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mages; 2° que dans ce cas il en serait de ces loyers comme des fruits qui se trouveraient entre les mains du saisi, si, à défaut de bail, il eût conservé la possession de son bien comme séquestre. Or, la saisie-arrêt exigée des créanciers pourra-t-elle avoir lieu, lors même que, tombé en faillite depuis la saisie immobilière, le saisi semblerait à l'abri de toute poursuite individuelle de la part de ses créanciers; et, par suite, les saisissans pourront-ils jouir de l'immobilisation soumise à la condition essentielle de cette saisie-arrêt qu'il semble impossible de pratiquer sur un failli, puisqu'elle tend à leur conférer un privilége au préjudice de la masse? C'est là une question absolument neuve et difficile. D'un côté, l'art. 443 C. Comm. proclame formellement que nul ne peut acquérir ni privilége ni hypothèque sur les biens d'un débiteur depuis l'ouverture de sa faillite, et ce serait exiger assurément un de ces avantages que de vouloir, après cette époque, immobiliser à son profit les fruits des immeubles du failli. Il semble donc qu'on ne serait pas recevable à pratiquer la saisie-arrêt exigée par l'art. 691 C. P. C. pour produire cet effet. Cette saisie constituerait évidemment un droit de préférence pour les créanciers hypothécaires; elle leur donnerait, au préjudice de la masse chirographaire, un avantage que l'état de faillite défend d'acquérir. On devrait donc la déclarer nulle, et les fruits de l'immeuble saisi se partageraient également entre tous les créanciers sans distinction.

Mais à ces raisons on peut en opposer de bien fortes, et elles l'ont été avec talent, devant le tribunal d'Etampes, par le fils du savant professeur de la Faculté de Droit de Paris, M. Berriat SaintPrix. La question s'est présentée dans toute sa pureté devant ce tribunal. Des créanciers hypothécaires du général Montholon poursuivaient l'expropriation de ses immeubles qu'il avait loués par bail authentique. Ils lui dénoncèrent la saisie immobilière avant l'ouverture de sa faillite ; mais ce ne fut qu'après ce dernier événement qu'ils pratiquèrent une saisie-arrêt pour immobiliser les fermages des immeubles saisis. La masse chirographaire a soutenu que la saisie-arrêt ne pouvait produire aucun effet, parce qu'elle avait été pratiquée après l'ouverture de la faillite. M. Berriat Saint-Prix a donné des conclusions contraires à cette prétention, et voici par quels motifs : L'art. 443 C. Comm., a-t-il dit, d'après lequel on ne peut obtenir ni privilége ni hypothèque contre un failli, est exorbitant, et doit être plutôt restreint qu'étendu. Examinant ensuite la nature de l'immobilisation réclamée par les saisissans, ce magistrat a tout à la fois reconnu qu'elle avait à peu près tous les effets d'une hypothèque, mais que néanmoins on ne pouvait confondre l'une avec l'autre. Chacune, il est vrai, constitue un droit de préférence, mais la source en est différente. L'hypothèque n'est acquise réellement que par l'inscription qui en est faite, et la loi défendant de l'acquérir

après la faillite, il est juste que l'inscription ne puisse en avoir lieu depuis cette époque. L'immobilisation, au contraire, prend sa source dans la saisie immobilière elle-même, et la saisiearrêt exigée, quoiqu'elle ait lieu dans le cas où les immeubles saisis sont affermés, est une simple formalité qui, au lieu de créer le droit des créanciers hypothécaires, ne fait que le consolider, ou plutôt le constater. M. Berriat ajoutait que, dans le système contraire, il faudrait aller jusqu'à dire que, même dans le cas où les immeubles ne seraient pas loués, et où le débiteur tomberait en faillite avant la dénonciation de la saisie, cette dénonciation ne pourrait plus produire l'effet d'immobiliser les fruits échus depuis. Or, c'est là ce que personne ne saurait soutenir, car évidemment les créanciers ont, du jour de la saisie, un droit acquis à toutes ses conséquences ultérieures, par conséquent à la dénonciation et à tous ses effets légaux. Eh bien! s'il en est ainsi dans le cas de l'art. 689, il doit en être de même dans le cas de l'art. 691, puisque ces deux articles sont fondés sur le même principe.

Le tribunal a consacré cette doctrine par un jugement ainsi conçu :

« Attendu que les saisies réelles pratiquées sur le domaine de Fremigny ont été dénoncées ; que, à l'égard des biens affermés, il a été établi une saisie-arrêt entre les mains du sieur Fanot, fermier; que ces saisies, dénonciations et saisie - arrêt ont eu pour effet d'immobiliser les fruits et loyers échus à partir de la dénonciation, conformément aux art. 689 et 691 C. P. C.;

» Attendu que l'état de faillite du comte de Montholon n'a pas privé les saisissans des effets de leur saisie; que les dispositions de l'art. 443 C. Comm. ne sont point applicables, et ne peuvent être invoquées contre les saisissans, etc. »

On voit que le tribunal s'est fondé principalement sur ce que l'état de faillite du saisi ne peut priver les saisissans des effets de leur saisie; et d'un autre côté, rangeant parmi ces effets l'immobilisation des fruits, il a pensé que cette immobilisation pouvait s'opérer nonobstant la faillite.

