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& 16 Février 1695, a enfin été fixée par une derniere Ordonnance du 14 Mai 1745 à 1000 liv. d'amende, à un an de prifon, & à être déclaré incapable de commander à l'avenir aucun bâtiment de mer, le tout fans diftinguer fi la féparation de l'escorte a été fuivie ou non de la prife du navire.

Telle a été auffi la peine infligée au capitaine Corbun, commandant le navire la Sainte Claire, par Sentence de l'Amirauté de la Rochelle, du 21 Avril 1747, confirmée par Arrêt du 19 Juin de la même année.

Ce capitaine avoit abandonné la flotte qui étoit fous l'efcorte de M. Macnemara, & qui avoit relâché à la Corogne. Au lieu d'entrer comme les autres dans ce port, il fit route pour la Rochelle, croyant n'avoir plus à craindre d'être pris, il le fut néanmoins.

Dans fes moyens de défenses, il foutenoit qu'il n'avoit pas eu connoiffance que la flotte eût relâché à la Corogne, & effectivement il n'y avoit pas de quoi le convaincre qu'il l'eût fu pofitivement; mais il avoit réfifté à fon équipage qui le follicitoit de gagner ce port, bien perfuadé que la flotte y avoit

effectivement relâché.

Il étoit donc véritablement dans le cas de fubir la peine prononcée par l'Ordonnance du 14 Mai 1745. Cependant comme au fond, il n'étoit pas fans quelque forte d'excufe, & que d'ailleurs il étoit reconnu pour un capitaine expérimenté; M. l'Amiral voulut bien lui remettre l'amende de 1000 liv. qu'il avoit encourue, fuivant l'ordre de remise du 5 Novembre de la même année; & depuis le Roi a eu la bonté de lui rendre la faculté de commander des navires, en le relevant de l'interdit prononcé contre lui, par des lettres de réhabilitation du 31 Août 1754, entérinées au Parlement en vacations le 9,Septembre fuivant, & enregistrées au greffe de l'Amirauté de la Rochelle le 28 du même mois. Voir pour les convois & escortes, les obfervations fur l'article 5, tit. des loyers des matelots; c'eft le tit. 4 du liv. 3. Cette Ordonnance du 14 Mai 1745 y fera rapportée.

Mais dans les autres cas marqués ci-deffus, la trahison étant manifeste, la peine de mort doit s'enfuivre; non qu'un tel capitaine ou maître de navire doive être comparé comme l'infinue le Commentateur, à un Gouverneur de place qui la livreroit aux ennemis, ce feroit confondre les idées. Si donc il eft puniffable du dernier fupplice, ce n'eft pas précisément comme traître à fon Roi & à l'Etat pour avoir fortifié les ennemis de fa patrie; car de quel fecours peut leur être fon navire ? Mais pour avoir criminellement fait perdre un bien confidérable à ceux qui lui en avoient confié la garde, la direction & la défense; en un mot pour s'être rendu coupable d'un crime d'autant plus énorme, qu'il l'a commis en qualité d'homme public. Le crime fera encore plus grand à la vérité, fi par-là, les gens de fon équipage ont été faits prifonniers de guerre ; mais le corps principal du délit fera toujours d'avoir violé la foi publique en tranfportant frauduleufement à autrui un bien dont il n'étoit que le dépofitaire.

Une preuve au refte que tout crime qui viole la foi publique, par cela feul eft digne de mort; c'eft que cet article prononce la même peine contre le maître qui malicieufement & de deffein prémédité fait échouer ou périr fon vaiffeau, quoique par événement, loin qu'il lui en revienne aucun profit, il perde fes gages en entier avec tous fes effets.

Mais l'article fuppofe qu'il l'ait fait malicieufement, d'où il faut conclure que fi l'échouement a été néceffaire pour fe garantir d'un naufrage abfolu qui paroiffoit inévitable fans cela, comme il eft arrivé en bien des rencontres, il n'y aura rien à imputer alors au capitaine, moyennant toutefois qu'il n'ait pris ce parti que de l'avis des principaux & du plus grand nombre de fon équipage. Et il en fera de même quoiqu'il y ait à bord un pilote côtier ou lamaneur, qui s'oppofe à l'échouement; infrà art. 44, tit. 9 du liv. 4.

