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» Les dispositions du Tarif doivent être, comme on l'a déjà fait observer, considérées sous un point de vue tout particulier.

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Elles ne constituent qu'une sorte de mise à exécution, sous le rapport de la taxe des frais, des dispositions législatives qui ont organisé les fonctions des officiers ministériels. Elles ne sauraient donc aller au-delà, et donner aux avoués un caractère public, pour des cas qui ne rentreraient pas dans les dispositions des lois d'attribution.

» Cela posé, il est bon de distinguer dans les dispositions invoquées du Tarif, celles relatives à des actes placés évidemment en dehors de toute intance, de celles applicables à des actes qui sont ou peuvent être accomplis, quand l'avoué n'a pas encore fait le dernier acte de procédure.

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Ainsi, les droits alloués par le Tarif, pour composition et insertion dans le tableau de l'auditoire du tribunal, dans le journal, dans les études d'avoués et notaires, de l'extrait des jugemens prononçant interdiction ou cession de biens; de la demande en séparation de biens, et du jugement qui la prononce; de celui qui ordonne la séparation de corps; pour vacations au compulsoire, à assister au conseil de famille en matière d'interdiction; au greffe, pour déclarer opposition ou appel à jugement; auprès des fonctionnaires publics, pour requérir d'eux le certificat de ce qu'ils doivent à la partie civile; tous ces droits, disons-nous, sont attribués à l'avoué à raison d'actes qu'il a faits ou qu'il a pu faire, entre la demande qui le constitue et la signification à avoué qui le dessaisit de la cause. A l'égard de ces actes, les dispositions du Tarif ne sauraient donc rien prouver. Elles ne prouvent pas davantage lorsqu'elles fixent l'émolument dû à l'avoué pour des actes qui ne rentrent pas dans ses fonctions, telles qu'elles ont été précédem- ment définies.

» Le Tarif alloue à l'avoué un droit, pour vacations au greffe afin d'assister, et la femme qui renonce à la communauté après la séparation de biens, ou le décès de son mari, et le mineur qui renonce à la succession, ou qui ne l'accepte que sous bénéfice d'inventaire ; pour vacations à l'apposition et à la levée des scellés, à la confection de l'inventaire.

» L'avoué n'agit dans toutes ces circonstances qu'en qualité de mandataire ordinaire de la partie. Ses émolumens ne sont taxés que pour encourager son assistance, ou pour modérer ses exigences. Ce qui prouve que l'avoué, dans les divers cas dont on parle, n'agit pas en sa qualité d'avoué, d'offi. cier public, c'est que tout autre aurait pu agir comme lui. Or, le caractère distinctif des fonctions publiques, des fonctions d'avoué, c'est d'être exclusives.

Troisième objection.

Le droit de dresser et certifier les copies de pièces n'est pas attribué aux avoués ou aux huissiers en leur qualité d'officiers publics, ayant le droit exclusif de postuler ou de faire des exploits; car la copie de pièces n'appar tient par sa nature ni à l'une ni à l'autre de ces fonctions. C'est comme dėpositaires des titres des parties, et à raison de la confiance qu'inspire le caractère public dont ils sont revêtus, que les officiers ministériels ont été chargés de faire et certifier les copies de pièces. Celui qui a le titre en dresse la copie. Telle est la règle établie par le Tarif, justifiée par l'esprit de la loi, et consacrée par l'usage.

Réponse.

La copie de pièces, comme on l'a déjà dit, se lie nécessairement à toute procédure judiciaire ou extrajudiciaire. Elle est l'accessoire indispensable de la demande et de la défense pendant le procès, comme de toute procédure hors d'instance. Il n'est pas possible de la considérer isolément, de la séparer du tout auquel elle se rattache.

Supposez l'exploit qui notifie sans la copie notifiée, vous aurez un effet sans cause. Le droit de faire cette copie trouve donc sa raison dans le caractère de l'officier public qui postule ou qui instrumente.

» L'avoué n'est pas revêtu d'un caractère légal permanent ; il n'est officier public que lorsqu'il fait un acte de son ministère. Ce ne serait donc pas le caractère public de l'avoué qui lui aurait fait concéder le droit de certifier des copies de pièces, hors les cas de postulation. Resterait le dépôt du titre entre ses mains ; mais pour lui conférer le droit de faire et certifier les copies du titre déposé, il faudrait une disposition formelle de la loi; et cette disposition n'existe pas.

