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vérité, qu'ils doivent s'entendre sur quelques points essentiels et s'accorder ensuite la plus entière liberté. Le succès du second moyen est difficile, le succès du premier est impossible. »

Le 18. chapitre est consacré à montrer l'accord des systêmes complets avec le christianisme. Mr. Droz n'établit point un parallèle rigoureux entre les préceptes de JésusChrist et les conséquences qui résultent des principes qui servent de base aux systêmes complets; il se contente de quelques considérations générales, et cherche surtout à faire sentir que les uns et les autres dérivent de la même source, mais que, puisque les moyens dont la divinité s'est servie pour les communiquer aux hommes, sont très-différens, il ne devroit y avoir aucun débat entre la philosophie morale et la théologie, et qu'il devroit suffire à chacune d'elles de se trouver confirmée par l'autre.

Le chapitre suivant qui a pour titre, Si l'on peut espérer des améliorations dans le sort des hommes ne nous paroît pas avoir un rapport bien direct avec ce qui précède, ou plutôt, la manière dont cette question est traitée la fait sortir du domaine des considérations de là philosophie morale. On ne peut nier qu'une connoissance plus générale des principes qu'elle nous fournit n'eût les plus heureux résultats; mais Mr. Droz a bien vu que les hommes peuvent améliorer, sinon perfectionner, leur sort par un grand nombre de moyens tout-à-fait indépendans des vérités morales. L'expérience et le raisonnement s'accordent pour prouver cette amélioration; néanmoins, quand on considère combien de temps il faut pour mettre en œuvre les découvertes les plus utiles, pour faire l'application des principes les plus féconds en heureux résultats, «on sent que la marche progressive du genre humain est bien lente, on s'aperçoit que, quoiqu'il ne tourne pas dans un cercle éter

nel, il n'avance pas en ligne droite, quelquefois il recule, souvent il décrit des lignes courbes, mais il fait quelques progrès, et, quoiqu'avec lenteur, il avance vers de meilleures destinées. »

L'ouvrage dont nous venons de donner l'analyse et l'extrait, est un de ceux dont la lecture fait aimer l'auteur. Le choix que Mr. Droz a fait de l'amour de soi pour principe de morale, et la manière dont il a développé les conséquences de ce principe, dont il a fait sentir et sa nécessité et l'utilité de l'accomplissement de tous nos devoirs, montrent qu'il est aussi loin de ces moralistes sévères qui ne sauroient faire aimer la belle science dont ils se disent les apôtres, que de ces philosophes indulgens pour eux-mêmes et pour les autres, ou de ces égoïstes exigeans dont les froids calculs se rapportent tous à leur bien-être matériel et qui ne savent voir dans les motifs qui font agir les autres qu'un intérêt plus ou moins bien déguisé.

Si cet ouvrage n'établit aucun nouveau systême de morale, s'il ne présente aucun de ceux qui sont déjà connus, avec des modifications curieuses ou sous une forme nouvelle et originale, il est un excellent guide dans l'étude de la science de la vie, il a le mérite de donner au lecteur une clef méthodique des systêmes qui ont été mis en avant jusqu'à ce jour, et de lui indiquer la place qu'il devra assigner à ceux qui pourront dans la suite s'offrir à son

examen.

HISTOIRE.

TABLEAUX HISTORIQUES DE L'ASIE, depuis la monarchie de Cyrus jusqu'à nos jours, ouvrage dédié à MM. Guillaume et Alexandre DE HUMBOLDT, par J. KLAPROTH; in-4.o avec un atlas in- folio. Paris chez A. Schubart, rue de Choiseul, N.° 4.

(Premier extrait.)

Nous avons, à plusieurs reprises, entretenu nos lecteurs des beaux et utiles travaux de Mr. Klaproth sur l'histoire et les langues de l'Asie. Ce nouvel ouvrage, dans lequel cet estimable savant a déposé les fruits de sa vaste érudition, ne peut qu'ajouter à sa réputation comme orientaliste et comme historien. Les tableaux historiques de l'Asie sont dignes en tout des hommes illustres auxquels ils ont été dédiés.