Or, il nous semble qu'il a mal jugé. Sans doute, lorsqu'une saisie est pratiquée sur un individu, le saisissant doit jouir de tous les effets de sa saisie nonobstant la faillite antérieure de son débiteur. Et c'est en ce sens qu'il a été jugé avec raison qu'il pouvait faire procéder à la vente des objets saisis, à l'exclusion des syndics, quoique ceux-ci soient chargés de cette vente par le Code de commerce; ainsi le fait de la faillite survenue postérieurement à une saisie immobilière n'enlève pas au saisissant le droit résultant de cette saisie. Si donc l'immobilisation des fruits de l'immeuble saisi s'effectuait de plein droit par le fait seul de la saisie, il suffirait que celle-ci eût été pratiquée avant l'ouverture de la faillite, pour que les fruits fussent immobilisés

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malgré cet événement. C'est là ce qu'a déclaré avec raison le tribunal d'Etampes, en disant que l'état de faillite du saisi aurait pu priver les saisissans des effets de leur saisie. Mais peut-on poser en principe que l'immobilisation des fruits soit un effet nécessaire de la saisie immobilière lorsque les immeubles sont affermés, en telle sorte qu'elle ait lieu par le fait seul que la saisie a été pratiquée ? Assurément non. Il faut de plus une saisie nouvelle et spéciale de ces fruits, une saisie-arrêt. On pourra bien, si l'on veut, ranger cette immobilisation parmi les suites de la saisie immobilière, mais toujours est-il qu'elle n'en est pas le résultat forcé, ou que du moins elle n'est produite qu'autant qu'une saisie-arrêt est faite entre les mains du locataire ou du fermier qui détient l'immeuble saisi. Cela est tellement vrai que si le saisi ne tombait pas en faillite, il percevrait lui-même les loyers et les ferimages dans le cas où les créanciers ne les auraient pas saisis-arrêtés(1). La raison en est que la saisie-arrêt. est une condition indispensable de l'immobilisation. Or, peu importe que les créanciers aient omis de la remplir, ou bien que la faillite postérieure du débiteur les empêche de le faire. Dans l'un comme dans l'autre cas elle n'a pas eu lieu, l'immobilisa tion ne peut donc s'effectuer en leur faveur. Ainsi nous n'irons pas jusqu'à dire, comme le suppose M. Berriat Saint-Prix fils dans l'esprit de ceux qui partagent notre opinion, que, dans le cas où les immeubles ne seraient pas loués, la dénonciation de la saisie au failli ne produirait pas l'effet d'immobiliser les fruits échus depuis. En effet, c'est de la saisie même et non de la dénonciation que dérive l'immobilisation, et peu importe que la dénonciation soit faite avant ou après la saisie. Dans l'un comme dans l'autre cas ce n'est qu'une formalité qui, selon l'expression de M. Berriat, constate le droit d'immobilisation et ne le crée pas. Mais nous pensons que lorsque les immeubles saisis sont affermés, la saisie immobilière seule ne produit pas l'immobilisation des fruits. Si la loi y eût attaché cet effet direct, elle au rait exigé simplement qu'on la dénonçât au fermier et au saisi. Cette dénonciation eût été suffisante pour constater le droit d'immobilisation qui serait dérivé de la saisie immobilière même. Mais telle n'a pas été l'idée du législateur. Il a pensé que lors→→ que, par le fait du louage de l'immeuble saisi, les fruits étaient entre les mains d'un autre que le saisi, il fallait une autre saisie que celle de l'immeuble pour les immobiliser, et en conséquence il a exigé non pas une simple dénonciation de la saisie immobi

(1) Voy. M. Carré, Lois de la procéd., quest. 2317, et Demiau, p. 450.Cela n'empêche pas qu'il y ait controverse sur le point de savoir si, lorsque les immeubles ne sont pas affermés et que le saisi en devient séquestre, il fait les fruits siens jusqu'à la vente. (Voy. sur ce point J. A., t. 20, p. 590, 1o`Saisie immobilière, no 707.)