Du même principe ci-deffus établi, il s'enfuit encore que ceux qui, trompans tout de même la foi publique, ont eu la fcélérateffe de fuppofer des navires non exiftans, d'y avoir fait en conféquence des chargemens, & enfuite fur de fauffes factures & charte-parties, d'avoir fait faire des affurances fur ces navires & chargemens fuppofés, font également dignes du dernier fupplice. Et c'eft auffi ce qui a été jugé par jugement fouverain rendu par M. de Barentin, Intendant de cette généralité, Commiffaire du Confeil en cette partie, affifté des officiers de l'Amirauté & des Commiffaires par lui nommés le 23 Janvier 1739. Par ce jugement le nommé Briffaud fils, négociant de la ville de Saint-Jean-d'Angély convaincu de cette complication de crimes de faux, fut condamné à mort par contumace.

On a vu encore depuis peu d'années à Bourdeaux des friponneries du même genre, pratiquées contre des affureurs, où des capitaines de navire, de concert avec les prétendus chargeurs, avoient fait périr leurs bâtimens, l'un par naufrage, l'autre par le feu. Dans l'affaire concernant le navire le Vigilant le capitaine, par Arrêt de Bourdeaux, du 19 Octobre 1751, a été condamné à mort, ayant été convaincu d'avoir fait périr fon vaiffeau de deffein prémédité, & d'y avoir fimulé des chargemens.

Au furplus ce n'étoit pas la peine que le Commentateur empruntât des notes fur le guidon art. 23, du ch. 5 & art. 10 du ch. 19, les autorités qu'il a citées fur cet article, pour dire que tout naufrage eft préfumé arrivé par la faute du maître, puifqu'il eft obligé de convenir que fans preuve, il n'y a pas de condamnation à lui faire fubir, ce qu'il faut entendre tant au civil qu'au criminel.

Par l'article 3 des Jugemens d'Oleron, en cas de naufrage, le maître, à la différence des matelots, doit travailler à fauver les effets autant qu'il eft en lui, & les mettre en fûreté ou fauve-garde, fur peine d'en repondreen fon nom mais par notre Ordonnance, dès que les Officiers de l'Amirauté font rendus au lieu du naufrage, le fauvement & la fûreté des effets ne le regardent plus. V. le titre des naufrages.

Il a été parlé ci-deffus d'un navire marchand qui s'eft mis fous l'escorte d'un vaiffeau de guerre, & cela donne occafion de rapporter ici, une décifion intéreffante de l'Ordonnance de la Hanfe Teutonique article 17, fi quelques navires, eft-il dit, dans cet article, font compagnie entre eux, feront obligés de la tenir, & de s'attendre l'un l'autre, à peine de payer tout le dommage que les autres recevront de l'ennemi ou des pirates.

ils

C'eft dit Cleirac, ce qu'on appelle au levant, aller de conferve ou à la flote d'où résulte une obligation réciproque de fe défendre & protéger l'un l'autre pendant le voyage. Cela paroît extrêmement juste.

En conféquence il a été jugé au Parlement de Rennes, par Arrêt du mois

de Novembre 1655, cité par Hevin, qu'en pareil cas la prife de quelques uns des navires, les autres ayant fui, devoit être fupportée par les autres, par contribution.

Dans l'efpece, les capitaines & armateurs de 40 navires de St. Malo, s'étoient affociés pour la pêche de la morue avec promeffe de ne point s'abandonner. Ils furent rencontrés par trois frégates Angloifes: plufieurs chercherent leur falut dans la fuite; d'autres refifterent, & furent fi maltraités qu'ils perdirent l'occafion de la pêche. Les propriétaires de ceux-ci fe pourvurent pour obliger ceux des autres qui avoient fait une heureuse pêche de contribuer à la perte, & l'Arrêt ordonna la contribution.