Le but de l'auteur a été de faire passer sous nos yeux, d'une manière à la fois rapide et claire, la longue série des révolutions de l'Asie, depuis les premières lueurs de l'histoire jusqu'à nos jours. Ce but est fort bien atteint par une suite de cartes qui représentent les limites des divers empires aux principales époques de l'histoire. Ces cartes, dont l'ensemble formera un atlas in-folio, sont accompagnées d'un texte explicatif in-4.°, dont nous avons devant les yeux les quatre premières livraisons. L'intérêt de ce

texte, qui jette un jour tout nouveau sur l'histoire de l'Asie orientale, nous engage à en donner quelques extraits. Mr. Klaproth a écrit son ouvrage en français, en treprise bien délicate pour un étranger; aussi son style n'est-il pas exempt de germanismes et d'incorrections; mais le mérite intrinsèque de son travail fait oublier aisément ce qui peut manquer à la forme.

Les tableaux historiques commencent à l'époque de Cyrus, l'an 530 avant J.-C., et le texte explicatif débute par les anciennes traditions de la Perse d'après le grand poëme épique de Firdoussi, intitulé Chah-nameh ou livre des Rois. L'histoire de la Perse a été placée en tête, parce que ce royaume a' dominé dans l'Asie occidentale depuis le septième siècle avant notre ère. « Nous ignorons, » dit Mr. Klaproth, «quel étoit, dans ces temps reculés, l'état de l'Inde. Les Tubétains n'étoient que des barbares féroces et indépendans, n'ayant aucune espèce de gouvernement, vivant dispersés dans leurs montagnes inaccessibles, et ne présentant point l'ensemble d'une nation. Les nomades Turcs, Mongols et Tongouses, de même que leurs voisins occidentaux, les peuples tudesques et hunniques, se composoient de hordes, në reconnoissant entr'elles aucune supériorité, et errant confusément dans de vastes solitudes.>>

>>Dans une position centrale entre l'Euphrate et l'Indus, se trouvoit l'Irán ou la Perse proprement dite, sur laquelle s'étoient alternativement établies des populations différentes. I paroît que, sous l'empire assyrien, de nombreuses colonies sémitiques avoient passé l'Euphrate pour s'établir dans l'Iran, ce qui est prouvé par l'histoire et par la grande quantité de mots sémitiques qui se trouvent dans les idiômes de la Perse et de la Médie. Ces mots sont très-différens de ceux que les Arabes musulmans y ont introduits plus tard avec la conquête, et leur différence marque

.

clairement les deux mélanges aux deux diverses époques. On est donc fonde à croire que l'ancienne population de fa Perse a été à la fois sémitique et indo-germanique ou japhétique. Sa primitive histoire nous est peu connue, car les Juifs ne nous 'en ont appris que de qui a rapport à eux-mêmes; les Grecs nous en ont dit davantage, mais ils ne s'accordent pas les uns avec les autres; enfin, les livres persans qui, sans nous éclairer complètement, auroient pu nous procurer plus de lumières que des traditions étrangères, furent entièrement détruits par l'ardeur dévastatrice des Mahometans. »

1

Mr. Klaproth donne ensuite un extrait rapide du Chahnameh en passant en revue les dynasties des Pichdadiens et des Kaianiens. Il montre par un calcul ́approximatif de chronologie, , que le Chah-nameh place l'époque du déluge à 4145 ans avant J.-C., c'est-à-dire 427 ans avant l'année fixée par les Septante, 1099 avant celle du texte samaritain, et 1795 avant celle du texte hébreu (1).

Au milieu des récits fabuleux du Chah-nameh, trois faits principaux de l'histoire des Pichdadiens, s'accordent avec. ce que nous apprennent les écrivains grecs. Ces trois faits sont: 1.o l'existence d'un vaste empire, connu, chez les Grecs, sous le nom d'empire assyrien ; 2.o son renversement par celui des Mèdes; 3.o enfin les incursions fréquentes des Scythes venant du Caucase, de l'orient ou de la Mer Caspienne et de l'Oxus.

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La dynastie des Kaianiens qui commence à Kai-k'obál, présente quelques analogies isolées, un peu plus prononcées que les premières, avec les historiens grecs. On remarque

(1) Voyez le morceau sur Les Déluges. Bibl. Univ. Littératé T. XXV, p. 237.

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