lière, mais bien une saisie-arrêt faite dans la forme voulue par les art. 557 et suiv. Or, cette saisie-arrêt peut-elle être pratiquée après la faillite du saisi? Nous croyons que non, et nous ne nous fondons pas seulement sur la similitude qui peut exister entre l'hypothèque et le droit d'immobilisation que voudrait exercer la masse hypothécaire; cette similitude, sans être contestée, pourrait ne pas être déterminante en faveur de notre opinion, car on pourrait en écarter les effets dans l'hypothèse que nous examinons, en disant', comme l'a fait le tribunal d'Etampes, que l'art. 443 C. Comm. n'y est point applicable, et ne peut être invoqué contre le saisissant. Mais nous nous étayons encore de ce principe que, dès qu'une faillite est ouverte, les syndics seuls peuvent actionner les débiteurs du failli et pratiquer entre leurs mains des saisies-arrêts. Cette faculté ne peut être exercée par aucun créancier individuellement, ni, par la même raison, par la masse hypothécaire au préjudice de la masse chirographaire. Les droits de l'une et de l'autre sont arrêtés dès l'ouverture de la faillite; et si la première continue d'exercer les priviléges qu'elle avait auparavant, elle ne peut le faire qu'autant qu'elle a rempli, avant la faillite, les conditions constitutives de ces avantages. Ils ne lui sont pas, acquis si elle n'a pas rempli ces conditions, et la faillite ne lui permet plus de remplir celles-ci.

Une dernière observation qu'il suffit d'indiquer vient à l'appui de notre opinion: c'est qu'il est de principe que l'ouverture de la faillite produit l'effet d'une saisie. Or, des fruits pendans par racines seraient-ils immobilisés pour être distribués par ordre d'hypothèque avec le prix de l'immeuble, si, avant qu'ils fussent saisis ou récoltés, un créancier les avait saisis immobilièrement? Tous les auteurs professent la négative, qu'on doit adopter par analogie, puisque la faillite saisit les fruits avant qu'ils soient saisis-arrêtés par celui qui a saisi l'immeuble même. Voy, J. tom. 20, pag. 591, v° Saisie immobilière, no 709.

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DEUXIÈME PARTIE.

TAXES ET DÉPENS.

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Lorsqu'une commune a été autorisée à plaider, l'avoué qui a occupé pour elle doit-il, en cas de contestation sur les depens, se pour

voir devant le conseil de préfecture, à l'effet de demander l'autorisation de l'assigner pour voir liquider les frais qu'il a exposés pour elle?

Règle générale les créanciers d'une commune ne peuvent intenter aucune action contre elle qu'après en avoir obtenu la permission par écrit du conseil de préfecture, sous les peines (de nullité) portées par l'édit du mois d'août 1683. (Art. 1, arrêté du 17 vendémiaire an 10.)

D'un autre côté, l'autorisation doit être spéciale; ainsi, par exemple, une autorisation pour plaider sur une question de propriété serait insuffisante pour plaider sur des voies de fait ultérieures. (Arrêt de cassation du 21 août 1809.)

Or, y a-t-il une exception à la première de ces règles pour l'avoué qui veut actionner une commune en paiement des frais qu'il a avancés pour elle? aucun article de loi ne le dit ni ne le suppose. D'un autre côté, l'action qu'il veut intenter contre la commune se rattache-t-elle à l'objet pour lequel elle a été autorisée à plaider d'une manière si intime qu'on puisse dire qu'en recevant cette autorisation elle ait reçu celle de payer les dépens auxquels elle s'exposerait? Sans doute c'est à la suite du procès qu'elle a été autorisée à soutenir qu'est intentée l'action en paiement de frais que son avoué veut diriger contre elle; mais cette action n'est pas moins une action tout-à-fait en dehors de ce procès. Elle est dirigée par tout autre individu que celui contre lequel la commune a plaidė. L'objet de cette nouvelle demande est tout-à-fait différent, et l'on ne peut guère présumer qu'en l'autorisant à plaider dans la cause qui a donné lieu aux dépens pour lesquels elle est en contestation avec son avoué, le conseil de préfecture l'ait autorisée à payer ces dépens; car s'il avait cru qu'un jour il faudrait qu'elle les payât, il n'aurait pas cru qu'elle perdrait sa cause au principal et ne l'aurait pas autorisée à plaider.

Mais admettons que l'action d'un avoué, en paiement des dépens faits pour une commune qui a reçu l'autorisation de plaider, soit la conséquence de cette autorisation, il ne s'ensuivra point pour cela qu'elle y soit virtuellement comprise et que la commune ne doive être spécialement autorisée. Tous les jours une commune est autorisée à contracter un emprunt ou toute autre obligation; une contestation s'élève à raison de cet engagement; assurément cette contestation est la suite du contrat. Mais le contractant pourrait-il pour cela se dispenser de faire autoriser la commune à plaider, s'il voulait la contraindre judiciairement à remplir ses obligations? assurément non. La demande en autorisation est nécessaire en ce cas pour que l'autorité supérieure soit mise à même de savoir s'il convient à la commune de se défendre ou d'acquiescer à la prétention de son adversaire.

On doit, ce nous semble, décider de même lorsqu'un avoué

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