L'auteur dit que le motif de cette rigueur fut ce femble d'obliger les fujets du Roi à faire les derniers efforts pour foutenir la gloire de ses armes: mais il s'eft trompé. La décifion ne peut avoir eu pour fondement que la convention pour l'affociation avec promeffe de ne point s'abandonner, lequel contrat eft licite & obligatoire ; de maniere même qu'on met au rang des dépenses dont l'indemnité eft dûe, les frais de la guérifon des bleffés. Grotius de jure belli & pacis lib. 2°. cap. 12°. §. 25.

,

De même fi deux ou plufieurs navires s'affocient pour la pêche ou pour en partager également les profits; & que l'un vienne à périr, ceux qui repréfentent les intéreffés audit navire font fondés à demander part dans la pêche des autres de même que dans leurs filets & engins; mais il ne pourront leur faire fupporter la perte du navire. Article 28 des Jugemens d'Oleron; ce qu'il faut entendre fauf ftipulation contraire.

Il a auffi été parlé ci-deffus, de l'Ordonnance de 1689, qui oblige les capitaines des vaiffeaux du Roi de combattre jufqu'à la derniere extrêmité, & qui leur enjoint de fe laiffer forcer l'épée à la main, même brûler, plutôt que de fe rendre. La même Ordonnance liv. 3 tit. premier article 4 leur défend auffi de faluer aucune place maritime ou fortereffe étrangere, qu'ils ne foient affurés que le falut leur fera rendu; difpofition qui fe rapporte à celle de l'article 23 de l'Ordonnance de Philippe II. Roi d'Espagne du mois d'Octobre 1565, donnée à Bruxelles, portant défenfes d'abattre le principal pavillon chargé des armes royales, avec injonction de se défendre jufqu'à fe perdre plutôt.

A ce fujet Loccenius de jure maritimo lib. 3°. cap. 10o. in integrum difcute favamment la queftion, fi un capitaine de navire pourroit en confcience obéir à une loi qui lui ordonneroit de mettre le feu à fon vaiffeau & de périr avec les fiens plutôt que de fe rendre aux ennemis.

Si une queftion de cette nature n'eft pas du reffort d'un jurifconfulte, on eft du moins édifié de lui voir foutenir la négative, avec fermeté. La raifon qu'il en rend eft fans réplique, favoir que la loi divine doit l'emporter fur toute loi humaine; mais quel langage aujourd'hui ? il n'eft point de militaire qui n'adopte la décifion de notre auteur, & il n'en eft peutêtre pas un feul qui ofât alléguer la raifon qu'il en apporte. Servir Dieu & conferver une réputation de bravoure, cela étoit bon autrefois; mais on ne peut fe le perfuader aujourd'hui, malgré l'exemple des Turennes, des Berwik,

&c.

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TITRE II.

DE L'AUMÔNIER.

L y a des dangers fur la terre comme fur la mer; mais fur terre les fecours fpirituels font prefque toujours à portée; & c'est toute autre chofe fur mer par rapport aux vaiffeaux où il n'y a pas d'aumônier.

Il est vrai, comme l'obferve Loccenius de jure maritimo, lib, 2o. cap. 1o. no. 5, que la providence ne manque pas aux navigateurs & qu'à ce fujet le navire eft appellé benedictum lignum au ch. 14 de la fageffe, verfet 7; mais leur vie trop ordinairement licentieuse, les empêche de faire des réflexions falutaires, fur les périls qui les environnent, & par conféquent n'est pas propre à attirer fur eux les bénédictions du Seigneur.

A mesure que l'efprit de la religion s'affoiblit, pour faire place à une indifférence qui tient de la ftupidité fur le fort de l'autre vie, il eft beau de voir ce pieux jurifconfulte rappeller aux gens de mer la vérité de la réfurrection des corps & les exhorter à régler leurs moeurs de maniere à pouvoir raifonnablement mettre leur confiance en Dieu.

Etiam fi verò, dit-il, fiat esca pifcium corpus, nihilo-minus æquè particeps erit refurrectionis mortuorum & cæleftis gloria in chrifto fervatore decendens, atque alterius corpus in terrâ putrefcens, vermiumque cibus, de quo divina teftimonia omni exceptione majora habemus. Servat omnia offa ejus, unum ex illis non frangitur. Pfalm. 34. V. 21 & apocal. 20. V. 13 reddidit mare mortuos quos habebat. Belle leçon pour nos matérialistes.