» La loi du 20 mars 1791, qui supprimait les offices ministériels et créait les avoués, portait dans son art. 3:

¿ Il y aura auprès des tribunaux de districts des officiers ministériels oa avoués, dont la fonction sera exclusivement de représenter les parties; d'être chargés et responsables des titres et pièces des parties; de faire les actes de forme nécessaires pour la régularité de la procédure, et mettre l'affaire en état.>

Cette attribution conférée aux avoués, & d'être chargés et responsables des titres et pièces des parties,» se réfère uniquement, d'après l'ensemble de la disposition, au temps de l'instance.

Cependant, on aurait pu à toutes forces trouver là un prétexte pour appuyer la prétention des avoués; mais la loi de 91 a été abrogée par celle du 3 brum. an 2; et dans la loi de ventôse an 8, portant rétablissement des fonctions d'avoués, rien ne rappelle la disposition précitée.

Dans l'impossibilité où ils se trouvent de prouver l'existence légale de la règle qu'ils invoquent, les avoués se rejettent sur les inconvéniens qui résulteraient de l'absence de cette règle. Ils font valoir d'abord le danger du déplacement des titres.

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Une obligation, disent-ils, est souscrite par deux personnes. Il s'agit de produire dans une contribution ouverte sur l'un des débiteurs. L'autre débiteur est décédé. Il faut signifier le titre à ses héritiers qui sont domiciliés dans des arrondissemens

sera forcé de faire voyager leerens. Dans le système des huissiers, on

titre, afin que les auteurs des significations puissent en dresser la copie; mais le titre peut se perdre! Ce n'est pas tout; pendant que le titre voyage, le délai pour produire dans la contribution expire; le créancier perd son droit. »

les.

» Il y aurait plusieurs moyens d'obvier à l'inconvénient signalé par avoués; mais celui qu'ils indiquent n'est pas heureux. L'avoué n'a pas qualité pour faire et certifier la copie d'un titre, destinée à servir hors de l'arrondissement du tribunal près lequel il est établi. Un huissier connaît les avoués de son arrondissement, leur signature; il ne connaît pas ceux d'un arrondissement étranger, qui peut être souvent fort éloigné de celui dans

lequel il exploite. L'avoué n'a pas plus que l'huissier le droit de dresser et certifier une copie de pièces qui ne doit pas être employée dans l'arrondissement où il exerce ses fonctions. Il faut toujours en revenir à ce point. Le droit de faire des copies de pièces tient, pour l'avoué, au droit de conclure et de postuler; pour l'huissier, au droit d'exploiter. Ils ne peuvent exercer l'un, que lorsqu'ils ont qualité pour exercer les autres.

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« Mais la règle inventée par les huissiers est une source de contestations!» > Sans doute aujourd'hui il y a procès. Cela ne prouve qu'une chose. C'est qu'il est bien difficile de détruire l'abus fortifié par une longue possession. Ceux qui en ont profité finissent par l'invoquer comme un droit. Le prin cipe établi par les huissiers n'en est pas moins fort clair et d'une application très-facile. Pendant l'instance, concurrence avec les avoués; hors d'instance, droit exclusif des huissiers.» Aucun usage contraire n'a pu porter atteinte à ce droit.

Quatrième objection.

Comment le droit de copie de pièces n'appartiendrait-il pas à l'avoué, quand celui-ci peut, en qualité de mandataire de son client, s'immiscer dans la rédaction même des exploits? L'huissier est forcé de signifier l'exploit qui lui est présenté tout rédigé, si d'ailleurs cet exploit ne contient rien de contraire aux lois, aux mœurs, au respect dû à la justice. Seulement il peut exiger que la partie le garantisse, par sa signature au bas de l'acte, de' toute responsabilité. La faculté qui appartient à l'avoué, pour son client, de' rédiger les actes d'huissier, est conforme à la nature des choses. Toute procédure est nécessairement une. Pour être efficace, la responsabilité ne doit peser que sur un seul; divisée, elle s'évanouirait.

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Réponse.

