non-recevable à interjeter appel (1); dans d'autres, elle sera censée avoir acquiescé : tel serait le cas où elle aurait déclaré tenir le jugement pour signifié, et promis de l'exécuter (2), ou bien aurait écrit à son adversaire que son avoué a, contre sa volonté, interjeté appel du jugement qui l'a condamnée (3).

Il faut, au surplus, observer dans tous ces cas, et c'est là une maxime générale que nous croyons devoir rappeler en terminant, que l'acquiescement ne peut être prouvé par témoins: la Cour de Rennes l'a formellement jugé, le 22 thermidor an 8.

Maintenant que nous avons extrait de la jurisprudence des tribunaux les principales règles sur ce qui constitue l'acquiescement, il nous reste à 'exposer les règles sur les effets qu'il produit. Ce sera l'objet d'un 2o §, què nous insérerons dans notre prochaine livraison.

DISSERTATION.

Saisie immobilière.

Faillte. Fermages. Saisie-arrêt.

Lorsque les immeubles saisis par des créanciers hypothécaires sont affermes par bail authentique, et que le débiteur vient à tomber en faillite, ces créanciers peuvent-ils en saisir-arrêter les fermages et demander qu'ils soient immobilisés à leur profit? (Art. 689, 691 C. P. C., 443 C. Comm.)

La loi a voulu que les fruits échus depuis la dénonciation d'une saisie immobilière au débiteur fussent immobilisés, pour être distribués avec le prix de l'immeuble, par voie d'hypothèque (article 689 C. P. C.). Quand les immeubles saisis ne sont pas affermés, la dénonciation de la saisie est suffisante pour que l'immobilisation des fruits ait lieu, parce que le débiteur reste en possession de son bien comme séquestre judiciaire (article 688); mais il n'en est pas de même s'ils sont loués à un tiers. Alors le fermier ou locataire pourrait payer valablement les fermages au débiteur, à moins d'une saisie-arrêt pratiquée sur celui-ci; et pour prévenir ce résultat, le législateur a déclaré : 1° que les saisissans pourraient saisir et arrêter les loyers ou fer

(1) Toulouse, 24 avril 1824, t. 26, p. 217.
(2) Colmar, 16 février 1816, t. 9, p. 163, no 60.
(3) Cass., 25 prairial an 6, t. 1, p. 76, no 8.

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