Au même n°. 5, pag. 123, il dit encore, non eft dubitandum, quin fi navigationem recte inftituentes, fe deo commendent, deus illos tanquam in viá fuá ambulantes, fervaturus fit.. aut fi illis in mari pereundum fit feria delictorum pœnitudine ducti & chrifti merito nixi, deo animas fuas commendent; atque fic in vocatione fuâ beatè decedent, &c.

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Un autre auteur Julius Ferretus de re navali lib. 4°. n. 20. fol. 49, verfo, exhorte en conféquence ceux qui s'embarquent, après avoir oui la Meffe du Saint Efprit, à adreffer à Jefus-Chrift la priere fuivante, à genoux avec un cœur pur & une foi vive. Juffifti Domine Jefu Chrifte, difcipulos tuos afcendere naviculam, & præcedere te transfretum : & tu domine afcendifti naviculam & transfretafti mare & pervenifti in civitatem tuam. Ita digneris

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&

hanc claffem tuam falvam fore & tutam, ut navem difcipulorum tuorum petrum deambulantem in aquá fervafti. Et placatus dominus, ajoute-t'il, fuccurret bona menti humilium precantium, & firmiter credentium, quorum preces exaudie & non contemnit Deus; & fides fervat fideles rectè credentes, cujus meritum eft credere id quod non videtur, & feparat fides, fideles ab infidelibus, &c.

On trouve auffi à la fuite de la table des chapitres de la traduction du confulat édition de 1577, l'oraifon pour les navigateurs en ces termes: Deus qui tranftulifti patres noftros per mare rubrum; & tranfvexifti per aquam, nimiam laudem tui nominis decantantes, te fuppliciter deprecamur ut in navi famulos tuos repulfis adverfitatibus, portu femper optabili, curfuque tranquillo tuearis: per Dominum noftrum Jefum Chriftum Filium tuum qui tecum vivit & regnat in fæcula faculorum, amen.

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Et à la fin de cette compilation de loix maritimes, cette priere à St. JeanBaptifte, ô Benoît, St. Jean-Baptifte, veuille garder tous & chacuns les » mariniers & autres gens qui vont fur mer, les veuille garder de défortune, » & prier Dieu les veuille préserver, amen. » Heureufe fimplicité de nos peres qu'ête vous devenue!

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C'eft auffi à deffein de rappeller les navigateurs à des fentimens de religion & de leur faire faire des retours fur eux-mêmes, que l'Eglife a introduit dès les premiers temps, la cérémonie fainte de bénir les navires, & qu'en se conformant à fes intentions Louis XIV, Prince auffi grand par fa piété que par fes vertus héroiques, après avoir ordonné qu'il y auroit à l'avenir un aumônier fur chacun de fes vaiffeaux, impofa de même l'obligation à tous les armateurs de navires deftinés pour des voyages de long cours, d'avoir un aumônier fur chacun de leurs navires comme il réfulte de l'article qui fuit.

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ARTICLE

PREMI E R.

ANS les navires qui feront des voyages de long cours, y aura un prêtre approuvé de fon Evêque Diocéfain, de fon fupérieur (s'il est religieux) pour fervir d'aumônier.

D

il

ou

UN

N aumônier auroit affurément fon utilité fur un vaiffeau faifant fimplement le cabotage; mais comme cette forte de navigation eft ordinairement affez courte; que d'ailleurs en cas de maladie dangereufe de quelqu'un de l'équipage; il eft aifé de le mettre à terre pour lui du foulageprocurer ment, & que c'eft par cette raifon que dans la navigation au cabotage on eft difpenfé de prendre un chirurgien, infrà article premier tit. 6; il n'eft pas étonnant que l'obligation d'avoir un aumônier comme un chirurgien, ne regarde que les voyages de long cours.

Ces voyages au long cours font fpécifiés & déterminés dans le titre des affurances ci-après article 59. Depuis cette Ordonnance, il en eft intervenu quelques autres, dont les unes ont reftreint, & d'autres ont étendu la difpofition du préfent article.

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