Quand MM. les avoués prétendent au droit de faire des copies de pièces, même hors d'instance, c'est, bien entendu, l'émolument fixé pour ces copies qu'ils réclament. S'ils veulent s'immiscer dans la rédaction des exploits, ne serait-ce pas pour en partager les bénéfices! L'abus a existé; il a été signalé par des circulaires ministérielles. Sans doute, MM. les avoués de Meaux sont loin de vouloir le renouveler, et les magistrats doivent être bien convaincus que l'intérêt seul de leurs cliens les fait agir quand ils veulent s'arroger le droit de rédiger les exploits d'huissier. Mais aussi, à quoi bon,' dans le mémoire qu'ils ont publié, s'être récrié si fort contre la résolution prise par les huissiers de ne signifier l'exploit rédigé chez un avoué, qu'après l'avoir fait recommencer dans leurs études? Ne voit-on pas que c'est là une précaution contre le retour de l'abus; qu'il fallait adopter ce moyen pour protéger certains huissiers contre leur propre faiblesse ? Au surplus, la détermination des huissiers a été prise par eux dans les limites de leur droit. Ils sont chargés de faire toutes citations, notifications et significations requises pour l'instruction des procès, ainsi que tous actes et exploits nécessaires pour l'exécution des ordonnances de justice, jugemens et arrêts.»

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» Or, faire un acte, c'est apparemment le rédiger, et non pas seulement le porter à sa destination. L'huissier a seul droit à l'émolument de son exploit." Comment toucherait-il l'émolument, si l'acte pouvait n'être pas rédigé par

lui? Enfin, l'huissier est responsable de la régularité de son acte. Comment la rédaction de cet acte pourrait-elle appartenir à un autre?

L'huissier ne peut, dit-on, refuser d'instrumenter sans cause valable. La partie peut l'obliger à signifier l'exploit qu'elle lui présente tout dressé, si d'ailleurs cet exploit ne contient rien de contraire aux lois, à la morale, au respect dû à la magistrature; car les huissiers ont beau faire, ils ne sont, ils n'ont toujours été que les serviteurs des parties, des sergens, servientes.

● Les huissiers d'aujourd'hui ne ressemblent pas plus aux anciens sergens, que les avoués ne ressemblent aux anciens procureurs. Les antécédens de P'une et l'autre de ces professions ne sauraient être pris pour mesure de leurs attributions et de leur considération actuelles. Sans doute, les huissiers sont les serviteurs de la justice, et, loin de rougir d'un pareil titre, ils s'en glorifient; mais ils restent maîtres de la forme, de la rédaction de leurs actes; tout comme les avoués disposent du choix de leurs moyens et de la manière de les présenter. L'avoué doit cependant aussi son ministère aux parties, il est l'organe obligé de toutes leurs réclamations. Une distinction est à faire entre le fond et la forme. L'un appartient au client, l'autre à l'officier ministériel.

» En tous cas, l'avoué rédacteur de l'acte n'est pas le client, il n'est pas mandataire de celui-ci, il ne répond pas de la nullité de l'exploit qu'il aurait rédigé. L'avoué n'est mandataire d'une partie, par le fait de la remise des titres, que pour les actes de son ministère. Quant à sa responsabilité, Pothier dit bien dans son Traité du mandat :

. Si l'huissier désavoué justifiait que c'est par l'ordre du procureur qu'il a › donné l'exploit; putà, parce qu'il se trouverait écrit en entier ou en partie » de la main du procureur ou de quelqu'un de ses clercs, il serait fondé à ⚫ demander au procureur qu'il l'indemnisât du désaveu. »

-> Mais cette doctrine ne serait plus admise aujourd'hui. Chacun est responsable des actes de son ministère. C'est à l'officier public et non au simple conseil que la loi impute les conséquences de nullité. Les arrêts que nous allons rapporter ne laissent à cet égard aucun doute.

» Une saisie immobilière, dont le sieur Misset avait confié la poursuite à Me Roland-Watellier, avoué à Rethel, ayant été anuulée par le motif qu'en tête du commandement préalable il n'avait pas été donné copie du transport de créance fait à Misset, celui-ci demanda des dommages-intérêts, tant contre l'avoué Roland que contre l'huissier Lardenois, qui avait signé le commandement déclaré nul.

Le tribunal de Rethel, se fondant sur le motif que le commandement, avait été dressé dans l'étude de l'avoué, condamna celui-ci au paiement des dommages-intérêts réclamés, et déchargea l'huissier de la demande ; mais ce jugement fut infirmé par arrêt de la Cour de Metz du 2 juillet 1819, dont voici les motifs :

«Attendu qu'aux termes de l'art. 1031 C. P. C., les procédures et les > actes nuls et frustratoires doivent être à la charge des officiers ministériels » qui les ont faits; qu'il n'y a donc que les actes nuls qui sont de leur ministère, et les procédures qui en ont été la suite qui doivent rester à leur ⚫ charge;

⚫ Attendu que la procédure en expropriation forcée dont il s'agit, qui a ⚫ été déclarée nulle par l'arrêt du 12 février 1817, n'a pas été déclarée telle ⚫ en raison de nullités commises dans les actes du ministère de Ma Roland;

mais parce que l'on n'avait pas donné en tête du commandement qui a ⚫ précédé la saisie immobilière, copie de toutes les pièces qui, réunies, » formaient le titre de Misset;

⚫ Attendu que le commandement dont il s'agit est le fait de l'huissier; • qu'on n'est pas même astreint pour sa validité à faire élection de domicile » chez un avoué; qu'il en est de même pour le procès-verbal de saisie immobilière, quoiqu'il doive contenir élection de domicile; que l'art. 556 C. P. C. exige que l'huissier qui est chargé de faire la saisie soit porteur, > d'un pouvoir spécial à cet effet ; qu'ainsi c'est l'huissier seul qui est garant des nullités qui pourraient vicier cet acte.

» Pourvoi en cassation. Mais la Cour : « Attendu qu'il est vrai que l'article 1031 C. P. C. ordonne que les procédures et les actes nuls soient à › la charge des officiers ministériels qui les ont faits; mais que l'arrêt dé'noncé a bien saisi le véritable esprit de cette loi pénale, en décidant » qu'elle n'a entendu parler que des actes qui sont dans les attributions de > l'officier auteur de l'acte, et dans lesquels son ministère est nécessaire; ce › qui, à l'égard de l'avoué, n'a pas lieu dans l'exploit de commandement ▸ qui précède la saisie immobilière, cet acte devant être réputé le fait de » l'huissier qui l'a signé ;

⚫ Attendu que les faits reprochés à l'avoué Roland, dans l'espèce, en les > supposant vrais, ne prouveraient autre chose, sinon qu'il aurait, à l'égard de l'acte en question, agi comme conseil, et que sous ce rapport l'art. 1031. ⚫ lui est étranger, Rejette. (21 février 1821.)

Si l'huissier Lardenois eût eu son recours contre l'avoué Roland, celui-ci n'aurait pas été mis hors de cause; et l'action directe de Misset contre l'avoué responsable vis-à-vis de l'huissier, eût été accueillie.

Comment, disent les avoués, la rédaction de la demande, de l'acte le plus important de toute la procédure, de celui qui exige le plus d'aptitude et de lumières, sera-t-elle abandonnée à l'huissier!

Celui-ci ne dispose que de la forme de son acte; il devra sans aucun doute se conformer pour le fond aux instructions du client, et l'avoué ou tout autre pourra donner ces instructions, sans avoir pour cela le droit de 'immiscer dans la rédaction d'un acte propre à l'huissier.

Si l'on n'admettait pas notre doctrine, ajoutent les avoués, « les citoyens » seraient à la discrétion des huissiers, et pourraient être victimes de leur ignorance, de leur présomption, quelquefois même de leur collusion avec ⚫ la partie adverse. »

A cela on répondra avec les circulaires ministérielles : « Si les huissiers » sont réellement incapables de remplir leurs fonctions, ou s'ils n'ont point > la confiance des justiciables, il faut les faire révoquer; mais tant qu'ils se»ront conservés, ils doivent agir dans la plénitude de leurs attributions. »

» Les huissiers ne songent probablement pas à contester à MM. les avoués leur supériorité de lumières. Permis à ceux-ci d'énumérer avec complai- ; sance toutes les garanties de capacité que les lois exigent d'eux, pour prou ver qu'on leur a donné le droit de faire en toute circonstance des copies de pièces; mais signaler le danger d'une collusion possible, entre l'huissier et la partie contre laquelle il instrumente, c'est, il faut le dire, dépasser les bornes d'une discussion licite. A cette supposition injurieuse, on ne répondra pas par une récrimination offensante pour les adversaires des huissiers. On se contentera de faire observer que le caractère public dont les huissiers

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